Les yeux mi clos, Anya laissait les rayons du soleil automnal réchauffer doucement son visage tendu vers le ciel. Adossée contre le mur de la cour de Poudlard, elle entendait autour d'elle gronder le brouhaha des élèves, et laissait ses pensées divaguer. Elle se préparait mentalement à la prochaine heure de cours, tentant coûte que coûte de calmer les battements erratiques dans sa poitrine. Les Défenses contre les forces du mal était devenue paradoxalement la matière qu'elle redoutait et languissait le plus.
La première fois qu'elle avait recroisé les yeux azur du Professeur au décours d'un couloir elle s'en était détourné avec férocité. Des flash des évènements de ce soir là après la bibliothèque lui revinrent en mémoire, crus et indécents, scellés à jamais dans sa chair. Elle avait blêmi, honteuse et lascive à la fois, et s'était empressé de s'éloigner d'un pas décidé. Ce ne fut rien comparé à quand ils se retrouvèrent tous les dans eux à nouveau dans la même pièce. L'électricité était si palpable qu'elle lui torpilla le ventre et fit battre ses tempes douloureusement. Elle passa une bonne partie de l'heure de cours les yeux rivés vers le plancher, bien décidée à l'ignorer. De toute façon le bourdonnement de ses tympans et le poids qui semblait envahir sa poitrine dès qu'il s'approchait d'elle dans sa déambulation entre les pupitres ne lui laissaient guère le loisir de prêter attention au cours. Seule persistait sa voix grave, rocailleuse et lointaine, noyée dans le flot chaotique de ses propres pensées. Puis, la fin de l'heure approchant, celles ci s'étaient peu à peu dissipées, et son esprit finit par se laisser distraire par le discours du Pr Shelby, et comme tout autre élève, elle tendit l'oreille.
Les cours suivants furent plus faciles à suivre. Il était de ces professeurs captivants qu'aucun élève n'ose interrompre, encore moins tenir tête. Les perturbateurs se voyaient mouchés d'une répartie acérée, et les autres expérimentèrent ce qu'elle-même avait déjà découvert auparavant : il était friand des interrogations surprise.
Ainsi avait-il pris l'habitude d'en faire régulièrement, et Anya était dans son viseur avec régularité. Les premières fois, elle avait balbutié à nouveau, décontenancée, ce qui provoqua quelques ricanement et des soupirs las de ses camarades; mais lui, resta imperturbable, sans l'interrompre. Après ce qui sembla être sa centième prise de parole, elle bégayait déjà moins. A vrai dire, elle connaissait par cœur chaque manuel du programme, mais était toujours paralysée dès que l'attention se rivait sur elle. On lui avait si souvent répété qu'elle n'avait pas sa place parmi les apprentis sorciers, qu'elle avait fini inconsciemment par le croire. Même si elle sentait en elle son appétence pour la magie grandir chaque jour, elle savait qu'on lui considérerait toujours un talent moindre que les Sang Pur, et qu'elle aurait toujours à se battre pour prouver le contraire. Alors que les Sang purs étaient nés avec l'intime conviction de leur suprématie, elle avait tout découvert un beau jour lors qu'une lettre s'était glissée entre ses volets. Un univers inconnu s'était ouvert à elle, et elle peinait encore à y naviguer et y trouver sa place. La seule chose qu'elle savait, c'est qu'une affinité pour la magie coulait dans ses veines, et que malgré ses réponses hésitantes, ce qui lui avait paru initialement un interrogatoire sous la torture devint un exercice de plus en plus plaisant.
Il avait pris l'habitude de croiser les bras et s'asseoir contre son bureau quand l'heure des questions étaient venue. Quelques autres victimes passaient sous son crible irascible, et elle retenait sa respiration, attendant son tour. Quand il arrivait, elle se levait et tentait d'oublier le regard glacial qui la disséquait, concentrée de tout son être dans le seul but de ne pas se ridiculiser encore. Tandis qu'elle se débattait avec son fil de paroles, il la laissait poursuivre, scrutateur, muré dans son mutisme attentif. Il ne commentait jamais sa réponse, et se contentait souvent, après une pause, de poursuivre son cours, suivant le fil de sa réponse. Elle se rasseyait, le cœur battant la chamade, les mains moites, le visage empourpré, un doux sentiment de soulagement l'enveloppant.
A peine un mois s'étaient écoulé, et maintenant elle attendait cette heure de cours comme un doux supplice.
Cette connivence était singulière, assez pour que cela éveille quelques animosités de la part de Lauren. Celle ci répétait qu'elle ne comprenait pas pourquoi il ne l'interrogeait pas plus souvent elle, qui avait une main systématiquement levée et une diction parfaite. Cho était moins prétentieuse, et ne se risquait à l'exercice uniquement quand sa réponse était parfaitement formulée et exacte. Mais il n'y avait pas que les élèves Serdaigles qui voulaient impressionner le Pr Shelby. Tout Poudlard n'avait d'yeux que pour le nouveau professeur dont la beauté arrogante n'avait d'égale que la maîtrise de l'art de la guerre.
Il était certain que les cours du Professeur révélaient son approche très personnelle de la magie. Il répétait souvent que pour remporter une confrontation, elle ne se devait pas toujours être menée de front. Il exposait alors tout un tas de stratagème en amont pour affaiblir son adversaire -bête ou humanoïde- et rendre plus certaine l'issue de celle ci. C'était des apartés tumultueux, des anecdotes belliqueuses, des histoire de chasse impressionnantes, qu'il racontait d'un ton grave, intense et las à la fois. Ses monologues étaient d'autant plus frappants que sa jeunesse et sa nonchalance détonnait avec son expertise qui semblait celle d'un sorcier centenaire ou d'un auror aguerri.
Mais Thomas Shelby était loin de l'enseignant modèle, et il mettait un point d'honneur à provoquer l'agacement de ses collègues par sa flegme et son insolence. On avait rapporté un jour qu'il avait allumé une cigarette en pleine classe, ce qui en avait stupéfait plus d'un. La rumeur avait fait le tour de la cour, si bien qu'à l'heure suivante, alertée par Rusard, la Pr Mc Gonnagall avait pénétré dans la salle de classe, furieuse. Mais la poignée à peine effleurée, la cigarette disparut des lèvres du Professeur, tout comme la fumée et son odeur âcre. Le sortilège fut si déroutant qu'il provoqua des exclamations et pouffements surpris des témoins adolescents, tandis que Mc Gonnagall s'excusa de son interruption en fronçant des sourcils, et repartit bredouille. La seconde où la porte se referma derrière elle, la cigarette réapparu sur la bouche du sorcier, qu'un demi sourire satisfait déformait. Le numéro fut répété un nombre incalculable de fois, consolidant la réputation du Pr auprès des élèves, que cet affront rendait d'autant plus sympathique.
La popularité de Thomas Shelby ne semblait jamais s'arrêter d'accroître.
Anya avait été spectatrice de cette évolution fulgurante, au premières loges, usant de toutes ses forces pour ne pas se laisser happer par le fantasme qu'il incarnait tous les jours un peu plus. Car derrière la fascination qu'il suscitait, un instinct en elle hurlait de s'en éloigner. Un instinct éveillé par les quelques instants de perte de contrôle où il avait montré une toute autre facette, celle d'un homme colérique et irascible. Elle avait était témoin d'un de ces épisodes et en gardait un souvenir cinglant. Il avait suffit qu'un élève pousse le vice et la provocation trop loin pour que le regard du professeur devienne agressif, meurtrier -presque cruel.
Sa mâchoire se serra imperceptiblement, menaçante, ses phalanges semblèrent plus saillantes, sur le point de craquer, et le ton de sa voix infiniment plus acéré. Il s'était levé de toute sa stature, imposant et effrayant, dans une attitude de pouvoir indiscutable et absolu. Tout son être transpirait la violence, et elle le perçu si vivement qu'elle en eut le souffle coupé. Elle en fut immédiatement intimement persuadée : il était un homme habitué à la brutalité, à la domination et à l'obéissance; et se rôle tyrannique était son habit quotidien. Elle frémit à cette image, terrifiée, mais alors que tout en lui à ce moment là aurait dû être déplaisant, elle sentit un désir sourd éclore en elle. Il était comme un prédateur imposant capable d'abattre toute personne qui n'entrave le bon déroulement de ses plans ; et elle avait levé vers lui des yeux de proie subjuguée.
Une chaleur vive et pénétrante avait parcouru son échine et la fit frémir. Son esprit chaotique papillonna, et elle se sentit glisser dans une rêverie luxurieuse et interdite. Elle se ressaisit, horrifiée et embarrassée à la fois, soulagée que la cloche de la fin de l'heure vint écourter rapidement le cours.
Anya soupira, chassant avec fermeté cet évènement de sa mémoire. Tout s'était passé si vite et en quelques semaines, ce mystérieux personnage avait pris une place si importante dans l'école et dans son esprit que c'était comme s'il avait toujours été là. Comme si la sorcellerie ne pouvait être racontée par une autre voix, et que l'intensité de ses iris azur ne pourraient jamais se dissocier de l'attirance qu'elle éprouvait pour la magie.
Elle essaya d'assagir ses pensées, se concentrant sur la fraîcheur de la pierre sous son dos, sur la bise qui mordait son visage. Elle se préparait mentalement au désir qu'elle savait maintenant refouler au plus profond de son estomac, à l'interrogation surprise qui sans doute ponctuerait la fin du cours, et au regard peu amène que Lauren lui lancerait à la prochaine recrée.
Le répit ensoleillé fut de courte durée, la cloche retentit, sortant Anya de ses rêveries. Elle attrapa son sac où étaient amoncelés une demie douzaine de cahiers, et se leva, prête à affronter une heure de tension anxieuse et langoureuse. Prête à affronter le prédateur caché sous des airs de précepteur.
Comme à chaque fois qu'il sentait sa présence passer le pas de la porte, Thomas retint son souffle, son attention aiguisée. Elle avait un petit pas indolent et rapide, et toujours le même trajet pour atteindre le premier rang, toujours le même rituel d'installation. Dans le coin de son champ de vision, il la vit quitter sa veste, la faisant glisser le long de ses minces épaules, et la poser sur le dossier de sa chaise. Elle sortait toujours sa plume et encrier puis une feuille de parchemin qui sentait la poussière et le parfum, mais elle n'écrivait jamais. Elle croisait sagement ses jambes et posait son menton sur sa main, accoudée, le buste imperceptiblement penchée vers l'avant. La même attitude que le premier jour, le même regard attentif et rêveur à la fois, et toujours ces mêmes satanées réponses qui fusaient dans sa tête, emplissant la pièce.
Il les avait haï, puis essayé de les ignorer, et enfin s'était contraint à les écouter. Sa voix diaphane omniprésente tout au long de son cours donnait un certain rythme à son propre discours. Elle était devenue si habituelle qu'il calquait ses tirade à ces interventions artificielles. Malgré elle, elle était deveue un fil conducteur qu'il empruntait toujours, d'abord par la force des choses, puis par habitude. Ils créaient un duo dont lui seul percevait le synchronisme -à moins qu'elle ne le perçoive aussi ? Il n'arrivait pas à saisir si elle avait une capacité similaire à la sienne, ou une prédisposition toute autre dont elle n'était même pas consciente.
Incapable de percer le mystère de cette voix ubiquiste, il tentait d'en comprendre les limites. De là était né le rituel singulier des interrogatoires en fin de cours, et le hasard faisant bien les choses elle était souvent sélectionnée, lui laissant le loisir de la détailler sans être indiscret.
C'était évident qu'elle avait ni l'habitude ni l'aisance de s'exprimer à l'oral, mais il la laissait se ressaisir, construire sa réponse et dérouler sa réflexion jusqu'au bout, feignant la patience. Sauf que ni le fond ni la forme de sa réponse lui importait, c'était elle et tout ce qui s'en dégageait qui accaparait toute son attention.
Sa chevelure brune aux reflets ambrés qui glissait le long de son échine, son buste menu perdu dans sa chemise ample, les quelques boutons qui couvraient sagement sa petite poitrine, les plis de tissus qui s'engouffrait dans sa jupe plissée qui la cintrait à la taille, la courbure de ses reins, la couleur dorée et halée de ses cuisses ; et ses yeux, ses deux immenses yeux ourlés de cils noirs et épais, la petitesse de son nez, la douceur de ses pommettes, ses lèvres gercées et rosies qui se mouvaient doucement, timidement, sou cou tendu, altier, où il pouvait voir pulser le sang de ses carotides dans un rythme effrénée.
Il connaissait maintenant son aspect physique par cœur, tant il l'avait scrutée pour chercher une faille, un indice. Elle faisait sans aucune doute partie d'une des femmes -si ce petit bout être pouvait être désigné comme tel- les plus belles qu'il avait rencontré. Sans pour autant être irrésistible, l'ensemble formait un tableau saisissant et tout à fait exquis aux yeux de n'importe quel homme. Il l'avait disséqué maintes fois, mais rien ne lui permettait de résoudre le mystère qui régnait dans son petit crâne.
Parfois la question était trop difficile, trop tordue, trop précise. Dès lors, il la sentait paniquer, et l'émotion en elle prenait le dessus. Il attendait ce moment avec excitation et curiosité, ce subtil instant où la voix de fillette jusque là résonnant comme un écho dans l'esprit de Thomas s'étéignait, assourdie dans ses tympans, de plus en plus imperceptible, remplacée par une chaleur et un fourmillement indescriptible. Il sentait monter la panique, la frustration et la peur le long de ses doigts, membres, par vagues, ouragan de plus en plus incontrôlable, qu'il lui donnait le vertige. Il crispait un peu plus ses muscles, prêt à encaisser la marée, ancré dans la pièce de tout son corps, la confrontant des yeux avec ardeur, absorbant tout ce tumulte qu'elle lui offrait sans ciller. Le cœur de Thomas s'accélérait pour se calquer à celui d'Anya et une vive douleur perçait son ventre de part en part. C'était grisant, effrayant, indéfinissable. Il avait oublié le goût de la peur depuis si longtemps, avait enterré sa capacité à se sentir humilié ou effrayé au plus profond de son être pour être l'homme qu'il était aujourd'hui, alors les ressentir aussi vivement et intensément à nouveau -et savoir de façon concomitante que c'était lui qui les provoquait- était enivrant et cruellement délectable à la fois.
Oh Anya, pardonne moi, mais laisse moi te tourmenter encore...
Elle finissait toujours par se ressaisir s'il lui laissait assez de temps, et l'émotion se fondait, glissait comme une vague qui se retire après s'être brisée de toutes ses forces. Elle lui pardonnait toujours, car elle lui répondait toujours, obéissante et docile, d'une pugnacité qu'il ne lui aurait jamais soupçonné. Et quand elle eut finit, il se décrispait, s'ébrouant de sa transe, se mouvant à nouveau et reprenant le fil du cours là où elle l'avait laissé.
Un duo, un tango tacite. Une danse en résonance.
Mais aujourd'hui, alors qu'elle s'était déjà installée et le dardait de ses yeux noisettes, autre chose occupait son esprit. Bien plus importante que tout béguin immature, aussi envoûtant et fantasmagorique qu'il soit. Il avait une idée, un plan, un objectif, aussi audacieux soit il, Tommy était confiant en sa capacité à y parvenir et il mettrait tout en œuvre pour l'accomplir.
Il avait médité toute la nuit dans sa chambre, enveloppé dans l'odeur douceâtre de la cigarette et de l'alcool, l'esprit en fourmillement. Les rouages de son cerveau huilés par le whisky, il avait entrevu un triomphe de plus, un pas encore vers la souveraineté absolue des Peaky Blinders. Thomas avait à peine dormi quelques heures, préoccupé et fébrile, et l'aube peignait déjà de son halo les murs de Poudlard quand il sut que sa décision était prise : Anya serait l'instrument idéal pour arriver à ses fins.
L'heure s'était presque entièrement écoulée quand Anya, qui contemplait l'enseignant serpentard dans sa déambulation, sa cigarette ensorcelée au bec, constata qu'il n'y aurait pas d'interrogations cette fois. Quand le Professeur eut regardé une dernière fois sa montre a gousset et indiqué la fin du cours à l'assemblé, elle sentit pointe de déception au fond de sa poitrine. Se serait elle habituée à sa dose d'adrénaline hebdomadaire ? A l'apaisement doucereux qui la succédait ? Ou au privilège d'avoir ce regard céruléen impénétrable quelques minutes braqués sur elle ?
Elle rassemblait déjà ses affaires quand elle perçut quelqu'un s'approcher de son pupitre :
« Mlle Nolein, venez quelques instant à mon bureau » lui intima une voix rauque presque dans un murmure, « j'ai à discuter avec vous. »
Elle leva les yeux, surprise, croisant ceux du Professeur qui la toisait de toute sa hauteur. Elle figea ses gestes, interdite, puis hocha la tête en un acquiescement prudent. Sans un mot de plus, il tourna les talons et alla s'installer derrière son bureau en quelques enjambées.
La salle s'était déjà vidée quand elle eut finit de remettre sa veste, et elle jeta une œillade au Professeur. Attablé à son bureau il semblait affairé et ne lui adressa aucun regard. Elle s'avança d'un pas retenu et feutré vers lui, gravit l'unique marche de l'estrade et s'interrompit devant le bureau massif. D'un geste vague le Pr Shelby indiqua une chaise non loin, qu'Anya tira avant de s'installer en face de lui. Elle pencha ma tête et redressa son buste dans une désinvolture feinte, mais ses sens étaient tous aux aguets. Son interlocuteur semblait trop absorbé dans la lecture de ses papiers pour lui prêter attention sur-le-champ.
Le bureau était certes large, mais peu profond, elle put alors le détailler de plus près.
Elle connaissait sa stature dans les moindre détails, son cou fier, enceint d'une chemise parfaitement ajustée qui laissait deviner des épaules massives et un torse musclé raidi par la fatigue. Mais elle découvrit pour la première fois le grain de sa peau, les rides discrètes de son front concentré, ses pattes d'oies qui trahissaient d'anciens sourires, ses lourdes paupières avalant des pupilles brillantes qui se secouaient frénétiquement au rythme de sa lecture. Ses cils étaient aussi longs que ceux d'une nymphe, et ses lèvre aussi pleines que celles d'un adolescent, mais rien ne pouvait éroder la virilité ostensible de sa mâchoire ciselée et du reste de son visage.
« Bien. » dit il après s'être raclé la gorge, en levant vers elle son regard glacial et croisant ses mains devant lui.
« Mlle Nolein, si je vous convoque aujourd'hui en fin de cours c'est pour vous faire une proposition qu'on ne vous fera sans doute qu'une fois au cours de votre courte vie. »
Thomas, dans son langage abrupt, savait aisément capter l'attention de quiconque et il sentit distinctement la jeune femme se raidir, piquée au vif. Il détourna le regard avec lenteur en soupirant, se délectant intérieurement de curiosité appréhensive de la jeune fille. Il glissa sa main dans la poche de sa veste et en sortit une cigarette. Il la roula deux fois sur sa lèvre inférieure avant de la placer entre ses lèvres et l'allumer négligemment.
« Voyez vous, » poursuivit il après avoir inspiré une volute de fumée, « il existe dans chaque école de magie, un concours très confidentiel, qui ne vient aux oreilles que d'un nombre restreint d'élèves. C'est le Concours d'Excellence, organisé chaque année par le directeur dans le plus grand des secrets et qui permet de sélectionner le meilleur élève de l'école. »
Il l'observa du coin de l'œil, la sentent glisser d'une émotion à une autre. Son visage qu'elle voulait garder calme ne put cacher sa surprise.
Pourquoi me raconte t il ça ?
Thomas pouvait déjà sentir le picotements de incompréhension et de la crainte émerger du fond du crâne de la jeune fille. Il se tut, le regard dans le vague, comme distrait, étirant sciemment la pause de son discours. Puis prenant une inspiration il reprit, ne la regardant toujours pas.
« Celui ci reçoit une récompense : toute d'abord une prime mais aussi une rencontre exceptionnelle avec le Ministre de la magie lui même. Vous imaginez sans doute que cette entrevue ouvre des portes vers une carrière prometteuse dans le monde de la magie, et les débouchés sont innombrables.. »
Thomas perçut l'agitation de la jeune serdaigle, comme si son cœur battant à la chamade était ancré dans sa propre cage thoracique. Le petit corps raidi sur la chaise, frustré par le regard fuyant de son interlocuteur, elle le regardait anxieuse et interloquée, tandis que l'adrénaline commençait douloureusement à pulser dans ses veines. Le serpentard frémit imperceptiblement.
Il se racla la gorge, prit une bouffée de sa cigarette et poursuivit.
« Chaque professeur de chaque matière se doit de sélectionner son élève, dont il sera le tuteur et le coach pour le concours. Ici, le sang, la maison, la renommée n'a aucune importance. Seule compte la compétence pure de l'élève. »
C'est ce moment qu'il choisit pour planter ses yeux à nouveau sur elle dans un regard qui la perça de part en part.
« J'ai la prétention de croire que vous, Mademoiselle Noleïn, seriez la candidate idéale. Vos connaissances en Défense contre les forces du mal ne sont plus à prouver, et il m'a été rapporté que vos compétences dans les autres matières sont tout aussi redoutables. »
Elle s'était figée, le souffle coupée et ses yeux d'ambre sombre étaient immenses.
Moi qui peine déjà à formuler une phrase correctement...?!
« Je vous choisi pour être mon élève. Je ferai de vous une lauréate, sans l'ombre d'un doute. » trancha t il, et sa voix gutturale résonna dans la pièce comme une promesse.
La louange de Thomas avait provoqué exactement l'effet escompté. Il senti un gouffre se creuser dans le ventre de la jeune fille, déstabilisée. Ses yeux bruns brillèrent vivement, et sous la stupéfaction son visage s'empourpra.
Comment ? Moi ? Il n'est pas sérieux ..?!
Ses pulsations déjà rapides s'accélérèrent encore. Un sourire à peine contenu se dessina sur ses lèvres rosées.
Se peut il ... Se peut il qu'il soit sincère ...?! Pourrais je participer à ce concours ..?
De la gratitude mêlée à de l'émerveillement envahissait à présent toute la pièce. Bingo.
Thomas Shelby savait pertinemment qu'Anya Noleïn ne serait jamais en mesure refuser son offre. Au delà de la flatterie habile dont il avait usé, il était conscient de l'aval qu'il avait sur elle. Il y avait certes l'admiration pour l'enseignant qu'il était, mais il sentait aussi autre chose chez elle, de bien plus sombre et inavouable. Encore plus étourdissant que la peur et l'attirance qu'il l'avait vu maintes fois éclore au fond de son crâne d'adolescente.
Cette émotion fiévreuse et insondable avait commencé cette nuit là, après leur première rencontre.
Il l'avait sentie, il ne sut vraiment l'expliquer comment, ramper le long des pierres froides de la bâtisse et venir jusqu'à dans ses draps. Un sourd désir et plaisir mélangé, lointain mais pénétrant, frénétique et inconsolable, qui lui avait tordu le ventre. Il s'était levé, secoué par une chaleur inexplicable, impérieuse, de plus en plus imposante. Puis quand le vertige qui l'avait saisi fut à son paroxysme et qu'il crut s'effondrer, tout avait brusquement cessé. Il était resté debout, les yeux hagards fixés aux murs, haletant et exsangue. Il n'avait pas compris cette nuit là l'origine cet étrange phénomène, mais par la suite, quand elle lui avait fait face, il sut immédiatement que la frêle jeune fille, d'une façon ou d'une autre l'avait provoqué. Cette convoitise brûlante il n'eut aucun mal à la percevoir à nouveau, assourdie et tamisée, mais bien présente derrière ce regard noisette qu'elle dardait sur lui avec innocence.
Il avait passé maintes nuits depuis à la contempler et à la chasser à la fois.
Rien ne m'empêche d'user de ton désir à mes propres fins, ma jolie..
Mais à ce moment même, tandis qu'il se congratulait déjà de sa victoire, il sentit soudain son coeur manquer un battement. Derrière le regard brûlant qu'elle rivait sur lui à cet instant, ce visage de nymphe qui s'était adouci soudain, il n'y avait plus aucune retenue. Thomas sentit son corps entier s'enrober de la tendre supplication. Il retint son souffle, baigné d'une chaleur pénétrante. Il crispa durement sa mâchoire sous la surprise. Il n'y avait plus rien de l'innocente reconnaissance qui se tenait auparavant devant lui, mais l'air était emprunt d'une effluve capiteuse et enivrante.
Un long frémissement parcouru son échine, tandis qu'il sentit son excitation incontrôlable tendre les plis de son costume. Devant lui, Anya ne pensait plus, elle rêvait, le contemplant d'un air absorbé, envoûté, magnétique ; et son rêve était si palpable qu'il en eut le vertige. Il sentit presque distinctement un effleurement, d'abord le long de son cou, si brûlant qu'il se raidit. Il la perçut si distinctement, comme si ses lèvres s'étaient matérialisé sur sa peau, puis ce fut sa bouche qui s'emplit tout entière, d'une étreinte chaude et parfumée. Thomas sentit son pouls s'accélérer, rejoignant celui d'Anya, ses sens s'éveiller tandis qu'il savourait malgré lui ce baiser imaginaire. Ses pupilles se dilatèrent, tous ses sens emplis de la présence étourdissante de la jeune élève. Il ressentit le désir vif, impérieux de parcourir les quelques centimètre qui les séparait pour l'arracher de cet ébat factice, l'écraser contre le bureau, agripper sa brune chevelure, dévorer chaque pore de sa peau hâlée, la cajoler ses doigts...
Il ferma les yeux, secoua la tête promptement, étourdi.
« Mademoiselle Noleïn ! » gronda-t-il, d'une voix enrouée qui se brisa.
Elle battit des cils, frémit. Le brouillard se désépaissit rapidement, sans crier gare comme il était apparu. Elle baissa les yeux, à nouveau étudiante hésitante et timide. Il se racla la gorge, passa rapidement son pouce sur ses lèvres avant d'y enfourner sa cigarette, prenant une inspiration à plein poumon comme pour effacer la sensation sourde qui chatouillait sa gorge. Il expira et déglutit.
« Acceptez vous mon offre ? » l'interrogea-t-il gravement.
Elle releva les yeux. Ils étaient doux à nouveau, innocents, emplit d'espoir. Sans l'ombre d'une hésitation elle hocha la tête.
J'espère en être digne, murmura-t-elle au creux de son oreille.
Il se redressa, ajusta sa veste d'un geste précis, reprenant pleinement ses esprits. Sa cigarette toujours en bouche, il poursuivit.
« Hum, eh bien dans ce cas, pour me montrer pleinement vos capacités, veuillez préparer un exposé sur le chapitre de votre choix pour la prochaine séance. »
Elle hocha encore la tête, le visage à présent d'un calme limpide, sérieux et pensif.
Sur quoi je vais bien pouvoir faire..?
« Et ne soyez pas surprise, j'ai fait la proposition à un autre élève, mais mon choix préférentiel se porte sur vous. » Il se pencha vers elle insensiblement « Ne me décevez pas, hein ? »
L'odeur légère et féminine d'Anya picota ses narines. Celle ci esquissa un sourire, ses lèvres pleines se plissant timidement.
« Oui, Professeur Shelby. » murmura t elle.
« Bien » dit il en s'appuyant à nouveau contre le dossier de son siège « Vous pouvez disposer. »
Elle se leva rapidement, attrapant son cartable au vol, et sortit d'un pas gracile.
Quand sa présence fut assez loin pour qu'il ne perçoive plus rien d'elle, il passe ses doigts sur ses lèvres. Non, elles n'étaient pas humides comme elles auraient du l'être après un tel baiser, mais l'empreinte était chaude, et gravée profondément dans sa chair. Il inspira, et sentit s'emplir sa gorge d'un goût doux et fruité. Fermant lentement les yeux, put enfin mettre le doigt sur la senteur qui emplissait encore la pièce.
Groseille et lilas.
Voilà, c'est mon cadeau de Noël, un chapitre tout frais, tout beau, sans doute plein d'erreur, mais écrit avec le coeur !
En vous souhaitant de bonnes fêtes,
PS : la bise à ceux qui ont compris la référence à The Witcher ;)
