Chapitre 23 – La mission
Mikasa était encore assoupie lorsqu'elle sentit une caresse dans sa nuque. Le Caporal effleurait sa peau du bout des doigts.
- Mikasa ?
- Hmm ?...
- Il faut que j'm'en aille.
La brune se retourna et plongea ses yeux ébènes encore plein de sommeil dans ceux de son supérieur.
- Et depuis quand vous me réveillez quand vous quittez la chambre, Caporal ?
- C'est différent.
Il était hésitant, il ne savait comment allait réagir sa protégée, mais il se doutait que la nouvelle ne serait pas accueillie avec joie. Il avait repoussé la conversation, encore et encore, mais il ne le pouvait plus à présent. Il se leva et inspira un bon coup avant de continuer :
- On m'a affecté une mission spéciale, je pars pour plusieurs jours. En fait, je sais pas quand je vais rentrer.
A ces mots, la jeune femme bondit hors des bras de Morphée, les yeux écarquillés tant par la surprise que par la peur.
- QUOI ?! Non ! hurla-t-elle en saisissant le soldat par l'avant-bras. Depuis quand tu le sais ? C'est quoi cette mission ? Tu vas me laisser là ?!
- Je suis désolé, je...
Elle entra dans une sorte de transe, ses yeux ne fixaient plus rien ni personne et elle tiraient sur ses pauvres doigts frénétiquement.
- Non, non, non, tu ne peux pas me faire ça, tu ne pas me laisser seule !
- Mikasa, prononça-t-il en usant de toute la compassion qu'il avait en lui pour se faire le plus rassurant possible, je suis seul à partir donc tes amis, les autres soldats, Hansi, ... ils seront tous là. Tu ne sera pas seule, les autres te...
- Mais j'en ai rien à foutre des autres !
Le Caporal-chef Livaï eu un léger de mouvement de recul face à la force de cet éclat de rage. En un geste aussi brusque qu'inattendu, la jeune femme étendit son bras et saisit fermement son supérieur par la chemise.
- Si tu t'éloignes encore d'un orteil de moi, petit homme, je te tue de mes mains c'est clair ?
Elle n'avait pas relevé la tête, mais il était inutile de voir l'expression de son visage tant son intonation avait été froide. Cela fit courir un frisson le long de la colonne vertébral du soldat le plus fort de l'Ile de Paradis.
- Assieds-toi.
Livaï obéit, de peur que la soldate ne mette à exécution ses menaces. Celle-ci releva légèrement le menton et l'homme fut frapper par toute la haine du monde contenue dans son regard, mais pas seulement... Maintenant qu'il avait apprit à mieux la connaître, il fut à même de remarquer autre chose : sa peur, primaire, infinie, incontrôlable. C'était la même qui l'habitait quand elle se réveillait de ses cauchemars après le départ de son frère titan. Cela lui glaça le sang.
- Fais-toi remplacer, ordonna-t-elle.
- Je n'peux pas, je dois y aller.
La respiration de la jeune femme s'accéléra, elle était soudain prise d'une panique viscérale.
Sa main tenait toujours la chemise de l'homme et resserra sa prise sur celle-ci, comme pour s'assurer qu'il ne pouvait lui échapper.
- Tout ira bien, je n'en ai que pour quelques jours.
Il posa sa main sur celle de Mikasa, il ne savait que faire de plus pour la convaincre. La profonde détresse de la jeune femme le peinait sincèrement, mais le mettait également très mal à l'aise car, bien qu'il commençait à se familiariser avec l'idée que la jeune femme éprouvait de l'affection envers lui, il n'était pas habitué à gérer les effusions de sentiments, encore moins à son égard.
La brune redressa son dos et releva lentement la tête, son regard se posant sur le ventre puis les pectoraux musclés du soldat. Puis, elle se leva et entraina Livaï avec elle. Elle finit par planter ses yeux sombres et tristes dans les siens. Elle relâcha enfin le le vêtement du pauvre homme perplexe et vint saisir sa nuque rasée de la main droite, sa main gauche ayant saisi sa hanche.
En même temps que son ascendance, elle avait murmuré :
- Reste, je t'en prie, je ne le supporterait pas.
Sans une seule marque d'hésitation, guidée uniquement par un besoin instinctif émanant du plus profond de ses entrailles, la jeune femme plaqua ses lèvres fines sur celle de son Caporal-chef. Celui-ci fut d'abord surpris, puis, sans vraiment s'en apercevoir, il lui rendit son baiser. Il semblait que la jeune femme mettait toute sa force dans son étreinte, comme si elle avait le pouvoir de le faire rester ici par le biais de ce baiser. Le temps était suspendu. Le soldat ne sentait plus que ses mains. Ne sentait plus que ses lèvres. Ne sentait plus que son souffle sur sa peau. Il ne put empêcher un petit gémissement de plaisir de s'échapper de sa gorge, comme si finalement ce baiser était tout ce que son corps désirait depuis si longtemps.
Lorsque leurs lèvres se séparèrent, Livaï colla son front à celui de sa cadette pour lui souffler quelques mots d'espoir :
- Je reviendrai. Je reviens toujours.
Il déposa un dernier baiser sur le front de la jeune femme, puis il se retourna promptement et sortit de la pièce sans marquer de pause, de peur que la vue de sa belle désespérée ne le fasse changer d'avis.
Il marchait d'un pas vif vers l'écurie, son cœur ne se remettait pas de ce qu'il venait de se passer.
Pourquoi maintenant, Ackerman ? Pourquoi tu m'fais ça ?!
Le soldat avait certes connu bien des aventures avec bien des femmes par le passé, mais jamais rien de tel. Ses échanges avec la gente féminine avaient toujours été purement physiques, un moyen d'assouvir des besoins charnels. Il ne s'était jamais intéressé au relationnel, et de toutes façons, ses rares partenaires qui avaient souhaité faire plus ample connaissance avec lui avaient bien vite fuit face son attitude exécrable. Non, jamais il n'avait éprouvé un quelconque sentiment comme celui qui grandissait en lui en ce moment.
Il ne savait quoi faire, mais il savait cependant qu'il n'avait pas le temps de penser à cela maintenant. Il devait partir en mission de repérage après qu'un éclaireur ait rapporté une possible apparition de Eren Jäger sur le territoire. Hansi et lui n'y croyaient guère, mais il était important d'aller vérifier car le jeune soldat titan avait disparu depuis bien trop longtemps et il était primordial de remettre la main sur lui. Par conséquent, si c'était bel et bien le jeune Jäger qui avait été aperçu, Livaï avait reçu l'ordre de le ramener au Quartier général par n'importe quel moyen. Et après les ravages psychologiques que la disparition de l'homme-titan avait fait subir à Mikasa, le Caporal n'avait qu'une seule envie : lui démolir le portrait. Après tout, tout ce qu'il endommagera se guérira grâce au pouvoir de titan de Jäger, alors pourquoi se retenir ?
Une fois sa crise d'angoisse apaisée, Mikasa se glissa vers la salle de bain afin de se rafraichir. Après s'être humidifié le visage, elle prit soin de bien essuyer toutes les gouttelettes d'eau sur le pourtour du lavabo,et une petite voix très semblable à celle d'un certain misanthrope la remercia en son for intérieur.
Par la suite, déterminée, elle se dirigea d'un pas lourd vers le bureau de la Major du bataillon. Sans même prendre la peine de frapper au préalable, elle ouvrit la porte avec tellement de force que celle-ci claqua violemment contre le mur, faisant sursauter de frayeur la scientifique.
- Mika...
- Pourquoi ?! l'interrompit-elle sur un ton glacial.
- Mikasa, assis-toi s'il te plait.
- Pourquoi?!
La Major leva les yeux au ciel, comprenant que la soldate n'avait que faire de sa demande et sa diplomatie. Elle suivit son propre conseil et s'assit derrière son bureau en se pinçant l'arrête du nez, sentant bien que la discussion allait vite lui donner la migraine.
- Qu'est-ce qui te met dans cet état, ma chère ?
- Ne faites pas l'innocente, vous savez très bien de quoi je parle ! Livaï !
- « Livaï », hein ? Je l'ai envoyé en mission, et alors ?
- C'est quoi cette mission ? Est-ce que c'est dangereux ? Quand est-ce qu'il revient ?
La jeune soldate était de nouveau submergée par ses émotions et ses peurs. Son regard mêlait haine et angoisse.
- Calme-toi, voyons. Il n'y a aucune raison de s'inquiéter, ce n'est pas une mission périlleuse.
- Alors pourquoi le choisir lui spécifiquement? Hurla-t-elle en cognant du poing sur le bureau. Et seul en plus ! Pourquoi je ne peux pas l'accompagner ? Et ne faite pas comme si vous ne compreniez rien, je sais que vous soupçonnez quelque chose. Vous en savez même probablement plus que nous ! La haut gradée soupira devant le spectacle du désespoir de la jeune femme.
- Parce qu'il me fallait son talent et son... état d'âme. Mais tout ira bien, tu verras.
La soldate planta un regard perçant dans ceux de sa supérieure, qui eut un léger mouvement de recul. D'une voix soudainement très calme et caverneuse, la jeune femme s'exprima en détachant chaque mot afin de s'assurer que son interlocutrice n'en perde aucun :
- Avec tout le respect que je vous dois Major, je l'espère pour vous, car si Livaï ne revient pas, vous le regretterez.
La mâchoire de la Major tomba sous le choc. Elle cru un instant percevoir un grognement provenant du fond de la gorge de la soldate. La jeune femme fronça légèrement les sourcils pour appuyer sa menace, puis quitta la pièce sans attendre de réponse.
