Best day of my life – Tom Odell

Eo – Black Hill

When the darkness comes - Colbie Caillat

I don't like myself – GIRLI

Movement III – Robot Koch

Hypocrite - Annika Rose

Afraid - The Neigbourhood

Her & the Sea – CLANN

Cool kids (our version) - Echosmith

I think today is the best day of my life
Fuck thinking about the future all the time
If I'm alone, I'm alone, and I don't mind


Pékin, 27 avril 2030, 02h04 heures de Pékin

Albus adorait le Quidditch. Certainement pas autant que ses parents, ou même que James et Lily. Ou même Nilam, qui était toujours intenable lorsque son équipe préférée, les Amazones de Rio, jouait un match… En fait, à tout bien réfléchir, il n'en savait rien : la passion ne se mesurait pas vraiment et Albus prenait toujours beaucoup de plaisir à jouer.

Il adorait ce sport parce qu'il adorait voler. Il avait été batteur dans l'équipe des Poufsouffle, avec Scorpius et la sensation d'être affranchi de toute gravité, du vent dans ses cheveux créée par son seul élan, l'équilibre et la vue, le jeu, la complicité avec son meilleur-ami… Ça lui manquait. Ce qui lui manquait encore plus, étaient les têtes de Rose et Nilam les rares fois où Poufsouffle avait battu Serdaigle…

Cela faisait un moment qu'Albus Potter n'avait pas volé avec ses amis. La dernière fois remontait peut-être à au moins six mois, lorsqu'ils étaient tous réunis au Terrier. James n'avait même pas joué et lui non plus d'ailleurs. Il avait préféré rester près de son frère qui semblait très préoccupé et un James préoccupé… ça donnait jamais rien de bon.

Il se promit, durant sa longue chute dans le noir, de revoler et de jouer au Quidditch avec ses amis dès qu'il sortirait d'ici.

Parce qu'il sortirait d'ici. C'était une évidence.

Lorsqu'il sentit sa chute ralentir, Albus rouvrit les yeux. Il se rendit rapidement compte que c'était une erreur en apercevant un point de lumière au-dessus de sa tête, qui ne cessait de rétrécir : la bouche du gouffre.

Il tomba doucement sur le sol mais il tomba seul.

Il lança un lumos. Un autre point lumineux mais au fond du gouffre, à ses pieds, pour compenser celui au-dessus de lui, qui s'était éteint, s'alluma sur le bout de sa baguette.

Puis il appela ses amis.

Il s'arrêta en les voyant tous réunis, derrière lui, en train de rire et de voler sur leurs balais. James et Citlali en train de se disputer le Souaffle et quelques baisers, Nilam ordonnant à Rose de mieux défendre leurs buts, Scorpius, amusé mais aidant Allénore à tenir maladroitement sur son balai, Hugo et Lily, espiègles mais sur le point de se rentrer dedans à force d'être si distraits par leurs propres rires, Louis trop occupé à observer les gnomes du jardin qu'à faire attention à sa petite-amie sur le point de lui foncer dessus malgré l'aide de Scorpius, Teddy et Victoire, avec leurs enfants et leurs sourires, Dominique avec sa nouvelle coupe de cheveux longs et roses, Molly avec sa copine exhibant leurs tatouages fleuris et colorés, Fred avec son air calme et malin, Roxane, désabusée par la vie comme elle l'avait toujours été, même enfant, Lucy, qui préparait un mauvais coup et avait des miettes de cookies sur sa robe verte, ses parents aussi, fiers et heureux, ses oncles et ses tantes, le réconfort, et des personnes qui n'auraient jamais dû être ici.

James et Lily Potter. Remus Lupin. Nymphadora Tonks. Fred Weasley.

Des noms et des visages qu'Albus avait entendu et vu toutes sa vie, comme on entendait et voyait des fantômes. Car c'était ainsi, qu'on parlait des morts.

Albus étudiait les morts. Il n'en avait pas peur. Mais ceux là…

Ils hantaient sa vie avant même qu'il ne soit né.

Ces fantômes ci… Ils étaient son passé et ils étaient des personnes dont il avait fait le deuil, en même temps que sa famille, les adultes, ses parents, qui les avaient connu.

Albus aurait mille questions à leur poser.

Il aurait mille conversations à rattraper.

Mille baisers et embrassades à faire.

Mais il resta paralysé alors qu'ils jouaient ou regardaient tous la plus belle et merveilleuse partie de Quidditch qu'Albus verra jamais de toute sa vie.

OOO

– Il serait maintenant temps que tu fasses ce que je te demande et que tu arrêtes tes enfantillages.

Scorpius n'y comprenait rien.

– Tu restes un Malefoy, Scorpius ! Je sais que ce nom est compliqué à porter et jusqu'ici, tu t'en es admirablement bien sorti…

Drago Malefoy n'avait pas été un mauvais père. Scorpius n'aurait jamais dit ça… En revanche, il était loin d'être parfait et par souci de mal faire, Drago Malefoy avait choisi une stratégie d'éducation relativement peu satisfaisante, à savoir, justement, ne rien faire et ne rien dire. Lorsque Scorpius avait été réparti à Poufsouffle, Drago Malefoy n'avait rien dit. Lorsque son fils lui avait appris être ami avec Albus Potter, Rose Weasley et une née-moldue, il n'avait rien dit non plus. Le même mutisme l'avait habité quand Scorpius avait annoncé à son père vouloir devenir briseur de sorts. Il en avait été de même le jour où il lui avait confié être amoureux de Rose.

Drago Malefoy avait toujours dit à Scorpius que ce qui comptait le plus pour lui, était son bonheur. C'était pour ça, qu'il avait toujours simplement souri à son fils pour toutes ces fois, sans jamais lui dire « bien, Scorpius », « je suis fier de toi », « je pense que tu prends la bonne décision ». Mais Scorpius n'avait jamais su si son père approuvait vraiment ses choix de vies, et savait au fond de son coeur, que ce n'était pas le cas.

Le père avait laissé le fils naviguer dans des eaux qu'il avait auparavant troublé par ses actions passées. Il savait que Scorpius avait eu à faire face à des camarades de classe peu sympathiques, qu'il avait dû apprendre à se défendre, à encaisser les insultes, les moqueries, les jugements, pour un héritage qu'il n'avait choisi.

Scorpius avait agi au mieux. Drago avait été ravi de son amitié avec un Potter et une Weasley, conscient que cela serait bien vu par la presse et l'opinion publique. Oui, il n'avait pensé qu'à ça… et au fait que ces noms protégeraient son fils. Lorsqu'il avait timidement avoué être également ami avec une née-moldue, il avait pensé qu'après toutes ces années, il allait enfin pouvoir montrer à travers son fils qu'il avait changé.

Ses positions politiques étaient très conservatrices, certes. Il avait cependant revu ses idées et désormais, était profondément convaincu que les nés-moldus méritaient une éducation sorcière au même titre que les Sang-purs et qu'ils pouvaient être aussi doués que ces-derniers. Sous la violence du régime du Seigneur des Ténèbres, les tortures qu'il avait vu être infligées à des personnes qu'il avait connu durant sa scolarité, l'avait profondément marquées.

Parfois, la nuit, il rêvait du visage dément de sa tante Bellatrix, la bouche pleine du sang de Hermione Granger, qu'elle avait mutilé à vie.

Drago Malefoy pensait toujours que les vrais sorciers, les sang-purs, avaient des intérêts bien divergeants des nés-moldus et des sang-mêlé. Ils ne connaissaient pas vraiment la vie, la vraie vie des sorciers, cette peur d'être découvert par les moldus, le poids du secret magique, les enjeux, l'Histoire des sorciers, ses chapitres sombres où ils avait été traqués et tués, brûlés vifs, ceux où ils avaient été manipulés pour servir … Les sorciers s'étaient isolés des moldus pour s'en protéger et Drago était convaincu que cela était toujours nécessaire. Pour lui, il était normal que les vingt-huit grandes familles sorcières de Grande-Bretagne aient toutes un siège d'office au Magemagot car elles seules, étaient témoins des histoires du passé, elles seules avaient conscience de toutes les problématiques et de tous les enjeux, de tous les risques qu'ils prenaient chaque fois qu'un moldu était dans la confidence du secret magique.

– Scorpius ! Je te parle là ! Réponds-moi ! exigea fermement Drago Malefoy.

– Siéger au Magenmagot ne m'intéresse pas. Tu sais très bien ce que Rose pense de tout ça ! s'écria Scorpius.

– Je me fiche bien de ce que Rose Weasley pense de tout ça. Ces deux sièges, Scorpius, ils relèvent de ton héritage. Tu ne peux pas…

Drago Malefoy se pinça l'arrête du nez en s'appuyant sur son bureau en chêne. Scorpius avait toujours adoré ce bureau… Un meuble massif, qui mangeait la bonne moitié de la pièce, pourtant bien grande et spacieuse. Petit, il attendait que son père parte travailler pour s'installer sur l'immense chaise qui y trônait, et il l'imitait en train de signer des papiers.

– Écoutes… Il est temps pour moi de me retirer de la vie politique.

– Bien. Voilà qui ravira maman, grommela Scorpius.

– Le siège des Malefoy te revient donc et étant donné que tu es le premier et le seul héritier mâle des Greengrass, en vertu des lois, leur siège te revient également.

– Je n'en veux pas, articula lentement Scorpius en défiant son père du regard. Je n'ai reçu aucune instruction, politique ou juridique et pour cause, ces domaines m'intéressent autant qu'un fond de chaudron rouillé ! Et Emmalee et sa sœur sont plus Greengrass que je ne le serai jamais ! Elles sont juste nées après moi !

– Je n'avais aucune instruction non plus, le jour où j'ai pris le siège de mon père.

– Parce qu'il a été envoyé à Azkaban, siffla presque méchamment Scorpius.

Drago mordit l'intérieur de sa joue. Il n'avait jamais haussé le ton avec fils. Il n'en avait jamais eu vraiment besoin ; Scorpius avait toujours été un enfant facile et un adolescent peu compliqué à déchiffrer. Il y avait eu quelques provocations et impertinences de sa part, mais jamais si implicites.

– Je sais que notre histoire te fait honte. Je sais que tu as souffert d'être le fils d'un…

Après toutes ces années, Drago ne parvenait toujours pas à prononcer ce mot.

– D'un Mangemort.

– Ne prononce pas ce mot.

– Un Mangemort. Tu es un Mangemort.

– Étais, pâlit le père.

– On ne cesse jamais d'en être un. Tu portes encore la marque. Tu n'as pas le droit de quitter la Grande-Bretagne. Les gens murmurent encore sur ton passage. Ils se souviennent de tes mauvais choix et de ta lâcheté. Tu as peut-être réussi à tenir face à eux, à garder ces putains de sièges au Magenmagot, mais moi, je ne jouerai pas à ce petit jeu … Je ne m'amuserai pas à redorer l'image familiale ou à lui redonner une certaine noblesse passée dont tu es mélancolique.

Scorpius avait déjà eu cette conversation avec son père.

– Je suis pour une assemblée totalement et complètement élue.

Il savait qu'en disant cela, il s'opposait frontalement à son père qui avait longuement débattu pour la position inverse, prétextant qu'il était dangereux et inconscient de retirer leurs sièges aux vingt-huit sacrés.

– Pourquoi voudrais me confier un siège dont tu es certain que je ferai tout pour le faire sauter ? s'énerva finalement Scorpius. Tu ferais mieux d'en confier au moins un à Emmalee, parce qu'elle, pense un plus comme toi que moi.

– Mais Emmalee est…

– Une femme. Alors oui, ta loi ne l'aime pas et ne lui accorde pas de droit au siège par le sang car, manque de chance pour elle, je suis là … Mais elle a besoin d'être changée ta stupide loi. Je ne volerai pas le siège des Greengrass alors que je ne veux même pas de celui des Malefoy.

– Pour quelqu'un d'aussi peu éduqué en matière de politique, tu as des idées bien arrêtées.

Scorpius se tut.

– J'y ai bien réfléchi et peut-être…, hésita-t-il.

Il repensa à sa conversation avec Rose. Était-il prétentieux de penser qu'il pourrait peut-être changer les choses de l'intérieur ? Rose manifestait, Allénore négociait, Albus recherchait… Et lui dans tout ça ? Lui, qui avait les mêmes idées qu'eux, eux qui se battaient avec des pancartes, avec des mots ou avec une plume et un parchemin, lui… Lui, que faisait-il ? Rien, parce qu'il n'avait jamais su comment s'y prendre.

Le nom des Malefoy était maudit et mal-aimé.

Mais son nom, son héritage indésiré était peut-être son arme à lui… Sa position, en tant que Sang-Pur respecté dans certains cercles, lui permettrait d'apporter sa pierre à l'édifice, aussi petite soit elle. Il pourrait voter des lois en faveur des personnes comme Allénore, participer à créer un système plus juste et équitable, pour que tout le monde puisse s'exprimer, qu'importe l'origine ou le statut du sang.

Son père continuerait-il à souhaiter son bonheur si ce qui rendait Scorpius heureux entrait profondément en contradiction avec ses intérêts ?

Il n'en savait rien et cette peur n'avait fait que grandir, alimentant les doutes et plusieurs hésitations.

Malgré tout, Scorpius aimait son père

– Tu ne m'écoutes pas, Scorpius ! pesta son père.

– Si, si… Je t'écoute, marmonna-t-il.

Il se souvenait de cette discussion.

– Sièger au Magenmagot est un privilège ! tonna Drago Malefoy.

– Je… Je n'ai pas encore dit le contraire.

Pourtant, il se souvenait l'avoir fait. Pas aujourd'hui, pas lors de cette dispute… enfin si, précisément lors de cette dispute, mais pas aujourd'hui.

Scorpius arrêta de bouger et de parler.

Drago Malefoy, dans son bureau, continuait de s'agiter dans tous les sens.

« Je ne peux pas croire que tu sois resté la même ordure qu'à 17 ans ». Scorpius avait dit ça. Il avait ensuite ajouté que siéger au Magenmagot était effectivement un privilège, mais un privilège de sang, un privilège immonde, et non un privilège d'honneur ou de droit. C'était un privilège immérité qui donnait le pouvoir de prendre des décisions à des gens qui ne représentaient même pas l'ensemble de la communauté sorcière.

– Tu insultes tes ancêtres ! hurla Drago alors que son fils était resté silencieux.

« Et si c'étaient eux, qui m'avaient insulté ? » avait rétorqué Scorpius.

– Comment oses-tu !

Scorpius avait vu le dossier qu'avait constitué son père contre Allénore, dans le but de la faire emprisonner avant que son blanchiment ne soit décidée par le tribunal ad hoc.

« Emmalee peut au moins prendre le siège des Greengrass » !

– Ta cousine n'est pas la première héritière sur la liste !

« Mais si je refuse ce siège, il lui reviendra ? ».

– Tu ne peux pas abdiquer !

Scorpius ne disait rien, mais ses paroles flottaient dans les airs comme des murmures, des mots qu'il pensait et qui prenaient vie sans qu'il ne les prononce.

« Tu as voulu… Tu as voulu faire condamner Allénore ! ».

– Elle est dangereuse ! Elle a peut-être aidé le Ministère de la magie, mais ses idées sont loin d'être…

« Allénore veut l'égalité, elle veut la paix et une chance pour chacun de vivre une vie digne et heureuse ».

– Elle milite pour que le Magenmagot soit dissout ! Sans parler de Rose qui a fait la une de la Gazette …

« Ne parle même pas de Rose ! Elle manifestait au Chemin de Traverse et la police magique l'a injustement arrêtée ! ».

– C'est une honte !

– PAPA !

Scorpius avait crié si fort qu'il en avait sursauté, surpris par la propre force de sa voix. Dans son souvenir, il était parti à ce moment précis, en claquant la porte.

– Il serait maintenant temps que tu fasses ce que je te demande et que tu arrêtes tes enfantillages.

Scorpius n'y comprenait rien.

– Tu restes un Malefoy, Scorpius ! Je sais que ce nom est compliqué à porter et jusqu'ici, tu t'en es admirablement bien sorti…

Et la dispute recommença.

Drago Malefoy se parlait tout seul.

Scorpius n'y comprenait vraiment rien…

OOO

Le premier réflexe de Louis, lorsqu'il ouvrit les yeux fut de faire un examen mental de son corps en descendant progressivement de son torse à ses jambes. Il sentait ses bras, ses mains, ses dix doigts. Il pouvait les bouger. Il sentait ses poumons se remplir d'air, son ventre contre le sol dur et tiède, ses deux jambes fermement plantées dans ce qu'il pensait être de l'herbe, ses genoux qui avaient pris deux angles étranges, ses pieds encore chaussées, et ses orteils engourdis. Il prit une grande inspiration et toussa, sentant la poussière et l'odeur du feu s'engouffrer dans ses narines. Il toussa encore un peu, et ouvrit les yeux avant de bien vite les refermer. L'air était piquant et agressif. Une larme roula du coin de son œil jusqu'au bout de son nez.

Il décida de se lever et rouvrit courageusement les yeux.

Son deuxième réflexe, fut de chercher Allénore.

Il fallait qu'il la trouve absolument et rapidement.

Elle devait bien être quelque part…

Il appela son prénom, sans avoir de réponse, sans même se soucier de l'endroit dans lequel il se trouvait.

S'il avait pris le temps d'analyser le terrain, il se serrait rendu compte que ce qui tombait du ciel depuis tout à l'heure, n'était pas une pluie chaude, mais des cendres. Il aurait remarqué sa propre silhouette dessinée sur le sol calciné. Il aurait repéré les ruines, les cadavres et les ossements tout autour de lui. Il aurait vu cette grande bâtisse, étrange et laide dont seules les fenêtres tenaient encore, miraculeusement suspendues dans les airs, en lévitation, malgré les murs qui avaient fondu. Il aurait reconnu cette porte, cette grande porte en fer que personne n'avait pu ouvrir la dernière fois qu'elle s'était fermée.

Le feudeymon brûlait encore un peu au milieu des ruines.

Lorsque ses yeux se posèrent sur elles, Louis resta inerte et appela le prénom d'Allénore encore plus fort.

Personne ne lui répondit.

Il n'aurait pas dû atterrir ici.

Cet endroit… Il aurait souhaité ne plus jamais le revoir.

Le quartier général des Autres.

La zone avait été scellée par les aurors, jugée trop dangereuse.

Il s'approcha tout de même et s'arrêta plusieurs fois.

Où allait-il exactement ?

Il poursuivit son chemin, sa baguette à la main, prêt à se défendre.

Sur la pelouse grise se trouvaient les reste d'une main en train de pourir. On pouvait encore compter les dix doigts. Il y avait des papiers, des cadavres de bouteilles, des cailloux, des morceaux de baguettes, une fiole de potion, et de la fumée épaisse et grise.

Tous ces objets perçaient la terre et étaient remontés…

L'endroit avait pourtant était scellé par plusieurs charmes et enchantement. Les Aurors britanniques s'étaient assurés que le quartier général des Autres ne serait jamais visité. Ils revenaient de temps en temps, avec des briseurs de sorts, pour récupérer des objets magiques, des cadavres à restituer aux familles et des baguettes… La zone était maudite. Han s'en était assuré, si bien que la noirceur des ruines étreignaient tous les cœurs.

Comment Louis pouvait-il s'y trouver ?

Il se pinça.

Il ne rêvait pas.

Ce champ de ruine, ce champ de bataille était un lieu qu'il n'avait revu que dans ses cauchemars.

Il savait qu'Allénore y était retournée une fois, une unique fois seulement, pour montrer à Béa Dawn, l'endroit où son fils, Ed Richards, était mort.

Louis n'aurait jamais été capable d'y retourner, pas même pour elle. Alors… il devait forcément être en train de dormir.

Un jour, Allénore l'avait réveillé parce qu'il faisait un cauchemar. Il s'était réveillé couvert de sueur, les longs cheveux de la brune au-dessus de lui et sa voix apaisante qui lui répétait que tout allait bien et qu'il était en sécurité.

Louis voyait Lola mourir. Il voyait sa peau fondre. Ses yeux fondre. Il entendait ses gémissements. Il entendait les pleurs de ses amis. Dans ses cauchemars, il revivait cette scène en boucle. Et elle était si réelle, que c'était comme s'il la revivait encore et encore… Dans ces moments, il n'y avait qu'Allénore pour le calmer. Tommy n'était jamais là. Alza était repartie en mission et n'avait pas le temps. Lev n'était pas disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il se réfugiait dans les bras d'Allénore, alors. Jamais par dépit. Jamais parce qu'il n'y avait personne d'autre. Toujours parce qu'avec elle, il se sentait comme dans un havre de paix, à l'abri de tous les dangers.

Allénore avait dit un jour, après l'un des cauchemars de Louis, qu'on ne pouvait pas lire dans les rêves. La fonction du langage était moins active et même si on pouvait éventuellement voir des suites de mots, il était quasiment impossible de les lire, et encore moins d'en déchiffrer le sens. Allénore avait glissé des papiers dans les poches de ses pantalons de pyjama. Des morceaux de parchemins, des « je t'aime », des « rendors-toi, Louis », des « regarde les étoiles », « j'ai hâte de te retrouver », « je préfère tes bras à tous les autres », des promesses coquines et audacieuses qui le faisaient rougir parfois, des mots qu'il emportait avec lui lorsqu'ils étaient séparés et qu'il n'avait personne pour se sortir de ses cauchemars. Allénore lui avait dit de fouiller ses poches chaque fois qu'il serait réveillé. Elle lui avait dit de garder ce réflexe et de les lire avant de dormir, pour être sûr d'être dans la réalité, et de le lire en se réveillant, pour être certain d'être dans le bon monde. Celui du réel et des vivants.

Louis fouilla ses poches. Il ne trouva aucun papier et cela l'alerta.

Il chercha des inscriptions, sans succès tout autour de lui. Le paysage était brûlé et désert. Il se contorsionna pour finalement jeter son dévolu sur l'étiquette de son haut, qui était en fait à Allénore, sans parvenir à la trouver. Il l'enleva finalement pour y déchiffrer sans difficulté :

« MILD MACHINE WASH 30°C

DO NOT BLEACH

DRYING FLAT

IRON UP TO 110°C

DO NOT DRY CLEAN »

Il était désormais persuadé qu'il n'avait jamais respecté aucune de ces règles. Et qu'il n'était pas en train de rêver.

Il se trouvait bien ici.

Probablement loin de la Chine, loin de la fosse et loin de ses amis.

Il y avait mille fantômes ici et il était hors de question qu'il reste ici une seconde de plus.

La magizoologiste frôla la poignée de la porte.

Il se souvenait des pleurs d'Allénore, d'Ed Richards qui avait souhaité entraîner sa propre fille dans sa chute et la tuer avec lui, des hurlements de Jia Li. Il se souvenait s'être obligé de regarder Allénore jusqu'à ce qu'il pensait être la toute fin, pour toujours garder en tête son visage et ses yeux. Pour ne pas l'oublier. Jamais.

Elle était l'amour de sa vie et il était celui de la sienne.

Il se souvenait avoir cru qu'elle mourrait ici et qu'il mourrait avec elle ou pour elle. Il se rappelait Jia Li, qui s'était finalement sacrifiée et la douleur … L'immense douleur de voir un autre être cher partir à cause de cette guerre.

Il ouvrit la porte.

Il se demanda si c'était la première fois que quelqu'un en passait le seuil depuis qu'elle s'était refermée sur le bras de Jia Li Wu. Il se demanda comment cette porte pouvait tenir, alors qu'elle n'était plus encastrée dans aucun mur. Un bout de la corne d'éruptif qu'Alza avait planté était toujours là.

Il avança prudemment lorsqu'une ombre se mit à grandir. Il jura entendre un feulement, des pas légers derrière lui. Il se retourna. Il n'y avait rien.

Il brandit sa baguette devant lui et continua de fouiller.

Les Autres étaient des personnes intelligentes et elles avaient toujours eu mille et une astuces pour se cacher, se dissimuler de leurs adversaires et les fuir.

Louis, en tombant dans ce puis dans fin, avait dû rencontrer dans sa chute un passage secret qui avait autrefois relié le Dragon Rieur au quartier général des Autres. Il admira le ciel. Le toit n'existait plus. Il n'y avait que des fenêtres, parfaitement alignées, enchantées et invulnérables à toute magie, qu'Allénore avait ensorcelé avec Han Derrick en personne, pour faire du quartier général des Autres une vraie prison.

On devinait à peine les pièces. Le feudeymon avait tout avalé, tout brûlé, tout détruit. On ne reconnaissait pas les lieux.

Un frisson le parcourut. Il sentit au niveau de ses chevilles, un chatouillement, comme la caresse d'une plume. Il entendit un ronronnement. Il se pencha et baissa les yeux : rien.

Peut-être que tout ceci était une illusion… Peut-être qu'il s'agissait d'une épreuve de la fosse et qu'il était en train d'échouer, de mourir sans s'en rendre compte…

Puis il vit un miroir, seul vestige qui avait été entièrement épargné par les flammes dont la chaleur résidait encore en ces lieux.

On aurait dit que le feu venait à peine de s'éteindre à certains endroits. La fumée était encore présente, grisâtre et l'odeur du brûlé imprégnait toujours ses narines. Ce lieu était une horreur.

Il fronça les sourcils. Dans le grand miroir encore debout, il n'y avait aucun reflet.

Il posa sa main sur la surface brûlante de l'objet, qui se mit à onduler. Avant d'être aspiré dans le vide, il vit ce qui ressemblait à un petit chat noir bondir à sa suite et le sentit s'agripper à la peau de son dos.

Il grimaça de douleur, sentant des griffes se planter profondément dans sa peau. Il atterrit sur un sol tout aussi poussiéreux que le précédent, mais le noir le happa.

Cette fois-ci, il était bien dans la fosse et il distinguait les corps inanimés de son cousin, de sa cousine, de Scorpius, Nilam et d'Allénore.

Il reprit ses esprits et fut parcouru d'un frisson.

Il avait froid.

Pourquoi par Merlin n'avait-il pas pris le temps de renfiler son putain de haut ?

Si jamais un jour il revoyait Allénore, elle allait lui grogner dessus d'avoir encore perdu l'un de ses t-shirts…

OOO

Rose avait un poids dans la poitrine. Un poids qui n'avait fait que grandir depuis deux années. Tout avait commencé avec la disparition d'Allénore Rameaux, sa meilleure-amie et sœur d'âme. Mais même avant ça, la communauté sorcière s'était engagée sur une pente dangereuse. La disparition de Nilam Wallergan, le terrorisme des Autres, la colère des nés-moldus des loups-garous, des vampires, des hybrides, celle des moldus qui étaient dans la confidence du secret … Tout s'était accéléré.

Un jour Ed Richards avait eu ce qu'il voulait. Il avait pris Londres d'assaut, avait renversé le Ministère de la Magie et instauré une nouvelle ère.

Les moldus étaient tous au courant pour le secret magique, qui n'en était désormais plus un et la chasse aux sorciers avait commencé.

On avait détesté Rose parce qu'elle était une sorcière… Elle qui ne l'avait pas choisi.

On avait accusé ceux qui pratiquaient la magie d'être à l'origine de tous les maux. Les guerres moldues. Le dérèglement climatique. L'inflation.

Ed Richards avait témoigné avec ses tripes, racontant comme il avait été traité dans son enfance : les tortures de sa famille capable de le plonger dans des douleurs et des illusions si puissantes qu'il avait souhaité mourir.

Le leader des Autres avait joué la mélodie de la peur et elle avait trouvé une résonance dans tous les coeurs des habitants de Grande-Bretagne.

Lorsque le MACUSA avait tenté d'intervenir, il était déjà trop tard : ce qui était arrivé en Grande-Bretagne avait dépassé les frontières insulaires.

La mère de Rose avait été jugée pour traîtrise et corruption. Hermione Weasley-Granger avait reçu le sort funeste d'un ultime baiser froid et mortel d'un détraqueur, alors qu'elle avait aboli cette peine. Sa mort avait été le premier symbole de la victoire des Autres. On avait forcé Rose à tout regarder et elle avait tenu son petit frère dans ses bras jusqu'au dernier moment. Son père, lui, s'était effondré sur le sol dégoûtant de la prison. Personne n'avait pu le relever. Ni Harry, en larmes, ni Ginny, horrifiée… personne. Rose savait que son père était un peu mort en même temps que sa mère ce jour-là.

Ed Richards avait ordonné que tous les sorciers soient auditionnés et à ce qu'on leur retire leurs baguettes. Ceux qui avaient refusé de passer les auditions ou de rendre leurs baguettes avaient tout d'abord été marqués magiquement par des bracelets forgés par les gobelins eux-mêmes. On leur avait retiré le droit d'aller et venir dans le monde moldu. On les avait parqué dans des quartiers bien précis, délimités par des barrières magiques. Puis on les avait surveillé. On les avait jugé dès qu'ils commettaient le moindre impair aux nouvelles règles. Puis était venu le temps où même les sorciers qui s'étaient déclarés et avaient passé les auditions, avaient été marqués à leur tour, surveillés et emprisonnés au même titre que leurs semblables.

Évidemment, son oncle Harry et son père, avec plusieurs autres sorciers, avaient créée un mouvement de résistance clandestin. Rose l'avait rejoint immédiatement, avec Nilam et Albus. Il avait fallu cacher Scorpius. Un Malefoy. Un Sang-Pur, un symbole qui représentait tout ce qu'Ed Richard dénonçait. Ils avaient d'abord tenté de le faire sortir de Grande-Bretagne par portoloin. Ils avaient failli se faire prendre ce jour-là et Scorpius s'était pris un mauvais maléfice d'un Autre, qui l'avait rendu définitivement aveugle d'un œil. Son oncle Bill l'avait recueilli un temps. Mais Scorpius était parti, refusant de mettre Rose et sa famille plus en danger. Rose ne l'avait pas vu depuis un an et lorsqu'elle se rappelait leurs baisers, de ces moments où elle était avec lui, cela lui donnait un peu de courage mais surtout, de l'espoir. Un puissant et violent espoir de le revoir un jour et de bâtir la vie qu'ils s'étaient promise.

Les moldus avaient commencé les rafles de sorciers qui avaient refusé de se déclarer six mois auparavant. James avait refusé de se faire marquer et avait publiquement tenu bon, prenant la parole chaque fois qu'on l' y avait invité. Citlali Tucker l'avait soutenu. Puis un jour, alors qu'Albus était venu visiter son frère et sa compagne, il avait retrouvé leur appartement en désordre, la porte et les fenêtres grandes ouvertes. Sur le parquet, dans une marre de sang, il y avaient quatre morceaux de deux baguettes différentes. Celle de James et celle de Citlali. Ils avaient été arrêtés puis déportés on ne sait où. Harry en était devenu fou. Il s'était fait capturer par les gobelins. Il était encore en détention d'après les rumeurs.

Rose savait qu'elle ne reverrait plus jamais James. Ou Citlali. Ou Harry.

Ou Roxane qui avait été capturée et exposée comme une bête de foire devant le parlement moldu.

Le père de Rose n'avait plus rien à quoi se raccrocher et elle ne lui en voulait même pas, de se laisser ainsi glisser vers le trépas. Nilam continuait la lutte, de façon plus acharnée depuis qu'Opaline, sa cousine, avait été retrouvée morte dans les bras d'Isaak Hartley, son fiancé. On avait également retrouvé les corps de leurs enfants près d'eux à peine nés, qu'ils semblaient avoir serré contre eux en une ultime étreinte. Albus n'arrivait plus à raisonner Nilam et elle faisait n'importe quoi, partait en maraude le soir pour saboter et neutraliser quelques Autres…

Victoire et Teddy avaient réussi à quitter le pays pour se réfugier en Australie avec leurs deux enfants. Dominique était en France avec leur cousine Molly, qui avait rejoint sa petite-amie. Elles se battaient de loin. Lily et Hugo étaient restés internes à Sainte-Mangouste, faisant leurs devoirs d'apprentis médicomage et refusant d'abandonner ceux qui étaient dans le besoin. Mais Lily était malheureuse. Elle était tombée amoureuse d'un poison. Ce Crivey était en train de la vampiriser…. Rose n'avait jamais aimé que ce garçon tourne autour de sa cousine. Fred avait fermé la boutique dont il s'occupait avec Poesy Fortarôme. Ils avaient souhaité ne pas faire de vagues et tenaient officieusement une glacerie tout ce qu'il y avait de plus normal, sans farce, sans rien d'anormal. Officieusement, dans la chambre froide, ils stockaient parfois des armes magiques et des armoires à disparaître pour permettre à quelques sorciers de fuir le pays.

Albus était étroitement surveillé par le nouveau gouvernement. Lucy avait rejoint le bureau du secrétaire d'État des Autres. Rose ne concevait même pas que leur cousine ait pu tous les trahir ainsi. Lucy avait assisté au jugement de Rose et l'avait même personnellement enfermée dans la cellule dans laquelle elle se trouvait actuellement.

Et enfin, il y avait Louis. Disparu depuis presque un an maintenant… Leur oncle Charlie était revenu et leur avait indiqué que Louis avait été missionné en tant que magizoologiste, avec Tommy Hartley. Ils n'en étaient jamais revenus.

Et le poids dans le coeur de Rose devenait si lourd qu'elle suffoquait parfois.

Les Autres avaient gagné.

Rose regarda par le trou de sa cellule qui laissait passer un rayon de soleil.

La folie des Hommes ferait que demain, elle serait brûlée pour sorcellerie malfaisante. Mais Rose avait simplement voulu se protéger d'un mauvais sort lancé par un sbire du Nouveau Ministère de la Magie. Ils étaient venus en nombre, pour brûler sa boutique et toutes les baguettes qu'elle avait fabriqué. On lui avait retiré sa licence, on lui avait ordonné de ne plus jamais créer de baguettes, mais Rose avait tenu bon là aussi. Un sorcier né-moldu qu'elle avait connu à Poudlard s'était chargée d'elle et l'avait battu durant de longues heures.

Elle avait pleuré lorsqu'il avait cassé sa baguette.

Une ombre passa et elle se recroquevilla sur elle-même.

Scorpius irait bien. Il était probablement en sécurité. Albus avait prévu de fuir à son tour, avec sa mère, sa sœur, Hugo et Nilam. Il ne restait plus rien ici pour eux…

Tout irait bien.

Rose se berçait pour aller mieux.

Puis le poids dans sa poitrine se mit à grossir encore plus.

– Rose Weasley ? appela une voix.

Elle grogna.

– Rose ! Nous allons te sortir d'ici.

Elle ricana.

Elle savait que les Autres étaient cruels et s'amusaient souvent à toutes sortes de petits jeux. La rumeur disait qu'ils prenaient un malin plaisir à faire croire à leurs victimes qu'elles allaient finalement s'en sortir, juste avant de les tuer.

– Je t'avais dit qu'elle se méfierait…, intervient une nouvelle voix.

– Il faut qu'on la sorte de là !

– Rose… C'est moi !

Rose fronça les sourcils. Elle entendit quelqu'un prononcer une formule et le trou s'agrandit assez pour qu'elle puisse apercevoir un œil bleu, dont la couleur était striée par quelques cheveux ondulés et blonds.

– Louis.

Il lui sourit et se retourna.

– Tout le monde te croyait mort.

– Tout le monde se plante.

Il se retourna pour murmure quelque chose à l'autre personne avec lui et il hocha la tête, résolu.

– Eloigne-toi, Rose.

Elle obéit et d'un sortilège informulé, le mur du fond de sa prison se craquela au point de finalement tomber. La lumière du soleil l'aveugla un bref instant. Elle mit sa main en visière et accepta celle qu son cousin lui tendait. Il la sortit de là et elle fut pris d'un vertige en regardant le vide qui s'offrait à elle. Son cousin était en équilibre, sur le rebord. Si son pied avait été un centimètre plus large, Louis aurait eu un orteil dans le précipice. Elle se raccrocha à lui et regarda curieusement la personne qui accompagnait son cousin.

– On ne peut pas transplaner, ronchonna-t-il. On va devoir récupérer la barque…

– Ta barque Louis… C'est une brindille ! Une putain de brindille ! Elle s'est presque fracassée contre des rochers ! s'agaça l'autre personne.

Il sourit et fit un clin d'œil à la personne encapuchonnée.

– On s'en sort toujours, mon amour.

Rose sursauta en l'entendant parler ainsi. Puis elle regarda curieusement cette personne au visage dissimulé. Rose s'approcha faiblement et elle leva la main vers la capuche. Lorsqu'elle croisa les yeux bruns d'Allénore, elle se raccrocha à Louis pour ne pas tomber.

Les larmes se mirent à couler sur son visage.

– Je te croyais morte.

– Parfois cela aurait été préférable, murmura sa meilleure-amie avec émotion.

Leurs mains se frôlèrent et le cœur de Rose se réchauffa. Elle s'autorisa à y croire un bref instant :

– Allénore…

Rose avait retrouvé un morceau d'elle. Une pièce du puzzle dont elle était constituée.

Alors même si c'était faux, si elle rêvait et que les Autres se jouaient d'elle comme ils avaient l'habitude de le faire, Rose s'en moquait.

Elle tenait Allénore dans ses bras.

Des éclats de voix se firent entendre, rompant la magie du moment.

– Il faut qu'on parte, les pressa Louis.

– Où ça ?

– Nous avons plusieurs planques. Nous allons t'emmener dans l'une d'elles et…

– Allénore… Tu avais disparu ! s'exclama Rose.

Des agents du Nouveau Ministère se mirent à accourir dans leur direction. Allénore en paralysa plusieurs à l'aide de sa baguette, et en lança une à Rose.

– J'ai énormément de choses à te raconter, lui promit-elle. Mais pour l'heure, nous devons te mettre en sécurité !

– Mais les autres… Albus, Hugo, Lily…

– Nous ne pouvons rien pour eux. Pas maintenant, assura Louis.

Elle lâcha la main d'Allénore qui s'était glissée dans la sienne ;

– Vous n'êtes pas Louis. Et vous n'êtes pas Allénore. Je sais que les Autres se moquent de tout et adorent jouer avec les apparences…

Allénore fit pousser une immense liane qui leur servit d'escalier. Louis força sa cousine à descendre avec eux, la portant sur une épaule. Rose se débattit, persuadée que sa fin était proche.

Elle n'abandonnerait pas.

Louis la jeta dans une embarcation de fortune et elle se releva, sa baguette à la main. Louis et Allénore, ou qui qu'ils soient, se battaient contre des sorciers, les détraqueurs et autres créatures magiques chargées de protéger la prison. Ils étaient acculés. Elle leur prêta main forte.

Mais c'était perdu d'avance.

Lorsque Rose croisa le regard désespéré d'Allénore, elle comprit.

Ils n'en ressortiraient pas tous et Allénore le savait.

– Prends soin de tout le monde, Rose. La résistance ne mourra pas tant qu'il y aura des gens comme toi.

– Allénore, viens… ! la pressa Louis alors qu'il commençait à faire avancer la barque.

– Je vais nous faire gagner du temps, Lou.

Et c'est ce qu'elle fit, en faisant exploser plusieurs rochers sur la cote. Des éclats parvinrent jusqu'à eux, mais surtout, firent plusieurs victimes parmi leurs adversaires. Allénore se prit un jet de lumière bleu en plein cœur. Elle tomba à la renverse et Louis la récupéra en tremblant.

Allénore convulsait.

– Qui êtes-vous ? demanda Rose en gémissant.

– Tu le sais très bien, Rosie, sourit Allénore en grelottant.

– On va rentrer et on va te soigner, commença à pleurer Louis.

Allénore souriait.

Rose comprit.

Le mensonge, ça la connaissait.

– Louis te racontera tout, marmonna-t-elle. Je suis désolée..

– Allénore… Garde les yeux ouverts, s'il te plaît, commanda Louis.

– On connaissait les risques…

Rose saisit les doigts de la mourante. Ils étaient glacés, aussi bleus que ses lèvres et que sa gorge d'où quelques veines commençaient à ressortir.

Rose avait besoin d'en avoir le cœur net. Elle leva la baguette qu'on lui avait lancé plus tôt.

Soror animi.

Les souvenirs l'assaillirent, les sentiments d'Allénore, devinrent les siens. Ses peurs, le goût du froid dans sa bouche, la sensation de ses membres en train de se nécroser… mais l'amour, la joie, le soulagement de voir Rose en face d'elle.

Allénore regarda le creux de son poignet où était apparu la glyphe.

– Sœurs d'âmes, chuchota-t-elle.

Sa main se posa sur la joue de la rousse et glissa. La vie d'Allénore était en train de devenir un mince fil qu'il aurait été aisé de couper à tout moment.

– Tu n'as pas le droit de m'abandonner …, commença à pleurer Rose.

Elle avait froid elle aussi. Son cœur lourd était glacé et la mort la frôlait.

Mais lorsqu'Allénore mourut, dans les bras de Louis, Rose sentit une partie d'elle se déchirer en deux.

Tout le monde l'abandonnait. Tout le monde partait. Tout le monde mourrait.

OOO

– Tu n'as jamais vraiment aimé ce que je te renvois, n'est-ce pas ?

Allénore affrontait une autre version d'elle, une copie parfaite de la personne qu'elle était. Elle l'avait vue une seconde seulement, mais avait été assez frappée parce qu'elle avait vu pour s'en souvenir.

Ce n'était pas seulement le physique, c'était aussi les expressions, le maintien et les tics qu'Allénore avait malgré elle… Tout était conforme.

– Regarde-moi vraiment, Allénore. Regarde-toi.

Allénore avait toujours été le genre de personnes qui évitaient soigneusement son reflet. Elle baissait les yeux lorsqu'elle entrait dans la cage d'un ascenseur. Mais petit à petit, elle avait levé les yeux et elle s'était trouvée belle. Belle avec ses prunelles brunes et chaudes, ses lèvres pleines, ses joues rondes et toujours un peu roses, avec ses sourcils épais et ses cils bien noirs… Elle se trouvait belle, avec ses cheveux longs et disciplinés, ses hanches marqués, ses formes peu conventionnelles.

— Non, tu es grosse. Dis-le. Ce n'est pas grave. Tout peut s'arranger chérie. Même le laid peut devenir beau.

Si elle ne levait pas les yeux, c'était par peur de se retrouver piégée face à un artefact magique qu'elle ne connaissait pas.

Louis l'avait prévenu du pouvoir des ungaikyōs après sa mésaventure de la dernière fois. Ils étaient des êtres fourbes et pernicieux, capables de tromper les humains pour parvenir à leurs fins et être délivrés du miroir qui scellait leurs pouvoirs.

– Je ne suis pas un ungaikyō, affirma sa propre voix.

Allénore fronça les sourcils. Les ungaikyōs ne pouvaient pas mentir. Ce qui ne signifiait pas pour autant qu'ils ne disaient que la vérité. Enfin si… Tout du moins, ils la dissimulaient sous une bonne couche de sous-entendus, de demi-vérités et omissions toutes aussi mortelles que des mensonges.

Allénore leva prudemment la tête.

– Je crois que nous étions faits pour nous rencontrer, petite humaine…

– Je ne crois pas au hasard et aux belles rencontres.

– Non… Non…, répondit son reflet d'une voix pensive. Toi, tu penses que tout est plus ou moins déterminé. Tu penses que si tu n'avais pas perdu ta baguette, le jour de ta première rentrée à Poudlard, tu n'aurais jamais rencontré Rose qui t'a aidée à la chercher. Sauf que si tu n'avais pas eu Ed Richards pour père, tu n'aurais jamais été Poudlard. Et si tu n'avais pas été amie avec Rose, tu n'aurais jamais été amie non plus avec Scorpius et Albus. Sans parler de ta relation avec Louis… Il n'aurait jamais fait attention à une fille comme toi s'il ne t'avait pas vue avec ses cousins…

– Je ne crois pas que tout soit déterminé, marmonna Allénore.

– Oh non. Pas totalement. Tu as besoin de penser que chacun à un peu de libre-arbitre et que tout le monde a sa chance, tout le monde a le droit à la rédemption, de devenir une meilleure personne malgré ce qu'il est arrivé et ce qui appartient au passé… Cependant, tu oublies aussi que cela signifie que les gens peuvent aussi devenir mauvais malgré leur belle enfance… Tu vois beaucoup de gris, un peu de blanc mais trop peu de noir chez les autres. Alors qu'en toi… Tu ne vois que ça. Du noir. Du noir et encore du noir.

Louis lui avait dit quelque chose comme ça, une fois, avant de l'embrasser et de lui dire qu'il l'aimait.

– Je connais tes souhaits les plus profonds et je pourrais les réaliser.

– Je n'ai pas de souhait.

– Effacer tes mauvais souvenirs, suggéra son reflet d'une voix trop douce. Je pourrais te donner un autre père, une autre mère, une autre famille aimante. Je pourrais te donner une scolarité normale, avec tes amis. Je pourrais te donner Louis, dès tes seize ans. Je pourrais te donner Noanne, Marco, Jia Li, Lola et toutes ces vies que tu n'as pas pu sauver.

Allénore détesta l'hésitation qui s'empara d'elle.

Son cœur lui disait qu'elle donnerait tout pour réaliser tout ça.

Un autre père qui l'aurait aimé ? Oui.

Une autre mère qui l'aurait protégée ? Oui.

Une scolarité normale, sans avoir à mentir, juste à apprendre et à aider ses amis ? Oui.

Louis, dès ses seize ans, sans perdre de temps ? Oui.

Sauver Noanne, Marco, Jia Li, Lola, Alexei ? Oui. Mille fois oui.

Mais sa tête était raisonnable et elle l'écouta, plus logique et mesurée.

Son père lui avait montré que la violence ne pouvait vaincre la violence. Il avait fait d'elle une personne brisée, mais forte, capable d'empathie, qui construisait au lieu de détruire, une personne qui connaissait la valeur d'un geste, la puissance d'une main bienveillante. Un autre Cracmol aurait fondé les Autres et peut-être que personne n'aurait pu jouer le rôle qu'Allénore avait joué…

Sa mère avait fait ce qu'elle avait pu et Allénore avait trouvé la force de lui pardonner depuis très longtemps. Elle lui avait laissé assez de liberté pour qu'elle parte en Grande-Bretagne et vive sa vie, loin de ses souvenirs. Malgré l'amour et la peur qu'elle portait à sa fille, elle l'avait laissé partir…

Sa scolarité avait été belle. Grâce à son passé, elle avait pu comprendre les silences et regards marqués de Scorpius. Elle avait pu aider Rose et Albus à le comprendre et elle avait compris que la magie était belle tout en gardant à l'esprit, le mal qu'elle pouvait faire à des gens comme son père, au point de faire d'eux des monstres et des êtres mauvais.

Être avec Louis dès ses 16 ans ? Elle n'aurait jamais été prête. Elle savait que Louis et elle avaient eu besoin de tout ce temps pour s'apprendre et s'aimer, pour tomber amoureux, se l'avouer et se déclarer. Alors certes, leur parcours n'était pas parfait, loin d'être rose et beau comme dans toutes les romances qu'Allénore lisait depuis toute petite… Mais c'était le leur et Allénore ne l'aurait changé pour rien au monde.

Sauver Noanne, Marco, Jia Li, Lola, Alexei ? Mais si Marco n'était pas mort, son père aurait finit par comprendre qu'elle était Mistinguette et elle serait morte, en laissant les Autres plus forts que jamais et en abandonnant les Aurors qui avaient cruellement besoin d'une espionne. Si Noanne n'était pas morte, personne n'aurait compris que la colère était meurtrière. Si Lola n'était pas morte, on n'aurait jamais découvert que Charlotte, avait pris les traits de son ancien amant en faisant croire à tout le modne qu'il était vivant. Allénore n'aurait jamais eu la rage nécessaire pour se battre. Si Jia Li n'était pas morte, Allénore, elle, le serait.

Puis elle chercha longtemps.

Elle tenta de tirer quelque chose de bien de la mort, de la dernière mort citée.

Alexei.

Elle ne trouva rien.

Si Alexei n'était pas mort, Dani serait également vivant. On aurait pu entendre sa version, son histoire, on aurait pu lui apprendre à aimer. On aurait pu éviter tout ce gâchis. Mais toutes ces raisons… Elles valaient aussi pour toutes les autres morts.

C'est simplement qu'Allénore refusait de le voir.

Sa vie était bancale. Elle avait été cauchemardesque. Mais elle était sienne et elle faisait d'elle qui elle était. Pourtant, elle avait cette curiosité, cette envie de savoir qu'elle aurait été sa vie, si elle aurait été plus heureuse.

Peut-être n'aurait-elle pas eu ses vilaines cicatrices ? Peut-être que tout aurait été beau et lumineux comme dans un rêve. Elle voulait voir.

Elle voulait le bonheur pour celle qu'elle était avant, sans souffrance, sans douleur, libérée de tout. Elle voulait épargner les pleurs, le deuils et l'horreur. Elle voulait se l'épargner… parce qu'elle s'aimait et qu'elle voulait le meilleur pour elle, et ses amis.

Alors malgré la raison, elle aurait dit oui à ce souhait.

– Que souhaites-tu au plus profond de toi ?

– La paix, murmura naturellement Allénore avec calme olympien.

La sérénité, l'harmonie, l'amitié, l'amour.

– Mais pour quand la veux-tu ?

Allénore mordilla ses lèvres.

– Quel en serait le prix ?

– Pour écrire une autre vérité il faut en effacer une autre, répondit son reflet.

– Tu n'as pas le pouvoir de faire ça.

– J'ai le pouvoir de faire de tes souhaits une réalité.

– Mais si je me dessine une autre vie, de façon très précise…

– Sans ton père, mais en gardant ta mère, ton frère, ta sœur, Poudlard, tes amis, tes passions, ton amour … Tu peux t'écrire la vie que tu mérites. Tu peux avoir ce que tu désires.

C'était si tentant…

Et elle allait accepter.

Elle toucha le miroir du plat de la main et hocha la tête.

Son reflet lui sourit.

Puis une douleur immense scia son crâne en deux.

OOO

Nilam avait envie de vomir.

– Enlève-moi ce bébé des bras, Scorpius, je t'en supplie, sinon je vais le garder toute la vie ! gémit Rose, complètement obnubilée par le paquet qu'elle tenait.

Scorpius s'exécuta en riant et prit ledit paquet des bras de Rose avec une délicatesse infinie. Il hésita un moment, le garda un instant près de lui en frôlant de ses doigts le nez du bébé, avant de le déposer dans un berceau autour duquel ils étaient tous en cercle.

– On a vraiment envie de la garder toute la vie, comme disait Rose, murmura tendrement Scorpius.

– Et comme le disait Louis, intervient Louis les poings sur les hanches.

Scorpius lui lança un regard noir, mais ils échangèrent un sourire. Nilam fut presque déçue… Pas de bagarre aujourd'hui. Allénore ne l'aurait pas permis. Quoi qu'Allénore était en train de pioncer… Ce qu'elle ne savait pas ne pouvait pas lui faire de mal. Nilam devait reconnaître qu'elle méritait toutefois un peu de calme et beaucoup de repos. Elle leva les yeux au ciel, dépitée par l'attitude de toutes les personnes qui l'entouraient.

Vraiment ils étaient tous si niais et si heureux.

Rose avec la courbure de ses lèvres étirées et ses piaillements joyeux. Scorpius avec sa légèreté et une peluche dans les mains. Albus avec ses cheveux éternellement mal coiffés et tenant fièrement les vêtements de bébé qu'il n'avait pas eu le temps d'emballer… Il avait lui-même tricoté le bonnet jaune. Rose avait fait les chaussons bleus assortis…

C'était à gerber.

Il y avait trop de bonheur ici.

Pourtant, elle se pencha sur le berceau et frôla du bout de son doigt, le nez du nouveau-né.

– Est-ce que tu veux prendre mon bébé dans tes bras ? proposa le père.

Louis Weasley avait des cernes immenses mais le plus grand sourire que Nilam n'avait jamais vu. Enfin si…. Isaak avait eu le même lorsqu'Opaline avait accouché de leurs jumeaux. Peut-être que c'était un sourire niais « spécial paternité » ?

– « Mon bébé »… Sérieux Weasley, pas besoin d'utiliser ce pronom possessif, on sait que c'est toi qui l'a fait, pas besoin de le déclamer à tout bout de champs.

– Notre bébé, à Allénore et moi, insista Louis, est un trésor dont je veux me vanter auprès de tous. Non mais sérieusement, as-tu déjà vu un nouveau-né aussi beau et mignon ?

Honnêtement, Nilam n'en savait rien.

Oui, ce bébé était beau.

Mais le trouvait-elle beau parce que ses deux parents étaient des amis ou parce qu'il était objectivement beau ?

– Pauvre enfant…

En plus son prénom était franchement chelou…

Un prénom à la Allénore, c'était sûr.

Nul doute qu'elle avait eu le dernier mot.

– Est-ce que tu veux tenir notre bébé ? lui proposa plus sérieusement Louis. C'est une vraie drogue, je te jure. Tu ne voudras plus la lâcher !

L'enfant émit un babillement et son père fit un son franchement mièvre d'adoration, ajoutant un « Elle est tellement adorable ! Morgane ! Je devrais prendre l'enregistreur magique pour Allénore ! ».

– Oh non, déclina enfin Nilam alors que Louis lui offrait de nouveau de prendre sa fille dans ses bras. J'aurais bien trop peur de te la casser et je veux pas qu'Allénore supporte neuf mois de grossesse pour vous en fabriquer un autre.

Albus derrière elle, s'esclaffa. Loin d'avoir peur, lui, prit le bébé dans ses bras. Et le cœur de Nilam se mit à grossir au point de prendre une place bien trop importante. Albus gazouillait et s'adressait au nouveau-né avec une telle douceur…

Nilam souriait.

Elle souriait aussi, sur la photo que Scorpius venait de prendre. Rose était à son bras, rayonnante et heureuse. Elle portait son alliance autour de son cou, parce qu'elle la perdait chaque fois qu'elle l'enlevait pour se laver les mains. Scorpius l'avait imité, si bien que pendaient autour de leurs deux cous, la promesse qu'ils s'étaient faite de vivre ensemble et de s'aimer le temps qu'ils le pourraient et le voudraient.

Très longtemps, Nilam en était convaincue.

– Ta potion calmante a fait des merveilles, lui apprit Louis. Allénore était complètement à la ramasse après l'accouchement, ce qui explique pourquoi elle dort encore… Je devrais aller la réveiller. Mais elle était si fatiguée…

— Faut dire qu'il n'y a qu'elle pour accoucher dans une glacerie. Fred et Poesy étaient complètement ahuris, nota Rose.

— Votre bébé aura droit à des glaces gratuites à vie pour être quasiment né dans la boutique de Fred ? demanda Scorpius.

— Elle y a juste perdu les eaux, grogna Louis. J'ai déjà demandé à Fred, penses-tu, ajouta-t-il fièrement.

Et effectivement, sa fille aurait droit à des glaces gratuites à vie chez Weasley et Fortarôme… Probablement comme tous les gamins de ses cousins…

— Gribouille veille sur Allénore et Chance ne quitte pas le perron de la maison… Je crois qu'elle monte la garde.

– Possible. Chance m'a feulé dessus quand nous sommes arrivés, intervint Albus.

– Allénore t'est très reconnaissante pour la potion. Elle tenait à te remercier, fit Louis à Nilam en la regardant avec une profonde et sincère gratitude.

– Évidemment, grâce à moi elle n'a pas senti cette petite merveille lui défoncer le vagin…

Albus éclata de rire et Louis grimaça.

– Je n'aime pas trop entendre parler du vagin de ma femme…

– Respecte-le, c'est par là qu'est sorti ton enfant, mon grand ! fit Nilam en lui tapotant l'épaule. Et je suis contente que cela ait fonctionné, quand on sait que ce bébé est en fait le résultat d'une potion contraceptive périmée que j'ai refilé à Allénore… Fallait bien que je me fasse pardonner.

– On évitera de dire à notre enfant que sa vie ne tient qu'à une potion périmée …, s'esclaffa Louis.

– Vous avez choisi de l'avoir, le rassura Nilam avec douceur.

Oui. Ils l'avaient choisi.

Le bonheur n'était pas écœurant, Nilam le savait bien. Il était doux et tendre.

Albus continuait de gazouiller et de s'émerveiller de tout ce que faisait le bébé.

C'est à dire, bien peu de choses. Et en l'occurrence, des choses pas très intéressantes.

Pourtant, Nilam aurait aussi pu le regarder pendant des heures et des heures, parce que ce qu'Albus tenait dans ses mains, était un petit miracle et du bonheur avec quatre membres, deux yeux, un nez retroussé et un petit duvet de cheveux châtains.

Elle était si heureuse pour Allénore et Louis.

La grossesse d'Allénore n'avait pas été simple, elle avait remué beaucoup de doutes et de peurs dans le coeur de son amie, et Nilam avait été soulagée qu'ils soient tous présents pour l'épauler.

Rose parlait désormais avec Scorpius. Ils étaient rentrés trois semaines auparavant de leur expédition de trois mois en Egypte pour apprendre des secrets anciens de fabrication des baguettes magiques pour l'une, et explorer un nouveau tombeau pour l'autre. Ils avaient prévu de rénover un peu la maison qu'ils avaient acheté dans le quartier…

Nilam s'approcha d'Albus qui lui sourit.

Comme toujours, son coeur fit de petits bonds.

Elle cala ses mains sous les siennes, qui tenaient l'enfant, et embrassa la joue de son compagnon.

– Tu crois que ce nouveau-né sera plus comme sa mère ou comme son père ? demanda Albus.

Nilam imagina une enfant aux cheveux châtains comme sa mère, avec les yeux bleus de Louis, au caractère doux et intrépide, sage et courageux, avec des flopées d'origamis collés à son ombre et des poils, des plumes, des écailles de toutes de créatures sur ses vêtements.

– On s'en fiche. La seule chose qui compte, c'est qu'on lui apprendra des choses embarrassantes sur ses deux parents dès qu'on en aura l'occasion ! Je nous imagine déjà, sur le perron de notre maison, avec tous les marmots de Rose et Scorpius, ce petit bout que tu tiens dans tes bras et les autres rejetons que nous feront probablement Louis et Allénore, avec ceux d'Opaline aussi… Je veux bien faire un effort et garder la fille de ton frère seulement si elle porte une muselière : elle est effrayante !

Albus ricana gaiement avant d'embrasser la tempe de Nilam.

– On leur fera de la limonade-pique-langue et on leur racontera des histoires ! continua Nilam. On leur montrera des photos de nous, de leurs parents à leurs mariages, du notre aussi…

– Il y a un problème dans tout ça…

Nilam se figea.

La subtilité n'avait jamais été son fort. En revanche, Albus lui, excellait dans l'art de deviner les petites choses qu'elle ne parvenait jamais à vraiment lui dire directement.

– Nous n'avons pas de perron mon coeur…

– Exact ! souffla-t-elle. Mais tu vas nous en construire un !

– Et je ne me rappelle pas avoir un jour accepté de t'épouser…, continua Albus, les yeux pétillants de malice.

– Probablement parce que je ne te l'ai jamais demandé…, marmonna-t-elle. Enfin pas avant aujourd'hui…

La lueur de malice se perdit dans les yeux d'Albus à mesure qu'il comprenait.

D'habitude, il était plus rapide que ça…

– Tu es sérieuse ? hoqueta Albus.

– Ne lâche pas le bébé ! l'avertit Nilam alors qu'Albus avait commencé à desserrer son étreinte sous le coup de la surprise. Louis nous casserait la gueule !

Il l'aurait fait.

Louis avait surpris le sursaut d'Albus et était à deux doigts de reprendre sa fille dans ses bras.

Mais Albus se reprit et berça l'enfant, plus pour faire quelque chose de son corps que pour endormir l'enfant… qui semblait avoir hérité du sommeil lourd de sa maman.

– Tu… Enfin… Tu veux vraiment m'épouser ?

– Oh bah demandé avant tant d'enthousiasme et d'énergie, je ne sais pas comment je pourrais décliner, s'amusa Nilam.

– Je croyais qu'on n'avait pas besoin de ça ? Que tu voulais… juste vivre avec moi, qu'on vieillisse ensemble et qu'on devienne ce genre de couples qui regardent les gens se péter la gueule dans la rue à cause du verglas… Je croyais que… Que tu ne voulais pas de ça, pas d'alliance, pas de robe blanche, pas de repas chiant, pas de première danse…

– Et toi ? Tu voudrais ça ? demanda timidement Nilam. Tu serais canon dans une robe blanche pourtant…

— Je déchirerais robe blanche…, approuva Albus.

— Je suis déjà séduite…, minauda la potionniste.

– J'y ai déjà pensé, songea Albus à voix haute. Avec Scorpius et Rose, maintenant Louis et Allénore, qui viennent en plus de se reproduire… Je… Je serais content d'apposer ton nom au mien. Et on paierait beaucoup moins d'impôt, ajouta-t-il.

– C'est la raison pour laquelle je te le demande. Allénore m'a convertie à la télévision moldue lorsqu'elle était clouée au lit et y'a une série niaise mais alors archi niaise qui passe sur le câble … Et il me faut la suite… Vraiment, je te jure, c'est vital ! Seulement, l'abonnement a un certain coût et y'a pas de petites économies pour se permettre de s'offrir ce genre de plaisirs…, argumenta Nilam.

– Donc on se marierait pour des raisons purement fiscales ?

– L'argent, Al. Y'a que ça qui compte…

Elle se positionna devant lui et posa ses mains sur ses épaules en lui souriant.

– Tu sais que c'est pour tout un tas d'autres raisons, n'est-ce pas ?

Albus opina doucement.

Ils n'avaient jamais vraiment eu besoin de mots pour se comprendre.

Nilam et lui avaient toujours dessiné leur avenir au jour le jour, sans se poser de questions. Maintenant, il était enseignant à Poudlard et continuait ses travaux en Histoire de la magie. Nilam tenait avec sa cousine Opaline, la boutique d'apothicaire sorcière et moldue la plus connue de toute la région… Tout était parfait. Ils n'avaient jamais parlé d'engagement depuis qu'ils avaient emménagé ensemble. Ils n'avaient pas parlé d'enfants ou de pavillon avec jardin.

Ses parents seraient ravis d'avoir des petits-enfants, c'était certain. Ils adoraient Albus en plus…

Nilam ne savait même pas si elle voulait tout ça.

Les enfants…

Mouais. C'était sympa chez les autres, mais pas chez elle et surtout pas maintenant.

Mais ce qu'elle savait en revanche, c'était qu'Albus et elle vivraient toujours comme ils l'entendraient et que si un jour elle désirait tout ça, ils en parleraient et ils se l'offriraient.

Nilam savait la chance qu'elle avait d'être en vie. Elle avait encore quelques cauchemars, mais ils en avaient tous et apprenaient à faire avec… Elle laissait un peu de place à l'avenir et à l'espoir.

Les détraqueurs et la mort étaient loin d'elle, lorsque la chaleur de ses proches si heureux étaient si près d'elle…

Elle se surprit à imaginer un enfant avec les yeux verts d'Albus et sa peau foncée à elle.

Ce serait mignon.

Puis un frisson de dégoût lui parcouru l'échine.

Beurk….

A quoi pensait-elle ?

– Dans ce cas, je peux envisager d'accepter ton offre et t'épouser.

Albus la tira de ses songes.

– Parfait. L'affaire est entendue. Tu fais quoi dimanche prochain ?

Albus se remit à rire et Nilam adorait ces jours-ci, ceux où Albus riait beaucoup et avec elle.

– Je te dis « oui » ?

– Et je te répondrai oui, chuchota Nilam contre lui. Qu'est-ce que tu dirais d'être la plus jeune demoiselle d'honneur de l'histoire, ma petite ? fit-elle en se penchant au-dessus de la fille de leurs amis.

Entre deux, l'enfant de Louis et d'Allénore se mit à gigoter mais ne fit pas un bruit. Ils prirent cela pour un « oui ».

Nilam était heureuse.

– C'est fou ! J'ai l'impression qu'hier encore tu habitais en collocation avec Scorpius, Rose et Allénore, qu'on avait encore vingt-et-un ans et qu'on combattait encore tous un peu nos vieux démons…, s'amusa Nilam.

– Le temps passe vite…

Mais Nilam sursauta, subitement prise d'un élan de conscience.

Non.

Quelque chose clochait.

Parce qu'hier encore, Rose, Scorpius, Albus et Allénore habitaient vraiment encore en colocation.

Hier encore, ils étaient en Chine.

Allénore était loin d'être enceinte.

Rose et Scorpius étaient loin d'être mariés.

Albus et elle n'habitaient même pas ensemble.

Et ils n'avaient vraiment que vingt-et-un ans…

– Albus… Quel jour sommes nous ?

– Euh mardi ?

– Le combien ?

– Le 8

– De quel mois ?

– Euh octobre ?

– De quelle année ?

– 2034… Nilam, tout va bien ? Tu veux t'assurer que la lune sera bien placée pour notre mariage ou … , se moqua légèrement Albus.

– Ne te moque pas de ces choses-là. Elles ont leur importance, répondit-elle mécaniquement.

Son cerveau tournait à toute vitesse.

Elle ne devrait pas être ici.

Tout ceci… Ce n'était pas réel.

– J'ai besoin de…, marmonna-t-elle.

Elle se dirigea naturellement vers ce qu'elle savait instinctivement être la salle de bain de la maison des Rameaux-Weasley. Dans l'entrée, elle découvrit des photos d'Allénore qui dataient de trois mois : elle portait une belle robe blanche et fluide, avec des milliers de fleurs brodées dessus, et un gros ventre arrondi qu'elle soutenait à deux mains, l'une portant une alliance qu'elle admirait les yeux brillants. Il y avait Louis aussi, avec un sourire rayonnant, qui regardait Allénore comme s'il ne voulait plus jamais détourner les yeux de son visage. Il tenait dans ses bras un chat noir étrange à la queue en forme d'une immense plume rouge. Chat qui se trouvait sur le paillasson en train de dormir d'ailleurs… Celui-là même qui avait feulé sur Albus. Chance. Il y avait des photos d'eux tous, en plein déménagement, en train de boire, à la mer, à Poudlard, d'Albus avec son premier livre sur la guerre des sorciers, celui qu'il avait écrit, des photos avec Rose et Scorpius, tout jeunes mariés…

Nilam entra dans la salle de bain et se rinça le visage. Lorsqu'elle releva la tête elle examina son reflet.

Elle n'en avait pas.

C'était comme si elle n'existait pas.

Elle laissa échapper un cri.

Elle entendit la voix d'Albus l'appeler à travers la porte.

– Je ne devrais pas être ici…

Elle toucha la surface du miroir par instinct.

Elle hurla de nouveau, lorsqu'elle fut aspirée dans le vide.

OOO

Louis et Nilam entendirent leurs cris mutuels et s'appelèrent dans le noir. Nilam retrouva sa baguette et d'un lumos, parvint à éclairer suffisamment la pièce pour retrouver Louis. Le blond passa une main dans son dos endolori et grimaça en sentant son propre sang couler le long de sa colonne vertébrale. Il se cogna à Nilam, affolée qui agrippa à lui.

– Où sont les autres ? l'interrogea-t-elle.

Lumos, marmonna Louis avec sa propre baguette. Je n'en sais rien. Nous sommes tous tombés dans la fosse et …

– Où tu étais toi ?

Les traits de Louis se tendirent douloureusement.

– Au quartier général des Autres. Je suis revenu en …

– Traversant un miroir, fit Nilam à sa suite. Moi aussi.

– Où était-tu, toi ?

– La bonne question serait plutôt « quand » et non « où »…, marmonna Nilam. Et si on s'en sort, rappelle moi de toujours jeter mes potions périmées avant que je ne les refile à quelqu'un…

– Je te demande pardon ?

Un bruit mat les alerta.

Ils intensifièrent les lumières qui sortaient de leurs baguettes pour apercevoir quelques mètres plus loin, Scorpius, en face d'un miroir, en train de convulser. Ils avancèrent vite, s'étonnant du sol noir, qui semblait presque liquide, qui ondoyaient sous leur pas, et qui pourtant, était dur et solide. Une fois arrivé près de Scorpius, Louis le mit sur le côté et Nilam sortit quelques fioles de sa sacoche, et en décapuchonnant une :

– Elixir de burton. Ça soigne les crises…

– De quoi ?

– De tout, expliqua Nilam. On le développe encore avec Opaline… J'espère que Scorpius n'est pas allergique aux billiwigs !

Il ne devait pas l'être, car il se calma, sans toutefois rouvrir les yeux. Louis secoua l'ancien Poufsouffle par les épaules avant de lui donner des tapes appuyées sur les joues.

– Il devrait se réveiller, bredouilla Nilam. Je ne comprends pas.

Louis fut attiré par son reflet dans ce nouveau miroir et sans réfléchir, prononça la formule :

Confringo !

Lorsqu'il vola en éclats, Scorpius ouvrit les yeux et se releva, prenant une grande inspiration, comme s'il venait enfin de remonter à la surface.

– J'aurais été incapable de supporter le discours de mon père une fois encore, bredouilla-t-il en regardant ses amis.

Il chercha de ses yeux gris Albus, Allénore et Rose, sans les trouver.

– Je crois que nous sommes tous tombés dans des miroirs magiques, comprit Louis. Le mien n'était qu'un simple passage… Celui de Nilam…

– Je crois qu'il m'a montré l'avenir, grimaça-t-elle.

– Moi, je n'ai fait que revivre en boucle… la pire dispute que j'ai eu de ma vie, termina-t-il en se relevant.

– L'explosion de tout à l'heure… ça devait être les gobelins qui essayaient de casser les miroirs, fit Louis. Il y a des éclats partout. Tu as toujours ta baguette ?

– Bien sûr que j'ai toujours ma baguette, grommela Scorpius.

– Taisez-vous, pesta Nilam.

– Je n'ai rien dit ! se défendit Louis.

– T'as seulement supposé que je n'avais peut-être pas ma baguette, comme si j'étais un…

– Taisez-vous, répéta Nilam avec plus de force.

Ils obéirent et Nilam se mit à marcher calmement, sa baguette droit devant elle. Maintenant que le silence régnait, ils percevaient tous les sanglots étouffés.

– C'est Rose ! reconnut Scorpius en lançant un sort de traçage.

La fumée dorée qui sortit de sa baguette les guida jusqu'à la rousse, debout, les yeux plantés dans un nouveau miroir. Elle ne clignait pas des paupières et pleurait, silencieusement. Seuls quelques sanglots lui échappaient de temps en temps, comme si elle tentait de les avaler. Elle était pâle, en transe et perdue.

Nilam cassa le miroir et Rose s'effondra comme une poupée de chiffon contre Scorpius. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle ne dit rien et sécha ses larmes. Elle se concentra sur la voix de Scorpius, lui répétant doucement que tout était terminé et Rose, frissonna, se rappelant que le monde dans lequel elle avait été plongée n'était pas le sien. Cette vie terrible n'était pas la sienne.

– Dis-moi que les Autres ont perdu. Dis-moi qu'Ed Richards n'est jamais venu au pouvoir. Dis-moi que tu n'as pas été obligé de fuir le pays parce que tu es un Malefoy. Dis-moi que tous mes cousins sont en vie, que Lucy n'est pas une traître et qu'Allénore est bien revenue. Dis-moi que ma mère n'a pas été exécutée, que Harry n'est pas gardé prisonnier et que James et Citlali n'ont pas été envoyés dans un horrible camp dont ils ne s'échapperont qu'une fois morts…

– Rose… Rien de tout ceci n'était réel, chuchota Scorpius à voix basse.

– Ça l'était, le contredit-elle. Et tu n'étais pas là. Tu étais loin.

Rose eut une immense peine pour son alter-ego. La Rose de ce monde qui avait tout perdu. Le Louis de ce monde qui venait de voir Allénore mourir sous ses yeux. Le James de ce monde, qui n'était plus.

Elle avait tant de chance.

– Où sont les autres ? demanda-t-elle. Pourquoi fait-il si noir ?

Elle tira sa baguette de la poche de sa cape et lança un lumos qui s'ajouta à tous les autres. La lumière s'agrandit englobant un plus grand espace qui s'étendait à l'infini, sans mur, sans plafond, sans rien. Ils étaient dans une prison de néant qui faisait mourir la lumière et dans laquelle il ne semblait n'y avoir aucune sortie.

Rose regarda tout autour d'elle et se releva d'un bond. Prise d'un vertige, elle se rattrapa aux bras de Nilam qui lui sourit.

– Allénore ! indiqua Rose en tendant un doigt derrière son amie.

Les mains de l'enchanteresse brillaient et ses créations de papier s'agitaient, effrayées. Nilam jeta elle-même le confringo qui fit exploser le miroir alors que Scorpius avait fait se lever un protego pour empêcher à son amie de se prendre les débris coupants en plein visage.

Contrairement aux autres, Allénore ne tomba pas et retrouva seulement conscience en battant des cils et en regardant ses mains avec horreur.

– J'ai dit oui, gémit-elle en tremblant. J'ai accepté les vœux … J'ai…

Elle fut coupée par l'étreinte de Louis qui la serra contre lui avec force.

— J'aurais effacé … Louis…

— C'est terminé.

Elle enfouit son nez dans son cou et y déposa un baiser. Elle passa ses mains dans son dos, avant de s'éloigner, soucieuse et inquiète :

– Louis, tu saignes !

– Quelque chose m'a agrippé tout à l'heure, éluda-t-il. On s'en fiche. Ça ne doit pas être très profond.

– Qu'est-ce que c'était ça ? marmonna Allénore en désignant les éclats de verre par terre.

– Un miroir, répondit Nilam. Probablement magique. L'épreuve de la fosse doit consister à survivre à tout ça… Louis a été téléporté ailleurs. Je crois que j'ai été fait un tour en dans le futur. Scorpius a revécu en boucle la même scène…

– Et moi… Je crois que ce n'était pas l'avenir, annonça Rose d'une voix blanche. Mais une sorte de monde parallèle. Un monde… Un monde où les Autres avaient gagné et où il n'y avait plus de secret magique.

– Ce miroir me proposait d'exaucer mes vœux.

– Un exossoir, opina Scorpius. Ces miroirs sont très rares.

– Plus que ceux qui te font tomber dans une autre réalité ? grommela Rose.

– Des expériences ont été menées sur la question dans les années 80, fit Allénore. Mais elles n'ont jamais été concluantes… Du moins, pas officiellement. Le département des mystères a archivé toute la documentation à ce sujet. Personne n'y a accès. À part les langues-de-plombs.

– Albus, s'écria Nilam. Il faut qu'on trouve Albus.

– Ne regardez pas ces miroirs, ordonna Scorpius. Et détruisez-les.

Ils hochèrent la tête avant de se mettre en route. Nilam avait lancé un sort de traçage à son tour, laissant la fumée dorée la guider à travers le néant. Chaque fois qu'elle avançait, elle avait peur de mettre un pied dans le vide et de tomber.

Elle appela le prénom d'Albus, jusqu'à ce qu'il lui réponde, très sereinement. Elle se dirigea vers sa voix, et le trouva enfin, après avoir parcouru quelques mètres.

– Tu te fiches de moi là ? s'étrangla presque Nilam.

Albus était assis en tailleur devant un grand miroir, et regardait son reflet, l'air contemplatif, heureux.

Presque drogué ou ivre en fait.

– C'est une journée parfaite, chantonna Albus.

– Il est bourré ? S'inquiéta Rose.

– J'adoooooooooore quand tout le monde est avec moiiiiiii !

– Oui, répondit Scorpius.

– ALLÉNORE TU VAS TOMBER ! Hahaha mais non je plaisante Louis, regarde, Scorp vient de la rattraper. Oh boude pas ! EH MAMAN ! Où sont les biscuits et la confiture de framboise ? Lily, tu n'aura pas de petit-ami avant tes trente ans, je te le garantis ! PAPA ! PAPA ! James vient de me dire qu'au travail tu étais un gros c…

– Son miroir a l'air bien plus cool que ne l'était mien, ricana Scorpius en couvrant la voix de son meilleur-ami.

– À ta place j'aurais pas aimé papa ! continua Albus. Nilam… Arrête… Pas devant ma famille… La dernière fois on a failli se faire prendre ! On devrait faire comme d'habitude et se rejoindre à …

Confringo ! prononça Nilam d'une voix plus aiguë que la normale.

Albus reprit conscience à son tour et ils se regardèrent tous les six. Scorpius aida son meilleur-ami à se relever et tous en cercle, ils s'interrogèrent silencieusement.

Qu'allaient-ils faire maintenant ?

– Il faut qu'on sorte d'ici…

– T'as des choses plus intelligentes à nous proposer, Malefoy ? s'impatienta Louis.

– Tu as explosé ton miroir quand tu l'as quitté ? l'interrogea Nilam.

– Non. Je t'ai entendue alors je suis directement allé vers toi…

– Retournons-y.

– Non, refusa Louis. Ce n'est pas un endroit sûr …

– Louis…, fit Allénore. C'est peut-être notre seule porte de sortie.

– Ce miroir m'a conduit au dernier quartier général des Autres, avoua-t-il.

Allénore fronça les sourcils.

– Qu'il nous emmène au nord ou au sud, je m'en contrefiche : il faut qu'on sorte d'ici ! s'impatienta Nilam.

Ils se tournèrent tous vers Allénore qui soupira.

Sa décision fut facile et rapide.

Au diable les miroirs. Au diable le reflet de Han Derrick. Au diable les fantômes.

Seuls ses amis comptaient.

– Déguerpissons vite, approuva-t-elle.

– Tu pourrais relocaliser ce miroir ? demanda Nilam à Louis.

– Oui, bien sûr.

Il lança un sort, une nouvelle fumée dorée évoluant et flottant presque gaiement devant eux, leur montrant le chemin.

Expelliarmus !

Allénore réagit par réflexe, mais Louis fut le plus rapide. Il protégea ses amis du nouvel assaillant, mais ce fut Albus qui le désarma, avant de pâlir. Rose n'avait même pas eut le temps de sentir sa baguette lui filer entre les mains, qu'elle était déjà dans celle de l'homme à terre. Nilam lança un accio pour la récupérer et la redonna à la rousse, qui l'agrippa de toutes ses forces.

– Vous avez survécu plus longtemps que les autres, les félicita chaleureusement une voix.

– Crivey, cracha Allénore.

Un grand gamin blond à peine sorti de l'adolescence se dressa devant eux.

– La dernière fois que je t'ai vue, tu allais tuer ton père.

– La derrière fois que je t'ai vu, je t'ai dit d'arrêter tes conneries, de terminer tes études à Poudlard et de ne plus jamais approcher les Autres.

– Tu n'as pas tué ton père, soupira Crivey.

– Et tu ne m'as pas écoutée.

Rageusement, Crivey lança une salve de sorts, indiquant ainsi à ses autres comparses qui étaient plus d'une vingtaine, de l'imiter. Les sortilèges et maléfices se mirent à fuser et conscients qu'ils ne s'en sortiraient qu'en trouvant une issue, et en foutant le camp de cette fosse cauchemardesque.

Ils se séparèrent, forcés d'affronter les tirs dont on les assaillaient. Rose courraient avec Scorpius et Nilam, qui retardaient les Autres qui les poursuivaient en faisant exploser ses potions derrière eux. Louis et Albus avaient eu la bonne idée de faire exploser encore plus de miroir, et de se servir des débris coupant qui jonchaient le sol pour les rassembler en un gros nuage mortel, dressant un barrage entre eux tous.

Allénore, elle, se retrouva seule et déambula entre plusieurs caisses pas encore déballée. Elle laissa échapper un cri d'horreur, en tombant sur les cadavres déjà pourrissant des gobelins qui étaient descendus dans la fosse avant eux.

Crivey s'acharnait. L'un de ses sorts l'atteignit, lui faisant s'emmêler les pieds. Elle trébucha et se releva avec peine, laissant ses jambes la guider sans réfléchir. Elle avait toujours la fumée dorée de Louis qui indiquait l'endroit où ils devaient tous se retrouver. Pourtant, ses pieds la firent aller ailleurs et elle écarquilla les yeux.

Posé sur une caisse, à sa hauteur, se trouvait un miroir pas plus grand qu'une feuille de papier.

Le reflet de Han y apparut une seconde et lui fit un clin d'oeil.

Elle s'en empara et ordonna à ses origamis d'attaquer Crivey, assez longtemps pour qu'elle atteigne son but.

– ALLÉNORE ! ALLÉNORE !

Elle se laissa guider par la fumée dorée et la voix de Rose qui hurlait son prénom.

Une entaille lézardait son bras et avait déchiré ses vêtements.

Ils étaient tous réunis, devant plusieurs miroirs. Louis avait le front plissé :

– Je ne sais pas duquel je suis sorti…, s'agaça-t-il.

Allénore s'était jetée dans ses bras, et il la tenait fermement, une main glissée sur sa nuque pour la garder près de lui. Il avait glissé deux doigts à l'intérieur de son poignet, pour prendre son pouls. Il se rassura de le sentir ralentir.

– Ce sont des miroirs jumeaux, indiqua Allénore. Les Autres s'en servaient pour se rendre d'un endroit à l'autre. Ça fonctionne comme les armoires à disparaître. Certains … Certains étaient piégés au cas où les Aurors nous tomberaient dessus. Mais d'autres peuvent nous conduire en lieu sûr ! promit-elle.

– Lesquels ? s'alarma Nilam en criant.

– Laissez moi les regarder.

Ils lui donnèrent un peu de temps. Albus avait un miroir dans les mains et le brandissait devant lui, heureux de voir qu'il absorbait les sortilèges :

– Je l'ai trouvé par terre ! s'émerveilla-t-il. C'est un vrai trésor !

– Glisempa ! l'ignora Rose.

Le sol se mit à ramollir, avalant les Autres.

Allénore continuait d'examiner les miroirs et en caressa un du bout des doigts, le coeur gros, reconnaissant la jacinthe gravé sur le cadre en bois.

– Comment ce miroir a-t-il pu atterrir ici ?

– On s'en fiche, la pressa Scorpius. Est-il sûr ?

– Oui, affirma Allénore.

Il la poussa à l'intérieur et hurla à ses amis d'en faire de même. Ils traversèrent tous. Scorpius passa en dernier et il eut à peine le temps de mettre un pied par terre, que Nilam fit exploser le miroir, fermant la porte aux Autres qui essayaient déjà de les pourchasser. Deux jambes volèrent en éclats en même temps que le miroir.

Scorpius se laissa glisser par terre, n'ayant plus assez d'énergie pour tenir debout.

Allénore était plongée dans ses pensées.

Rose tentait encore de reprendre pieds avec la réalité et ne sentait même pas l'immense éclat de verre qui s'était plantée dans son épaule.

Nilam commençait déjà à jeter toutes ses potions périmées pour faire de la place à celles qu'elle allait immédiatement préparer.

Albus observait son nouveau trésor, un miroir qui l'avait protégé de toutes les attaques.

Louis soignait ses blessures.

Ils étaient en vie mais ne parlaient pas.


Nothing in this world could ever bring them down
Yeah, they're invincible
And she's just in the background
And she says

I wish that I could be like the cool kids
'Cause all the cool kids, they seem to fit in
I wish that I could be like the cool kids
Like the cool kids

Une petite review me ferait très plaisir