Coucou !

Avec –beaucoup– de retard, voici le chapitre 3 de cette petite fiction ! J'ai plus de temps donc je me permets de reprendre cette histoire ainsi que les autres en cours aussi, et je vais essayer de revenir à un rythme régulier. Je ne donne pas de dates fixes et ne fais pas de promesse, mais à priori, au moins un chap dans le mois, ça devrait être faisable ^w^!

Pour ceux qui auraient un trou de mémoire sur l'action des chapitres précédents et parce qu'il s'est passé pas mal de nuits depuis la dernière publication xD, voilà un petit récapitulatif :

Kanda et Johnny ont trouvé Allen blessé et désespéré. Aux prises de cauchemars dans lesquels il voit Mana, sur qui il a appris une révélation perturbante, ce dernier ne veut pas parler. Kanda décide de prendre le taureau par les cornes et de le secouer, ce qui ne marche pas. Allen reproche à Kanda d'être revenu alors qu'il aurait pu être libre, résultat ils se sont disputés violemment, ce qui a coupé court à la conversation. Kanda comprend cependant qu'Allen a besoin d'aide. Il sort prendre l'air, s'engueule avec Link qui les suit et revient à la chambre d'hôtel en urgence suite à un appel au secours de Johnny : Apocryphos les attaque en passant par le miroir, Allen ayant reçu un éclat dans l'oeil et s'étant évanoui ~.

La course poursuite continue. Attendez vous à un chapitre de tension, bien qu'il soit assez transitoire.

Enjoy ~

RAR :

Guest : Merci beaucoup de ta review ! J'espère que ça te plaira encore o/


Chapitre 2 — Le Troisième Acte

Évanoui dans les bras de Johnny, Allen aurait pu sembler paisiblement endormi, si on oubliait le sang qui coulait de son œil maudit, se mêlant à la boursoufflure de la cicatrice qui lézardait sur sa peau. Kanda contemplait la scène, ses deux camarades au milieu de débris de verre et de poussières dans la petite salle, avec une rage meurtrière et un stress palpable. Apocryphos arrivait. Sale enculé. Des plumes se libéraient dans la pièce, depuis le trou dans le miroir, et les deux autres ne bougeaient pas. Venant d'Allen, ce n'était pas la peine d'espérer qu'il se réveille avant un moment. Il lui faudrait un médecin. D'urgence, sans quoi le pauvre gars finirait borgne. Ils n'étaient pas dans la merde, avec tout ça… Quant à Johnny, malgré son état de choc, il allait devoir réagir. Kanda ne se voyait pas les porter tous les deux et leurs quelques affaires. Il ne savait pas comment soustraire le scientifique de sa tétanie autrement qu'en hurlant. Il avait la présence d'esprit de flipper que ça ne le bloque davantage, le blond étant du genre anxieux. Néanmoins, il n'avait pas le choix. Dut-il lui en coller une, il fallait qu'ils désertent la piaule en quatrième vitesse.

Vraiment pas le choix. La silhouette de ce salopard de monstre, qui n'avait du prêtre que le costume, commençait à apparaître.

La main crispée sur la garde de Mugen, il entendit le sang battre à ses oreilles. Un rideau rouge dansait devant ses yeux.

Angoisse. Soif de sang. Rage. Peur.

Ses mains tremblèrent.

« Johnny, » le héla-t-il agressivement, « bouge-toi, putain ! On va crever si on ne se barre pas ! »

En même temps que le blond tourna la tête vers lui, les larmes aux yeux, Kanda se précipita dans la chambre, attrapant la valise ouverte sur le lit et la fermant, gueulant le nom de son acolyte.

Au bout de deux essai, Johnny réagit. Il souleva Allen maladroitement, Kanda grinçant des dents – le bougre n'arriverait jamais à le porter et fuir en même temps, c'était indubitable. Ils étaient dans la merde. Fallait qu'il mette la main à la pâte, pas le choix.

« Va-t'en avec Moyashi ! » hurla le Japonais. Il lui ouvrit la porte de la chambre à la volée, et dégaina sa lame d'un même geste, « Je vais retenir ce salopard.

—Je vais m'en occuper. »

Kanda sentit une sueur froide lui couler dans le dos. Il se retourna avec précipitation. Link était face à lui et retenait le chambranle de la porte avec détermination, sans doute pour le cas où le brun essaierait de le dégager. Le kendoka fronça les sourcils. Il n'avait pas le temps de partir dans une querelle de bas étage. En revanche, il avait entendu des choses… et la réaction de Link ne manquait pas de l'étonner.

« J'sais qu'il t'a presque tué.

—Vous n'arriverez jamais à fuir à temps. Mes sceaux le retiendront. Fais-moi confiance, Kanda Yû. »

Le brun n'aimait pas ça, concrètement. Et il n'avait putain de pas confiance en ce fumier. Sauf que pour la seconde fois, il n'avait pas le temps de jouer la dulcinée récalcitrante. Ils feraient avec.

Il opina du chef.

Avisant Johnny qui galérait à porter le maudit à bout de bras, il trouva judicieux d'échanger les rôles. Il s'empara d'Allen, l'arrachant aux bras de Johnny pour lui envoyer la valise ensuite. Le scientifique la réceptionna en glapissant, tandis que Kanda faisait voler Allen sur son épaule comme un sac à patate, lui criant de se magner.

Ils dépassèrent Link, que Kanda zyeuta du coin de l'œil, et se mirent à courir.

Quelle que soient les intentions du blond vis-à-vis d'Allen Walker, il prenait quand même un putain de gros risque pour eux. Le brun se dit qu'il ne l'oublierait pas. À condition qu'ils s'en sortent. Cavalant dans l'escalier, il loupa une marche et jura en utilisant la garde de son épée comme une canne pour se rattraper, Johnny lui rentrant dedans. Ils filèrent vers la sortie, façon comète, slalomant entre les tables et les clients. Le blond lâcha une trainée de pièces sur le comptoir de l'aubergiste qui les fixait comme s'il avait la berlue. Avec de telles entrées et sorties en fanfare, ce n'était pas très étonnant.

Ils déboulèrent dans la rue, le Japonais jetant un coup d'œil vers l'étage. Une explosion retentit, grossissant dans son regard au moment où les fenêtres éclatèrent.

De la fumée, des cris, des gens qui couraient hors du bâtiment.

Bordel… C'est pas bon !

Johnny émit un son, comme s'il allait parler, mais Kanda l'attrapa par le bras, le tirant en avant. C'était évident qu'ils se demandaient la même chose. Est-ce que Howard Link s'en était sorti, ou est-ce qu'Apocryphos avait eu raison de lui, cette fois-ci… Mais ils ne pouvaient pas s'attarder. Les secondes qu'ils perdaient avec le choc étaient peut-être fatales.

« Écoute. Le chien de Luberrier nous a aidé, maintenant, faut tracer.

—Je sais. J'ai vu une petite ruelle, allons par là. Mais K-Kanda, Allen doit vraiment voir un médecin…

—On s'en occupera plus tard ! »

Il avait beuglé sèchement. S'il s'en voulut, le petit blond à lunettes ne demanda pas son reste.

Ils s'infiltrèrent dans la première ruelle, juste en face, et tournèrent à une autre intersection. Kanda avait les sens en alerte. Fallait deux choses prioritaires, d'un, qu'ils se posent, ils pouvaient pas courir comme des bœufs et faire valdinguer Moyashi sur son dos avec sa saloperie de blessure éternellement, deux, qu'ils quittent le périmètre de l'auberge fissa. C'était pas très compatible, et paniqué comme il l'était, il était incapable de doser ce qui serait assez loin pour qu'ils assoient leurs derches. C'était pas son genre de flipper autant, d'habitude. Mais ce truc… il l'avait vu à l'œuvre, c'était pas normal, et son instinct lui hurlait qu'ils devaient se tirer. Éloigner Allen de lui.

Dans sa vision, les murs, le sol, les passants, tout s'emmêlait. Les halètements de Johnny qui s'essoufflait à la course. Il fallait qu'ils s'en sortent. Oh, il manquait d'air, lui aussi. Il le sentait s'annihiler dans ses poumons, dans sa gorge, comme sa salive s'asséchait dans sa bouche. Ça lui laissait un goût déplaisant, creux et sec, d'étouffement. Ils déboulèrent sur une grande place. Un marché était en vigueur. Au milieu de stands divers de légumes et autres joyeusetés, des dames vêtues de robes habillées et d'ombrelles marchaient, des hommes en costumes traversant après le passage de fiacres. Certains s'arrêtaient en face d'un grand bâtiment publique aux piliers romains, ils avaient manifestement trouvé l'Hôtel de ville. Kanda sentit sa chaussure s'enfoncer dans une flaque au milieu des pavés. Il leva une main devant Johnny, pour qu'ils arrêtent de courir.

Des têtes se tournaient déjà dans leur direction. C'était pas bon, ça aussi. Pour fuir, éviter de passer pour les clowns du village s'avérait plus efficace. Puis, Johnny l'avait bien dit, le maudit avait besoin de soin.

« On va y aller mollo, » lui intima le kendoka en reprenant son souffle, « qu'on se fasse pas repérer, et chercher un fiacre qui nous amènera jusqu'à un médecin. »

Le visage de son compagnon de galère s'illumina. Kanda grinça des dents. Ils avaient pas encore soigné le blandin ni sauver leurs culs, alors il ne voulait pas se laisser aller à la joie. Hors de question. Pas tant qu'il serait sûr à 100% qu'ils ne seraient pas tirés d'affaires avec l'autre monstre. Et que le maudit allait bien.

Parlant de Moyashi, Kanda savait qu'il ne pouvait plus marcher, et le porter comme un sac à patate n'était pas très confortable dans son état. Il ne voulait pas le blesser davantage. Ainsi, le Japonais le fit glisser de sorte à le tenir sous les genoux et sous les aisselles, le portant comme une mariée, avec une grande délicatesse. C'était aussi rageant que ridicule à ses yeux. Allen saignait. Son œil gauche continuait de cracher rouge. Dans l'inconscience, il avait l'air protégé de la souffrance. Kanda lui souhaitait ce luxe.

« Bakanda… »

Kanda pencha la tête sur le maudit dans ses bras. Il reprenait conscience ?

« N'ouvre pas les yeux, » lui intima-t-il. « Évite de te fatiguer.

—Je… »

Allen se mordit la lèvre.

« Merci… »

C'était un murmure si fugace que Kanda crut l'avoir rêvé. Johnny posa une main sur le front du blandin.

« Il est chaud. Il a dû avoir un gros coup de stress. Mais son œil m'inquiète, il faut qu'on voie si l'éclat est ressorti ou… Kanda, ça pourrait le rendre aveugle.

—Je sais bien, merci. Mais tu veux vraiment l'allonger sur la place pour jouer au docteur maintenant ? »

Le blond se tut. Il secoua la tête. Kanda s'en voulut de l'avoir rabroué, seulement, pour la énième fois, il fallait faire vite, et il voyait l'urgence de la situation. Ça le faisait rudement paniquer. Il aurait aimé prévenir Tiedoll. Kanda n'avait pas de Golem, et il ne savait pas si Timcanpy avait réussi à fuir avec eux de l'appartement. Il n'avait même pas remarqué. Quand Moyashi se réveillerait, il allait leur en faire un véritable caca nerveux. En même temps qu'il s'affolait dans un tumulte interne à s'en ronger les sangs, il entendit un bruit provenant de la valise de Johnny.

Les deux hommes échangèrent un regard, le blond l'ouvrant, la petite boule jaune préférée d'Allen Walker s'en échappant. Sa queue menaça de fouetter Kanda en représailles, mais ce dernier l'attrapa au vol, sans lâcher Allen pour autant. Hors de question de se perdre dans des conneries maintenant. Le Golem voulut d'abord se débattre mais en voyant son maître évanoui au creux des bras du Japonais, il se figea et se tourna dans sa direction.

« Va chercher mon maître, » ordonna Kanda, le lâchant et reprenant ainsi une meilleure emprise sur le corps de l'adolescent, « ton propriétaire a besoin de soin. C'est très urgent. Dépêche-toi. »

Timcanpy ne se le fit pas dire deux fois. Il s'envola, sa queue battant les airs alors que ses ailes le portèrent au-dessus des immeubles londoniens. Il aurait une vue imprenable sur la cité, s'offrant la possibilité de repérer le vieux efficacement. Le brun se sentit satisfait. Tout ne se déroulait pas comme sur des roulettes, c'était le moins qu'on puisse dire. Ils allaient tout de même pouvoir trouver une solution s'ils rejoignaient le vieux Maréchal. Ce dernier saurait forcément les aider, il aurait des tuyaux pour qu'ils restent loin d'Apocryphos et de ces foutus Noah. Sans parler des Akumas. Si le maudit faisait une nouvelle crise et que le Quatorzième se manifestait, ils le retrouveraient et mettraient la ville à feu et à sang. Y avait eu assez d'emmerdes comme ça, Kanda espérait vraiment que ça ne se produirait pas.

Une sensation humide sur l'une de ses joues lui apprit que le ciel se couvrait. D'un gris délavé, il paraissait proche de pleuvoir dans peu de temps.

Le jeune homme fit signe à son homologue de le suivre. Il fallait qu'ils trouvent un abri, ils n'allaient pas rester comme ça avec Moyashi blessé et se faire saucer dans les règles de l'art. Ils étaient toujours toisés par quelques passants, si la plupart se préoccupaient des stands bon marché étalés çà et là. Une petite dame pressée traversa la rue en courant, évitant de justesse un fiacre, et attrapa le bras d'un homme. Sans doute son mari.

Kanda soupira.

Il aurait voulu quitter la place principale, mais il fallait vraiment qu'ils s'arrêtent de marcher pour Allen. Il s'approcha de l'Hôtel de ville et se posa sur les marches, asseyant délicatement Moyashi contre son propre corps, de sorte que le blandin coucha sa tête sur son épaule. Le kendoka se crispa. Il n'était que peu fan des contacts du genre, mais Allen n'était pas qu'à moitié conscient et il ne tiendrait pas assis tout seul. Alors il acceptait – tolérait, ça. Ce gamin l'énervait. Il n'était même pas foutu de survivre seul et il osait, osait les repousser ? Sérieusement. Il lui aurait filé des baffes quand il pensait à ça. Mais il savait très bien que ce n'était pas la solution, Johnny le lui avait assez répété.

Ce dernier souriait gentiment, d'ailleurs, en les regardant. Il fouilla dans son sac et lui présenta un objet.

« Donne lui de l'eau, il doit pouvoir boire. »

Opinant, Kanda s'empara de la gourde que lui tendait le scientifique. Il héla le maudit d'un « hé » sec, ce dernier gémissant, reprenant un peu conscience. Le brun attendit d'être sûr qu'il soit à même de réagir et pencha précautionneusement la tête du blandin pour qu'il boive sans s'étouffer. Allen prit le goulot en bouche, Kanda le laissant faire à sa guise. Il relâcha bientôt la gourde, et reposa directement sa tête sur son épaule.

Le kendoka retint un soupir d'agacement.

« Ça va le faire pour lui ? » demanda-t-il à Johnny.

Le scientifique eut un hochement de tête hésitant.

« Il faut surtout espérer que Timcanpy revienne vite avec le Maréchal Tiedoll. Ça va aller pour Allen s'il se repose avec nous deux, mais ça ne pourra pas rester longtemps comme ça.

—Ouais. »

Sec, Kanda but à son tour. Il avait les nerfs en pelote et envie de tout dégommer. Il se demandait si cette fouille merde de Link s'en était sorti. Il leur avait été bien utile, le con. Mais s'il y passait, si Apocryphos, ce monstre, avait raison de lui, ça voudrait dire qu'ils étaient dans une merde encore plus grande que ce qu'il croyait. Kanda n'aimait pas Link. Sauf qu'il faisait un bon allié temporaire. Sans ça, ils seraient à fond dans la merde.

Dans son sommeil, Allen gémit faiblement. On aurait dit qu'il avait froid. Kanda le repoussa vers Johnny, qui le réceptionna en caressant son crâne, et ôta sa veste. De son manteau d'exorciste, il couvrit le corps du maudit. Il aurait froid lui aussi, mais il n'en mourrait pas.

Y avait plus qu'à prier pour que Timcanpy leur ramène le vioque rapidement.


C'était étrange. Oui, étrange. Il était dans une buée inconsciente, un flou de pensée, de sensation, il ne contrôlait plus rien. Il savait juste qu'il perdait de l'emprise sur son corps. Sur lui-même. Sur son âme. Allen respira plus vite, sa poitrine se soulevant dans la panique. Il avait vraiment peur. Autour de lui, il n'y avait que du noir. Il ne parvenait pas à y voir clair. Il n'y avait rien à faire, c'était comme si son corps était emprunté par un autre. Aucune chaleur. Aucune froideur. Rien, si ce n'est le trouble. Le jeune homme ne savait pas pourquoi il avait peur. C'était comme si ses sens lui dictaient qu'un danger était imminent. Alors, étendu dans cette obscurité, il attendait que se révèle ce qu'il y avait autour de lui. Il voulait juste comprendre où il se trouvait, se rappeler comment il y était arrivé, qui il était, mais il n'y avait rien. Aucune bribe d'information ne naissait dans son cerveau, c'était comme s'il avait tout oublié. Il avait beau cherché, rien n'apparaissait.

Le blandin se redressa, il parvenait à avoir une emprise sur ce qu'il y avait autour de lui, preuve qu'il n'était pas dans le vide. Il avait mal à la tête. Son corps, semblable à une masse douloureuse, le lançait. Il tituba, noyé dans cet océan sombre. Il disséqua le noir, se perdant parmi les ombres. Un souffle de vent s'infiltre sous ses vêtements – il réalisa tardivement qu'il en portait. Ses bras enserrèrent son propre torse. Il avait froid, en fait. Récupérait-il ses sensations ?

Alors qu'il analysait son environnement maigre, une pensée fusa dans son crâne, avec elle un mirage.

Je suis Red.

Non, il n'était pas vraiment Red. Il ne savait pas pourquoi il pensait ça, mais il avait tort. Il ne pouvait pas être Red.

Allen, est-ce que c'est toi ?

Non plus. Il n'était pas Allen. Était-il Red, alors ? Il devait forcément être un des deux. Il ne savait plus. Le cœur gros, il se mit à pleurer, là, dans le noir, dans le vent, désespérément seul.

« Allen ! »

Une voix l'appelait. Mana ? Mana ne pouvait pas. Mana n'était pas… Il avait menti. Mais il l'aimait, et il voulait le voir. Des sanglots secouèrent son corps.

Malgré lui, il se perdait.

Mana, c'est toi ? Je t'attends ! Viens !

Allen se rappelait ce nom. À son entente, son cœur se serra, devenant lourd de sentiments conflictuels.

« Mana ?! Je suis là ! Je suis là ! »

Il criait, maintenant. Participant à l'appel, il entendait son père – c'était son père, oui, c'était ça ! lui rendre son cri, en un écho infini. Ça finissait par le rendre mal à l'aise. Est-ce que la voix mentait, elle aussi ?

Mana était mort. Alors ce n'était pas Mana. Ça ne pouvait pas être Mana. Elle lui répondait et ne démentait pas, pourtant.

Allen réalisa qu'il ne se rappelait même plus le son de sa voix... La pensée lui creva l'estomac. Douloureuse, elle faisait si mal. Allen n'en revenait pas. Il oubliait un peu plus Mana.

Une autre voix s'éleva.

« Allen. »

C'était celle de Cross Marian, son maître. Il le fixait, au loin. Allen aperçut son visage.

« Tu dois avancer. »

Il le savait bien, qu'il devait avancer. Mais vers où ? Qui était là pour guider ses pas ? Personne, lui soufflait une pensée insidieuse et traître. Tôt ou tard, ça arrivait. Mais là, c'était trop tôt. Allen n'avait jamais eu le bon accompagnement. Jamais la bonne attache. Alors il aurait eu besoin d'un peu plus de temps avant d'être propulsé face à toute cette merde. Bon sang, il n'aimait pas être grossier, mais ça… c'était ingérable.

Le blandin eut peur de perdre espoir. De perdre tout court. C'était énormément déconcertant de sentir sa volonté, sa confiance, et son optimisme filer entre ses propres doigts. Il expérimentait cette sensation dans un mal être palpable. Et avec ce qu'il savait, il n'avait plus envie. Ça lui revenait justement. La révélation.

Mana avait toujours menti.

Le Comte avait raison.

Son paysage intérieur se modifia. Autour de lui, tout devint encore plus sombre. Plus noir que noir. Une colère intense le submergea, le jeune homme se retrouvant aux prises avec un sentiment horrifiant. Destructeur, et terrible. Il se sentait si submergé qu'il avait presque envie de s'arracher la peau. Comme s'ils étaient dix milles êtres en colères à l'intérieur de lui qui ne demandaient qu'à sortir, qu'à crier au monde leur colère.

Ils ne le pouvaient pas. Lui, si.

Pour la énième fois dans son sommeil, Allen hurla.

« MOYASHI, PUTAIN ! »

… Ses yeux virent clair, cette fois.

Il était allongé sur ce qui avait tout l'air de l'intérieur d'une charrette recouverte d'une bâche blanche. Le tissu laissait filtrer certains courants d'airs et ses omoplates le lançaient à force d'être allongé à même le bois.

Kanda retenait son épaule, d'une emprise revêche. Il sourit, reconnaissant bien là son camarade. Johnny, quant à lui, paraissait mort d'inquiétude. Le poids de la culpabilité noua son estomac. Il ferma les yeux, il avait besoin de quelques secondes. Juste quelques secondes.

Encore un peu…

De sommeil…

Exténué, Allen se rendormit. Il priait pour ne pas rêver.


Kanda était agacé. Ça faisait plusieurs minutes qu'ils attendaient ce foutu golem et ce foutu Maréchal, et ni l'un ni l'autre ne pointaient le bout de leur trompe. Il avait envie de zigouiller tous les passants qui se promenaient à sa vue, la crainte de voir Apocryphos débouler à tout moment. Il avait le temps de les tuer dix fois d'ici à ce que Tiedoll rapplique. Le scientifique percevait son agacement mais s'abstenait de murmurer des paroles réconfortantes, Kanda l'ayant envoyé paître lorsqu'il avait essayé.

Johnny tenait Allen dans ses bras, pendant que Kanda se gelait sans sa veste. Il commençait vachement à regretter, ça aussi. Le kendoka s'agrippa à Mugen, fantasmant l'image mirifique d'un assassinat dans sa vision mentale. Oh qu'il avait des envies de meurtres. Il y avait bientôt plus de sel en lui que dans l'océan tant il était à bout. À force d'épuisement, de stress, et de courses, ils l'étaient tous les trois.

Si le Japonais ne voulait pas se l'avouer, il s'inquiétait un peu pour Moyashi. Il poussait quelques couinements en dormant, bougeait les paupières, mais ne disait mot. Johnny essayait de faire l'optimiste, mais il était nerveux pour cacher son anxiété. Alors Kanda prenait sur lui, comme toujours. Ça l'énervait de ne pas contrôler cette foutue frousse et d'être aussi sensible à la situation. Il se doutait bien que c'était parce que ce qui se passait était important pour lui. Au sens où il tenait à aider Allen. Il ne le lui avait pas encore dit correctement, et il espérait en avoir l'occasion.

Avoir une vraie discussion avec lui. Commencer quelque chose, peut-être : une amitié sincère. C'était con, mais une part de lui désirait ça. Alma l'avait trop profondément atteint… La pensée lui tira un sourire doux-amer. Il savait aussi qu'il devrait peut-être tuer Allen si le Quatorzième prenait sa place. Ça aussi, il ne l'espérait pas. Tout ça ne dépendait pas de lui. Le sort du Moyashi était entre les mains du destin, et les siennes propres. Il était le seul à pouvoir se sauver. Pas sans aide. Encore fallait-il que ce con l'accepte.

Tout ce que Kanda ruminait le rendait cinglé. Rester assis à poireauter, ça n'avait jamais été son fort.

Enfin, la silhouette d'un charriot se pointa à l'autre bout de la place. Kanda reconnut le vieil homme aux rennes. Il eut un rictus.

Ils allaient peut-être pouvoir se tirer d'affaire, et il allait peut-être éviter de bousiller les marchands qui venaient leur demander s'ils avaient besoin de quelque chose toute les cinq minutes.

Foutue ville un jour de marché.


Tiedoll se mit à l'arrêt devant eux, fouettant son cheval pour qu'il stationne. Les roues crissèrent sur le sol de manière monstrueuse. À la hâte, Kanda et Johnny avaient saisi Allen, le brun par les épaules, le scientifiques par les jambes, pour le faire monter à l'intérieur, le vieillard venant les aider. Ils tirèrent la bâche obstruant l'habîtacle du charriot, et quelle ne fut pas la surprise de Kanda de découvrir ce salopard de Link assis au fond en toute quiétude.

Alors Apocryphos ne l'avait pas eu. D'accord, il avait espéré qu'il survive. Mais qu'il soit revenu en compagnie de Tiedoll, il trouvait ça suspect. Il préférait tenir l'autre à distance.

Son instinct s'allumant, il réagit :

« T'as rien à faire ici, le chien de Luberrier.

—Je veux vous aider. »

Kanda grogna, mais avant qu'il ne hurle, Allen toussa. Johnny perdit gauchement emprise sur ses jambes, comme il se débattait, et l'adolescent se redressa douloureusement, signe qu'il se réveillait.

« Arrêtez de vous battre…, » murmura-t-il. « Je… j'ai chaud. »

Johnny paniqua, de sorte que Kanda reçut tout le poids du blandin, qui s'écroulait entre ses bras. Tiedoll s'adressa à Link :

« Va conduire, Johnny et moi allons l'examiner. Kanda, aide-moi à le soulever.

—Putain, il bouffe pas que des légumes. »

Après avoir savamment râler, baragouinant un tch, le Japonais s'exécuta. Ils allongèrent aussi confortablement que possible Allen, à savoir sur son manteau. Il se les pelait toujours autant, du coup, de son côté. Kanda s'assit dans un coin, Mugen en main, serrant sa veste trop maigre contre son corps trop froid. Johnny lui adressa un sourire, tandis que Tiedoll ricanait dans sa moustache. Ça lui donnait envie de leur mettre des droites. Enfin, pas à Johnny. Il appréciait Johnny beaucoup plus que son vieil emmerdeur de maître qui se prenait pour son père.

Johnny et Tiedoll s'affairèrent autour du maudit. Ils examinèrent son œil, nettoyèrent sa plaie avec une trousse que le Maréchal avait sur lui. Ce n'était pas un vrai médecin, mais pour des premiers secours, c'était mieux que rien.

Au bout de quelques instants, ils se tournèrent vers lui.

« Le verre est ressorti, il a eu de la chance, » dit Johnny avec un soulagement palpable dans la voix. « Ça a seulement entaillé sa paupière. »

Tiedoll hocha la tête.

« Un peu de repos, et ça ira bien. Link ! » il tapa sur le fond du charriot, souhaitant interpeler le corbeau, « arrête toi, je vais reprendre les rennes. On va tenter de quitter la ville.

—Très bien. »

Ils freinèrent.

Kanda se taisait, et décida qu'il ferait mieux de dormir lui aussi.

Au même moment, Moyashi se mit à gueuler. Son cri glaça tout le monde dans l'habitacle. L'Asiatique eut le réflexe de se précipiter sur lui, pour l'empêcher de trop s'agiter dans son sursaut. Johnny l'aida, apeuré. De nouveau, Kanda se sentit soucieux. Il ne savait pas ce que l'autre avait vu, mais ça l'avait sévèrement atteint. Il avait l'impression que ça avait quelque chose à voir avec la guerre.

Foutu Moyashi, qu'est-ce que tu nous caches ?

À suivre...


Et voilàà pour ce troisième chapitre ! Ça patauge un peu encore, mais c'est le but, les pauvres vont en voir de belles ~

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