Rating : T

Genre : Romance, Hurt-Comfort.

TW : Crise d'angoisse, PTSD

Destinataire : T'as vu, Taru ? C'est à toi que je réserve le seul TW du recueil mdr. En même temps, vu les personnages... Parce que oui, il y n'y a que pour toi que je peux écrire du ShigaDabi et même si ça se termine bien avec une touche de fluff, les perso gardent leurs traumas tmtc. J'espère en tout cas que ça te plaira, my love, je suis vraiment sortie de ma zone de confort pour ce texte et j'espère ne pas trop être à côté de la plaque ! En espérant que ça te plaise, Joyeux Noël mon amour !


Un cadeau ou un sort ?

Toga et Twice s'étaient mis dans la tête de fêter Noël.

Shigaraki n'était pas d'accord. C'était une célébration purement commerciale et hypocrite, la marque d'une société figée sur les apparences, dysfonctionnelle et pourrie jusqu'à la moelle. Voilà ce qu'il avait déclaré à ses camarades – peut-être pas en ces termes exacts, mais c'était l'idée –, la voix acide et sa peau le démangeant furieusement. Spinner avait approuvé d'un hochement de tête décidé, affirmant que fêter la bienveillance un seul jour par an n'était qu'un putain de mensonge. Dabi s'était contenté d'un sourire narquois mais Tomura savait qu'il n'en pensait pas moins que lui. Kurogiri était resté de marbre – ou de vapeur ? – comme s'il n'était guère concerné par de telles considérations. Magne et Compress avaient été les premier·e·s à céder au caprice des deux autres.

Magne était partie avec Toga et Twice chercher un sapin de Noël. Iels étaient revenu·e·s avec un putain de buisson qu'iels avaient arraché dans un parc public et embarqué dans la voiture de Magne. L'arbuste était petit, rabougri, couvert de petites feuilles pointues dont le vert sombre tirait vers le pourpre.

– On dirait qu'il est sur le point de se vider de son sang, murmura Toga en se léchant les lèvres.

– Ça peut saigner pour de vrai, un arbre ? demanda Magne, perplexe.

– Ne dis pas ça, tu vas le vexer ! s'offusqua Twice d'une voix aiguë en posant ses mains de part et d'autre du buisson, comme pour lui boucher les oreilles et le protéger de paroles offensantes.

– C'est qu'un putain de buisson, votre truc ! grogna Dabi depuis le fond du canapé.

– Absolument ! approuva Twice, la voix plus grave, en se redressant d'un bond. Les plantes ne sont pas dotés d'émotions, ce serait complètement stupide ! ... Oui, mais on dit bien qu'il faut parler aux plantes pour qu'elles poussent bien, reprit-il avec confusion.

– Moi, j'aime notre sapin de Noël, décida Toga en jouant avec ses feuilles.

– C'est. Un. Putain. De. Buisson.

– Ta gueule, Dabi.

Magne, qui s'était éclipsée pendant la discussion, revint de l'atelier à demi en ruines situé à côté de leur planque avec un énorme seau dans lequel elle plaça l'arbuste. Compress arriva à son tour, les bras chargés d'un carton débordant de guirlandes électriques et de divers objets. Toga et Twice se précipitèrent vers lui en poussant des cris de joie, puis plongèrent à pleines mains dedans, cherchant de quoi décorer leur buisson de Noël. Magne se prêta facilement au jeu.

Shigaraki et Dabi se moquèrent de leur comportement de gamins, mais Spinner finit par se laisser convaincre et rejoignit la bande, sous le regard presque amusé de Kurogiri.

Les doigts de Tomura tressautèrent. Cet excès de bonne humeur lui donnait la nausée.

– Vous m'filez la gerbe, lâcha-t-il avant de se lever et de sortir en claquant la porte.

Le froid lui griffa la peau sitôt qu'il fut dehors, exacerbant ses démangeaisons. Tomura se gratta la nuque, d'abord inconsciemment, puis de plus en plus férocement, incapable de s'arrêter alors même qu'il se faisait mal et que le sang coulait sous ses ongles.

Des flashes ricochaient sous son crâne.

L'image d'un véritable sapin au sommet duquel une petite fille déposait une étoile brillante. Une voix douce qui parlait de magie et de neige. La bonne odeur des marrons grillés. Des cris, des insultes, des coups, des larmes qu'il ne parvenait pas à retenir. Alors Tenko se grattait, encore et encore, de plus en plus fort, peut-être que s'il se grattait assez fort ces fantômes de souvenirs se détacheraient de sa peau et disparaîtraient à jamais. Il pourrait alors avancer de nouveau, plus léger, plus libre.

Tout son épiderme fourmillait, pas seulement sa nuque, mais aussi son visage, ses bras, ses jambes et il avait besoin des mains – les mains de sa famille, les mains de son passé. Celles qui le maintenaient prisonnier autant qu'elle le gardaient en vie.

Ça faisait mal de les porter, mais Tomura se sentait plus fort avec elles. Invincible.

Ses pas l'avaient bien vite ramené à la plaque de la Ligue. Sans réfléchir, il en passa la porte, ignorant ses camarades qui transformaient l'intérieur de la pièce en riant, et se précipita à l'étage, dans la salle qui lui servait de chambre. Dabi s'interposa avant que Tomura n'atteigne le placard dans lequel reposaient les mains de ses parents, de sa sœur, de ses grands-parents. La colère éclata comme une lumière blanche derrière ses yeux. Shigaraki allait le désintégrer, ce sale petit con, il n'était vraiment pas d'humeur à le supporter, pas aujourd'hui, pas ce soir...

Mais Dabi ne dit rien, se colla dans son dos et enroula ses longs bras autour de son torse. Shigaraki détestait cette sensation d'enfermement – il allait le tuer, le tuer, le désintégrer le détruire atomiser anéantir tuer tuer tuertuertuer... Les mains de Dabi se refermèrent sur les bras de Tomura. Ses grandes mains aux doigts tordus, râpeux, secs. Ses grandes mains dont la peau se craquelait autour des agrafes maintenant les zones brûlées de son corps. Ses grandes mains qui le serraient, le serraient, le serraient plus fort encore ne le faisaient les autres mains, et ça faisait mal parce que ce n'étaient pas vraiment les bonnes mains, mais ça apaisait aussi les démangeaisons. Elles ne disparaissaient pas complètement – jamais – mais revenaient à un seuil plus tolérable, Tomura n'était plus obligé de se gratter, il pouvait supporter, il pouvait oublier.

Tomura n'aurait su dire combien de temps ils restèrent ainsi, dans une étreinte qui n'en était pas vraiment une – ou peut-être que si en fait. Pas plus qu'il ne pouvait déterminer à partir de quel moment Dabi avait commencé à intervenir de la sorte pour atténuer ses crises, ni par quel miracle il arrivait à savoir quand Tomura avait besoin de lui. Ils n'étaient pas ensemble. Du moins, pas de la façon dont on l'entendait habituellement. Tomura ne savait pas vraiment. Il s'en fichait, en fait. Dabi était important pour lui ; pas plus que les autres membres de la Ligue, mais de façon différente. Quelle importance, au fond ?

Dabi le relâcha, précisément au moment où l'étreinte lui devenait inconfortable. Avait-il la faculté de lire les émotions, en plus de ses flammes ? Ils ne dirent rien – enfin si, ils se crachèrent des piques et des provocations à la gueule, mais ça ne voulait rien dire, c'était juste des mots dans le vent, du bruit autour de leurs cœurs couturés de cicatrices.

Puis ils redescendirent au rez-de-chaussée que leurs camarades avaient entièrement transformé. Des guirlandes serpentaient sur les murs ; elles avaient probablement été multicolores à l'origine mais les vilains avaient explosé une partie des ampoules pour ne plus laisser que les rouges. Des branches – qui n'étaient pas du gui – étaient suspendues au-dessus de la porte. Quant au pauvre buisson de Noël, il était recouvert d'objets aussi étranges qu'incongrus : deux fourchettes, une cuillère, des clous, un marteau, trois tournevis, des feuilles de journal roulées en boules, des bouteilles en plastique remplies d'un liquide rouge qui ressemblait peut-être à du sang, de petits soldats de plomb et des billes multicolores. Twice était justement penché sur l'arbuste, lui chuchotant des conseils pour pousser bien et fort comme un vrai sapin.

Toga se glissa jusqu'à eux, un sourire trouble aux lèvres :

– Tomu-chan ! Un cadeau ou un sort ?

– Va te faire foutre. Je fais pas de cadeau, rétorqua Shigaraki.

– Mais moi je t'en ferais un ! déclara Magne en posant brutalement la main sur son épaule. Je suis ta Mère Noël Secrète !

Tomura frémit, parce qu'il n'aimait pas qu'on le touche, mais ne repoussa pas sa camarade.

– Tu ne dois pas le dire, Magne, puisque c'est un secret, fit remarquer Compress avec amusement.

– On s'en fiche ! rigola Spinner.

– Pas question que je participe à ça, trancha Shigaraki.

– Tu n'as pas vraiment le choix, avança Kurogiri.

Allons bon, il n'allait pas s'y mettre lui aussi ? La discussion s'envenima mais ne dépassa jamais le niveau de leurs chamailleries habituelles et c'était presque réconfortant, réalisa Tomura. Il jeta un coup d'œil à Dabi qui affirmait à Twice qu'il lui offrirait un rat crevé pour Noël – ce qui réjouissait ce dernier autant que cela le révoltait.

Et Shigaraki se surprit à sourire. Peut-être bien que ce Noël-ci vaudrait le coup, en fin de compte.