La Lance et le Marteau

Résumé

Aloy va aider Érend à retrouver sa soeur. Et si le fait de voyager en sa compagnie pendant un certain temps changeait un peu son point de vue ? Elle qui avait l'habitude de voyager seule se retrouve avec quelqu'un sur qui veiller... et surtout quelqu'un qui veille sur elle.

Notes

Nous sommes ainsi au jour 4 de l'Horizontober, avec le mot "Night"
Bonne lecture.


IV – Pensées nocturnes

Night (day 4)

Il faisait nuit. Ils avaient trouvé une grotte dans laquelle ils s'étaient réfugiés pour la nuit. Le feu qui avait été allumé diminuait et Érend était à l'entrée de la grotte, prenant son tour de garde.

Il ne savait pas depuis combien de temps ils étaient en route depuis qu'ils avaient découvert que ce n'était pas les Carjas de l'Ombre qui étaient à l'origine de ce qui était arrivé à Ersa et ses hommes.

Il se souvint à peine de leur retour à Méridian, après cette découverte. Avad et Aloy avaient longuement parlé. Et quand elle était revenue vers lui, Aloy avait dit qu'il l'aiderait à retrouver Ersa. Était-ce de sa propre volonté ou était-ce à la demande d'Avad ? Il se douta que le roi lui avait demandé de la retrouver. Mais il s'interrogea sur les motivations d'Aloy. Pourquoi avait-elle décidé, finalement, d'aller rechercher Ersa ?

Quand elle lui avait fait part qu'elle partait à la recherche de sa sœur, il s'était aussitôt proposé pour l'accompagner. C'était normal, avait-il décrété. C'était sa sœur. Il n'allait pas rester derrière alors qu'Aloy partait seule. L'idée lui était intolérable. Au début, il avait bien vu que l'idée n'enchantait pas la Nora. Et il avait vite compris pourquoi : c'était une solitaire. Pas réellement par choix, mais à cause de son statut de paria qu'elle avait dû traîner comme un poids sur ses épaules. Il lui arrivait de se demander pour quelles raisons on avait fait d'un nourrisson une paria…

Au fil de leur voyage, il avait aussi compris une autre chose : la solitude dans laquelle elle avait vécu jusque-là l'avait rendue solitaire, mais surtout silencieuse. N'ayant personne à qui parler en temps normal, si ce n'est son mentor, elle n'avait pas tendance à parler beaucoup. Si ce n'est quand elle avait des questions, bien sûr.

Avec un petit sourire amusé, il se rappela de leur première rencontre. Elle lui en avait posé, des questions. Certaines qui lui semblaient pourtant évidentes. Il ne se doutait pas qu'en tant que paria, elle n'avait jamais entendu parler des dysfonctionnements des machines. C'était de notoriété publique ! Comment cela se faisait-il que personne ne lui en ait jamais touché un mot ?

Ah oui, c'est vrai… L'interdiction de parler aux parias…

Il secoua la tête dans la nuit tout en jetant un coup d'œil à la rouquine, endormie non loin du feu. Il avait été sincère quand il lui avait dit qu'il trouvait que c'était une coutume bien cruelle. D'autant plus dans son cas : elle n'était qu'un bébé quand elle avait été bannie de sa tribu et ce sans qu'aucune explication ne lui soit jamais fournie.

Une horrible pensée lui traversa alors l'esprit : et si ce Rost n'avait pas été là, les Matriarches et Hautes-Matriarches auraient-elles poussé la cruauté au point de laisser le nourrisson à la merci des machines ?

Cette pensée étant plus que dérangeante, il préféra la repousser dans un coin, au fond de son esprit. Rost avait été présent et avait élevé Aloy. C'était certainement grâce à lui qu'elle était devenue la femme qu'elle était aujourd'hui.

Érend détourna les yeux d'Aloy pour les reporter sur la nuit, au-dehors. Il ne fallait surtout pas qu'il faillisse à sa mission de monter la garde.

L'Oseram se perdit une nouvelle fois dans ses souvenirs. La première fois qu'il avait vu Aloy, elle était en pleine discussion avec Olin. Il avait été assez surpris de voir son ami de beuverie parler à un aussi joli brin de fille, lui qui n'avait d'yeux que pour sa femme en temps normal. Il avait bien tenté de l'inviter à boire un verre ou deux, cela n'avait pas vraiment fonctionné, à son grand regret. Et en même temps, elle se préparait pour l'Éclosion. Ce n'était pas rien.

La première pensée qu'il avait eue en la regardant, c'était qu'elle était jolie. Non pas extrêmement belle comme pouvaient l'être certaines Carjas sophistiquées, mais assez jolie tout de même. Sa tignasse rousse et épaisse lui conférait un petit air sauvage qui ne lui déplaisait pas.

La seconde pensée qui lui était venu en tête, c'était que malgré tout, elle était ignorante. Elle ignorait tout des raids rouges, du dysfonctionnement des machines et des nouvelles machines qui apparaissaient tous les deux ans environ. Tant d'ignorance pourrait lui être fatale. Bien sûr, ce n'était pas totalement de sa faute. Elle n'avait eu accès à aucun moyen de savoir ses choses. Quelque chose lui soufflait à l'oreille que si elle avait appris pour les raids rouges, elle ne serait pas gentiment restée les bras croisés. Il avait pu constater, en la côtoyant, qu'elle possédait un certain sens de la justice.

Un nouveau sourire apparut sur ses lèvres. À bien des égards, elle ressemblait à sa sœur. Ersa et elle avaient beaucoup en commun. Était-ce pour cela qu'il appréciait la compagnie de la Nora ? Oui, admit-il silencieusement. Mais pas que.

Car sa sœur… jamais il n'avait eu envie de l'embrasser comme il avait déjà eu envie d'embrasser Aloy…

Cette pensée le fit un peu rougir. Et il se rendit compte qu'il était encore en train d'observer Aloy dormir. Heureusement qu'elle dormait, car il ne sait pas ce qu'il aurait fait si elle avait vu son visage rouge. Il aurait pu dire que c'était la chaleur du feu… Mais non.

Aloy était jolie. Aloy était attirante. Aloy était une chasseuse, une guerrière et une brave. Aloy avait une chevelure dans laquelle il rêvait parfois de passer ses doigts. Aloy avait des lèvres qu'elle passait son temps à mordiller et qu'il avait envie de goûter.

Mais Aloy était plus jeune que lui. Aloy était ici pour sauver sa sœur et il se promit de garder ses pensées pour lui.

Ersa. Il devait garder Ersa en tête. C'était pour la sauver qu'ils faisaient route ensemble. Sans cela, leurs routes se seraient déjà séparées. Et après cela, leurs routes se sépareraient certainement…

Elle retournerait à ses aventures solitaires. Et lui retournerait à Méridian, sous les ordres de la Capitaine Ersa, espérait-il. À protéger le roi et à boire à la taverne.

Il soupira et se détourna une fois de plus d'Aloy. Il ne pouvait pas vraiment dire qu'il était amoureux d'Aloy. Qu'était-ce l'amour, de toute façon ? Avait-il seulement déjà aimé une femme ? Non, pas qu'il s'en souvienne. Il avait aimé sa mère et il aimait sa sœur, mais ce n'était pas la même chose. Il appréciait Aloy et ça n'allait pas plus loin.

Du moins essaya-t-il de s'en convaincre, comprit-il.

Il se passa une main sur le visage, légèrement penché en avant. Par la forge...

« Érend ? »

Il sursauta légèrement et se tourna vers Aloy qui s'était redressée sur un coude. Elle se frottait les yeux et bâilla. Il lui adressa un petit sourire rassurant. « Dors, ce n'est pas encore ton tour de garde. »

« Tu semblais… pensif… et triste… » dit-elle en le regardant, penchant légèrement la tête sur le côté.

Triste… L'était-il ? Il était inquiet pour sa sœur, oui.

« Ne t'inquiète pas, » lui dit-il. « C'est juste de la fatigue et un peu d'appréhension. Ça ira mieux quand on aura retrouvé ma sœur. »

Elle darda sur lui des yeux à la lueur déterminée qu'il affectionnait tant.

« On la retrouvera, » lui promit-elle.

Érend lui sourit avec affection, sans qu'il ne le cache, cette fois.

« Je sais, » dit-il. « Je sais que quand tu promets une chose, tu tiens cette promesse jusqu'au bout… »

Elle hocha la tête.

« Dors, » répéta-t-il. « T'inquiète pas, quand ce sera mon tour de dormir, je te réveillerai. » Il s'étira. « Je ne suis pas galant au point de laisser passer mes heures de sommeil. »

Elle eut un petit rire puis se recoucha. Elle ferma les yeux et elle se rendormit en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Il la regarda un moment, observant le jeu de lumières que faisaient les flammes sur son visage. Puis il se détourna et reporta son attention sur la nuit, au-dehors.