La Lance et le Marteau
Résumé
Aloy va aider Érend à retrouver sa soeur. Et si le fait de voyager en sa compagnie pendant un certain temps changeait un peu son point de vue ? Elle qui avait l'habitude de voyager seule se retrouve avec quelqu'un sur qui veiller... et surtout quelqu'un qui veille sur elle.
Notes
Bonsoir. Nous voici pour le sixième chapitre de cette fanfic, qui correspond au sixième jour de l'Horizontober. C'est le mot "Light" qui est à l'honneur ce soir.
Bonne lecture aux éventuels lecteurs.
La bise.
VI – Souvenirs
Light (day 6)
Belvédère était à une journée de marche. Ne sachant pas ce qu'ils allaient affronter, ils avaient décidé de se reposer le plus possible, dans la mesure du raisonnable, la veille.
Depuis qu'elle avait fait son insolation, Aloy ne rechignait plus autant à faire des pauses et à se ménager quand il le fallait, au soulagement d'Érend. Et quand elle se sentait coupable du retard qu'ils pouvaient prendre, il la rassurait en disant qu'Ersa ne se laisserait certainement pas abattre aussi facilement. Elle était forte et il le savait, elle l'attendait.
La veille au soir, ils s'installèrent pour la nuit, une fois de plus. Ils dînèrent d'un renard. Ce n'était pas la viande préférée d'Érend, mais il n'allait pas faire la fine bouche. C'était toujours meilleur que les rats.
Après avoir mangé, ils s'installèrent tous les deux dans un silence confortable. Érend réfléchissait au lendemain et Aloy jouait avec son bidule. Une petite lumière était diffusée par son focus et elle faisait aller ses mains devant elle. Elle semblait complètement ailleurs quand elle faisait cela.
Mais Érend ne s'en plaignait pas. Cela lui laissait tout le loisir de l'observer sans qu'elle y fasse attention.
Quand elle tourna les yeux vers lui, il s'empressa de se détourner et s'occupa de la viande qui grillait sur le feu. Il comprit cependant assez vite que ce n'était pas vers lui qu'elle se tournait, mais vers ses lumières.
Au bout d'un moment, elle immobilisa ses mains et éteignit son appareil. Ne sachant pas de quoi le lendemain serait fait, Érend décida de poser les quelques questions qui lui tournaient dans la tête depuis qu'il découvert l'existence des focus.
« Aloy ? » Elle se tourna vers lui, l'interrogeant silencieusement du regard. « Ton bidule, là. » Il montra sa tempe.
« Mon focus ? »
« Ouais, c'est ça. Comment ça marche, exactement ? Je veux dire… je n'ai pas bien saisi ton histoire d'enregistrement, la dernière fois. »
La rouquine fronça les sourcils et croisa les bras, semblait réfléchir à la meilleure manière de lui expliquer cela. Puis elle hocha la tête et ralluma son bidule. Érend fut un peu déçu, il espérait pouvoir engager une conversation, mais Aloy ne semblait pas désireuse de parler… Les mains de la Nora défilèrent de gauche à droite à plusieurs reprises, puis elle éteignit son focus.
À la grande surprise d'Érend, elle le retira de sa tempe et le lui tendit. Il la regarda, surpris, ne sachant que faire.
« Tu veux essayer ? Ce sera plus simple que d'expliquer, car c'est vrai que tant qu'on ne l'a pas vécu, c'est un peu… bizarre et difficile à comprendre. »
« M… Moi ? Essayer ton focus ? »
L'idée ne l'avait jamais effleuré. Et il n'osa pas tendre la main vers l'appareil. Non pas qu'il n'était pas curieux, mais… n'était-ce pas censé être un objet… intime ?
« Je ne saurais pas comment l'utiliser, » dit-il, les yeux fixés sur l'objet.
« Je vais t'expliquer comment faire, » rassura Aloy. Un petit sourire narquois se forma sur ses lèvres. « Ne me dis pas que tu as… peur… ? »
Et elle se moquait de lui, la bougresse ! Il secoua la tête. « Sache, fillette, que je n'ai peur de rien. Si ce n'est de casser ton bidule en l'utilisant mal… »
« Si tu veux, je te le mets moi-même ? »
Mettre le focus elle-même… sur la tempe d'Érend… Elle serait proche. Trop proche ?
Sans vraiment s'en rendre compte, il hocha la tête et Aloy vint s'agenouiller devant lui. D'un geste doux, elle plaça le focus sur la tempe d'Érend alors que lui profitait de sa proximité. L'objet se colla à sa peau et il en fut on ne peut plus surpris.
« Voilà, » dit-elle avec un sourire. « Maintenant, appuie dessus, doucement, » ajouta-t-elle. Elle mima le geste, portant sa propre main à sa propre tempe, pour montrer comment faire. Érend leva la main et appuya doucement sur le focus d'Aloy. Un petit bruit se fit entendre, qui le surprit.
« Ce bruit… tu l'entends à chaque fois que tu l'allumes ? » s'étonna-t-il.
« Oui, » répondit-elle avec un sourire amusé.
« Et… ça ne te rend pas folle, ce bruit ? Je le trouve assez insupportable… »
Aloy pencha la tête sur le côté, réfléchissant à la question. « Au début, si, » admit-elle. « Mais on finit par s'habituer. »
Elle s'éloigna de lui et vint s'installer à côté de lui. Maintenant qu'il n'avait plus son visage couvert de taches de rousseur dans son champ de vision, il put voir des lumières devant lui. Il tourna la tête, les lumières tournèrent en même temps.
« C'est… déroutant… » commenta-t-il. « Et je fais quoi, maintenant… ? »
« Normalement, tu vois une forme rectangulaire au milieu, non ? »
« Oui, je la vois. »
« En-dessous, y a différents symboles, non ? » Il hocha la tête. « Alors appuie sur celui qui a la forme d'un triangle. »
« Et je fais ça… avec la main… ? » s'étonna-t-il.
« Oui, » répondit Aloy.
Un peu hésitant, Érend leva la main et la dirigea vers le triangle dont lui avait parlé la jeune femme. Il appuya dessus et aussitôt, la forme rectangulaire s'anima. Une image apparut et il en resta bouche bée quand il fit que c'était Olin. Cela semblait se passer lors de la Bénédiction, chez les Noras.
-·- Hein ?! Une Nora… avec un focus ?! C'est impossible. Ta tribu a peur des ruines, c'est interdit ! -·- disait l'Olin de la vision.
« Mais… C'est le passé ! »
« Oui, tu vois ce que j'ai vu lors de notre première rencontre. C'est ça un enregistrement. Je revois les choses que j'ai déjà vues. »
Il hocha la tête, regardant Olin avoir comme un problème avec son propre focus. C'est alors qu'il entra en jeu. Il descendait de l'estrade où il venait de sauver la mise du prêtre du Soleil.
-·- Olin ! Tu sympathises avec les autochtones, alors ? -·-
Érend avait envie de se mettre une baffe. C'était vraiment ainsi qu'il avait abordé Aloy ? Y avait pas plus lourd comme phrase d'introduction… Il en était tellement gêné qu'il ne fit quasi pas attention au fait qu'Olin partait. Il était concentré sur sa propre image. Il regrettait d'avoir l'air à moitié ivre, comme il l'était. Plus les scènes passaient et plus il avait honte. Bien sûr, Aloy n'était pas la première femme à qui il faisait ce genre d'avances pas très subtiles, mais quand même…
-·- Je n'avais jamais entendu parler des 'Raids rouges' avant. C'était quoi ? -·-
-·- Comment ça, ta tribu était en guerre, et tu ne le savais pas ? Tu vivais dans une grotte ? Tes parents étaient un peu trop protecteurs, c'est ça ? -·-
-·- J'ai toujours été une paria. La tribu m'évitait. -·-
Mais quel idiot ! Là, il avait vraiment mis les pieds dans le plat, comme un crétin ! Mais il avait été sincère quand il avait dit qu'il trouvait cette coutume très cruelle. Comment pouvait-on faire subir ça à un nourrisson ? s'ébahit-il une fois encore.
Leur première rencontre défilait donc devant ses yeux et il sourit un peu. Elle lui avait posé beaucoup de questions, cette fois-là. Vraiment beaucoup.
-·- Qu'est-ce que tu sais d'autre sur Olin ? -·-
-·- Il t'intéresse tant que ça ? Fais gaffe, je vais être jaloux. -·-
Ersa avait raison quand elle disait qu'il avait autant de subtilité qu'un troupeau de Coureuses qui charge… Il avait bien envie de rentrer dans la vision de l'enregistrement, et mettre un coup de poing à son lui du passé…
-·- Je crois que la Bénédiction m'appelle. -·-
-·- Écoute. Je ne devrais peut-être pas dire ça, mais pour moi, tu n'as rien à faire dans… ce trou. Je veux dire, t'es pas bête, clairement tu sais te débrouiller, et… Regarde-toi. -·-
-·- Euh… De quoi est-ce que tu parles ? -·-
Et le pire, c'est qu'à l'époque, il avait cru qu'elle faisait des manières, juste pour avoir quelques compliments de sa part, comme le faisaient certaines Carjas qu'il avait rencontrées. Mais non, Aloy n'était pas de ce genre. Aloy était sincère et juste. Et surtout, elle n'était pas consciente de sa beauté… Et lui, bougre d'imbécile, il l'avait traitée comme une Carja en quête de compliments. Quel crétin il faisait.
Ne sachant quoi faire, il appuya sur un bouton qui ressemblait un peu au triangle dont avait parlé Aloy. Juste qu'il y en avait deux et un petit rectangle à côté, vertical. À sa surprise, cela passa à une autre scène. Aloy qui était devant les portes de Méridian, en train de parler avec un garde, surprise d'apprendre la mort d'Ersa. Il grinça un peu des dents quand il entendit le garde la traiter « d'étrangère pouilleuse ». Il allait l'entendre à son retour, celui-là.
Il arriva alors et la Nora s'étonna de le voir ivre avant de lui demander de parler seule à seul avec lui.
-·- Alors vous approuvez, -·- avait demandé le garde, surpris de voir son Capitaine aussi amical avec une Nora.
-·- Bien sûr que j'approuve. Cette femme peut désormais entrer et sortir de la ville comme elle l'entend. -·-
'Cette femme'… C'est ainsi qu'il avait qualifié Aloy. Car à cette époque, c'était tout ce qu'elle était à ses yeux. Une femme. Parmi d'autres. Mais maintenant, il se rendit compte qu'elle était bien plus que ça… Dans l'enregistrement, Aloy lui faisait part de sa tristesse face à ce qu'elle avait appris concernant Ersa.
-·- J'ai perdu quelqu'un aussi. Pendant l'Éclosion. L'homme qui m'a élevée. Il s'appelait Rost. -·-
-·- C'est horrible. Je me demande pourquoi à chaque fois qu'il arrive une tragédie... les autres se sentent obligés de raconter leurs propres drames. Comme si ça aidait... -·-
-·- Oui. Drôle d'idée... -·-
Était-ce une note de malaise qu'il entendit dans sa voix ? Avait-il été à ce point aveuglé par son propre chagrin qu'il ne s'était pas rendu compte que la jeune femme souffrait elle aussi ? Avait-elle seulement déjà parlé de ce Rost à quiconque avant… ? S'il avait pu revenir dans le passé, il lui aurait adressé ses sincères condoléances, lui aurait demandé comment elle allait, lui aurait même offert peut-être le réconfort d'une étreinte… Mais non…
Curieux, il appuya de nouveau sur le symbole et une nouvelle scène se déroula. C'était quand ils s'étaient retrouvés au Col de la crète route. Aloy s'était étonnée de le voir seul, s'attendant certainement à le voir accompagné de ses hommes.
-·- Je refuse de les mettre en danger, -·- fut sa réponse. -·- Je n'hésite pas à risquer ma misérable peau, mais pas la leur. Désolé de t'avoir impliquée là-dedans. -·-
Il se sentit blêmir. Il avait insisté pour qu'Aloy le rejoigne, afin d'utiliser son focus pour découvrir ce qui était arrivé à Ersa. Et là… venait-il de sous-entendre qu'il refusait de mettre la vie de ses hommes en danger, mais que mettre celle d'Aloy ne le dérangeait pas… ?
Il se mordit la langue. Peut-être qu'en effet, à l'époque, la vie de ses hommes lui importait plus que celle de cette Nora sortie de nulle part avec un bidule bizarre qui lui permet de voir des choses que le commun des mortels ne pouvait voir…
-·- Ne t'en fais pas. C'est une journée normale pour moi. Tu sais, éliminer des machines, traquer des tueurs… -·-
-·- Oui. Ton emploi du temps m'effraie. Tu es prête à commencer ? -·-
« C… comment on fait pour arrêter ? » demanda-t-il, ne voulant pas en voir davantage.
« Il suffit d'appuyer sur le petit carré. Cela arrêtera l'enregistrement. Et si tu appuies sur la croix, au-dessus à droite, cela te ramènera à l'interface d'accueil. »
Il suivit ses consignes. Il arrêta l'enregistrement et appuya ensuite sur la croix. Il ne prit même pas la peine d'observer « l'interface d'accueil » et retira le focus pour le lui rendre.
« C'était… étrange, » dit-il avec un sourire, espérant cacher sa gêne.
Elle sourit en remettant l'appareil à sa propre tempe. « Tu étais la première personne avec laquelle j'ai eu une véritable conversation, » lui apprit-elle. « En dehors de Rost, je veux dire. Enfin, j'avais un peu parlé avec Teersa et Teb, mais le premier avec qui j'ai réellement parlé et qui a répondu à mes questions sans rechigner, c'est toi. »
Et il avait agi comme un crétin. Car franchement, en prenant du recul, on ne pouvait pas dire qu'il s'était montré sous son meilleur jour… Heureusement, Aloy ne semblait pas lui en porter rancune.
« Sache… que c'est toujours un plaisir de parler avec toi, » dit-il, pour rattraper un peu ses débuts fâcheux. « Si tu as la moindre question et si je peux y répondre, ce sera avec plaisir. »
Elle le regarda sans rien dire dans un premier temps, puis finit par lui adresser un grand sourire. « Je prends note, » dit-elle.
