La Lance et le Marteau
Résumé
Aloy va aider Érend à retrouver sa soeur. Et si le fait de voyager en sa compagnie pendant un certain temps changeait un peu son point de vue ? Elle qui avait l'habitude de voyager seule se retrouve avec quelqu'un sur qui veiller... et surtout quelqu'un qui veille sur elle.
Notes
Eeeeeet nous voici pour le huitième jour de l'Horizontober, avec le mot "Silent".
Bonne lecture aux personnes qui passeraient par ici.
VIII – Silence
Silent (day 8)
Ils entrèrent dans le bâtiment principal du campement de Dervahl et eurent le réflexe de se boucher les oreilles sous l'onde de son les atteignit. Aloy eut alors le bon sens d'aller examiner le corps du Champion de Dervahl. Elle découvrit des protections qu'elle plaça sur ses propres oreilles, avant d'avancer et d'appuyer sur le bouton qui fit cesser la machine. Ils purent alors descendre les escaliers qui les menèrent vers la pièce principale.
Arrivés là, ils virent qu'une des machines de Dervahl trônait au milieu de la pièce et si le son les dérangeait déjà, l'onde était surtout dirigée vers une cellule ouverte où une silhouette inerte était couchée.
« Ersa ! » hurla Érend.
Il s'empara de son marteau et en quelques coups puissants, abattit la machine qui produisait ce son d'enfer. Il se précipita ensuite vers la cellule ouverte, Aloy sur ses talons. Celle-ci sentit son cœur se serrer devant la cruauté des rebelles oserams. Ils avaient laissé la porte de la cellule ouverte, mais avaient tout de même empêché Ersa de s'enfuir à cause de cette machine.
Érend lâcha son marteau et s'agenouilla auprès de sa sœur. Avec des gestes étonnamment doux pour un homme de sa stature, il souleva délicatement la jeune femme, lui soutenant la tête et lui parlant doucement. Aloy se sentait de trop mais n'osait pas s'éloigner non plus.
La Capitaine de l'Avant-garde était mal au point, elle était blessée et semblait avoir été torturée à plusieurs reprises. Son visage était tuméfié et certaines de ses blessures étaient bandées. Ses tortionnaires la soignaient pour pouvoir la torturer plus longtemps. Aloy se mordit la lèvre inférieure.
« Ersa ? » dit Érend d'une voix très douce.
« Érend ? » La voix d'Ersa était brisée. Comme si cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas parlé. Aloy était persuadée que malgré les tortures, la Capitaine n'avait pas crié.
« Je suis là, » dit Érend. « Je suis là et on va t'emmener. On va te sortir d'ici. »
« Non… » souffla Ersa. « Je t'ai attendu. Je vais pouvoir… je vais pouvoir me reposer. » La jeune femme toussa et Érend la tint un peu plus contre lui. « Dervahl… a tenté de me briser… Il m'a montré ce qu'il savait… Mais il ne m'a pas brisée… Jamais… »
« J'aurais dû être avec toi, » dit Érend d'une voix un peu brisée, les yeux brillants. Aloy sentit son cœur se serrer quand elle vit la douleur dans le regard bleu de l'Oseram. « Pourquoi tu ne m'as pas emmené ? Je sais très bien que je ne suis qu'un pauvre ivrogne, mais je… »
« Non, idiot, » dit Ersa d'une voix douce et d'un ton affectueux. « Je voulais te protéger… Mon précieux petit frère… »
« Ersa… »
« J'ai reçu un message de Dervahl, » expliqua-t-elle de sa voix cassée. « Il demandait des pourparlers, mais je savais que c'était un piège. Je ne t'ai pas prévenu car je ne voulais pas qu'il t'arrive quoi que ce soit… »
Elle toussa à nouveau et Aloy se sentait inutile et démunie. Que pourrait-elle faire… ?
« Je ne pensais pas que le piège de Dervahl serait si efficace, » avoua piteusement Ersa. « Je pensais pouvoir l'éliminer… Et ainsi éliminer la menace qui pesait sur Méridian et sur Avad… »
Aloy se dit alors qu'Érend avait tort quand il disait qu'il était persuadé qu'Ersa et Avad ne "fricotaient" pas ensemble. Avad avait été inquiet pour Ersa et là, couverte de blessures et au bord l'effondrement, elle pensait elle aussi au roi…
« Dervahl prévoit de frapper fort sur Méridian, » expliqua Ersa. « Il a dit qu'il 'forcerait Avad à regarder la fumée obscurcir leur précieux soleil'... » Elle porta une main sur la joue de son petit frère. « Ton roi a besoin de toi. Fini de jouer maintenant… Tu dois prendre tes responsabilités. »
Aloy était étonnée de l'entendre parler avec cette autorité naturelle. Érend hocha la tête tout en couvrant la main d'Ersa de la sienne. « Compte sur moi, » dit-il avec solennité.
« Ne me déçois pas, petit frère… Je t'aime… »
Ensuite, le corps d'Ersa s'affaissa entre les bras d'Érend. Celui-ci ouvrit de grands yeux. « Ersa ? Non… pitié… »
Il posa sa tête sur la poitrine inanimée d'Ersa et Aloy crut voir ses épaules tressauter doucement. Il pleurait. Mais silencieusement. Dans cette pièce où un bruit horrible torturait une femme, on n'entendait à présent plus rien. Et ce silence en était presque assourdissant.
Au bout d'un moment, il releva la tête.
« Je serai à la hauteur. Je te le jure. »
Aloy fut alors étonnée de voir ses joues mouillées de larmes. Et que surtout, il ne faisait rien pour les essuyer. Elle s'approcha de lui et s'agenouilla à ses côtés.
« Érend, je suis tellement désolée… »
Il hocha la tête, signe qu'il l'avait entendue. Il prit une profonde inspiration. « Il faut qu'on trouve Dervahl… Mais Méridian est immense… »
« Je… vais fouiller ses affaires… » dit-elle.
Il hocha à nouveau la tête tandis qu'elle se levait et arpentait la pièce, avec son focus comme guide.
°o0o°
Érend n'avait plus conscience de rien, de ce qui l'entourait. Il avait Ersa, morte, dans ses bras et c'était tout ce qui comptait. Sa sœur avait tenu bon jusqu'à ce qu'il arrive. Elle avait souffert, aurait pu abandonner plus tôt, mais non… elle avait attendu qu'il arrive. Elle avait attendu que son petit frère vienne. Elle avait tenu à lui dire ce qu'elle savait, par devoir envers Méridian… et envers le roi Avad.
Il avait à peine conscience qu'Aloy fouillait la pièce. Il savait que ce qu'elle faisait était important, mais pour le moment, il s'accorda un moment de relâchement. Un moment où la seule chose qui comptait était le poids du corps d'Ersa entre ses bras.
Ersa qui ne lui donnerait plus d'ordre. Qui n'ébourifferait plus ses cheveux. Qui ne le réprimanderait plus son petit frère ayant la gueule de bois… Ce serait le silence sans elle. Le silence dans la caserne et dans son cœur.
« Érend… ? »
Il cligna des yeux et constata que ses joues avaient séché. Il redressa la tête et vit Aloy. Celle-ci s'accroupit près de lui. Elle semblait un peu gênée. « Je suis désolée, mais il faut retourner rapidement à Méridian… » Elle déglutit doucement. « Il se prépare… quelque chose et nous devons arrêter cela… »
Il la regarda un moment puis baissa les yeux sur sa sœur. « Je ne peux pas… la laisser là. »
« Je… j'ai piraté des Galopeurs… pour qu'ils nous ramènent à Belvédère, avec Ersa… »
Il ne s'était même pas rendu compte qu'elle avait quitté la pièce…
Il acquiesça, ferma les yeux un moment puis prit une profonde inspiration. Il se releva, avec le corps d'Ersa entre les bras. Il l'enveloppa dans un tissu pour la protéger, au mieux, puis suivit Aloy.
°o0o°
Érend aurait voulu s'occuper des funérailles d'Ersa directement, mais son instinct lui dictait que cela devait attendre. Aloy lui proposa même de retourner seule à Méridian pendant qu'il s'occuperait de sa sœur. Il refusa tout net. Le voyage entre Belvédère et Méridian était long et il ne voulait pas perdre Aloy après avoir perdu Ersa. Non pas qu'il doutât des capacités de la Nora. Mais l'idée d'être éloigné d'elle lui était insupportable.
Il confia donc le corps d'Ersa aux Oserams de Belvédère, leur promettant de leur botter les fesses s'il arrivait quelque chose avant leur retour.
Puis Érend et Aloy se mirent en route. Même si Érend n'était pas très à l'aise avec les machines, il insista pour les monter, afin d'aller plus vite.
À la nuit tombée, ils durent cependant faire une pause et jamais la nuit n'avait paru si lugubre à l'Oseram. Un feu avait été allumé et Aloy se tenait à côté de lui. Sa présence silencieuse était rassurante.
Érend pensait bien sûr beaucoup à sa sœur… Mais il repensa aussi à ses retrouvailles avec Aloy, aux portes de Méridian. Quand elle avait parlé de Rost…
« Érend… ça va aller ? » demanda-t-elle doucement.
« Ça irait mieux avec une bonne pinte de bière, » commenta-t-il en haussant les épaules.
« Érend… »
« T'inquiète, je plaisantais. »
« Je suis désolée, » reprit-elle après un moment de silence. « J'aurais aimé qu'on arrive plus tôt… »
« Ce n'est pas de ta faute… C'est Dervahl, le coupable et quand je l'aurai sous la main, il va le regretter, je te prie de le croire. » Il prit une profonde inspiration et serra et desserra les poings à plusieurs reprises. « Ersa a tenu plus que ce que son corps aurait dû… Au moins, elle n'est pas morte seule… »
La pensée du corps brisé d'Ersa emplit son esprit. Ils avaient brisé son corps, mais jamais son esprit. Ersa est… était forte. Il ne lui arrivait pas à la cheville. Mais il ferait son possible pour être à la hauteur de ses espérances.
« Aloy… merci, » souffla-t-il. « Merci car grâce à toi, nous avons pu la retrouver… Grâce à toi, elle n'est pas morte dans la solitude… et elle aura des funérailles décentes. »
Il la vit hocher la tête du coin de l'œil. Il aurait voulu alors s'excuser pour son manque de compassion quand elle lui avait parlé de Rost. Lui dire qu'il était désolé qu'elle ait perdu la seule personne qui lui faisait office de famille. Lui dire qu'il n'était qu'un imbécile.
Au lieu de cela, il resta silencieux. Et elle aussi. Un silence réconfortant et lourd en même temps. Un silence qu'il n'avait pas envie de briser, car cela lui permettait de réfléchir à ce qu'il venait de vivre.
Dans un geste désespéré, il prit la main d'Aloy qui se tendit un moment. Puis elle se laissa faire, comprenant qu'il avait juste besoin de réconfort et de contact. Elle lui caressa même le dos de la main de son pouce. Il soupira de bien-être et ferma les yeux.
