La Lance et le Marteau
Résumé
Aloy va aider Érend à retrouver sa soeur. Et si le fait de voyager en sa compagnie pendant un certain temps changeait un peu son point de vue ? Elle qui avait l'habitude de voyager seule se retrouve avec quelqu'un sur qui veiller... et surtout quelqu'un qui veille sur elle.
Notes
Et voici le jour 19 de l'Horizontober, avec le mot "Tree", que j'ai eu un peu de mal à caser, ahah.
Pour la scène de fin, j'ai (encore) été influencée par Godliath et sa BD "Fire and Spit".
Bonne lecture !
XVII – Sur le chemin du retour
Tree (day 19)
Après une bonne nuit de repos au campement banuk, Aloy et Érend reprirent la route, avec les remerciements des chasseurs.
« Merci de nous avoir aidés à nous débarrasser de ces machines. On peut dire que votre aide ne fut pas de trop ! »
Ils acceptèrent volontiers les remerciements et leurs vœux pour un voyage rapide et sans danger. Et si Érend voulait d'un voyage sans danger, il préférait quand même que celui-ci ne soit pas trop rapide.
Plus ils descendaient vers le sud et plus les températures se réchauffaient, leur permettant de se débarrasser de leurs manteaux de fourrure. Le Capitaine de l'Avant-garde fut soulagé que la Nora de lui propose pas de pirater des machines pour rentrer plus vite. Il pourrait ainsi profiter de sa présence plus longtemps et c'était tout ce qu'il demandait.
Tous les soirs, elle vérifiait sa blessure qui était en bonne voie de guérison. Et tous les soirs, il la taquinait avec ses tatouages, au point où elle fut tellement habituée qu'elle n'en rougit même plus.
Un jour, alors qu'ils prenaient une pause sous un grand arbre, qui leur offrait une ombre bienvenue, Aloy se perdit dans ses pensées. Il en profita alors pour l'observer. Il l'avait taquinée car elle regardait ses tatouages avec une certaine fascination mais se demanda comment elle réagirait si elle savait qu'il profitait de la moindre occasion pour s'abreuver de son image.
« Érend ? » demanda-t-elle, les yeux toujours perdus vers la cime de l'arbre.
« Oui ? » répondit-il, détournant le regard, de peur qu'elle se rende compte de son observation.
« Comment ça se passe, une enfance chez les Oserams ? »
« Euh… Tu veux dire une enfance normale ou mon enfance à moi ? » s'enquit-il, sincèrement curieux qu'elle pose la question.
Elle baissa ses yeux verts sur lui, haussant un sourcil interrogateur. « Tu n'as pas eu une enfance normale ? » fit-elle, surprise.
« Certainement un peu plus normale que la tienne, » dit-il en souriant et en s'appuyant sur un bras.
« Ce n'est pas compliqué, » commenta-t-elle, amusée.
« Ce n'est pas faux. »
Il se perdit un moment dans ses pensées et ses souvenirs. Son enfance…
« Eh bien, ma sœur est née avant moi, » commença-t-il. « Nous avons quatre ans de différence. Nos parents étaient tous les deux Oserams. »
Il se tourna légèrement vers Aloy et la vit le regarder avec attention. Cela le flatta un peu et il continua : « Notre mère est morte quand j'avais cinq ou six ans. Et notre père… a commencé à sombrer dans l'alcoolisme… »
Aloy fronça les sourcils mais ne fit aucun commentaire.
« Et bon… il avait l'alcool agressif, » dit-il en haussant les épaules. « Et… il n'y avait que ma soeur et moi à la maison… »
« Tu veux dire que… qu'il… » Elle ne termina pas sa phrase et Érend se contenta d'hocher légèrement la tête.
« Ersa s'interposait toujours entre mon père et moi, » expliqua-t-il d'une voix pleine de respect. « Et c'est elle qui prenait donc les coups… Jusqu'au jour où elle les lui a rendus. »
Il se revit encore, alors âgé de douze ans, et sa sœur de seize. Il était certes grand et musclé, vu qu'il travaillait à la forge à l'époque, mais sa sœur était plus téméraire que lui. Et quand il avait levé sa ceinture pour la cingler avec, elle avait attrapé son poignet, lui avait arraché la ceinture avant de la lui envoyer en plein visage. Le regard surpris de son père avait valu tous les éclats de métal du monde !
« On est ensuite partis de la maison, pour devenir Corsaires. Pendant des années, on a offert nos services dans différents villages. Puis les Raids rouges ont commencé. Comme tu le sais, Ersa a été enlevée mais a survécu dans la Fosse. Avec l'aide d'Avad, elle s'est enfuie et c'est là que nous avons mis fin aux tyrannies de Jiran. »
Il leva la tête vers les feuilles de l'arbre sous lequel ils s'étaient arrêtés. Il se rappela de la détresse qu'il avait ressentie quand sa soeur avait été enlevée et son soulagement quand elle lui était revenue.
« Quand Jiran a été tué, Avad a pris sa place et a fait de certains d'entre nous sa garde personnelle, l'Avant-garde. Ersa étant sa guerrière préférée, il la fit Capitaine. »
Il se rendit tout à coup compte que parler de sa sœur n'était plus aussi difficile qu'auparavant. Certes, il avait toujours ce petit sentiment de nostalgie, mais la douleur qui poignait son cœur s'était quelque peu apaisée.
« La suite, tu la connais, » termina-t-il. « Quand j'étais plus jeune, je travaillais à la forge avec mon père, mais quand Ersa et moi sommes partis, nous nous sommes durement entraînés pour être des Corsaires dignes de ce nom. »
« Je vois ça, » dit-elle.
« Et toi, alors ? » demanda-t-il, s'intéressant autant à son passé qu'elle semblait s'intéresser au sien. « Ton enfance ? »
« Oh, une enfance de paria normale, » dit-elle en souriant narquoisement. « Mise entre les mains d'un père qui venait de prendre sa fille, tenue à l'écart de la tribu, n'obtenant que silence quand, toute petite, je voulais parler aux passants qui, conscients qu'ils étaient de parler à une paria, m'ignoraient superbement. »
Érend grimaça. Cette coutume nora dépassait vraiment son entendement.
« A l'âge de six ans, je suis tombée dans une ruine de l'Âge de métal, » continua-t-elle. « Et c'est là que j'ai trouvé mon focus. Il m'a fallu peu de temps pour comprendre comment ça marchait, c'était comme si c'était… inné… Peut-être parce que je suis une copie de l'un de ceux qui les ont créés. »
Elle parlait de sa naissance et de sa condition avec un certain détachement avant de poursuivre.
« Puis Rost m'a appris tout ce qu'il pouvait. Ça ne m'a pas empêchée de tomber et de me faire quelques bosses, bien sûr. C'est ainsi qu'on apprend. C'est même en tombant d'un arbre que je me suis fait ma première cicatrice. »
Elle leva la tête vers les feuilles des arbres et Érend eut une vue sur sa gorge et… sur la cicatrice laissée par cet Hélis. Elle baissa la tête et releva sa manche, pour montrer son coude droit à Érend. Celui-ci se pencha et vit, un peu au-dessus de son coude, une cicatrice aux bords irréguliers.
« Un jour, j'ai été un peu trop confiante en mes capacités. J'ai sauté d'une plateforme à une autre, mais elles étaient plus éloignées l'une de l'autre que je ne le pensais. Je suis tombée et mon bras a rencontré une pierre. Rost a toujours dit que j'avais de la chance que ce ne soit pas ma nuque… »
« En effet ! » commenta Érend qui frissonna. « Cela t'aurait tout simplement brisé la nuque ! »
« C'est ce qu'il me disait aussi. Mais après cela, je n'ai plus jamais sous-estimé la distance entre deux plateformes surélevées, » dit-elle en haussant les épaules et en remettant sa manche correctement.
« Et je me demande ce que pensait Rost de ta façon de descendre en rappel… » commenta l'Oseram.
Elle lui tira la langue et il rit, amusé.
°o0o°
Le retour à Méridian eut un goût de cendre pour Érend car Aloy lui avait appris, la veille de leur arrivée, qu'elle allait repartir rapidement. Elle resterait quelques jours, le temps de se reposer et de se ravitailler avant de prendre la route vers de nouvelles aventures.
De nouveau, l'envie de la suivre le tenaillait, mais il savait qu'elle ne le laisserait pas faire. D'après ce qu'il avait compris, il y avait quelques zones d'ombres qu'elle voulait éclaircir et elle avait besoin de faire cela… seule.
Alors, quand ils virent Méridian apparaître enfin à portée de vue, Érend n'en fut pas aussi enchanté qu'il aurait dû. Il se montra aussi plus taciturne, mais Aloy était elle-même d'un naturel calme, il se dit qu'elle ne devait pas s'en être rendue compte.
En y repensant, il se dit qu'il aurait aimé que ce moment passé sous l'arbre dure éternellement…
Il s'était aussi promis de lui raconter ce qui s'était passé quand elle avait un peu trop bu, mais se félicita de ne pas encore l'avoir fait. Cela attendrait son retour. Il ne voulait pas non plus qu'elle soit perturbée.
Et il n'avait pas non plus envie de voir sa réaction, comprit-il. Car il avait peur de la façon dont elle réagirait. Et certes, il avait des sentiments pour elle et n'avait qu'une envie : les lui avouer. Mais il ne voulait certainement pas perdre la relation qui était la leur à l'heure actuelle. Il ne voulait pas perdre son amitié. Il ne voulait pas qu'elle se détourne de lui.
Alors, quand ils entrèrent dans la ville, ce fut dans un silence qu'il n'eut pas la force de briser. Ils firent leur rapport à Avad, vu qu'il était celui qui avait donné l'autorisation à Érend de suivre la Nora dans cette aventure, avant de se séparer : lui rentrait chez lui et elle chez Olin…
°o0o°
Quelques jours plus tard, comme promis, Aloy vint le retrouver pour lui dire qu'elle partait. L'Oseram cacha sa déception du mieux qu'il put et lui demanda si elle avait besoin de quelque chose.
« C'est gentil, » dit-elle en souriant. « Mais j'ai tout ce qu'il me faut. »
« D'accord. Tu fais attention à toi, hein ? »
« Comme d'habitude, » répondit-elle avec un sourire.
Érend regarda les taches de rousseur qui parsemaient ses joues et son petit nez, puis ses lèvres. Il s'imagina un moment prendre son visage entre ses mains afin de l'embrasser, mais se secoua et sourit à la Nora.
« Bonne route. Et quand tu reviendras, n'hésite pas à venir me voir. »
« Je n'y manquerai pas, » répondit Aloy en lui faisant un petit clin d'œil.
« Quand tu reviendras, je t'inviterai à dîner, » ajouta-t-il de son ton le plus charmeur.
« Avec plaisir, » répondit-elle en riant un peu.
« C'est un rendez-vous, du coup ! » jubila Érend en souriant.
Elle secoua la tête en levant les yeux au ciel, clairement amusée, puis lui fit un signe de la main avant de partir. Il répondit à son geste et quand elle fut hors de vue, ses hommes ne perdirent pas de temps : « Quoi, même pas un bisou d'au revoir ! »
« La ferme, » répliqua-t-il.
« Oh, allez Cap', la prochaine fois, faut l'embrasser ! »
« Je sens comme des heures de gardes supplémentaires dans ton avenir… »
Ce qui réduisit l'homme de l'Avant-garde au silence. Mais Érend vit clairement le regard amusé qu'il lança à un autre de ses hommes. Il ne fit aucun commentaire avant de commencer à distribuer les tâches.
