Disclaimer : Tout appartient à JK Rowling, sauf ce que j'ai inventé !

Note de l'auteur : Voici un nouveau chapitre qui répondra à certaines des interrogations posées dans les reviews. On parlera de la baguette de sureau dans ce chapitre (comme dans le roman, la baguette a été enterrée avec Dumbledore et Draco n'est pas au courant du lien intime qu'il partage avec l'objet). Concernant les autres personnages, oui on va en croiser d'autres très bientôt (dans le prochain chapitre !). Et pour le carnet, Yuishifuji, j'essaierai de le faire de nouveau apparaître (j'avoue que j'aime beaucoup ce biais du carnet pour connaître plus intimement les personnages) ! Pour l'instant, l'histoire telle que je l'ai imaginée (et on sait que tout peut changer…) repose sur 13 chapitres. Dans ce chapitre, la guerre avance concrètement… J'espère qu'il chapitre vous plaira ! Merci pour vos reviews, elles donnent du courage pour continuer malgré le travail, la famille, etc.

In the moonlight

Chapitre 6 : Confrontations

Quelle ne fut pas sa surprise lorsque Harry se réveilla ce matin là. Etait-il en train de rêver ou Snape dormait-il, assis à côté de son lit ? Etait-ce bien sa main qui tenait la sienne ? Ecarquillant les yeux, l'adolescent fixa son professeur de potions comme s'il doutait soudain de sa matérialité. Esquissant un léger mouvement du bout de ses doigts, il sentit ostensiblement la peau de Snape contre la sienne. Non, définitivement, il ne rêvait pas. Le maître des potions était bel et bien solide.

Ce léger frémissement sembla éveiller l'adulte, dont les épaules se mirent à remuer doucement. Harry, pris de panique, referma immédiatement les yeux.

« Je sais que vous êtes réveillé, Potter. » murmura Snape en récupérant sa main.

« Je… » commença l'adolescent, les joues rouges. « Qu'est-ce que vous faites ici ? » demanda-t-il, perplexe.

« Vous m'avez demandé de rester, Potter. » répondit sèchement l'homme en se massant la nuque, visiblement douloureuse.

« Oh. » lâcha Harry. Il commençait à se souvenir dorénavant. Il avait craqué dans les bras de Snape, la veille au soir. Il se souvenait de son envie que Snape reste près de lui, qu'il ne l'abandonne pas. Mais il ne se rappelait pas avoir demandé… Avait-il réellement osé demander à Snape de rester auprès de lui ? « Vous êtes resté toute la nuit auprès de moi ? » insista l'adolescent, ébahi.

« De toute évidence. » lâcha sardoniquement Snape. « Vous avez bien dormi, je présume ? » demanda-t-il, plus doucement.

« Oui, je crois. » murmura le brun, embarrassé.

« Tant mieux. Vous avez besoin d'énergie pour la leçon d'occlumencie de ce soir. Nous répèterons ce processus jusqu'à ce que vous n'ayez plus besoin de moi pour faire le vide dans votre esprit. » indiqua l'adulte en se dirigeant vers la porte de la chambre. « Et ne songez pas une seconde à éviter ces leçons, Potter. Vous-même ne pouvez plus douter de votre vulnérabilité et de la nécessité absolue d'apprendre à vous protéger. » s'empressa d'ajouter Snape.

Mais il ne vint jamais à l'esprit de Harry de s'opposer à la décision de son professeur de potions. Bien qu'il doive assumer son embarras - ce qui semblait particulièrement désagréable à quelqu'un qui n'avait pas l'habitude de ressentir une telle émotion - l'adolescent ne pouvait s'empêcher de se réjouir à l'idée que Snape soit de nouveau à ses côtés le soir même, puis le soir suivant. Dissimulant son enthousiasme, Harry se contenta de grogner en guise de réponse.

« Petit déjeuner dans quinze minutes. » conclut l'adulte avant de quitter la pièce.

Lorsque Harry sortit de sa chambre, encore abasourdi par la nuit passée, il faillit bousculer Draco, qui sortait lui-même de sa propre chambre. Mais au lieu de l'ignorer froidement, Draco adressa un sourire timide à son ennemi.

« Salut. » lâcha Harry, embarrassé par ce geste familier.

« Salut. » répondit le blond avant de descendre les escaliers à la suite du brun.

Cet échange, aussi court fut-il, exigea de la part des garçons un effort surhumain. Par ce léger salut, Harry et Draco faisaient basculer leur relation d'inimitié vers une relation cordiale. A travers un simple mot, ils acceptaient enfin d'être autre chose l'un pour l'autre que de la haine. C'était comme si soudain, quelqu'un avait définitivement tourné une page du livre de leur histoire.

Le petit déjeuner se déroula plus paisiblement que jamais. L'incident de la veille semblait avoir signé le début d'une nouvelle ère dans la maison. Snape se montrait moins amer, Draco plus généreux et Harry plus calme. Ils eurent un semblant de conversation normale qui les menèrent à discuter légèrement de l'entraînement.

« J'espère que tu n'as pas prévu de crocodiles, cette fois-ci. » grogna Draco, rappelant ainsi subtilement à Harry la fois où le brun l'avait sauvé pendant une séance d'entraînement.

« Ou de loups. » ajouta Harry, en lançant un regard complice à Draco. Les deux jeunes hommes se souvenaient également de cet entraînement où le blond avait sauvé Harry des loups.

Snape ne put réprimer un hoquet de surprise. Les deux garçons agissaient avec camaraderie. Depuis quand avaient-ils cessé de se traiter comme de vulgaires chaussettes sales ?

« Ne t'étouffe pas, Severus. » se moqua Draco.

« Je m'en voudrais de mourir avant de voir éclore votre roman d'amour. » rétorqua sarcastiquement le maître de potions. « Allez vous préparer pour l'entraînement. Ne vous inquiétez pas, je ferai en sorte qu'il y ait un rapprochement physique. » ajouta-t-il, pince sans rire.

Les deux garçons quittèrent la pièce, le rouge aux joues. Si la solidarité naissante entre les adolescents rendait Snape optimiste, le maître des potions ne comptait pas laisser passer cette occasion en or de se moquer allègrement d'eux.

L'entraînement se déroula dans une bonne humeur étonnante. Harry et Draco avaient enfin accepté de s'aider franchement, et de laisser leur égo de côté. Malgré l'exercice d'escalade, mis en place grâce à un savant et sadique sort de Snape jeté aux arbres afin qu'ils se transforment en montagnes ardues, les garçons ne s'entretuèrent pas. Attachés l'un à l'autre, les deux élèves ne pouvaient avancer qu'à condition de se soutenir en permanence. Ce fut la première fois depuis le début des séances d'entraînement que Draco ne pensa même pas à se plaindre lorsque l'exercice prit fin.

Ce fut seulement lors du déjeuner que l'atmosphère menaça de s'alourdir. Harry n'avait pas oublié le conflit de la veille et ses réflexions concernant l'horcruxe flottaient dans l'air, presque perceptibles. L'adolescent voulait connaître le plan de Snape concernant Regulus Black. Il avait le droit de savoir. Il était même le seul qui ait le droit de savoir !

« Je sais ce que vous avez en tête, Potter. » lâcha Snape, remarquant l'humeur noire du garçon.

« J'oubliais qu'entrer dans ma tête était votre passe-temps favori. » rétorqua sèchement Harry, sentant la rancoeur remonter à la surface comme une bile empoisonnée. Il fut lui-même surpris par son sursaut d'humeur. La journée lui avait fait traverser tellement d'émotions qu'il ne savait plus quoi ressentir.

Devait-il avoir confiance en Snape, qui avait veillé sur lui jusqu'au matin, lui offrant une main chaleureuse ; ou devait-il lui en vouloir de ne pas le juger suffisamment légitime pour participer pleinement au plan contre Voldemort ? Pourquoi fallait-il que Snape soit si ambivalent ? Pourquoi fallait-il que Harry ne comprenne rien de ce qui traversait les prunelles noires de son professeur de potions ?

« Ne soyez pas de mauvaise foi, Potter. Nous savons vous et moi que vous me gardez toujours dans votre esprit. » railla Snape, faisant référence à l'épisode d'occlumencie de la veille. Tous deux se souvenaient parfaitement de la main de Snape qui était solidement apparue dans la tête Harry pour se protéger de l'intrusion du legilimens.

Un silence lourd s'abattit sur la pièce. Les yeux de Harry s'écarquillaient de rage tandis que Draco jetait des regards interrogatifs vers les deux hommes.

« Comment osez-vous ? » s'éructa Harry, sentant ses joues rougir. Comment ce vieux graisseux avait-il osé mentionner cet épisode humiliant devant Draco Malfoy ? « De quel droit ? » hurla-t-il en se levant précipitamment de sa chaise.

« J'ose parce que c'est ce qui est, Potter. Cessez de jouer au plus fort, personne ne vous croit invincible. » répondit sèchement Snape, visiblement agacé. « Vous souhaitez tout connaître et tout maîtriser du plan contre le Seigneur des Ténèbres ? Maîtrisez d'abord vos émotions avant qu'elles ne nous mettent en danger. » menaça le maître des potions. « Rasseyez-vous et écoutez, plutôt que de vous laissez aveugler par votre propre égo d'adolescent ignorant. » ordonna-t-il, le regard noir.

Il y eut un instant de silence avant que Harry ne se décide à se rasseoir. Il se sentait inondé de colère à l'égard de Snape. Comment cet homme pouvait-il faire preuve d'autant de douceur un soir et d'autant de méchanceté le lendemain ? Harry aurait pu quitter la pièce en un instant. S'enfermer dans sa chambre. Plonger la tête dans l'oreiller. Hurler jusqu'à s'en déchirer les cordes vocales.

Et pourtant, après une profonde respiration, il se rassit, ignorant les tremblements de rage qui parcouraient ses jambes.

« Bien. » murmura Snape en regardant Harry. L'adolescent perçut une lueur nouvelle dans le regard de son professeur. Aurait-il été assez ambitieux pour y déceler une sorte de respect ? « Concernant l'horcruxe de Regulus Black, » continua le maître des potions, brisant le contact visuel avec Harry pour retourner à son assiette presque vide. « vous aviez raison, Potter. Vous avez le droit de savoir et de comprendre. » murmura-t-il. « Si vous avez fini de manger, nous pouvons passer au salon pour que l'on mette au clair le plan à suivre. » dit Snape plus fermement, en se levant de sa chaise.

Harry n'en croyait pas ses oreilles. Toute cette crise alors que Snape avait déjà dans l'idée de lui exposer son plan concernant Regulus Black ? Pourquoi l'avait-il forcé à sortir ainsi de ses gonds si c'était pour admettre qu'il avait eu tort ?

L'adolescent faillit exploser à nouveau. Puis il se radoucit en un instant. Non, ce n'était pas Snape qui avait provoqué la crise. Enfin, pas vraiment. C'était lui seul qui avait provoqué Snape. Depuis quand les rôles s'étaient-ils ainsi inversés ?

Avant qu'il n'ait eu l'occasion de réfléchir davantage à ce soudain renversement, Snape et Draco avaient déjà quitté la pièce.

« Vous voudrez bien remettre de l'ordre dans votre tête un peu plus tard, Potter ? Nous avons autre chose à faire que d'attendre le bon vouloir de monsieur Harry Potter. » entendit-il Snape grincer depuis le salon. Bon, Snape restait un vieux sadique, voilà qui était rassurant.

« Comme je vous le disais hier, » commença le maître de potions lorsqu'ils furent tous les trois assis autour de la table du salon. « Regulus Black était le frère de Sirius. Il a été mangemort avant de disparaître de la circulation sans qu'on n'ait jamais trouvé d'explication. Etrangement, je crois que même le Seigneur des Ténèbres n'a pas compris cette soudaine disparition. » poursuivit-il.

« Vous ne croyez pas que Voldemort aurait pu faire semblant pour ne pas éveiller les soupçons ? » demanda Harry, agacé de voir s'exprimer la confiance de Snape envers son ancien maître.

« C'est possible. Mais vous semblez oublier la perversité du Seigneur des Ténèbres. Il se vante généralement de ses meurtres. » rétorqua Snape, calme. « Et maintenant, écoutez-moi bien, Potter. » gronda-t-il, soudainement très sombre. « Vous allez cesser de jouer les braves et arrêter immédiatement de nommer le Seigneur des Ténèbres. » poursuivit-il, se soulevant dangereusement de sa chaise, la voix rauque.

« Mais… » commença timidement Harry. Il ressentit le même effroi que la première nuit. Snape semblait tout à coup habité par une colère immaîtrisable. « Je… Je n'ai peur de son nom. Je ne vois pas pourquoi j'en aurais peur ! » s'écria-t-il, reprenant courage.

« Votre bêtise me subjugue, Potter. » lâcha le maître des potions, l'air subitement épuisé. « Il n'est pas question d'héroïsme ici, espèce d'idiot ! » hurla-t-il. « Vous n'avez pas compris que la peur de ce nom est légitime ? Vous n'avez pas compris que nommer le Seigneur des Ténèbres pourrait nous faire repérer ? » hurla-t-il, dorénavant debout.

« Mais de quoi vous parlez ? » demanda Harry, perplexe.

« Vous souvenez-vous, Potter, que nous sommes en guerre ? Cette guerre oppose les mangemorts aux ennemis du Seigneur des Ténèbres. Or, qui ose utiliser son nom ? » demanda-t-il, impatient.

« Ses ennemis ? » répondit l'adolescent.

« Exactement. Ses ennemis. Ses ennemis qu'il cherche à détruire par tous les moyens. Ne pensez-vous pas qu'un simple sort permettrait au Seigneur des Ténèbres de repérer ses ennemis, ceux-là mêmes qui osent le nommer ? » continua-t-il, clairement au bord de la crise de nerfs.

« Tu veux dire qu'il aurait jeté un sort de tabou ? » demanda Draco, visiblement affolé. Le blond jeta des regards inquiets tout autour de lui.

« Je ne pense pas seulement qu'il l'aurait fait, je pense qu'il l'a fait. » conclut Snape, sombre.

« Je ne comprends pas… » lâcha piteusement Harry.

« Le sort du tabou est un sort extrêmement puissant qui repose sur un mot interdit. Celui qui prononce le mot interdit est immédiatement repéré. Ce qui signifie qu'en prononçant son nom, tu as dit au Seigneur des Ténèbres où nous sommes… » expliqua Draco, de plus en plus paniqué.

« Calme-toi, Draco. » murmura Snape, la voix assurée. « Les protections autour de ce lieu sont très puissantes. Tout ce que verrait le Seigneur des Ténèbres est un trou noir. » tenta de calmer l'adulte. « Néanmoins, plus son nom est prononcé et plus il y a de chances qu'il parvienne à discerner quelque chose dans ce trou noir. » gronda-t-il à l'adresse de Harry. « Est-ce que je me fais comprendre, Potter ? » menaça-t-il.

« Comment vouliez-vous que je sache ? » s'écria Harry. « Vous ne m'expliquez rien ! » poursuivit l'adolescent, en rage.

« Si seulement vous pouviez faire preuve d'un peu de bon sens, Potter ! » s'éructa Snape.

« Comment voulez-vous que je pense comme un mangemort ? » hurla l'adolescent, se levant brutalement de sa chaise. « J'ai toujours été du côté du bien, contrairement à toi, Severus. » murmura-t-il avec une méchanceté inhabituelle dans le regard.

Un silence étouffant s'abattit sur eux. Harry savait qu'il avait frappé là où cela faisait mal. Il avait voulu faire mal. Il avait voulu blesser, et remuer le couteau dans la plaie. Cela lui faisait du bien de faire du mal… Il sentait déferler en lui une noirceur terrible, impossible à contrôler. Comme la conséquence du venin du serpent dans ses veines, il sentit soudain tous ses membres se raidir. Ses yeux quittèrent ceux du maître des potions pour flotter dans le vague. Il avait soudain l'impression d'être une marionnette, dépossédée de toute volonté et de tout libre arbitre. C'est alors qu'il comprit.

« Snape ! Il est là ! » lâcha Harry, dans un souffle.

« Protégez-vous, Potter ! » hurla Snape, saisissant l'adolescent par les épaules avant qu'il ne tombe à terre. « Aide-moi à l'installer sur le canapé, Draco. » ordonna-t-il à l'adresse du blond.

« Que se passe-t-il, Severus ? » demanda Draco, paniqué. Il se saisit des jambes inertes de Harry et le dirigea vers le canapé.

« Le Seigneur des Ténèbres cherche à entrer dans sa tête. » lâcha Snape en s'agenouillant auprès de Harry. « Harry, ne te laisse pas faire. Repousse-le. Tu peux le faire. Je suis là, avec toi. » murmura-t-il en serrant fermement la main de l'adolescent dans la sienne. « Souviens-toi de ma main. Elle est là, dans la tienne. Je ne te lâche pas. » poursuivit-il, dans une litanie de douceur, sous les yeux éberlués de Draco.

Harry se débattait mollement sur le canapé, les yeux révulsés. Il semblait se battre contre une force bien trop puissante pour ses maigres capacités. Pendant plusieurs secondes, il n'entendit rien, ne sentit rien, comme s'il avait quitté ce monde, comme s'il n'était plus. Mais il finit par discerner un murmure incohérent. Un murmure qui semblait dissonant dans le chaos de son esprit où les images défilaient sans qu'il ait pu en contrôler le flux. Il entendait une voix. Le son devint de plus en plus familier, de plus en plus doux et rassurant. Et puis soudain, dans ce marasme inhumain, il crut sentir une main le tenir fermement. Cette voix, cette main. Oui, c'étaient les siennes ! Oui, il allait s'en sortir ! Harry parvint alors à les matérialiser dans son esprit. Il vit distinctement la main de Snape. Et puis vint l'odeur d'épices. Et enfin une voix rauque qui lui répétait « je suis là ». Il se sentit soudain beaucoup plus fort. Il sentit qu'il parvenait à faire cesser le flot d'images dans sa tête. Il se sentait regagner le contrôle sur lui-même. Dans un cri de rage qui ne lui appartenait pas, il sentit sa tête redevenir entièrement sienne. Voldemort était parti.

« Snape ! Il a tout vu ! » s'écria Harry, le corps pris de tremblements frénétiques. « Je vous demande pardon, je n'ai pas pu l'empêcher. Il va venir nous chercher ! » poursuivit-il, des sanglots dans la voix.

« Calmez-vous, Potter. Il n'a vu qu'une image mentale. Il ne sait pas où nous sommes. » tenta de le rassurer Snape, tenant fermement la main du garçon. « Regarde dehors, Draco. Que vois-tu ? » murmura calmement le maître des potions à l'adresse du blond, affolé.

« Mais ! Où sommes-nous ? » s'écria Draco, surpris de voir derrière la fenêtre un tableau complètement différent de celui dans lequel il avait vécu ces dernières semaines. A la place de la forêt, il y avait des montagnes enneigées. A la place du lac, il y avait une rivière. A la place des saules, il y avait des sapins.

« L'environnement dans lequel nous avons vécu depuis notre arrivée n'est qu'une image issue de mon invention. Je viens seulement de changer l'image habituelle. Vous ne savez pas où nous sommes. Et personne d'autre que moi ne peut le savoir. » dit calmement Snape.

« Mais il sait que nous sommes ensemble ! » s'affola Harry, toujours en lutte avec les tremblements de son corps.

« Il faut vous calmer, Potter. Vous avez vécu une intrusion mentale, c'est excessivement fatiguant. » poursuivit Snape, toujours aussi calme. « Dites-moi ce qu'a vu le Seigneur des Ténèbres exactement. » demanda-t-il en étalant une couverture sur le garçon. « Draco, va nous faire une tisane. Notre héros a besoin de calme. Nous avons tous besoin de calme. » ordonna-t-il.

« Il a vu la maison, ma chambre, la cuisine, le parc… Il a vu un de nos entraînements et certains de nos dîners. Il a vu Draco me saluer. Mais il n'a pas entendu nos conversations, je crois… Comme s'il n'avait que l'image et pas le son. Et il a vu la nuit dernière. » énuméra Harry, gêné d'avouer la dernière image. « Mais surtout, il a vu que c'était vous ma protection mentale. » conclut-il, lançant un regard inquiet à Snape.

« A-t-il vu nos discussions sur les horcruxes ? » demanda Snape, bien plus inquiet par cette possibilité.

« Non. Je vous jure qu'il n'a rien vu. Il a vraiment fouillé ce qui m'a émotionnellement touché ces dernières semaines. Il s'est attardé sur mes sentiments et sur mes… rapprochements. » admit Harry, embarrassé. « Je suis tellement désolé, Draco. » murmura-t-il en acceptant la tasse que lui tendait le blond.

« De toute façon, il aurait bien fini par comprendre de quel côté je suis quand on l'affrontera. » répondit Draco, tâchant de dissimuler sa propre inquiétude derrière un sourire brave.

Snape lança un regard plein de fierté à son filleul. Qu'il l'ait souhaité ou non, le jeune homme s'engageait personnellement du côté du bien. Ce jeune homme toujours motivé par l'ambition et le pouvoir avait finalement décidé d'abandonner ses rêves de grandeur pour combattre auprès du seul et unique héros du monde sorcier, qui était jusqu'alors son ennemi juré.

« Il ne peut rien contre vous pour l'instant, Potter. Tout ce qu'il sait, il le soupçonnait déjà. Tant qu'il ne sait pas que l'on est à la recherche des horcruxes, nous ne risquons rien. » le rassura Snape, tenant toujours la main tremblante du garçon dans la sienne. « Mais vous savez comme moi que le Seigneur des Ténèbres va recommencer à pénétrer votre esprit. Il peut vous atteindre au plus profond de votre être, s'il le souhaite. Vous devez donc impérativement maîtriser l'occlumencie, Potter. Sans quoi nous ne pourrons rien contre lui. » acheva-t-il plus sombre.

« Je sais. J'ai compris, monsieur. » répondit Harry, grave.

« Nous reprendrons les leç… » commença Snape. Il s'interrompit brutalement. Son bras venait de le brûler intensément. Il releva sa manche et remarqua que la marque des ténèbres était enflée, comme brûlée au fer blanc.

« Que se passe-t-il, Severus ? » s'inquiéta Draco.

« Je crois que le Seigneur des Ténèbres… » dit-il avant de s'interrompre pour souffler bruyamment. « a décidé de me punir pour ma toute nouvelle relation avec Potter. » acheva-t-il, la main pressée sur sa marque.

« Si j'avais pu empêcher qu'il vous voit dans ma tête… » murmura Harry d'une voix blanche. C'était la première fois qu'il voyait son professeur exprimer de la souffrance. Ses traits d'habitude si rigides étaient froissés, comme s'il contenait un cri. Il ne pouvait empêcher la culpabilité de s'emparer de lui. Si seulement il avait su fermer son esprit…

« Vous n'y êtes pour rien, Potter. J'ai pris moi-même la décision de vous protéger. Et j'en assumerai les conséquences. » tenta de le rassurer Snape, réprimant un hurlement de douleur.

Snape arrivait habituellement à bloquer les sorts de douleur à distance de son maître, profitant de son pouvoir de legilimens pour empêcher son cerveau de reconnaître le message de douleur qui lui était envoyé. Mais aujourd'hui, c'était différent. Aujourd'hui, il semblait incapable de lutter contre l'horrible souffrance qui se répandait dans son corps. Il pouvait sentir la colère immense et complètement hors de contrôle de son ancien bourreau se déverser en lui, comme une tempête qui explose enfin. Il la sentait vibrer dans tous les pores de sa peau, faire trembler ses veines et dérégler les battements de son coeur. Bientôt, il le savait, il allait vomir de douleur.

« Draco, occupe-toi de Potter. » parvint-il à articuler.

« Il est hors de question de vous laisser seul. » s'écria Harry, clairement inquiet.

« Je peux parfaitement… » commença Snape en tentant piteusement de se lever.

« Severus, tu n'es pas en état de faire quoi que ce soit. » s'empressa d'ajouter Draco en rattrapant son parrain. « Dis-nous ce qu'il faut faire. » ordonna-t-il.

« Il n'y a rien à faire. Il faut attendre que sa colère s'apaise. » murmura Snape en se laissant retomber dans le fauteuil. Le maître des potions devenait de plus en plus livide à mesure que le temps passait. La mâchoire serrée, il savait qu'il ne parviendrait bientôt plus à retenir un cri de douleur de s'échapper de ses lèvres.

« Pot… Harry, va chercher un gant d'eau froide. Et un seau aussi. » ordonna Draco en remarquant le teint pâle et les grimaces de son parrain. L'adolescent avait malheureusement l'habitude de ce genre d'épisodes. Son père avait lui aussi subi la colère du Seigneur des Ténèbres, par le passé. Draco savait qu'il ne servait à rien de chercher à combattre cette douleur, il fallait accepter d'être soumis à son bourreau le temps qu'il le souhaiterait. Pourtant, le blond sentait que ce n'était pas tout à fait pareil. Cette douleur, il ne l'avait jamais vue chez personne auparavant…

Harry se leva précipitamment et revint quelques secondes plus tard avec un seau et un gant humide. Pendant ce court laps de temps, Snape s'était enfoncé davantage dans son fauteuil et se tordait de souffrance. Le plus naturellement du monde, Harry passa le gant d'eau fraiche sur le visage tout en sueur de son professeur de potions, espérant calmer la fièvre qui semblait subitement l'habiter.

Un premier cri dépassa les lèvres de Snape. Un cri de douleur si intense qu'il sembla déchirer les murs autour d'eux. Jamais les adolescents n'avaient entendu un tel cri. Et jamais ils n'auraient cru l'entendre de la bouche de Snape.

Un second suivit, puis un troisième. Les hurlements durèrent des heures entières. Des heures durant lesquelles les deux garçons travaillèrent main dans la main dans l'espoir d'un apaisement. S'échangeant le seau plein de bile et le gant glacé, ils tâchèrent de calmer la souffrance et la maladie qui s'étaient emparées de leur professeur de potions.

Le temps avançait doucement, comme une lente agonie. Draco continuait d'appeler son parrain par son prénom, dans l'espoir de le garder éveillé mais arriva un moment où Snape avait clairement disparu. Les yeux fixes et vagues, tout ce qui semblait encore vivant était son corps raide, parcouru de frissons et de contorsions incontrôlables. L'homme finit à terre, les jambes repliées sur lui dans une position de faiblesse tout à fait inédite. Harry crut un instant que son professeur allait mourir. La même pensée traversa la tête de Draco, lorsqu'il entendit le souffle court de Snape. Mais aucun des garçons n'osa exprimer cette hypothèse à haute voix. Aucun n'était capable d'imaginer ce qu'il resterait d'eux si le maître des lieux, leur protecteur, mourait.

Ils attendirent ainsi, impuissants, pendant ce qui leur sembla des jours entiers. Incertains, ils finirent par s'asseoir côte à côte face à l'homme blessé, attendant simplement la fin. La fin de quoi, ils n'auraient osé le dire.

C'est seulement vers dix-neuf heures que le sort acharné contre Snape sembla se calmer. Le sorcier ressemblait à un vieux linge abîmé mais les tremblements cessèrent et les traits de son visage redevinrent plus nets. Les deux adolescents ne purent se retenir d'échanger un sourire réjouit. Harry se rua vers Snape pour l'aider à se relever, le faisant s'asseoir à même le sol. Draco se précipita quant à lui à la cuisine et rapporta un verre d'eau, qu'il porta ensuite aux lèvres de son parrain.

« Est-ce que tu peux parler, Severus ? » demanda-t-il, remarquant que les yeux noirs du sorcier paraissaient moins vides.

« Je ne suis pas encore mort. » lâcha-t-il, sarcastique.

« On a pourtant cru que c'était fini pour toi. » rétorqua sérieusement Draco.

« Le Seigneur des Ténèbres ne m'aura pas si facilement. » assura mollement Snape.

Leur échange fut troublé par un faible bruit mouillé. Ils tournèrent la tête vers Harry, qui présentait un visage strié de larmes.

« Je viens de dire que je n'étais pas mort, Potter. » insista Snape, sardonique.

« Mais vous auriez pu ! » s'écria-t-il, retenant difficilement un sanglot. « Par ma faute, vous auriez pu mourir. » insista le brun.

« Ne vous donnez pas tant d'importance, Potter. Je n'ai jamais risqué de mourir. »

« J'ai cru… J'ai cru que vous ne reviendriez pas. Vous avez failli… » lâcha Harry, accablé.

« Mais je suis là. » le coupa Snape. « Vous n'en avez pas fini avec moi, Mr Potter » railla-t-il.

« Je savais que je n'avais rien à faire ici. C'est ma responsabilité. Vol… Vous-savez-qui est ma responsabilité, pas la vôtre. » dit Harry, essuyant violemment ses larmes d'un revers de manche. « S'il n'était pas entré dans ma tête, il ne vous serait jamais arrivé ça. Ou plutôt, si je n'étais pas avec vous, il n'aurait jamais eu à vous faire du mal. » insista l'adolescent.

« Croyez-bien, Potter, que le Seigneur des Ténèbres aurait pu trouver n'importe quelle raison pour me blesser. Vous n'êtes qu'un symptôme, pas la maladie. C'est lui, la maladie, ne l'oubliez pas. » dit Snape, sérieux.

« Mais ce n'est pas juste que vous risquiez votre vie pour moi, vous le savez très bien. Ce n'est pas juste non plus que Draco n'ait pas le choix que d'être en danger par ma faute. » poursuivit Harry, résolu à quitter la maison et à continuer seul la bataille. « Je ne supporterai pas de vous voir à nouveau dans cet état. Et je ne supporterai pas que Draco subisse, lui aussi, mon rôle dans cette histoire. Je dois partir. » dit-il, déterminé.

« Ta solution c'est de partir seul ? » s'écria Draco, soudainement en colère. « Te rends-tu compte que si Severus n'avait pas été là, le Seigneur des Ténèbres serait encore en train de disséquer tes pensées, à l'heure qu'il est ? » lâcha-t-il. « Quant à moi, qu'est-ce que tu fais de toutes ces semaines de travail qu'on a passées ensemble ? Tu ne peux pas décider de partir quand tout le monde ici s'engage auprès de toi. Tu ne peux pas abandonner le navire quand ça te chante. Pas quand je crois enfin en toi. » s'indigna-t-il.

« Ce n'est pas ce que je veux dire, tu le sais bien. » tenta de se justifier Harry. « Je veux juste vous protéger. »

« Nous protéger ? » se moqua amèrement Draco. « Nous protéger, ça veut dire lutter avec nous. Nous protéger, ça veut dire ne pas abandonner. Nous protéger c'est rester ensemble, Potter. » s'écria Draco.

« Draco a raison, Potter. Que vous le vouliez ou non, la guerre a déjà commencé. Vous devez admettre que vous ne parviendrez pas à la gagner seul. La seule manière de nous protéger c'est de vous protéger vous-même. » conclut Snape, épuisé. « Et pour cela, vous allez commencer par faire de la soupe, tous les deux. Nous avons tous besoin de reprendre des forces. » ordonna-t-il, tâchant de mettre fin au conflit.

Snape profita de l'absence des garçons pour jeter un regard perplexe à sa marque des ténèbres. Depuis la fin de la douleur, il remarqua une transformation étrange s'opérer sur le dessin de la tête de mort. C'était comme si le noir de l'encre s'atténuait peu à peu. Mais ce n'était pas le seul changement qui le perturbait. Il pouvait discerner un trait se dessiner sur toute la surface du tatouage, dominant la tête de mort, comme pour la barrer. Un trait bizarrement tordu, comme une sorte d'éclair.

Il retint un hoquet de surprise. Voldemort l'avait tatoué du symbole de son camp. Le symbole de celui qu'il protégeait de sa vie : la cicatrice en forme d'éclair de Harry Potter. On pouvait finalement voir une tête de mort un peu effacée et un éclair qui lui se détachait, d'un noir vif, au centre du premier tatouage. C'était comme si Voldemort avait voulu inscrire la rupture nette sur le bras de son ancien disciple. Impossible dorénavant de changer de camp. Sans comprendre véritablement pourquoi, Snape sourit. Il sourit franchement à l'idée d'être marqué du sceau de Harry Potter jusqu'à la fin de ses jours.

« Tu ne penses pas ce que tu dis, hein ? » finit par demander Draco, après des minutes de silence face à la marmite de soupe qui chauffait sur la gazinière.

« Comment ça ? » interrogea à son tour Harry, qui sortait trois bols du placard de la cuisine.

« Tu ne penses pas vraiment à partir ? » demanda-t-il en se retournant pour faire face au brun.

« Tu ne crois pas que ce serait la solution ? » demanda rhétoriquement le brun. « Je mets trop de gens en danger par ma seule existence. Et même si Snape m'a bien fait comprendre que ce n'était pas vraiment moi dont il était question dans cette guerre, il n'empêche que si les gens souffrent c'est parce qu'ils cherchent à défendre ma peau. » lâcha-t-il amèrement.

« Tu réalises que tous nos efforts tomberaient à l'eau, si tu t'en vas ? Tu sais, comme moi, que tu ne survivrais pas une seconde tout seul face à lui. Et si tu ne survis pas, personne ne vit. Te rends-tu compte combien il serait égoïste de partir ? » dit sèchement le blond.

« Est-ce que tu es sérieusement en train de me faire la leçon, Malfoy ? » se moqua Harry. « Depuis quand penses-tu au sort de quelqu'un d'autre que toi ? » poursuivit-il, franchement agacé.

« Depuis que j'ai choisi mon camp. » répondit Draco, grave. « Depuis que j'ai vraiment compris pourquoi tu te bats depuis toujours. Depuis que Snape et toi m'avez laissé être autre chose qu'un fils de mangemort. » ajouta-t-il, sérieux. « Tu ne peux pas abandonner, Harry. Si tu abandonnes, c'est aussi moi que tu laisses tomber. » admit-il dans un souffle.

« Est-ce que ce n'est pas ce que tu as toujours voulu, que je te laisses tranquille ? » demanda Harry, une fois le choc de cet aveu passé.

« Tu sais très bien que je n'ai jamais voulu ça ! » s'écria soudainement le blond, les yeux pleins de rage.

« De quoi tu parles ? » demanda le brun, perplexe. Il se souvenait parfaitement de la haine mutuelle qu'avaient partagé les deux adolescents depuis leurs premiers mots échangés à Poudlard, en première année.

« Tu ne te souviens vraiment pas ? » lâcha Draco, agacé. « Tu ne te souviens pas qu'au tout premier jour d'école, je t'ai tendu la main ? » demanda-t-il, blessé.

« Si, je me souviens. Je me souviens aussi que tu as insulté mon meilleur ami. » répondit Harry, se rappelant avec exactitude l'attitude arrogante de Draco lorsqu'il lui avait conseillé de fréquenter des personnes plus dignes que Ron.

« Tu es vraiment un idiot, Potter. Tu croyais franchement que je ne savais pas déjà que ton camp était celui du bien ? Tu n'as pas songé une seconde que j'ai pu vouloir, moi aussi, rejoindre ce camp ? » cracha Draco, les joues rouges. « Mais il a fallu que tu me ranges du côté des fils de mangemorts, comme tout le monde. Ah ça oui, on a chacun joué notre rôle à la perfection ! Tu as joué au héros et j'ai joué au méchant futur mangemort. Mais maintenant, tu sais. Tu sais enfin que ce que j'ai toujours voulu c'est être libre de choisir, comme toi. » murmura-t-il. « Aujourd'hui j'ai choisi. Encore une fois, je t'ai choisi. Ne me laisse pas tomber, Potter, pas maintenant, pas encore. » chuchota-t-il, d'une voix sourde.

« Pourquoi ne m'as-tu jamais dit tout ça ? » s'étonna Harry, abasourdi par cette confession.

« M'as-tu laissé une seule occasion de le faire ? » demanda amèrement Draco.

Un long silence s'installa entre eux. Harry devait admettre qu'il s'était trompé sur toute la ligne. Il avait conclu bien vite, comme s'il était évident que Draco avait fait le choix du mal depuis toujours. Mais ce soir, la réalité de ce petit garçon blond de onze ans lui sautait aux yeux. Draco n'avait jamais eu le choix. Et lorsqu'il avait essayé d'ouvrir une brèche, Harry l'avait immédiatement refermée. Finalement, c'était lui qui s'était montré arrogant. Il avait été si facile de ranger Draco dans la case des Serpentards prêts à tout pour voir le Seigneur des Ténèbres triompher. Il avait été si facile de rentrer dans une relation de haine, opposant bien et mal, comme s'ils ne pouvaient être que des ennemis. Mais la brèche s'ouvrait de nouveau, six ans après cette première main tendue et repoussée. Et Harry ne comptait pas la laisser se refermer.

« Je suis désolé, Draco. Je n'avais pas conscience. J'ai agi comme un idiot. » s'excusa-t-il, mal à l'aise.

« Moi aussi j'ai mes torts. Moi aussi j'ai agi comme un crétin. J'ai perpétué cette relation de haine toutes ces années, alors que j'aurais pu simplement t'ignorer. Mais je crois que t'ignorer aurait définitivement marqué notre opposition et je me rends compte aujourd'hui que je ne l'aurais pas supporté. » admit le blond en versant de la soupe fumante dans les bols.

« Je ne te laisserai pas tomber, Draco. Je te le promets. » promit solennellement Harry, en attrapant le regard de Draco.

S'ils éprouvèrent tous deux le désir de se serrer dans les bras, ils se contentèrent d'un hochement de tête fier et d'un regard entendu. Être du côté du bien ne signifiait pas se laisser aller à une mièvrerie pouffsouflesque.

Lorsque les garçons rejoignirent le salon, ils découvrirent un Snape plus en forme qu'il y avait quelques minutes mais son teint pâle et ses traits tirés trahissaient une douleur contenue. Tous trois se contentèrent d'abord de manger leur soupe en silence, appréciant le calme et la chaleur du feu de cheminée sur leur peau encore refroidie par les événements de la journée.

Tandis que les bûches enflammées commençaient à se transformer en braises, Harry osa enfin briser le silence.

« Vous alliez nous parler de l'horcruxe de Regulus Black… » commença-t-il timidement.

« Et je n'en dirai pas plus. » le coupa sèchement Snape. « L'intrusion du Seigneur des Ténèbres dans votre esprit devrait suffire à vous faire comprendre qu'il y a des choses qu'il vaut mieux garder sous silence. » expliqua le sorcier, fatigué.

« Mais comment voulez-vous que j'agisse contre lui si je ne sais rien ? » demanda Harry, habitué à être le maître de ses actions.

« Tant que vous ne maîtriserez pas l'occlumencie, vous n'agirez tout simplement pas. » s'agaça Snape.

« Vous ne pouvez pas me laisser dans l'ombre alors que je suis le seul responsable de cette guerre avec Vous-savez-qui ! » s'énerva l'adolescent. « Et puis, plus nous attendons avant d'agir plus Vous-savez-qui prend du pouvoir ! »

« Vous n'avez jamais été responsable de cette guerre, Potter ! Dumbledore vous a imposé un rôle qui n'a jamais été le vôtre. Vous avez joué les héros vaillants pendant six ans, il est maintenant tant que vous acceptiez de rester en arrière. » grinça-t-il, les yeux noirs.

« Il est hors de question que je reste ici à ne rien faire. » tonna Harry. « Tout le monde compte sur moi, dehors. » dit-il, solennel.

« Et qu'est-ce que vous voulez faire, alors ? Continuer à provoquer le Seigneur des Ténèbres afin que d'autres que vous souffrent à votre place ? Le laisser entrer dans votre tête afin qu'il y lise comme dans un livre ouvert ? » hurla Snape. « Réfléchissez, pour une fois dans votre vie, Potter ! Je ne suis pas là pour satisfaire votre égo mais pour vous protéger. Et si vous protéger signifie vous enfermer dans votre chambre jusqu'à la fin de la bataille alors ainsi soit-il. » s'écria-t-il, hors de lui.

« Mais… » commença Harry.

« Pas de mais. Allez dans votre chambre vous préparer pour la leçon d'occlumencie et tâchez d'être brillant si vous souhaitez quitter cet endroit un jour. » ordonna-t-il en faisant disparaître les bols vides.

Alors qu'il s'apprêtait à répliquer, Harry sentit une main se poser sur son épaule. Draco lui lança un regard prudent, l'invitant à se taire. Le blond avait remarqué la fatigue et la colère de son parrain. Il savait que rien de bon ne sortirait de cette confrontation. Etrangement, Harry s'apaisa instantanément. Il puisa dans le regard de son camarade suffisamment de calme pour se taire. Il se contenta de se lever et de quitter la pièce sèchement, sans un regard à Snape.

Devant la chambre de Harry, une heure plus tard, le maître des potions ne prit même pas la peine de frapper. Il était clairement agacé par l'attitude inconsciente de Potter. L'héroïsme naïf du garçon le mettait hors de lui. Comment était-il possible que Potter ne se rende pas compte que son besoin d'être au centre des événements mettait tout le monde en danger ? Mais, plus encore, comment Dumbledore avait-il pu faire croire à cet enfant qu'il serait capable de se battre tout seul ? La punition qu'il avait reçue ce soir n'était qu'un petit aperçu des capacités de Voldemort… Comment Dumbledore avait-il pu laisser un gosse se confronter à de telles souffrances ? Il allait devoir enlever de la tête de Potter l'idée que le sacrifice était la plus noble des actions. Que se passerait-il lorsque la confrontation aurait lieu ? Comment ce gamin allait-il s'en sortir ? Le sacrifice ne sauverait personne. En tout cas, Snape refusait que ce soit possible, cet enfant ne serait pas un animal qu'on mène à l'abattoir.

« Êtes-vous calmé ? » demanda sèchement Snape en refermant la porte derrière lui.

« Je suis parfaitement calme. » répondit froidement Harry. « Je vous déteste mais je suis parfaitement calme. » ajouta-t-il, les dents serrées. Assis sur son lit, les yeux fixant le mur, l'adolescent ne semblait pas vouloir considérer la présence physique du maître des potions.

« Tant que votre haine ne vous empêche pas de vous concentrer, ce n'est pas un problème. » rétorqua le sorcier, indifférent. « Vous devez impérativement maîtriser l'occlumencie le plus vite possible, Potter. Si vous ne voulez pas qu'un épisode comme aujourd'hui se reproduise, vous devez devenir un puissant occlumens. » dit-il en déplaçant la chaise du bureau en face du lit. « Vous comprenez ce que cela signifie ? »

« Que je vais devoir travailler ? » demanda Harry, sans bouger les yeux.

« Que vous allez devoir travailler comme jamais vous ne l'avez fait dans votre vie. Nous passerons davantage de temps à l'apprentissage de l'occlumencie, à partir de maintenant. » dit-il, sérieux.

« Super. » lâcha ironiquement Harry.

« Mais quand cesserez-vous donc de faire l'enfant, Potter ? » explosa Snape, faisant sursauter l'adolescent. « Aujourd'hui ne vous a pas suffi pour comprendre que sans la maîtrise de l'occlumencie, vous, Draco, moi-même, et tout le reste du monde sorcier sommes morts ? Ne vous rendez-vous pas compte que votre insubordination risque de faire s'écrouler le monde sorcier ? Ce n'est pas le moment de jouer les héros blessés ! » hurla-t-il en se levant avec rage.

« Il faudrait savoir ! D'abord, vous me dites que je ne suis pas responsable de la guerre qui nous oppose à Vous-savez-qui et maintenant vous mettez la mort du monde entier sur mes épaules ! » s'énerva à son tour Harry, emplit d'un cruel sentiment d'injustice.

« Ne faites pas l'idiot, vous savez très bien que la situation est ambigüe. J'aimerais mieux que la responsabilité ne vous incombe pas, nous aurions plus de chances de survie, mais c'est comme ça ! Le Seigneur des Ténèbres possède une porte d'entrée sur votre esprit et vous seul pouvez l'empêcher d'entrer. » répondit Snape, excédé.

« Je le sais ! » s'agaça Harry. « Je vais tout faire pour l'empêcher d'entrer. Mais vous ne pouvez pas me demander de lutter sans rien me dire de ce qui se passe. J'ai besoin de savoir contre quoi je me bats. Sinon, laissez-moi partir et me battre seul. » lâcha-t-il, abattu.

« Ne croyez pas pouvoir me faire du chantage, Potter ! Votre seule mission est de fermer votre esprit ! Je vous l'ai déjà dit, vous ne sortirez pas d'ici tant que ne maîtriserez pas l'occlumencie. » hurla Snape. « Préparez-vous. » ordonna-t-il sèchement. « Legilimens. » invoqua-t-il, une seconde plus tard.

Harry n'eut pas le temps de se préparer un instant à l'intrusion brutale de Snape dans son esprit. Il se rappela alors avec amertume des leçons d'occlumencie à Poudlard. La maître des potions avait agi de la même manière, ne lui laissant aucun temps de préparation et pénétrant son esprit avec une grande violence. Pourquoi fallait-il qu'ils régressent, après ces semaines de travail pour changer leur relation ? Pourquoi ce va et vient constant entre douceur et brutalité ?

L'adolescent ne parvint pas à éviter cette sensation horrible qu'on déshabillait ses pensées. Snape épluchait sa tête comme un vulgaire fruit qu'on veut mettre à nu. Il revoyait ses amis, Sirius, le dernier match de Quidditch, Draco qui lui souriait dans le couloir, Snape qui lui tenait la main après l'intrusion mentale de Voldemort…

« Mais qu'est-ce que vous attendez, Potter ? » s'écria Snape en brisant le sort. « Ce n'est pas le moment d'être sentimental ! »

« Vous ne m'avez pas laissé une seconde pour me préparer ! » hurla Harry, les larmes aux yeux. Il se sentait humilié, blessé, souillé. Snape pouvait non seulement voir mais sentir toutes ses émotions. Ne voyait-il pas combien il se sentait seul ? Il avait besoin d'être aimé. Il avait besoin d'avoir un sens. C'était normal, non ? Le laisser ainsi dans le silence et envahir ses pensées les plus intimes donnaient l'impression à Harry de ne plus être humain. Qu'attendait Snape, exactement ? Qu'il ne ressente rien ? « Vous me faites du mal ! » lâcha Harry dans un sanglot.

« Pensez à ce que pourrait vous faire ressentir le Seigneur des Ténèbres, Potter. Ce n'est pas le moment de faire le sensible. » rétorqua sèchement Snape. « Préparez-vous. Legilimens. »

D'abord, Snape fut plongé dans un énième souvenir. Potter était assis devant le miroir du Risèd et regardait ses parents. Puis, tout à coup, l'image s'obscurcit et devint de plus en plus solide, comme si elle devenait un mur. Il se rendit compte que malgré ses efforts il ne parvenait pas à dépasser ce mur noir. Pendant une seconde, il eut envie de crier de joie. Mais cette puissance sombre n'avait rien à voir avec la magie de Potter… Avant qu'il ne le réalise, il fut éjecté de l'esprit du garçon et violemment rejeté sur sa chaise. Lorsqu'il regarda Potter, il remarqua ses yeux dans le vague, son corps raidi…

« Harry ! Harry, prends ma main ! » s'écria-t-il, en tenant fermement la main de l'adolescent. « Harry, repousse-le. Je suis là, avec toi. » répéta-t-il, espérant que ces mots auraient le même effet que l'après-midi.

Après quelques secondes, l'adolescent sortit de sa transe en tremblant. Il voulut ouvrir la bouche pour sortir de lui ce qu'il avait vu, raconter à Snape comment il était entré dans la tête de Voldemort et non pas l'inverse. Mais dès qu'il esquissa le premier mot, il sentit une bile incontrôlable sortir de lui, atterrissant sur la robe de son maître de potions. Snape attrapa Harry par les épaules et fit apparaître un seau. Il attendit calmement que le flot cesse avant de relever Harry doucement et de le déposer sur le lit.

« Pardon. » parvint à articuler Harry.

« Ne dites pas de bêtises, Potter. » murmura Snape avant d'effacer les traces de l'incident d'un coup de baguette. « Est-ce que ça va mieux ? » demanda-t-il, plus inquiet qu'il n'aurait voulu le montrer.

« Oui, c'est passé. » murmura l'adolescent, peu convaincant.

« Vous me racontez ce qu'il a vu ? » demanda Snape en posant une main fraiche sur le front brûlant du garçon.

« Il n'a rien vu du tout. C'est moi qui ai vu. J'étais dans sa tête. » lâcha Harry, le souffle court.

« Comme en cinquième année ? » demanda le maître de potions.

« Oui. Sauf que je suis presque certain que Vous-savez-qui ne voulait pas que je voies ça. Je suis sûr qu'il ne l'a pas provoqué. » dit Harry, sûr de lui.

« Que vous a-t-il montré ? »

« Il est à la recherche d'une baguette. D'abord, je l'ai vu avec Ollivander. Et ensuite avec un homme que je ne connais pas. Il a parlé d'un certain Gregorovitch. Il veut désespérément une baguette et cherche toutes les informations pouvant le mener à la trouver. Je crois qu'il a parlé d'une baguette de fureau. » dit Harry, les sourcils froncés par la concentration.

« De sureau, vous voulez dire ? » Demanda Snape.

« Oui, c'est ça ! » s'écria Harry, satisfait de constater que ce qu'il avait vu avait un sens.

« Alors, nous sommes en plus grand danger que je ne le pensais. » lâcha Snape, grave.