Note

D'habitude, j'écris ce genre de scène sur du Muse. Pour une fois, c'est le « Into you » de Ariana Grande qui a guidé mon clavier, soutenu par l'adorable « Burn » d'Ellie Goulding.

On entre enfin dans le vif du « sujet ». 8D

Bonne lecture !


« Sasuke. »

Ils s'étaient allongés dans leur tente et le brun avait recouvré son silence habituel. Naruto, pour sa part, savait à quel point il était important de parler de ce qu'ils envisageaient. Ils n'étaient pas en couple, ils ne s'étaient pas dragués dans une boîte de nuit, ils considéraient coucher ensemble pour une mission, un truc officiel qui n'impliquait ni sentiment ni désir. Le concept pouvait rester un simple enchevêtrement de corps excités par la proximité et les caresses. Naruto ne voulait pas de ça. Pas avec Sasuke. D'autant plus qu'il avait l'impression d'être incapable de ne pas regretter s'ils ne s'abandonnaient pas au moins un peu psychologiquement l'un à l'autre.

Il n'avait jamais envisagé, jusqu'alors, la possibilité de coucher avec Sasuke. En revanche, dès l'instant qu'il avait réalisé pouvoir toucher son compagnon de cette façon-là, la perspective l'avait excité au plus haut point. Sasuke était tout ce qu'il avait jamais désiré, envié, voulu à ses côtés. La seule idée de se soumettre à ses baisers, s'ils étaient volontaires, assumés, rien qu'un tout petit peu aimants, le grisait.

Il savait bien que c'était à lui de lancer le débat. À lui d'entamer la conversation et de faire jaillir de son rival ses petits secrets et ses énormes complexes. Sasuke était trop introverti pour s'épancher. Il avait besoin d'aide. Pour cela, Naruto devait lui aussi mettre sa fierté de côté, poser son cœur battant sur les draps et le laisser à la portée assassine de son pair.

« Quoi ? »

Le ton agressif cachait des tonnes de stress, accumulées dans le silence, rôdant autour des nœuds, dans la gorge de son ami.

« T'es sûr que ça ira ?

— J'ai déjà dit oui.

— Non, mais… avec moi, je veux dire. On… On a une relation chelou, quand même, et je comprendrais très bien que tu me trouves pas à ton goût… »

Le brun était allongé sur son duvet, encore habillé, fixant le tissu de la tente au-dessus de lui. Ses affaires étaient alignées avec un soin maniaque à sa droite, défiant les paquets de chiffons et d'objets hétéroclites du côté de Naruto.

Une combinaison verte dépassait d'une poche de sac à dos. Sasuke s'était toujours demandé si son coéquipier la mettrait un jour et avait éprouvé un malin plaisir à l'imaginer dedans, mais Naruto semblait la transporter telle une relique, un talisman pour se donner de l'énergie. Sasuke trouvait adorable la façon dont il stockait ainsi tout un tas de bêtises et les emmenait partout avec lui, dans le seul but d'avoir symboliquement à ses côtés les personnes à qui il tenait. Il savait que, tout au fond du gros sac à dos, résidait encore le bandeau frontal rayé qu'il lui avait abandonné à treize ans.

« Tu es très à mon goût. »

Le visage choqué de Naruto, dans la pénombre, arracha à Sasuke le plus viscéral des rictus. Le blond semblait tellement sidéré qu'il dut faire un effort pour ne pas rire, et pour retourner la question dans le but de le débloquer.

« Et toi ? Si je ne t'attire pas, c'est pas la peine, on va pas épiloguer. »

Naruto comprit immédiatement que Sasuke se fichait de lui.

« Tu sais très bien à quel point t'es canon, me cherche pas. »

Il bouda, affichant sa petite moue coutumière, et Sasuke ricana.

« Je sais très bien que ça dépend des gens. Si tu étais hétéro, tu ne me regarderais même pas, par exemple. »

Naruto considéra la possibilité quelques secondes, puis il se tourna vers son ami, étonné qu'il soit si bavard.

« Merci. »

Ce fut à Sasuke d'avoir l'air surpris.

« De quoi ?

— De pas agir comme un gros con buté. T'aurais aussi bien pu avoir accepté et juste faire ton glaçon toute la nuit.

— Ça serait invivable, on n'arriverait à rien. Toi comme moi. Le but, c'est que cette mission réussisse, quand même, qu'on soit pas venus pour rien.

— Alors tu fais ça seulement pour la mission, hein ? »

Sasuke eut l'air de ne pas comprendre. Naruto se redressa, se plaça en tailleur, et commença à titiller un fil sur son pyjama orange.

« C'est cool, d'arriver à compartimenter à ce point. Moi, je sais pas faire ça. »

Sasuke versa sur le côté pour mieux voir son compagnon. Il semblait touché par ses doutes, comme s'il connaissait ces incertitudes ou était capable de les appréhender.

« OK. Que ce soit clair, Naruto. »

Il regardait dans les yeux du blond, sans ciller, et celui-ci jura déceler dans la lueur d'encre un soupçon d'affection navrée.

« Si j'avais su que tu étais bi, j'aurais immédiatement proposé de le faire avec toi. C'est possible avec toi parce que je sais que je peux te désirer. Est-ce que moi, je dois comprendre que c'est pas ton cas ? Il y a une différence entre trouver quelqu'un canon et vouloir coucher avec lui. »

Naruto réfléchit un instant. Depuis quand trouvait-il Sasuke canon ? Et depuis quand avait-il envisagé de coucher avec lui ? La première réponse était : depuis toujours. Il devait le reconnaître : Sasuke avait toujours été esthétique, et si, à une époque, cela l'avait complexé et agacé au plus haut point, c'était devenu un état de fait, une évidence. Parfois, quand il le regardait, il songeait simplement : « Merde, il est beau, ce con » et il n'y voyait rien de plus qu'un constat éternel.

Mais depuis quelques heures, depuis que Sasuke avait dit préférer les hommes, il avait envisagé autrement cette beauté. Il l'avait perçue touchable. Il répondit sincèrement à la question, ajoutant en balbutiant :

« C'est tout récent, du coup, alors il faut peut-être que je passe la nuit dessus, mais c'est une idée qui me plaît. J'ai… envie, je crois. »

Sasuke ne retint pas son soupir de soulagement. Naruto redressa la tête, stupéfait qu'il exprime ce sentiment à voix haute.

« C'est pareil pour moi. Je m'en serais jamais rendu compte si on ne s'était pas retrouvés dans cette situation. Ça m'intéresse, au final, j'ai hâte de voir ce que ça va donner. »

Il était étrange de discuter aussi sereinement avec Sasuke. Étrange, apaisant, rassurant à la fois. Naruto avait envie de poursuivre sur ce ton tout le reste du temps, de continuer à recevoir la douceur de la voix de son ami lorsqu'il chuchotait, de profiter de cet aspect inconnu de sa personnalité.

Sasuke avait l'air heureux, en cet instant, allongé sur le côté à fixer son genou couvert de coton orange. Son faciès était détendu. Un petit sourire satisfait, très naturel, ornait ses lèvres et, pour une fois, il ne fronçait pas les sourcils. Il avait laissé son irascibilité hors de la tente. Naruto lui en était reconnaissant.

Soudain, il se demanda si c'était la perspective de cette mission qui le mettait de si bonne humeur. Le sexe avait un effet certain sur les gens. Sasuke avait-il des désirs refoulés qui le frustraient ? Ou bien ce futur nouveau lien, entre eux, le rendait-il plus amène ?

Parfois, il ne comprenait pas du tout son camarade. Souvent, cela lui posait problème. Pas cette fois. Cette fois, il se fichait éperdument de ce qu'il se passait dans la tête du brun. Sasuke semblait à sa place.

« Dis… »

Il n'avait pas envie de rompre le moment, mais il se sentait bien plus gêné que Sasuke ne l'était, visiblement.

« Est-ce que… Est-ce qu'on devrait pas… comment dire ? Essayer de se mettre à l'aise ? »

Sasuke leva les yeux vers son ami, haussant un sourcil.

« T'es pas à l'aise ? »

Naruto fit non de la tête, gêné de devoir le reconnaître.

« Il faut que je te dise quelque chose, en fait. »

Fatigué d'être couché sur son bras, Sasuke se redressa. Naruto avait l'air contrit de celui qui n'ose pas avouer une bêtise.

« Vas-y », l'encouragea le jeune homme, ajoutant un coup de tête à sa réplique.

Il semblait véritablement inquiet pour Naruto, intéressé par ce qu'il avait à confier, sans pour autant appréhender de façon négative comme il le faisait d'ordinaire. Quelque chose plana à nouveau dans ses prunelles sombres, une lueur inédite que Naruto aima percevoir et qu'il se promit de chercher plus souvent. Elle rendait Sasuke encore plus beau, encore plus désirable et plus entier que jamais.

« Je… J'ai jamais fait ça avec un homme. »

Sasuke resta interdit un moment, puis il posa la première question qui lui passait par la tête :

« Mais alors, comment tu sais que…

— Et voilà, ça recommence… » râla Naruto en baissant les yeux.

Intrigué, Sasuke se rapprocha de lui. Il avait remarqué le petit morceau blessé dans l'expression boudeuse de son compagnon. Il voulait comprendre et se rattraper s'il avait fait quelque chose de mal. La situation l'exigeait.

« Quoi ? » demanda-t-il doucement, supprimant de son ton l'agressivité qu'il mettait d'ordinaire dans cette question.

Naruto soupira.

« Comment les gens savent d'office qu'ils sont hétéros ? »

Sasuke l'ignorait, aussi secoua-t-il légèrement la tête en guise de réponse.

« Comment tu as su que tu étais gay ? » poursuivit Naruto.

Il réfléchit à la question. Il ne s'en souvenait pas très bien. Ça avait toujours semblé évident pour lui, qu'il ne s'intéressait pas aux filles. Ça l'avait été d'autant plus qu'il les attirait. Si un garçon l'avait abordé, adolescent, un garçon mignon, sérieux, volontaire, capable de l'amuser et de le faire sortir de sa coquille glaciale, il ne l'aurait pas repoussé. Il en était persuadé.

Naruto leva la tête à cet instant. Le brun s'autorisa un sourire : son camarade correspondait étrangement bien à cette description, tout compte fait.

« Je l'ai juste su, c'est tout.

— Et t'as pas attendu de coucher avec un mec pour en être certain ?

— Non, c'est vrai. J'avais pas pensé à ça, désolé. »

Naruto manqua lui dire que ce n'était pas grave, comme il le faisait à chaque fois que quelqu'un lui posait ce genre de question. Mais ça l'était, un peu, comme une forme de harcèlement, une réplique redondante qui l'invisibilisait alors qu'il croyait être sorti de ce cercle vicieux là. C'était l'une des raisons pour lesquelles il ne corrigeait pas les gens quand ils le pensaient hétéro. Il était fatigué de ne pas être validé pour ce qu'il était. Cela lui rappelait beaucoup trop l'époque où il n'était pas encore un héros aux yeux du village, la lointaine et douloureuse période où il s'était senti seul au monde, méprisé, où il avait eu l'impression que son existence était une erreur.

« C'est pour ça que tu proposais de se mettre à l'aise ? Car tu sais pas trop où tu vas ? »

Naruto fut reconnaissant à Sasuke de ne pas épiloguer sur le sujet, de comprendre si facilement où il voulait en venir. Dans les yeux noirs filtrait une affection décalée, un effort pour être à l'écoute, comme si Sasuke avait enlevé quelques masques dans le but de mieux transmettre ses sentiments. À tout instant, il serait capable de les remettre, et Naruto craignait le moment où cela arriverait : il appréciait le faciès ainsi dénudé, un peu plus fluide, moins tiré, au naturel ou presque.

« Ouais… Je suis sûr de pouvoir bander, expliqua Naruto crûment. Mais est-ce que ça se maintiendra si je suis perturbé ? Tu vois ? Et puis, qui va faire quoi, comment ? Sakura a parlé de pénétration… anale. Je suppose qu'on pourra pas s'en tenir à des fellations. Et même ça, je… je veux être sûr de pas faire n'importe quoi, simplement ? Et puis au moins, si l'un de nous flippe, on le saura tout de suite.

— Je flipperai pas », rétorqua Sasuke.

Une petite couche de plâtre était revenue sur son visage, comme s'il avait eu besoin de se protéger face à l'éventualité que Naruto ne parvienne pas à le suivre.

« Moi non plus. »

Le plâtre s'effrita immédiatement et Naruto remarqua davantage de traits mobiles sur le visage pâle de son rival. Il apprécia l'effet, la façon dont le brun l'observait avec sérénité. Et quelque chose d'autre, une sorte d'envie, un mouvement vers lui si imperceptible qu'il crut l'avoir imaginé. Il vit la gorge blanche se contracter. Les ongles étaient enfoncés dans le duvet sous lui. Le T-shirt noir révélait des avant-bras secs et puissants, l'alcool faisant ressortir des veines, bleu intense sur la peau livide. Quelque chose, dans cette prise décharnée, ces doigts calleux et ce poignet étroit, fascina le blond au point qu'il se perdit dans leur contemplation. Il avait l'impression que cette main pouvait plonger en lui, arracher tous ses viscères, et qu'il serait encore en vie pour l'observer faire sans broncher, confiant dans sa capacité à ne pas le détruire.

Lorsque son regard remonta sur le faciès placide, il eut la sensation que sa chaleur déclenchait la fonte d'une autre couche du masque, révélant les imperfections, les plis de souci au creux du front et au coin des lèvres. Il réalisa que la mine hautaine de Sasuke venait de ce défaut-là. Qu'il avait naturellement l'air de se foutre du monde ou de l'abhorrer et, si cela le fit rire, cela le fit se sentir plus proche que jamais de son coéquipier. Lui, le rival, l'éternel second devenu égal, avait accès à la profondeur brute de la personnalité de Sasuke, dépouillée de ses artifices et de ses défenses.

Enfin, les yeux onyx croisèrent les siens et il comprit que son meilleur ennemi lui avait permis de l'étudier, le décortiquer en mille morceaux, intentionnellement. Il était prêt à faire cet effort, à tomber les masques pour s'offrir un peu dans ce projet charnel. Peut-être même était-ce une évidence, un besoin pour lui de se laisser aller ainsi, sans quoi tout serait vain.

Le brun paraissait gêné. Il ouvrit la bouche, mais rien n'en sortit. Naruto en fit de même, espérant prononcer les mots sur lesquels Sasuke avait buté. Il n'en jaillit qu'un gargouillis indistinct.

Son vis-à-vis pouffa. Ils se trouvaient ridicules, à agir comme des préados inexpérimentés. Au fond, entre eux, il y avait toujours eu cette puérilité jamais résolue, cette régression innocente et bestiale qui cimentait leur relation. Naruto voulait donner un grand coup dans ce bloc de béton et révéler la splendide statue de marbre sous le matériau brut. Celle qui les représentait tous les deux, poing contre poing et lèvres contre lèvres, dans une rixe éternelle à qui déverserait le plus de sensation en l'autre.

Depuis quand voyait-il Sasuke contre ses lèvres ? Depuis quand envisageait-il leur lien comme un objet nu et sensuel, d'une esthétique complexe et saisissante, comme ces portraits d'amours célèbres dans les galeries du sud ? La main qui ne combattait pas la sienne était contractée entre son épaule et sa nuque, plongeant dans sa chair, accrochée à lui comme si Sasuke avait besoin de son existence. Le concept, en porte-à-faux, se déséquilibrerait dès l'instant où l'une des deux pièces serait enlevée, si bien qu'il était impossible de les désolidariser sans qu'elles se brisent au sol. Il aimait cette idée, cette vision d'eux.

En vérité, il n'aurait jamais pu trouver partenaire plus idéal pour cette tâche, encore moins si elle n'avait pas constitué cette sorte d'obligation. S'ils n'aboutissaient pas ce soir-là, il allait passer le reste de ses jours à fantasmer les lèvres et les paumes de Sasuke sur lui, débordant de chaleur ivre et de désir effacé par des couches de maquillage blanc.

Il comprit enfin ce qu'il leur arrivait : ils avaient dit oui parce qu'ils en avaient envie. Ils s'étaient jetés dans cet écueil parce que l'occasion se présentait, pour eux, de dévoiler leurs appétits occultes.

Lorsqu'il regarda ses propres mains, incapable de trouver comment exprimer à Sasuke cette inclination soudain révélée, leurs veines étaient saillantes, gris-bleu sous la peau moins fade, et ses phalanges gonflées, serrées dans son poing, commençaient à s'humidifier de sueur.

Quelque part, loin de son esprit embrumé, une voix électrisante, grave et nasillarde, se moqua de lui :

« Alors ? C'est toi qui as proposé. Fais quelque chose, crétin. »

Lorsqu'il fixa le beau faciès blanc, le sourire en coin avait refait son apparition dans toute sa splendeur immature. Les lèvres étaient écartées de quelques millimètres, comme une invitation.

Naruto eut un mouvement d'humeur. Furieux et excité par la provocation, il donna un coup de reins pour approcher son corps de celui de Sasuke et se figea lorsqu'il frôla son nez. L'encre des iris dégoulinait dans la pénombre, brillante, dans l'expectative. Sasuke venait, à demi-mot, par un simple frémissement de son souffle, de lui ordonner de l'embrasser.

Il en était si sûr qu'il ne se retint qu'au dernier moment pour murmurer :

« On commence par ça ? »

Avant même qu'il ait pu terminer sa phrase, Sasuke fondait sur ses lèvres.


Il avait cessé de réfléchir dès que sa bouche avait formulé le souhait provocateur. Naruto n'avait pas failli à son caractère fougueux et susceptible : à peine avait-il compris la pique qu'il s'était jeté à sa rencontre, tout contre son nez, si près qu'il avait senti son souffle sur son visage, lorsqu'il avait demandé confirmation.

À cet instant-là, Sasuke avait perdu le contrôle de son corps. Naruto était bouillant, si proche… Il semblait prêt à l'accepter, à l'accueillir en lui comme une évidence. C'était si soudain, si irrésistible… Il avait voulu prendre lui-même cette dernière hésitation respectueuse, et l'écraser sous sa tentation démesurée.

Quand il toucha les lèvres fermes, il se demanda encore une fois pourquoi il n'avait jamais songé que leurs conflits provenaient d'une sorte de tension sexuelle irrésolue et s'étaient tant envenimés avec le temps à cause de cette frustration qui ne cessait de s'agglutiner dans leurs enveloppes et leurs esprits. Ils avaient d'autres choses à faire, à penser, et ils étaient tous les deux trop engoncés dans leurs préjugés et leurs querelles pour se rendre compte que, peut-être, il existait une solution simple à leurs soucis. Il n'était pas certain que son compagnon soit d'accord avec cette analyse, mais pour lui, alors qu'il était là à écraser ses lèvres sur celles de Naruto, le sentant présent, bien qu'indécis, respirant son haleine chaude et fermant les yeux de béatitude, c'était limpide : Naruto était tout ce qu'il avait toujours désiré. Dans sa vie, dans son âme… et dans sa chair.

Le blond émit un petit geignement. Il lui laissa le temps de se reprendre, mais ce dernier se jeta sur lui à nouveau, saisissant sa joue pour l'empêcher de s'écarter. Cette fois, il avait ouvert la bouche et dardait sa langue. Sasuke l'accueillit dans un gémissement surpris. Naruto aussi fermait les yeux. Ils tentèrent de s'ajuster, tournant la tête, esquivant les cheveux rêches du brun sans succès. Dans le baiser, alors qu'un léger filet de bave coulait sur son menton, Naruto souleva les paupières pour glisser ses phalanges dans la mèche rebelle et la maintenir derrière l'oreille de son ami. Il cala sa main là, contre le crâne, au-delà de la tempe, et Sasuke se sentit fondre entre ses doigts.

Il était déjà brûlant, il n'aurait pas dû. Mais ce geste affectueux acheva d'arracher de son faciès les dernières couches de plâtre soigneusement conservées au cas où Naruto le rejetterait. Naruto ne le rejetait pas. Naruto l'embrassait avec envie, comme s'il avait attendu cela toute son existence. Naruto possédait sa bouche, agitait sa langue dans un ballet désordonné, un peu maladroit, et Sasuke ne pouvait rêver mieux que ce baiser défiant et envahisseur fourni par son meilleur rival. Cette guerre-là était différente, elle impliquait des réponses tout aussi intenses et brutales, elle l'électrisait à l'image de tous les combats qu'ils avaient traversés, alliés ou ennemis, en présence de l'autre.

Sasuke se laissa aller contre la paume bouillante de Naruto, trop heureux de soupirer entre ses lèvres, trop grisé par l'intérêt inédit de sa némésis. Comment avait-il pu passer à côté de tout cela ? N'avait-il jamais envisagé cette possibilité que parce qu'il croyait Naruto hétérosexuel ? Avait-il contenu ses inclinations pour ne pas en souffrir ? Évidemment, qu'il l'avait fait ! Même s'il n'avait pas aimé Naruto, pas de cette façon, du moins, il aurait rejeté en bloc l'affection qu'il lui portait, faisant tout pour s'éloigner de ce qu'il considérait comme une faiblesse. Même ami, il ne l'aurait pas moins aimé qu'en l'envisageant désormais comme amant.

Le mot l'excita tant que soudain, les lèvres de Naruto ne furent plus assez sur sa peau, ni sa paume dans ses cheveux, ni leurs genoux se frôlant. Il voulait tout de Naruto contre lui, il voulait se fondre dans sa chair, sentir le bien-être que lui offrirait le blond, la façon dont ses mains puissantes pouvaient maîtriser les zones érogènes de son corps et le mettre à sa merci. Il manqua éclater de bonheur à la pensée qu'il avait le droit de le toucher, de lui procurer du plaisir et de le pousser à faire tout ce qu'il exigeait. Il voulait plus.

Il avança le menton, forçant son camarade à reculer. L'appendice, sur son crâne, tira ses cheveux au passage, mais ne se détacha pas. Lorsqu'il insista un peu plus, allongeant le blond sous lui, il crut défaillir. Ils se séparèrent juste assez pour qu'il puisse chevaucher son compagnon, et la main irrésistible, sur sa tempe, pressa davantage et l'attira vers le bas pour lui faire retrouver les lèvres tant désirées. Quand il remonta ses genoux et s'assit sur Naruto, celui-ci poussa un petit cri de satisfaction. Sasuke sentit l'érection sous lui, à peine retenue par le pantalon et le boxer larges que le jeune homme portait.

Il se redressa, dans le seul but de mieux percevoir la grosseur entre ses fesses, tout en observant le visage carmin de Naruto et la façon dont son torse se soulevait par à-coups. Mince, il était beau. Il avait trop chaud et la sueur perlait sur son front, y collant les morceaux de blé doré qui germaient sur sa tête. Ses lèvres donnaient l'impression d'être gonflées. Ses pupilles étaient dilatées, comme lorsqu'il était sur le point de libérer son démon. Pourtant, les traits sur ses joues restaient statiques et fins, à l'opposé de leur flou sombre quand le renard se déchaînait. Aucun croc ne sortait entre les dents un peu jaunes, mais Sasuke osa se demander quel serait leur effet sur sa peau.

Les iris avaient tout de même leur couleur ciel d'orage, celle qui lui disait que Naruto était un homme dangereux, que sa puissance destructrice était inégalée et que la suprématie de sa bienveillance passait souvent par ses poings. Le sang battait visiblement dans sa gorge, et Sasuke envisagea de la mordre. Il ne s'exécuta qu'après avoir saisi le premier bouton de la chemise de pyjama orange pour le défaire au plus vite. Il avait envie de l'arracher, mais le blond n'était pas aussi violent que lui et ce vêtement était un cadeau, d'après ses souvenirs.

Naruto ne se voyait offrir des choses que depuis quelque temps et, même si le tissu était élimé à force qu'il le porte, il persistait à user de cet ensemble un peu vieux jeu car c'était son favori, disait-il. Sasuke voulait bien croire au confort d'un tel outillage, mais il aurait préféré que son compagnon choisisse un oripeau plus facile à enlever. Lui-même dormait toujours en T-shirt. Sa paranoïa lui imposait des vêtements qu'il pouvait ôter aisément dans l'urgence. Mieux : dans lesquels il pouvait se battre en cas d'attaque. Il n'y était nullement attaché.

Il parvint à défaire le deuxième bouton sans baisser les yeux, mais dut se redresser pour les autres.

« Connerie de truc !

— Laisse. »

Il y avait une forme d'ordre impérieux dans la voix, rauque de désir, du blond. Il avait l'air moins insouciant que d'ordinaire, rêveur, son expression plus proche de celle qu'il adoptait lorsque personne ne le regardait et qu'il osait se perdre dans des pensées un peu sombres. Sasuke trouvait l'image de ce garçon, d'ordinaire si solaire, si enthousiaste, dialoguant seul avec ses démons, particulièrement poétique. Il se gorgeait de l'aura paisible dès qu'il en avait l'occasion, puis s'égarait lui-même dans ses cauchemars, rassuré par la présence de ce camarade qui visitait de semblables étendues.

Naruto défit le reste des boutons avec la rapidité de l'habitude. Puis il dégagea la chemise de ses épaules et la jeta quelque part du côté de Sasuke. En d'autres circonstances, celui-ci aurait râlé, mais il était incapable de lui en vouloir de se presser ainsi. Le torse était beau, légèrement plus pâle que les bras et pourtant, il comportait la même teinte dorée qui caractérisait son pair, comme si le soleil de ses cheveux et de ses yeux perçait également par tous les pores de sa peau. Sasuke redescendit sur Terre : Naruto adorait s'entraîner en plein air, en général torse nu, près de points d'eau, pour des questions purement pratiques.

Toutefois, il ne put s'empêcher de glisser ses mains sur les courbes du ventre, les pectoraux dessinés, puis les épaules rondes. Naruto retomba contre le sol, le laissant explorer, toujours un peu essoufflé.

« Sasuke… »

Il comprit à la seule lueur exigeante dans le bleu sombre des yeux et passa son haut par-dessus sa tête. Dans le mouvement, il dut s'appuyer davantage contre l'érection du blond et cela généra en lui une foule d'envies qu'il n'était pas certain d'accepter de formuler. Il n'eut pas le temps d'y réfléchir : Naruto s'était redressé et parcourait son torse, l'air étonné, comme s'il le découvrait pour la première fois. Peut-être son ami traversait-il les mêmes épreuves que lui ? Peut-être envisageait-il lui aussi, enfin, la possibilité de cette union et l'attirance qu'elle déclenchait si subitement ?

Il voulut y croire. Lorsqu'il se rallongea sur Naruto pour recommencer à l'embrasser, celui-ci passa ses doigts autour de ses hanches. Lorsqu'il mut son érection contre celle de son pair, les doigts s'agrippèrent soudain à ses fesses. Puis ils furent également dans ses cheveux, sur ses cuisses, ses reins, ses omoplates et ses biceps, caressant tout ce qu'ils pouvaient toucher de son corps, assez pour le rendre définitivement fou.

Sasuke se redressa, pressé de se dénuder. Il dut s'écarter à contrecœur, puis se lever totalement pour baisser d'un coup son pantalon et son sous-vêtement. Le bruit de déglutition, à sa droite, le fit rire. Il jeta ses affaires du côté de Naruto, au milieu du désordre, pour le plaisir de l'imaginer les retrouver le lendemain. Il ignorait quel effet le reste de son corps allait produire sur le blond, aussi fut-il surpris de le voir concentré sur ses propres habits, soulevant les fesses pour passer le tout sous ses cuisses.

« Ça va ? interrogea-t-il, confus.

— Pourquoi je me désape, à ton avis ? rétorqua immédiatement son partenaire, d'un ton pressé.

— C'est moi qui te fais cet effet ? » le taquina Sasuke, rasséréné par le pénis turgescent qu'il découvrit sous le ventre plissé par la posture.

Naruto pouffa en se rallongeant sur ses coudes.

« T'as pas idée. On fait quoi, maintenant ? On a l'air cons, comme ça !

— Tu pourrais prendre les commandes, pour changer ? »

Sasuke ne le provoquait que par jeu. Il n'avait pas besoin qu'ils se vaillent. Pas comme ça. Pas dans ce genre de circonstance. Il avait seulement envie d'être écrasé par le poids de Naruto, de sentir leurs érections pressées l'une contre l'autre dans un va-et-vient qui le ferait jouir bien trop vite, d'avoir son torse contre le sien et d'obtenir sa petite mort, étouffé par la chaleur torride que dégageait l'enveloppe face à lui.

« Ah… Oh. Je… »

Naruto se leva, balbutiant. Ils ne tenaient pas debout dans la tente, aussi se trouvèrent-ils tous deux dressés sur leurs genoux, face à face. Le gland de son amant frôla sa verge dans le mouvement et Sasuke frissonna.

« J'aurais cru que tu préférerais avoir le contrôle. »

Le brun pouffa, amusé par cette idée saugrenue. À la réflexion, il était normal que Naruto ait voulu respecter son désir permanent de supériorité. En revanche, la situation était différente, et si Sasuke était versatile, il savait parfaitement ce qu'il lui fallait avec Naruto.

« Pas comme ça, souffla-t-il. Pas… »

Il détourna la tête, soudain gêné.

« Pas avec toi. »

Il n'osait plus regarder son ami, navré d'avoir à avouer ses envies à un rival qui aurait aussi bien pu en rire. Mais la main brûlante revint contre sa tempe, et il dut retrouver le ciel d'orage dans les yeux de son pair. Il s'y perdit, se laissa fondre dans cette main trop sûre, puis il y eut des lèvres sur ses lèvres et une langue qui cherchait la sienne. Ensuite, seulement, après ces gestes rassurants, Naruto passa ses bras autour de ses hanches et le suréleva sur lui. Il suça un téton, curieux, constata avec amertume que Sasuke ne réagissait aucunement, descendit sur les abdominaux, souffla dans le nombril en soulevant ses fesses. Puis, d'un coup de reins puissant, il le jeta sur le duvet et le domina de toute sa masse, exactement comme Sasuke l'avait désiré. Exactement comme ce dont il avait besoin de la part de son compagnon.

« Oh ! »

Les deux verges étaient maintenant prisonnières entre leurs corps et les hanches de Naruto bougeaient en rythme. Il ne lui fallut que quelques coups pour correspondre à la cadence. C'était beaucoup trop bon.

Naruto répondit à son cri et poursuivit la manœuvre, dévorant sa nuque, emmêlant ses doigts dans ses cheveux avant de les tirer pour s'en défaire, tripotant ses omoplates pour ensuite enfoncer ses ongles au bas de son dos.

« Sasuke…

— Si tu veux me prendre, il va falloir faire vite, lança celui-ci sans laisser son camarade continuer.

— Non, mais, je tiendrai jamais jusque-là, j'allais te dire que je suis pas loin… »

Le brun redressa la tête.

« Mince, à ce point ? »

Naruto secoua la sienne de gauche à droite, sans pour autant cesser les mouvements érotiques qu'il faisait avec son bassin.

« Tu te rends pas compte, c'est… complètement dingue, ce que tu me fais. »

Sasuke était loin de comprendre ce qu'il pouvait se passer dans l'esprit de Naruto. Il n'aurait pas cru pouvoir mettre le blond dans cet état, et encore moins avoir si peu à faire pour l'emmener près de la jouissance.

« Je suis pas loin non plus », concéda-t-il.

Entre les paroles encourageantes de son coéquipier et la façon indécente dont il continuait de se frotter à lui, il ne risquait pas de durer longtemps. Il décida que cela suffirait pour ce soir. Qu'ils étaient assez, et plus qu'évidemment, détendus ensemble pour pouvoir poursuivre leurs activités sexuelles lors d'un rituel pervers. Aussi ne fit-il pas remarquer à Naruto que s'il voulait essayer autre chose, il fallait tenir un peu plus que ça. Il n'en avait pas envie. Lui-même ne pensait qu'à leur plaisir, si court fût-il, à atteindre cette extase tout à coup accessible parce qu'ils avaient échangé sur un sujet d'ordinaire tabou et qu'ils s'étaient trouvé une extraordinaire compatibilité.

« On finit ?

— On finit », acquiesça-t-il en soupirant, essoufflé, sous les caresses et les déhanchements.

Alors, Naruto s'écarta. Sasuke émit un geignement insatisfait, surpris, mais son coéquipier le prit davantage de court : passant ses mains sous ses fesses, il le redressa jusqu'à ce qu'il soit presque assis sur lui, les jambes du blond totalement repliées et les siennes enserrant les cuisses solides et dorées. Tout collait, et l'odeur de sueur contre son propre corps débauché était la plus douce du monde.

La force de Naruto se manifesta sous lui, le vissant sur place, sa verge de nouveau contre celle de son amant. Son poids céda un peu lorsqu'une des deux mains disparut, mais il avait trop envie de sentir le sexe étranger, contre le sien, pour ne pas se frotter lui-même et se retenir de s'affaisser. Quand l'appendice libre reparut, ce fut pour saisir les deux hampes d'un geste assuré. Sasuke émit un cri.

Une main n'aurait pas dû faire cet effet-là. Rien n'aurait dû faire cet effet-là. La sensation extatique, brûlante et impérieuse, le poussa à imaginer à quel point ce serait bond d'avoir ce pénis en lui, faisant fondre ses entrailles, touchant sa prostate et le labourant de l'intérieur. Il adorait déjà cette sensation, que serait-ce, lorsque Naruto, son rival, sa vie, son âme égale, prendrait place à cet endroit dans le seul but de le ravir ?

Cette simple pensée envoya des ondes érotiques dans tout son corps et il se sentit faiblir. Il avait les yeux fermés, mais il les ouvrit pour observer son vis-à-vis, vérifier ce qu'il ressentait, s'il aimait, lui aussi, l'acte, s'il était toujours beau, même en grimaçant de plaisir sous le coup de l'orgasme. Le ciel d'orage lui parut écarlate, enflammé de vice, tandis que Naruto percevait, au lieu des touches carmin dans l'encre, la teinte gris-bleu des brumes de la jouissance.

Le blond gémit en premier, comme si cet échange de regards avait déclenché en lui un nouveau raz-de-marée. Le rouge dans ses yeux était purement sexuel, dépourvu de l'ire orange, couleur luxure. C'était un ange perverti par un démon. La dualité manichéenne de l'existence de Naruto fascinait Sasuke, et ce fut la fougue bienveillante, dans les prunelles du jeune homme, qui lui fit perdre pied.

Alors que le blond continuait de les masturber, profitant de son sperme comme lubrifiant, Sasuke se laissa aller à sa poigne, son dévouement et sa tendresse. La sensation dura longtemps, par vagues successives, étrangement lentes, calmes et apaisantes, répondant à son compagnon qui finissait de se déverser. Il n'avait pas maîtrisé sa voix et ses cris murmurés semblaient avoir envoûté son camarade au point qu'il tentait encore de les générer après que l'orgasme fut retombé.

Enfin, alors que son coéquipier l'embrassait passionnément et le jetait de nouveau sous lui, Sasuke se détendit dans ses bras. Attrapant une de leurs couvertures après avoir tâtonné un peu, il décida qu'ils dormiraient sales. Tant pis pour les draps, pour sa maniaquerie maladive, pour le nettoyage pénible auquel ils devraient se soumettre le lendemain.

La main poisseuse de Naruto avait déjà erré à peu près partout sur lui, et il était persuadé qu'il avait essuyé le reste sur un bout de tissu trouvé là au hasard. C'était le côté bordélique de la tente. Avec un peu de chance, l'objet ne lui appartenait pas.

Sasuke s'étonna des nombreuses caresses de son compagnon. Il appréciait peu ce type d'épanchement après le sexe, mais il laissa son compère faire à son envie. Ils sortaient d'un partage intense, tant sur le plan physique que moral, et Naruto était sans doute aussi fragilisé que lui par la destruction de leur statu quo. Bientôt, pourtant, Sasuke fut happé par le sommeil. Ils traiteraient du reste le lendemain. Pour le moment, il se sentait beaucoup trop entier, ainsi aimé par les bras solides avec lesquels son meilleur ennemi l'avait entouré.


Note

J'ai rédigé beaucoup de scènes de sexe, depuis quinze ans que j'écris. Pourtant, je n'en avais jamais écrite pour mon OTP qu'est le NaruSasu. J'avais toujours des idées plus décalées que ça, plus axées aventure… Différentes, en fait. Et peut-être que je savais que je ne serais pas satisfaite du résultat, à l'époque. Il était temps, avec « Dilemme », que je rattrape tout ça. En espérant que ça plaise, et que ça plaise même à mon moi du futur, toujours très critique. :D

Qu'en avez vous pensé ? =)