Note

Comme souvent, ce chapitre n'était pas prévu. Mais après tout, comme j'écrivais cette histoire un peu à l'aveugle, je pense que 80 % des choses qui vont se dérouler à partir de maintenant ont été écrites sur le vif. Je ne fais pas toujours de rédaction spontanée, mais j'aime particulièrement ça. Ça me permet de vivre moi-même le suspense des situations :D.

Au fait, c'est le moment pour un peu de Ricky Martin ;).


Naruto n'avait jamais été du matin. Seule la force de l'habitude l'avait contraint à adopter la coutume ninja : réveil à l'aube, coucher avec le soleil. De temps à autre, il s'offrait une nuit blanche, pour le plaisir de profiter de la vie nocturne du village ou des contrées lointaines qu'il découvrait en mission. Cette fois, il avait dormi du sommeil du juste, comblé par sa folle soirée. Il n'avait pas même eu le temps d'avoir peur du lendemain. Il n'avait eu le temps de rien, trop satisfait et trop heureux de pouvoir distribuer à Sasuke un peu de son amour sans avoir à passer par les poings.

Lorsqu'il se redressa, il était seul. Sasuke aurait pu l'attendre, songea-t-il en cherchant de quoi se couvrir. Il aurait voulu profiter de l'intimité de la tente pour parler un peu avec lui, pour voir comment il réagissait. Vérifier que, si le masque était revenu, aucune fêlure nouvelle ne s'y était creusée à cause de leurs actes.

Il savait à quel point Sasuke pouvait être fragile, à l'intérieur. Il savait que la profondeur à laquelle était cachée cette faiblesse était telle que rien ni personne n'y parviendrait probablement jamais. Pas même lui. Mais Sasuke était encore en mesure de se faire souffrir par des réflexions amenant des décisions tout aussi destructrices.

Le masque ne le protégeait pas de lui-même, et Naruto craignait chaque traumatisme auto-infligé que son compagnon pourrait vivre. Si la brisure devait être de son fait, il ignorait s'il serait capable de regarder en face le visage ainsi balafré.

L'inconfort de son état, collant de toutes parts, accrochant aux draps, la peau tirée par le sperme séché, justifia l'absence de son camarade. Sasuke n'aurait pas supporté une seule seconde de rester dans cet état sa conscience recouvrée.

Lorsqu'il sortit au grand air, le soleil était haut dans le ciel. Il aurait dû être assez tourmenté pour ne pas prendre garde au paysage, mais l'esprit jouait parfois d'étranges tours. Le décor était sublime. La forêt peu dense commençait lentement à grimper les flancs de la montagne. Entre les hêtres et les cyprès clairsemés, on voyait les faîtes enneigés et les rocs gris clair. L'atmosphère avait l'odeur des bas-monts, froide, teintée de terre et de cette impression de nulle part qui, d'ordinaire, l'angoissait. Un peu comme Sasuke.

Il inspira profondément. Malgré l'air frais, l'astre du jour chauffait durement. Il hésita à boutonner sa chemise de pyjama, puis se rappela qu'il était couvert de sperme et que Sakura était sans doute debout depuis l'aube. Il restait quelques petites choses sur lesquelles son amie ne devait pas avoir droit de regard.

Il la repéra, assise sur un tronc d'arbre à proximité du feu éteint. Un ours mort gisait à quelques pas. Elle portait un simple débardeur noir, des lunettes de soleil, et ses cheveux courts étaient tirés en arrière par plusieurs pinces. Lorsqu'il s'approcha, elle leva les yeux du papier sur lequel elle griffonnait. L'éclat vert, par-dessus les grandes lunettes, luisit avec une telle intensité qu'il le sentit jusqu'au plus profond de ses entrailles. Avait-elle déjà tout découvert ?

À côté du cadavre d'animal se trouvaient de nombreux parchemins de stockage. Certains étaient ouverts et dévoilaient leur contenu : gâteaux secs, sauces sucrées et salées, chocolat en poudre. Le feu avait servi à faire cuire du bacon et des œufs.

Naruto savait Sasuke amateur de petits déjeuners traditionnels, aussi fut-il surpris de ne pas repérer le moindre condiment ou bol de riz.

« Il n'est pas encore revenu de la douche. »

Plusieurs ruisseaux sillonnaient la zone. Le plus proche était à quelques mètres seulement. Naruto eut soudain envie de s'y précipiter pour vérifier que Sasuke ne s'était pas tout bonnement enfui, trop désarçonné par leur nuit de découvertes et de concessions.

« Tu veux manger un morceau avant de te laver, toi, non ? J'ai fait ce que tu préfères. Tu l'as bien mérité, je crois. »

Cette fois, Naruto rougit furieusement tandis que Sakura désignait le bol de chocolat chaud trônant à la place qu'il s'était arrogé.

« Oh ! »

Il aurait dû se détourner plus vite. Elle l'avait vu.

« Je dois donc vraiment comprendre que tout s'est bien passé ? »

Il n'avait pas envie de raconter sa nuit à Sakura. Cela lui semblait à la fois trop irréel et trop intime. Sasuke était-il seulement capable de revenir à la normale après cela ? Ne devrait-il pas encore gratter toutes les couches du masque blanc pour le revoir, et repérer de nouveau ce petit pli de souci, à ses lèvres, qui le rendait si charmant, si entier ? Sasuke n'allait-il pas le rejeter à présent que Naruto connaissait ce qu'il aurait pu prendre pour une faiblesse ? Le désir était-il une faiblesse, aux yeux de l'Uchiha ?

Si, pour Naruto, la soirée avait été parfaite à bien des égards, il ignorait si son meilleur ennemi n'allait pas regretter, complexer, tribulationner dans son propre cerveau et conclure à quelque chose de bizarre et toxique, comme il le faisait si souvent.

Indécis, Naruto répondit par une autre question :

« Ça avait l'air, pour lui ? »

La kunoichi abandonna son parchemin et s'approcha du feu pour lui intimer de s'asseoir avec elle. Il resta planté là, trop tétanisé par la possibilité qu'un traumatisme nouveau ronge désormais son pair.

« Il a dit bonjour en passant devant moi. »

C'était déjà ça. Sakura poussa un soupir après s'être placée en tailleur, piochant dans les biscuits.

« Je vous ai entendus, Naruto. Je ne te demande pas un débrief, je veux juste être sûre que vous allez bien. »

Le rougissement de Naruto atteignit ses oreilles.

« C'était soit ça, soit vous vous battiez, et je n'ai pas vu un seul bleu sur lui. »

Les traces de combat, sur Naruto, disparaissaient trop vite pour qu'elle les remarque. Étrangement, cela ne l'avait jamais empêchée d'engueuler aussi l'Uchiha lorsqu'elle lui découvrait des ecchymoses. Leurs rixes avaient beau s'être raréfiées, le déclencheur restait toujours le même. Sasuke, qui provoquait Naruto, qui semblait demander à ce qu'on le frappe, à ce qu'on le fasse souffrir. Pas parce qu'il aimait ça, non. Mais bien parce qu'il ne parvenait pas à endiguer la rafale intérieure, parfois, cette haine de soi-même, ces terreurs d'enfant, cette hypersensibilité qui le dévorait. C'était un besoin autodestructeur de ne plus penser, de ne plus avoir à vivre. De ne plus traverser que le combat et la plénitude qu'il engendrait. Sasuke était toujours plus calme après un entraînement contre son meilleur ami.

Si elle avait compris ce besoin chez le brun, peut-être Sakura les connaissait-elle mieux qu'il ne le croyait ?

« Moi, ça va. Mais lui ? » insista encore Naruto.

Elle lui jeta un coup d'œil surpris.

« Je ne sais pas ce que tu espérais, mais il est absolument comme d'habitude. Acariâtre, incapable de profiter de la vie, et d'une maniaquerie alarmante. »

Naruto poussa un soupir de soulagement avant de se rappeler en quoi Sasuke, en cette fin de matinée ensoleillée, aurait pu paraître maniaque aux yeux de Sakura. Il rougit de plus belle.

« Merci de t'être couvert », commenta-t-elle sobrement, confirmant ses doutes.

Il dégustait le fond saturé de son chocolat, trop heureux de pouvoir prendre son temps, lorsque Sasuke revint. Celui-ci se figea une seconde en le voyant. Naruto le défia du regard, prêt à toutes les éventualités. L'héritier Uchiha détourna la tête et émit un « hmph » sonore. Provoqué, Naruto l'imita. Pour ne pas avoir à subir la présence de ce connard glacial au petit déjeuner, il termina son repas rapidement et s'éclipsa.

Il ignorait que le sperme brillait autant lorsqu'il séchait en fines couches sur le corps. Il ignorait aussi qu'en laisser dans ses poils allait déclencher autant de tiraillements malencontreux durant le trajet jusqu'à la rivière.

Ce fut seulement quand il fut immergé dans l'eau froide du ruisseau que les images lui revinrent en tête, alors qu'il supprimait de sa peau les preuves de cette nuit érotique. Le corps blanc, les membres puissants, le sexe dressé contre le sien, les quelques gémissements échangés, le regard brûlant sur lui, comme si Sasuke était capable de désirer quelque chose. Non, il ne pouvait pas s'y tromper. C'était la première fois qu'il découvrait cette expression chez son pair, mais elle était trop limpide, sans les couches de masques, pour qu'il puisse la confondre avec une autre.

Sasuke avait passé sa vie à se priver de tous les plaisirs. Pour se punir de sa propre faiblesse, ou pour ne pas se laisser aller à ce que son frère aurait considéré comme trivial ? Le moteur de la haine impliquait qu'il n'aime rien. Qu'il n'apprécie rien. Pas même un moment complice, pas même un copieux repas ou un instant de joie. Pourtant, Sasuke connaissait le plaisir. Naruto se demanda combien d'autres hommes l'avaient vu dans cet état. Combien d'entre eux savaient à quel point c'était incompatible avec les barrières qu'il s'était construites. Combien avaient pu se rendre compte du privilège qu'il leur offrait, de le contempler dans ce moment de jouissance. Naruto pénétrait soudain dans le monde sensuel de Sasuke, et il s'y sentait comme une sorte d'élu. Il ne regrettait pas qu'on lui ait donné cette chance. Si c'était à refaire, malgré tous les risques, il le referait, rien que pour pouvoir admirer de nouveau le faciès extatique de son rival, rien que pour pouvoir le maintenir contre lui, encore, afin qu'il puisse se laisser aller. Sasuke savait se laisser aller, et c'était bien trop incroyable pour que Naruto ne le remarque pas.

Il passa un long moment dans l'eau, profitant de sa basse température pour visualiser la scène sans faire réagir son pénis. Il y avait eu la façon dont le crâne brun s'appuyait contre sa main, dont il le regardait si souvent dans les yeux, dont il l'avait incité à prendre le contrôle. Plus que le sexe en lui-même, c'était ce constat-là qui faisait frémir Naruto : Sasuke s'était abandonné à lui, en toute confiance. Il l'avait autorisé à plonger en lui, le saisir et le serrer, manipuler toute cette porcelaine à l'envi comme s'il avait la certitude que Naruto était incapable de la casser. Trop attentionné. Trop respectueux. Montrer tant de choses à sa némésis, se mettre à nu ainsi…

Était-il lui-même parvenu à un tel épanchement ? Étaient-ils à égalité ? Naruto, tout à coup, se dit qu'il aurait voulu donner plus encore. Que les efforts qu'il avait faits, les confidences, ne valaient pas ce que Sasuke l'avait laissé toucher ce soir-là. Il espéra pouvoir lui rendre la pareille, un jour. Puis il se rappela leur mission et réalisa l'imminence de l'opportunité. Il y avait une douzaine de sceaux. Il aurait tout le temps pour cela.


« C'est bon ? On peut enfin partir ? »

Naruto venait tout juste de terminer de ranger son côté de la tente. Son colocataire avait presque démonté l'objet sur ses affaires, jugeant qu'il prenait trop son temps à la rivière. Le pauvre garçon s'était résigné à sortir en catastrophe toutes ses possessions, tombant au passage sur un caleçon souillé qui… qui appartenait à Sasuke, mais le brun avait dû trop rechigner à le chercher dans la « porcherie » de son rival, comme il l'appelait à tort, pour se rendre compte de cet oubli. Peut-être même l'avait-il fait exprès. Peu importait. Naruto, pour éviter à Sakura d'enregistrer des informations dont elle n'avait aucun besoin, avait simplement roulé en boule tous les habits trop odorants pour les fourrer dans le sac à linge sale. Sasuke avait fait une remarque désobligeante sur l'improbabilité qu'il soit équipé d'un matériel aussi salubre. Naruto avait failli lui jeter le boxer noir à la figure. Puis il s'était dit que ce serait bien plus embarrassant pour son ami de découvrir le sous-vêtement lavé, plié et parfumé à l'adoucissant sur son paillasson. Sasuke avait plusieurs voisins de palier, dont une adolescente bavarde, un peu groupie, et un ninja retraité qui critiquait tout et tout le monde tant il s'ennuyait. Tout l'immeuble en parlerait pendant des mois.

Il ruminait sa vengeance lorsque le brun l'avait hélé en ces termes. Il rétorqua du tac au tac, comme une évidence, comme si ce vers quoi ils se dirigeaient était une corvée – après tout, c'était une mission, et Naruto n'avait pas encore bien intégré l'idée que Sasuke puisse la mener à bien de gaîté de cœur :

« Quoi ? T'as hâte d'y être ? »

Il était sincère dans cette réponse. Une part de lui avait toujours l'impression que son camarade se jouait de lui. Que tout cela était trop beau pour être vrai. Il avait couché avec Sasuke. Et Sasuke avait semblé aimer ça. Sauf que c'était pour le travail, et tous deux savaient pertinemment à quel point ils étaient prêts à pénétrer dans leurs retranchements pour réaliser ce type de projet. Sasuke, plus que Naruto lui-même, ne supportait pas l'échec. Naruto en était venu à songer que si tout avait si bien fonctionné la veille, et au regard du comportement désagréable du brun ce matin-là, c'était parce que celui-ci avait menti. Il en était capable. Il était doué pour ça. Il aurait menti pour se donner contenance, pour se forcer, pour se mettre dans un rôle comme on le leur demandait parfois en mission. Il aurait menti pour qu'ils puissent terminer cette besogne, et plus jamais, après cela, il n'accepterait de le toucher, de laisser filtrer ne serait-ce que ce magnifique petit rictus méprisant, si naturellement puéril qu'il en était troublant.

Naruto s'apprêtait à pousser le énième soupir de la matinée lorsque Sasuke grogna, agressif :

« Ouais. »

Il voulut rétorquer quelque chose d'agressif aussi. Puis il comprit la réponse et s'étrangla. Sidéré, il ne put s'empêcher de fixer Sasuke comme s'il était fou. Une foule de pensées se bousculaient dans son esprit et, à celles-ci, vint s'ajouter l'impression fugace que son pair avait éclaté de rire. C'était impossible, pourtant, mais le sourire en coin et le pétillement irrésistible, dans le regard noir, n'auraient trompé personne.

Plus loin devant eux, Sakura fit mine de ne pas avoir entendu et commença à marcher. Ils perçurent, cependant, le ricanement de la jeune fille. Naruto décida qu'il faudrait absolument lui rappeler de censurer cette mission auprès d'Ino. Et de toutes les autres. Sauf peut-être Temari. Non, même Temari n'avait pas le droit d'en savoir autant sur Sasuke.

Pas quand il arborait cette aura nouvelle, ce quelque chose qu'il avait déjà surpris chez lui lorsqu'il était persuadé que personne ne l'observait. C'était une sorte de chaleur bienveillante, un feu, lumière dans l'obscurité, qui rendait Sasuke vivant. Un halo qui faisait fondre les couches de plâtre sur son visage comme neige au soleil, qui lui donnait l'air humain. Mieux, qui lui donnait l'air d'aimer.

Tout à coup, à cette intime fureur joyeuse se superposèrent les lèvres entrouvertes du brun et tout ce que cette réponse suggérait réellement.

D'un mot, un seul, Sasuke venait de détruire les théories alarmistes de Naruto. D'un seul mot, il lui avait confirmé les impressions de la veille : il avait adoré ça.

Le plâtre n'était plus qu'une couche de principe sur le beau visage d'ordinaire si inexpressif. Sasuke détourna la tête pour commencer, lui aussi, à avancer.

Naruto n'aurait pas dû trouver sa nuque si attirante, ni sa façon de se déplacer, ni la ligne de sa mâchoire si rieuse encore. Il n'aurait pas dû avoir autant envie de le saisir et de lui dévorer les lèvres, pas à cause de cette seule pique, pas à cause de quelque chose qui, d'ordinaire, le poussait à le rattraper pour lui coller un coup dans les côtes. Ce n'était pas ce genre d'échange qu'il briguait alors pour faire taire le brun. L'insolence de Sasuke venait de se transformer en matériau charnel.

Merde. Il était en train de bander.

Il profita que son bagage était encore au sol pour s'accroupir et tenter de se calmer. L'objet était plein à craquer, difficile à enfiler. Avec ce qu'il avait entre les jambes, il allait galérer un moment. Inspire. Expire. Inspire. Pense à autre chose.

Il y a le boxer de Sasuke dans mon sac. Celui sur lequel je me suis essuyé les mains hier soir après…

Non, pas ça.

Sasuke est toujours un connard de glaçon sur pattes. Mais c'était loin d'être un glaçon quand…

« Bordel ! » jura-t-il à haute voix.

Cela n'aidait pas que les trois quarts de son existence le ramènent en permanence à Sasuke. Comment allait-il survivre si les trois quarts de son existence le faisaient bander à ce point ? De quoi était donc fait le dernier quart de son existence, exactement ?

De Sakura. Bon. Sakura leur avait distribué des capotes pour…

« Aaaah ! »

D'Iruka. OK. Il ne pouvait pas se tromper avec Iruka. Iruka lui avait offert un super pyjama orange que Sasuke lui avait pratiquement arraché la veille au soir quand…

« Mais qu'est-ce que tu fous ? »

Sasuke était à moins d'un mètre de lui, habillé, glacial et loin de sembler vouloir lui arracher ses vêtements. Ce fut pire. Il ne put cacher sa frustration :

« Putain, mais t'as tout fait rater ! J'avais presque réussi ! »

Cette fois, son camarade eut l'air profondément désarçonné. Puis, il fit ce que Naruto redoutait le plus à cet instant : il se pencha par-dessus lui pour regarder en bas. Là où il y avait son sac. Juste à côté de son érection bien trop voyante.

Un silence gênant s'installa, qui perdura assez pour que Naruto se sente obligé de se justifier :

« Faut pas me dire des trucs comme ça, enfin ! On a soixante kilomètres à se taper, et je doute que tu veuilles régler ça dans un fourré ! »

Naruto aurait dû se taire et laisser planer ce moment embarrassant aussi longtemps que nécessaire, car Sasuke passa alors par une série d'expressions plus inédites, et plus bandantes encore qu'il n'en avait eues depuis la veille. Naruto devina l'envie de le titiller pour le plaisir, de lui dire quelque chose comme « Pourquoi pas, en fait ? ». Entre deux piques flottantes, au bord de ses lèvres, Sasuke expira étrangement et un autre masque remplaça le précédent, amusé, celui-là. Enfin, la fierté, la sensation de plénitude flattée traversa tout le faciès et Naruto fut persuadé que son érection ne se calmerait pas avant des heures, surtout quand le dernier morceau de retenue vola en éclats sur le visage pâle. Qui devint rouge.

Alors, Sasuke ressembla un peu plus à ce qu'il était la veille : mis à nu, brûlant et en passe de le dévorer vivant.

« Bordel de merde, arrête ça ! » cria encore Naruto, posant ses genoux à terre.

Sasuke le fixa de son air le plus revêche et rétorqua :

« Mais quoi, putain ? J'ai rien fait ! C'est ta faute, avec ton truc, là ! »

Soudain, Sasuke lui aussi semblait profondément mal à l'aise. Naruto n'eut qu'à tourner la tête pour comprendre la raison d'un tel revirement. Là, à hauteur de ses yeux, le pantalon noir se déformait explicitement.

Le brun se recula immédiatement, comme si son regard l'avait brûlé. S'il n'avait pas été si conscient qu'ils étaient au milieu de bois infestés d'ours, sans pièges pour les isoler et Sakura les attendant sans doute à quelques mètres, Naruto aurait proposé à Sasuke de le sucer. Là, comme ça. Trois secondes plus tard, il aurait lui-même joui et ils auraient pu repartir soulagés.

Sasuke adopta une expression si scandalisée que Naruto comprit : ses intentions devaient se refléter sur son visage, et ses yeux n'avaient pas cessé un instant de fixer le sexe de son ami.

C'était tellement fou… Naruto n'était pas tant tourné vers la chose d'ordinaire. Il se masturbait et il avait l'occasion de coucher avec des femmes en mission. Les kunoichi évacuaient souvent le stress et la fatigue dans la jouissance. Les ninjas étaient plus discrets ou, pour ceux avec qui Naruto avait partagé une tente, a priori hétéros.

Sasuke non plus, au regard de ce qu'il leur avait confié, ne semblait pas particulièrement actif. C'était n'importe quoi. Il n'avait jamais vu son coéquipier en érection jusqu'à la veille au soir. Il doutait fort que Sasuke l'ait lui-même surpris dans ce genre de posture. Jusqu'à présent, leur cohabitation n'avait jamais généré ce type d'effet.

Maintenant, Sasuke était trop sexy pour passer outre.

« C'est ta faute à toi ! rétorqua puérilement Naruto. Ça te suffit pas, d'être aussi bandant ? Faut que t'en rajoutes !

— Ta gueule, Naruto, espèce d'imbécile. »

Plus Sasuke l'insultait, moins sa gêne s'estompait. Plus il insultait Sasuke, plus celui-ci semblait craquer. C'était un véritable cercle vicieux.

Naruto leva les mains et se donna deux grandes claques sur les joues. Il se força à se redresser tant bien que mal, et tant pis s'il avait un peu de mal à marcher, il fallait avancer. À ce stade, il ne saurait même pas quoi dire à Sakura pour se justifier. Il n'était plus à ça près, de toute façon. D'après ce qu'elle avait laissé entendre, elle avait vu son sperme sur le ventre de Sasuke. Elle ne pouvait pas s'offusquer d'une réaction aussi naturelle.

Il se motiva en songeant que cela risquait, en revanche, d'embarrasser Sasuke au plus haut point. Le sac passa ses épaules. Il se morigéna d'avoir – encore – oublié de demander à Sakura sa technique de scellé d'objets encombrants. La jeune fille transportait même ses affaires de camping dans ses parchemins, si bien qu'elle était libre de ses mouvements lorsqu'ils voyageaient. Un ou deux rouleaux de plus ne pouvaient pas peser aussi lourd qu'un bagage rempli de merdier, surtout quand on pouvait les stocker dans d'autres. Une rouleauception. L'idée du siècle. Cette fille était une véritable génie.

Oh, ça s'était calmé. Décidé à ignorer Sasuke pour ne pas retomber dans la boucle infernale, il fit un pas, puis un autre. Le premier sceau était celui du chien, il s'en souvenait bien. Après, c'était peut-être le serpent. Ou alors, c'était le lièvre avant ?

« Sasuke, c'est quoi, les sceaux de stockage de Sakura, déjà ? »

Il avait posé la question par réflexe, parce qu'il était certain que Sasuke s'en souvenait, lui, et qu'il avait besoin de continuer à se les rappeler pour éviter toute pensée parasite.

Sasuke émit un grognement frisant la vexation. Naruto refusa de se retourner, mais il devina que le brun en était encore à lutter. Il l'entendit faire un pas, puis un autre, laborieusement. Il ne put s'empêcher de pouffer. La situation était ridicule.

« C'est quoi, cette question hors sujet ?

— Attends, tu t'en souviens pas ? »

Il avait besoin de ces sceaux, et si pour cela il devait mettre en rogne Sasuke, il était prêt à en payer les conséquences.

« Chien, Oiseau, Lièvre, Serpent, Rat, Serpent, Lièvre, Oiseau, Chien. »

— Merde, c'est vraiment une rouleauception !

— Une quoi ? »

Naruto secoua la tête, satisfait que Sasuke ait répondu si facilement à sa pique.

« Je te le dirai quand tu seras grand, inculte. »

Il reçut une claque sur le crâne. Sasuke l'avait rattrapé. La rouleauception semblait marcher sur tout le monde, même si ce n'était pas pour des raisons identiques.

« Encore un film ? »

Naruto hocha la tête.

« C'est quoi, le titre ? »

Naruto trouvait toujours amusante la façon dont Sasuke, en plus de ne pas supporter d'être distancé quel que soit le sujet, était maladivement curieux.

« Rouleauception. »

Il gloussa sans pouvoir se retenir, mais Sasuke avait compris et il reçut une deuxième tape sur la tête.

« Je trouverai sans toi, imbécile.

— Traite-moi encore d'imbécile, glaçon fondu. »

Il arrêta la troisième claque d'une prise de fer sur un poignet blanc. Quand il eut l'audace de regarder Sasuke dans les yeux, celui-ci n'arborait plus l'expression amusée qu'il lui avait imaginée. Certaines couches du masque s'étaient tant effritées qu'on voyait la rougeur sur ses joues ; d'autres persistaient, tenaces, là où Sasuke avait froncé les sourcils, vexé d'être surpassé par son rival. Le carmin revint tout à coup sur le faciès fluctuant, alors que Sasuke comprenait à quoi Naruto l'avait comparé et se trouvait contraint de résister à la puissante main.

Perdu pour perdu, il décida ostensiblement de lâcher prise : au lieu de lutter contre son ami sur le terrain habituel, il cala son poignet dans la paume contractée et s'en servit pour se rapprocher, redressant son bras, dominant Naruto de deux minuscules centimètres. Puis, profitant de la proximité ainsi instaurée, il fixa les pupilles cerclées d'azur, frôla le nez du sien et susurra d'un air de défi :

« Avoue que t'aimes ça, que je te traite d'imbécile, espèce de pervers. »

Naruto sut immédiatement que Sasuke avait l'avait entendu déglutir. Rouleauception. Rouleauception. Rouleauception. Merde. Avec Sasuke dans cet état et si proche de lui, la rouleauception était impuissante. Et Sakura qui les attendait. Elle allait finir par croire qu'ils s'étaient entre-tués. Ou pire, venir les chercher elle-même.

Il loucha sur les lèvres entrouvertes. Puis réfléchit sérieusement à la question, comme si cela avait une quelconque importance ou que cela pouvait l'aider à se sortir de la toile d'araignée Uchiesque dans laquelle il était empêtré.

« Ouais, j'aime ça, assuma-t-il au bout de quelques instants. Ça t'excite ? »

C'était vrai. « Imbécile » était devenu une sorte de petit mot doux. C'était une façon pour Sasuke de lui dire qu'il le trouvait drôle, qu'il l'appréciait, sans pour autant dévoiler ses affects profonds. C'était sa façon à lui d'essayer de le descendre sans y arriver, parce que Sasuke n'insultait que les gens qui avaient de l'importance à ses yeux. Les autres, il les snobait tout bonnement. Naruto ignorait si cette appellation était très saine, mais il s'en fichait. S'il pouvait profiter ne serait-ce qu'un peu de l'attachement détraqué de son coéquipier par ce terme, il était capable de l'accepter et de souhaiter l'entendre encore dans sa bouche.

Sasuke choisit cet instant pour tirer sur son poignet, l'amenant tout contre lui. Naruto sentit l'odeur de ses cheveux, la douceur sèche de ses joues brûlantes et le reste d'érection contre son sexe. Puis le timbre nasillard se manifesta une nouvelle fois, soufflant :

« Imbécile pervers. »

Il allait rétorquer quelque chose, tombant dans un cercle vicieux bien différent, lorsque la voix de Sakura résonna :

« Hé oh ! Les garçons ? Vous vous battrez plus tard ! »

Il profita de la distraction de Sasuke pour s'écarter. Sasuke était infernal. Il ne l'aurait jamais cru capable de savoir jouer avec ce type de provocation clairement sexuelle. Si l'échange avait continué, il l'aurait perdu.

« OK, on arrête-là. T'as gagné. Me refais pas ça avant qu'on soit dans cette foutue grotte, sinon je réponds de rien. »

Sasuke lui adressa une espèce de sourire vicieux qui donna à Naruto envie de le plaquer contre un arbre pour le lui ôter d'un baiser. Ou d'un coup de reins. Ou de langue. De n'importe quoi. Est-ce que, tout ce temps, la violence pratiquée sur son pair cachait en réalité une telle frustration ? Comment ne s'en était-il pas rendu compte plus tôt ? Sasuke vivait-il la même chose ?

Lorsque Sakura demanda ce qui les avait autant retardés, Sasuke répondit avec aplomb que Naruto avait « une crampe ». Ce dernier ne put s'empêcher de ricaner. Le brun lui donna un coup de coude. Leur amie leva les yeux au ciel, marqua une pause, grimaça en reconstituant l'ordre des événements, puis articula :

« J'accepte cette explication. »

Cette fois, Sasuke lui-même sembla trouver la situation bien trop drôle, et un petit sourire amusé flotta entre deux couches de masque. Sakura répondit à son rire. Naruto se gratta la tête et rejoignit la bonne humeur générale.


Note

Aaah… Je voudrais tellement que la rouleauception existe ! Est-ce que ce chapitre plus léger vous a plu ? :)