Note

C'est le dernier chapitre avant de vraiment entrer dans le vif du sujet ! (Littéralement, puisqu'il s'agit d'une grotte.)

Bien sûr, je ne compte pas m'arrêter quant au travail sur la psychologie des personnages et l'évolution de leur relation. Ils ont beaucoup, beaucoup de choses à déconstruire avant de pouvoir créer quelque chose à deux ;).

« Supermassive Black Hole » de Muse me semble de circonstance… ^^


Sasuke lui-même n'était pas certain de ce qu'il venait de se passer. Il n'était plus certain de beaucoup de choses depuis la veille, mais si la fin de soirée avait généré son lot de doutes, de questions et de vains combats intérieurs, rien ne l'aurait préparé à son propre comportement actuel.

Il n'y comprenait rien. Lorsqu'il s'était levé ce matin-là, il se sentait dégoûtant. Toute pensée parasite avait été écartée le temps qu'avaient pris ses ablutions. C'était en sortant de la rivière, frais et dispos, qu'il avait commencé à ressasser les événements.

Il y avait peu à dire, en soi : c'était une excellente baise, et plusieurs goûts d'interdit s'y mêlaient un en délicieux assortiment doux amer. Il y avait d'abord le fait qu'il était en plein travail. Sasuke avait ses principes, comme il l'avait fait remarquer à ses coéquipiers, et s'il avait assez d'expérience, il s'était bien gardé de vivre celle-ci au milieu de la tension du combat. Faire un tel doigt d'honneur à cette mission stupide, qu'il avait passé son temps à conspuer, était absolument délectable. S'il avait l'occasion, il recommencerait volontiers, tiens.

Ensuite, il y avait le simple fait qu'il avait couché avec Naruto. Il aurait dû trouver cela bizarre, grimacer, paniquer à la seule idée que le blond ait pu le voir dans cet état et l'entendre susurrer, plein d'envie, qu'il ne voulait pas le dominer. Il aurait dû se haïr d'avoir montré autant de faiblesse à son rival, d'avoir été si peu performant, de s'être autant laissé aller. Naruto avait peut-être même deviné quel affect le rongeait depuis si longtemps, à présent qu'il en était lui-même conscient. Il aurait dû regretter. Souffrir. Comme toujours. Comme avant.

Pourtant, il ne ressentait qu'une étrange plénitude. Une impression satisfaisante que tout était enfin à sa place. Naruto dans ses bras. Leur sexualité dévoilée de la plus agréable des façons. Cette mission stupide pour laquelle, désormais, il avait la sensation d'être fait. Le regard du blond sur lui quand il l'avait autorisé à l'étudier, quand il avait pénétré ses pupilles et que le ciel d'orage s'était teinté d'un rouge luxure.

L'impression s'était transformée en certitude lorsqu'il avait découvert Naruto en train de déguster son chocolat chaud, tirant nerveusement sur un fil de son pyjama – pyjama qu'il avait instantanément eu envie de lui arracher, dans une réminiscence par trop intense.

C'était comme si tout et rien à la fois n'avait changé. Naruto était toujours Naruto, sans doute en train de se demander comment lui faire face à présent, quoi dire, quoi faire, comment vérifier que son ami revêche ne s'était pas égaré du mauvais côté de son cerveau noyé dans l'obscurité. Sasuke savait bien que Naruto lisait en lui mieux que quiconque. Il savait aussi à quel point ils étaient proches, à quel point ils se ressemblaient, au fond, tous deux rongés par ce désir insatiable de faire ses preuves, d'être reconnus pour ce qu'ils étaient, tout en combattant cette même oppression qui les transformait en machines de guerre. Sasuke ne souhaitait plus être une machine de guerre. Naruto s'était rendu compte de l'ineptie de la chose depuis bien plus longtemps encore, ce jour où ils avaient enterré Haku et Zabuza. Ils étaient tant semblables, avec leurs complexes d'infériorité, leurs démons, leurs malédictions et leur terreur du rejet…

Depuis cette nuit-là, toutefois, Sasuke savait qu'il ne devait plus avoir peur que Naruto le rejette. Il ne lui trouvait plus aucune raison de le faire. Moins que jamais. Son ami – amant ? – avait regardé au plus profond de son être, là où, sous son masque figé, se dévoilaient les zones les plus fragiles de son cœur. Il avait saisi l'amas de chairs pourries et sanglantes, l'avait étudié avec attention, comme un objet précieux que l'on craint de casser, l'avait embrassé, et le lui avait retourné entier, apaisé par la chaleur affectueuse de ses mains. Lorsqu'il le lui avait respectueusement tendu, Sasuke s'était dit qu'il pouvait bien le garder. Qu'il avait confiance.

Merde. Il avait confiance en Naruto. Il en était conscient lorsqu'il s'agissait de se couvrir mutuellement en mission, lors des entraînements où ils auraient pu s'entre-tuer par maladresse, lorsqu'il lui jetait une pique et que le blond la ramassait et la lui rendait pleine d'un fiel bien trop sucré pour être empoisonné. Il n'aurait jamais imaginé visualiser en son ami, déjà roi dans son fief intérieur dévasté, l'être aimant salvateur.

Car Naruto l'aimait. C'était une évidence, désormais. Peut-être pas d'amour, qu'en savait-il ? En revanche, il l'aimait assez pour ne pas chercher à le briser, pour le traiter avec cette délicatesse et cette bienveillance qu'il avait toujours crue réservée à d'autres. Suffisait-il de si peu pour que Naruto vous accepte tout entier et vous laisse prendre possession de son propre univers ? N'avait-il qu'à ouvrir les bras pour que le blond s'y jette et l'enserre, si fort qu'aucun d'eux ne pourrait s'écrouler ?

Le sexe, d'ordinaire, n'était pas vecteur de tant d'émotions. Il le savait depuis la seconde où il avait envisagé de coucher avec Naruto. Rien n'aurait pu être comme de coucher avec Naruto. Même sans aimer d'amour, même gêné, il le respecterait toujours et mettrait dans chaque acte, chaque geste, toute cette affection céleste dont il était capable au quotidien. Sasuke s'était fait brûler par elle, si fort que c'en était douloureux. Pourtant, à l'image de ce coup de soleil que l'on ne peut regretter, car l'après-midi était trop belle pour ne pas prendre le risque, il se délectait de ce chatouillis constant sur sa peau.

Ce matin-là, quand Naruto avait levé la tête vers lui, Sasuke était plus entier que jamais. Aussi, pour faire bonne mesure, il s'était comporté exactement comme d'habitude. Comme lui-même. Il avait apprécié chaque seconde de ce petit moment embarrassant, tout comme il avait apprécié de le provoquer par la suite. Il ignorait ce qui l'avait poussé à visiter les plaines de la séduction pour taquiner Naruto, mais il avait découvert à cet endroit un champ des possibles inédit. Une opportunité de profiter de sa némésis, à volonté, de vivre à ses côtés une aventure extraordinaire et, peut-être, d'y trouver un meilleur équilibre. Après tout, Sasuke ne voyait pas d'inconvénient à ce que leurs joutes prennent dorénavant cette teinte de malice perverse.

C'était sans doute la raison pour laquelle il avait tant hâte de remettre ça : toute cette nouveauté méritait d'être explorée.

Ce qu'il évinçait, évidemment, c'était qu'il voulait autre chose et ignorait comment le manifester. Il voulait plus que cette étreinte charnelle, plus que la main chaude de Naruto, pendant quelques secondes, sur son cœur battant la chamade. Il voulait que ce vice s'ajoute à un tout qu'il considérait être une relation. Il le sentait au fond de lui : même le sexe, si agréable, ne lui suffirait plus à présent qu'il avait eu un aperçu de ce que Naruto était capable de donner à un être qui lui ouvrait la porte de son âme.

Les piques, les rixes, les provocations, cela faisait partie d'une habitude vouée à ne jamais disparaître. Et il aimait ça. Il trouvait que cela cimentait leur statut de partenaires. Maintenant, s'il additionnait leur compatibilité à tout égard, la conclusion apparaissait d'elle-même : même s'il n'était pas certain que ses affects pour Naruto soient bien de l'amour, il savait qu'il était saisi, condamné à sombrer dans le gouffre rouge et riche comme si ce chemin avait toujours été tracé pour lui et qu'il venait seulement de le remarquer. Il adorait déjà Naruto. Que serait-ce, une fois qu'ils auraient partagé tous ces moments complices, toute cette envie de l'autre – et Naruto était trop inapte à masquer la sienne pour que Sasuke se leurre –, tous ces mondes ravagés en eux, qui ne demandaient qu'à être soignés par un être cher ?

Mais était-il seulement capable d'aimer Naruto à la hauteur de ce qu'il méritait ? N'allait-il pas le faire souffrir, avec son sale caractère, ses peurs et son immaturité constante ? Parviendrait-il à lui montrer cette affection dont le blond avait tant besoin ? Suffirait-il, lui, le damné du clan Uchiha, avec son comportement glacial, son manque d'empathie et sa tendance à fuir ses sentiments ?

Et Naruto, lui, envisagerait-il seulement un instant les choses ainsi ? À présent que leurs corps s'étaient entremêlés, voudrait-il au moins essayer cette relation qui, aux yeux de Sasuke, changeait bien peu par rapport à leur lien amical ? Ce n'était pas une amélioration, c'était simplement compléter ce qui existait déjà, et en faire quelque chose de beau et de concret, plus encore que ces minuscules et incroyables secondes où ils se comprenaient d'un coup d'œil puis ressortaient de l'autre rassurés et sains d'esprit.

Sasuke était terrifié, encore une fois. Si bien que pour cacher cette détresse, il était prêt à beaucoup de choses. À mentir. Comme toujours. Et à se mentir à lui-même. Si bien que pour l'instant, il avait relégué au fond de lui toutes ces questions et décidé de se concentrer sur le futur proche : il pourrait y profiter de Naruto, de son amour, de sa susceptibilité adorable, de l'aphrodisiaque qu'était devenu sur lui son regard excité.

Le reste, il verrait plus tard. Quand ils auraient construit la partie érotique de leur univers déjà si complexe. Quand il aurait rendu Naruto accro à lui, s'il le fallait. Là, seulement, il se demanderait concrètement comment il allait faire pour vivre trop loin du soleil, supporter que Naruto ne veuille plus de lui ou le rejette, par peur du rejet lui-même.

Mais tout cela était loin, bien au-delà de la grotte dont ils visualisaient les premières teintes rocailleuses. Si son camarade ne répondait pas à son appel, Sasuke comptait enterrer ses sentiments derrière ces murs. Il n'avait que faire de ceux-ci si Naruto ne les acceptait pas. Personne d'autre n'était à même de les recevoir. Naruto était déjà son monde. Peut-être n'était-il pas trop tard pour le lui avouer ?

Sasuke frissonna. Il n'avait aucune idée de la façon dont il devait transmettre au blond toutes ces impressions, et il était trop habitué à faire semblant de le détester pour parvenir à être sincère avec lui. Non, il valait mieux rester caché, enfouir sous les couches d'apparences cet affect voué à les détruire.

Sasuke, de toute façon, savait pertinemment qu'il ne méritait pas Naruto.


De l'extérieur, le sanctuaire ressemblait à n'importe quelle grotte montagnarde bouchée. À l'exception des étranges symboles circulaires juste devant la porte, et du loquet de forme phallique qui bloquait l'entrée, il n'était guère impressionnant. Naruto était presque déçu.

Le sol était sombre à cet endroit, composé de roche noire luisante. Il faudrait quelques lourds cailloux pour ancrer les tentes. Accoutumés à ce type de processus, ils suivirent les instructions de Sakura. Ils commenceraient dès les pièges et jutsu protecteurs en place.

Ni Naruto ni Sasuke ne se le firent dire deux fois. Si Naruto éprouvait un mal considérable à comprendre ce qu'il arrivait à son camarade, si normal à tous les égards, anciens comme nouveaux, il était loin de s'en être offusqué : Sasuke était resté lui-même et, mieux, il semblait particulièrement en forme.

Il l'avait engueulé à plusieurs reprises durant le trajet et lui avait adressé quelques piques au sujet de leurs futures activités, comme s'il n'y avait rien de plus anodin. On aurait dit qu'ils avaient toujours eu cette relation-là, que c'était une évidence. Naruto ignorait ce qu'il y avait de si évident pour Sasuke, mais il était loin de s'en plaindre : il n'avait rien brisé chez son pair. C'était tout ce qui comptait.

Lorsque Sakura revint des bois, armée d'un lourd rondin qui devait faire sa taille, et le sculpta méticuleusement pour en faire un transat, Naruto osa la fixer comme si elle était folle. Sasuke resta de marbre, mais depuis la veille, Sasuke ne laissait rien le toucher d'autre que Naruto, ses gestes et ses paroles. Le blond se sentait soudain exclusif et profitait de cette sensation bien plus qu'il ne l'aurait dû. Son coéquipier était juste frustré sexuellement. C'était la seule explication rationnelle. L'Uchiha avait découvert en lui un bon partenaire, et peut-être son humeur quotidienne allait-elle s'améliorer légèrement s'ils continuaient ainsi. Naruto n'était pas certain de vouloir servir de sex-toy à son rival, mais il était trop bouleversé pour déterminer, avec autant d'inconnues, l'acmé de cette mission. Pour l'instant, le regard que Sasuke posait sur lui le faisait brûler de l'intérieur. Il devait se retenir à chaque instant de penser à ce qu'il serait arrivé si Sakura n'était pas intervenue, ce matin-là.

« Quoi ? » demanda leur coéquipière, alors qu'elle étalait sur le support quelques draps.

Naruto se permit de jeter un autre coup d'œil à Sasuke, au cas où celui-ci manifesterait la moindre expression confirmant qu'elle en faisait trop.

« Vous ne l'avez peut-être pas calculé, mais vous en avez pour trois jours à passer toutes ces portes. À moins que vous ne soyez tous les deux hyperactifs du kiki, j'ai un paquet d'heures à meubler. Autant que je me mette à l'aise, non ? Il fait un temps splendide, j'ai de la lecture, du saké, et un bronzage à parfaire. »

Cette fois, Naruto ne manqua pas la lueur rieuse dans les yeux de Sasuke, ni celle que Sakura lui rendit en rougissant. Il n'était plus si rare que ses camarades échangent de tels regards complices, mais ceux-ci le fascinaient particulièrement. Ils lui disaient que tout allait bien.

De temps à autre, même, tout semblait trop figé en un statu quo jamais questionné. Mais Naruto aimait ce statu quo. C'était ce qui faisait la saveur de leur amitié et leur belle osmose d'équipe. Il ne savait pas ce qu'il adviendrait d'eux s'il en était autrement.

Le briefing fut à la fois drôle et dérangeant : Sakura avait choisi le ton professionnel de la médic-nin, tout en se comportant de façon trop détachée pour être honnête. Elle leur exposa une liste complète, descriptif à l'appui, des différentes portes qu'ils devraient ouvrir. Elle leur lut le tout sans ciller, prononçant encore une fois « pénétration anale », conseillant « fellation » quand la forme de ladite pénétration n'était pas précisée, et recommandant de ne pas la pratiquer s'ils le pouvaient, lorsque les sceaux n'en réclamaient pas. Elle rappela également quelques normes d'hygiène de base, fournit d'autres produits et objets si explicites que Naruto dut détourner la tête, tout cela en étalant devant eux un certain nombre de bouteilles de saké et d'ouvrages de fiction.

Naruto comprit rapidement, vu les couvertures, qu'il s'agissait de relations entre hommes.

« Je ne vous donne pas ça pour vous inspirer, précisa-t-elle. C'est trop surréaliste, vous vous feriez mal. Ce sont mes lectures perso.

— Je n'ai pas besoin d'inspiration, merci. »

À ce stade de la conversation, Naruto ne savait plus où se cacher. Toutefois, quand Sasuke lança froidement cette réplique, il s'étouffa carrément. Pour la première fois, il eut l'impression d'être une sorte de morceau de viande que son camarade s'apprêtait à dévorer tout cru. Alors, l'expression vicieuse sur le faciès pâle ressembla à celle des provocations matinales, et Naruto se demanda par quel miracle ses hormones déjà malmenées ne déclenchèrent rien de visible.

« Parfait. Dans ce cas, bonne chance à tous les deux, si je peux me permettre », rétorqua Sakura, comme si ce que Sasuke venait de dire n'avait rien d'atrocement choquant.

Pour l'heure, comme le premier sceau à ouvrir se trouvait à l'extérieur, elle s'éclipsa dans sa tente à l'orée de la forêt, boules Quiès aux oreilles, livre à la main.

Elle avait justifié la démarche – et la détention de boules Quiès – de la façon suivante : petit un, elle en avait assez entendu comme ça ; petit deux, elle n'était pas une voyeuse ; petit trois, c'était gênant, même pour elle. Petit quatre, Naruto ronflait et parlait dans son sommeil, ce qui l'empêchait régulièrement de dormir. Lorsque Naruto s'en était offusqué, il s'était tourné vers Sasuke comme si celui-ci allait miraculeusement prendre sa défense. Pourtant, Sasuke n'avait pas bronché : il n'avait visiblement aucune idée de ce que Naruto fabriquait la nuit. Mais le shinobi était capable de sombrer en trois secondes chrono, et de s'éveiller à la même vitesse seulement si la situation l'exigeait. Son subconscient ne semblait pas percevoir les péripéties nocturnes de son colocataire comme une menace. Il n'avait jamais remarqué à quel point son voisin de lit pouvait poser problème.

Naruto lui fut reconnaissant de son silence, car si Sasuke avait été dérangé par ses cauchemars, il aurait certainement eu matière à se moquer de lui durant des siècles. Il savait de quoi étaient faits la plupart de ses rêves : peur de l'abandon, dents sanglantes, souvenirs douloureux ancrés là par son démon. Sakura ajouta, non sans humour, que sa voix jaillissait parfois dans une octave bien différente et conjuguait les verbes démembrer, déchiqueter, éviscérer et autres joyeusetés avec un entrain des plus inquiétants. Naruto se promit d'avoir une discussion avec Kurama à ce sujet.

D'ailleurs, il n'avait pas échangé avec le renard depuis le début de la mission et l'acariâtre monstre lui manquait. Peut-être parviendrait-il à calmer ses angoisses ? Non, il ne venait pas de se demander si le Kyûbi était un bon conseiller matrimonial. Depuis le creux de son ventre, un ronronnement menaçant se fit entendre, comme si le démon avait suivi ses déboires sur un petit écran et se manifestait afin de débriefer le dernier épisode.

« Morveux, je te jure que si j'ai un seul aperçu télépathique de tes ébats, je bouffe le responsable, compris ? »

Naruto renonça immédiatement à se confier au renard. Le Kyûbi était rarement de bon conseil, un peu trop affamé en général, et surtout, il ne tenait pas à ce que Sasuke et lui se prennent en grippe plus que ce n'était déjà le cas. Entre Sakura qui désertait et Kurama qui le menaçait, Naruto n'était pas servi. Vers qui se tourner, à présent ? Regarder en lui-même ne suffisait pas à décoder les nouveaux mystères que Sasuke lui présentait.

Heureusement, il n'eut guère le temps de s'apitoyer sur son sort : Sasuke s'était emparé de la pile de documents rédigés par Sakura, des sacs de provisions, et le tirait désormais par le col en direction de leur abri éphémère, qui trônait au milieu du large sceau gravé dans la pierre. Ils l'avaient monté partiellement, juste pour se couvrir, parce que se frotter au grand air, à quelques mètres de Sakura, n'était pas une option. Sasuke ne se serait sans doute pas encombré de tant de précautions, mais Naruto avait besoin de cette intimité pour se sentir moins perturbé.

Il trébucha, cria, se débattit. Rien n'y fit : Sasuke ne le lâcha qu'à l'entrée de la tente. Il était renfrogné, comme si quelque chose le crispait.

« Mais qu'est-ce que t'as, putain ? »

Son camarade ne répondit que par un hochement de tête en direction de leur chambre improvisée. Cette situation devenait stressante. Naruto avait le trac. Et le brun ne l'aidait certainement pas, en manifestant autant de froideur. Il déglutit, hésita. Peut-être devrait-il insister ? La veille, lorsque Sasuke s'était ouvert à lui, il s'était justifié en disant que sans communication, ce serait infaisable ou infernal. Naruto ne comprenait pas pourquoi, tout à coup, il revenait sur ce constat. Son meilleur ennemi dans cet état, il ne pourrait jamais coopérer. Encore moins être excité.

« Et toi ? Tu flippes, ça y est ? »

Oh. Sasuke avait peur qu'il flippe. Ça alors. Naruto se donna une paire de claques mentales, ricana tout aussi intérieurement et poussa un énorme – et ostensible – soupir de soulagement. Toutes ces marques d'assurance, chez son rival, lui faisaient oublier à quel point Sasuke psychotait autant, voire plus que lui.

Alors, rasséréné, il décida de mettre cartes sur table. Sasuke devait être invité à en faire de même, sans quoi ils échoueraient. Sans quoi l'alchimie ne reviendrait pas. Il voulait, il désirait cette alchimie entre eux, cette impression que l'autre était le moteur à fantasmes de toute une vie, qu'ils ne pourraient plus s'en passer, que rien ne vaudrait jamais le privilège d'une telle activité ensemble.

Lorsqu'il se redressa au lieu d'obéir aux injonctions silencieuses, Sasuke adopta un masque furibond. Cela donna envie à Naruto de l'agacer davantage, de lui faire ravaler sa fierté mal placée et sa colère injustifiée.

D'abord, il jeta un coup d'œil méfiant à la tente de Sakura, à plusieurs mètres. La jeune femme avait disparu. Bien. Ensuite, seulement, il saisit son compagnon par le col et le rapprocha suffisamment pour que leurs lèvres se frôlent. Ne sentant aucune résistance, il croisa le regard sombre et dense, comme un lac de légende aux remous intrigants et à la profondeur jamais sondée. À l'intérieur, il ne repéra aucune panique, aucun dégoût. Juste cette sensation partagée que tout était à sa place. Que le brun devait être là, attendant qu'il lui montre à quel point il le désirait, à quel point il avait besoin de lui dans sa vie et à quel point il était incapable de le rejeter.

Naruto fondit devant la lueur de hâte étoilant le gouffre noir et s'empara des lèvres qui s'étaient entrouvertes, invitantes. Il y glissa la langue, saisit la mèche rebelle de sa main libre, cala le crâne dans sa paume et se laissa emporter. Le baiser dura longtemps, confortable, comme si tout était à sa place. Naruto s'écarta plusieurs fois pour mieux recommencer, puis il se dégagea, à bout de souffle.

« Je flipperai pas », statua-t-il une fois de plus, accroché aux pupilles dilatées par l'envie naissante.

Sasuke disparut dans la tente. L'instant d'après, une main impérieuse le tirait par la manche et l'emportait à travers les pans de l'antre de la débauche.


Note

Je n'avais pas encore eu l'occasion de faire intervenir mon copain Kurama, qui a sans doute beaucoup de choses à dire sur tous ces événements. Il reviendra pour des apparitions moins anecdotiques, mais pour l'instant, il a envie de conserver sa vue. :D

Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? :)