Note

« Mercy » et « Revolt » de Muse sont aussi dans la playlist Spotify de Dilemme (compte Tookuni). Ce sont des chansons pleines d'espoir .


Naruto ne parvenait pas à calmer son fou rire. Ce devait être le mélange d'adrénaline et le trop-plein de bien-être qui le rendaient encore plus incontrôlable que d'habitude.

Excité de nature, il se contraignait rarement au silence. Là, étalé par terre à côté de Sasuke – son nouveau fantasme sur pattes –, nu et comblé, il ne pouvait que se laisser aller.

Sasuke lui donnait de petites claques sur le ventre dans une vaine tentative de le faire taire, mais la faiblesse des coups, et les pouffements compulsifs, lui disaient que son ami non plus n'en menait pas large.

Le sol était inconfortable au possible, avec de minuscules copeaux de pierre particulièrement acérés lui rentrant dans les reins. Ce fut la seule raison qui le poussa à se redresser au lieu de pratiquement tomber dans les pommes sur place. Lorsque son dos, humide de sueur refroidie, se désolidarisa du support, il emporta avec lui une partie du minerai. Lorsque Sasuke l'imita – pour les mêmes raisons, sans l'ombre d'un doute – il vit les perles noires luire légèrement sur ses omoplates pâles, les plus gros résidus se décollant en laissant des traces rouges.

Il fallut se débarrasser des plaques sombres, grimacer et se claquer les fesses afin d'éliminer les dernières poussières brillantes. C'étaient des morceaux d'obsidienne, en pièce ou en poudre, qui ressemblaient étrangement aux prunelles de Sasuke. Naruto en ramassa un, trouvant l'image à la fois poétique et amusante. Sasuke avait le même tranchant et la même beauté.

Le brun, à ses côtés, poussa un soupir de soulagement incongru. Naruto n'avait pas encore levé les yeux, trop obnubilé par l'obsidienne qu'il avait dans la peau. Comme Sasuke.

« J'étais justement en train de me demander comment ils espéraient faire passer une douzaine d'épreuves à des gens normaux sans que ceux-ci se chopent trente mille infections. Ouf. »

Le brun disparut de son champ de vision. Il l'entendit rassembler ses affaires, mais resta concentré sur le décor devant lui : le long du mur taillé, derrière la série de colonnades, il y avait un large ruisseau fumant. Celui-ci s'engouffrait dans la roche peu avant la porte ouverte. La montagne était un volcan. L'eau, une source chaude. Le liquide était bleu-vert, limpide et laiteux à la fois, riche en soufre. C'était joli, malgré les peintures grotesques ornant toujours les fresques.

Il était collant de sperme, de lubrifiant, de sueur les doigts qui avaient pénétré Sasuke sentaient quelque chose qu'il ne comptait pas identifier – il avait eu le malheur de s'essuyer le nez avec. Il voulait sombrer dans ce bain chaud pour achever ce parfait épisode. Il décida que ses vêtements pouvaient bien rester éparpillés sous la voûte un peu plus longtemps. Et il sauta dans le bassin.

« Naruto ! Espèce d'imbécile ! »

L'eau était moins bouillante qu'il ne l'aurait cru elle l'apaisa et le rafraîchit à la fois. Lorsqu'il se retourna, deux tibias blancs surplombaient un pied agacé qui tapait frénétiquement au bord de la rive. À côté du pied trônait leur équipement au complet. Sasuke avait donc pensé à lui ? Waouh. Ça, il ne s'y serait pas attendu.

« Oh, merci d'avoir ramené mes affaires ! »

La cadence du pied s'accéléra, mais la voix nasillarde jaillit en un petit grognement dédaigneux.

« Tu te rends compte que cette eau pourrait être contaminée à je ne sais quoi de stupidement pervers ? »

Sasuke faisait seulement à moitié semblant d'être en colère. Ce n'était pas comme si Naruto était réceptif aux poisons. Un peu comme avec l'alcool. Rien n'anesthésiait jamais Naruto. Le Kyûbi, son chakra, son instinct de survie, empêchaient toutes ces déconvenues. Il en allait de même pour les maladies, et le malheureux qui se serait essayé à le droguer en aurait payé le prix fort.

Toutefois, on pouvait supposer que ces sceaux n'étant pas ninjas. Naruto n'était peut-être pas immunisé contre les techniques utilisées dans ce milieu clos.

« C'est comment ? Pas de picotements ? Ça sent pas bizarre ? »

Il secoua la tête. Sasuke prit tout de même la peine de plonger un bâton testeur dans le liquide bleu, mais rien n'indiquait le moindre danger. Alors, seulement, le brun le rejoignit, poussant un soupir de bien-être.

Naruto avait remarqué que son ami aimait beaucoup les bains. La chaleur aqueuse devait lui donner l'impression de flotter dans un univers où il n'avait pas besoin de toucher Terre, pas besoin de se rappeler à chaque instant la noirceur de son cœur. Le blond comprenait cette impression. Même si l'on souhaitait réfléchir, le bruit de l'eau, l'atmosphère feutrée, faisaient comme un cocon protecteur. Le liquide brûlant vous enserrait, vous câlinait, empêchait votre esprit de dériver dans des contrées trop sombres. Il vous gardait là, présent, couvé, en sécurité, et soudain tout était évident. Tout allait bien.

L'Uchiha s'était appuyé contre le rebord et avait fermé les yeux. Il était beau, ainsi détendu. Oh, il était toujours beau. Sauf qu'il l'était encore plus en cet instant, si lascif, si pur, débarrassé de la moindre couche de plâtre blanc. Naruto le fixa longuement puis, mû par un désir incontrôlable, il alla s'asseoir à côté de son pair et étala ses bras par-dessus le roc. La margelle était lisse et froide, de la couleur des iris de Sasuke, bien loin de la perception qu'il avait désormais de sa température corporelle.

Sur la pierre, son biceps contrastait de façon plutôt esthétique. À cela s'ajoutèrent des cheveux corbeau, lorsque la tête du brun tomba en arrière.

Sasuke sentit immédiatement qu'il ne s'agissait pas du sol et rouvrit les yeux. Ils étaient somptueux, ces yeux onyx à la profondeur insondable, inondés de chaleur, noyés dans l'épanouissement qui perdurait après l'orgasme. Naruto se demanda s'il pourrait faire en sorte de maintenir tant de magnificence au quotidien. Si ce Sasuke-là était bel et bien le visage du bonheur, malgré l'absence de sourire et le petit air surpris.

« Vire ton bras. »

Naruto manqua éclater de rire. Sasuke n'avait pas envie qu'il enlève son bras. Son bras était la raison pour laquelle le crâne brun ne s'était pas cogné sur la pierre dure, et pour laquelle Sasuke avait seulement pu l'appuyer sur quelque chose. Il ne l'avait pas vu, tentant l'exercice pour le principe. À présent, il protestait sans doute car tant de proximité, hors sexe, était trop décalé. Trop étrange.

Naruto se sentait à sa place. Il répondit :

« Non. »

Sasuke le fusilla du regard et il rétorqua en lui tirant la langue. Toutefois, son camarade ne sembla pas particulièrement énervé par le geste puéril. Au contraire, il loucha sur le muscle rose un bref instant, puis parut prendre une décision raisonnable – après avoir visiblement tranché au sujet d'un dilemme que Naruto tenta de ne pas interpréter.

« Tu te plaindras pas si t'as des fourmis. »

Pas plus que de sensibilité aux poisons, Naruto n'avait jamais de fourmis. Le résultat d'une alchimie étonnante entre son chakra et celui du renard, qui maintenaient ses muscles en éveil permanent. Encore une question de survie. Il aurait pu bloquer tout cela, à présent qu'il contrôlait le démon ou, tout du moins, que le démon lui permettait un tel contrôle, mais il s'était accommodé de la situation. Il goûtait peu l'ivresse, et se passait volontiers de toutes ces faiblesses auxquelles le guerrier moyen devait prendre garde. Il était naturellement imprudent, autant exploiter ses dons.

Il avait également remarqué que, plus il laissait filtrer le chakra, plus Kurama profitait, à travers lui, de l'extérieur. Il appréciait, souffrait, vivait par lui. Il y avait une raison à l'attachement que le renard avait fini par éprouver pour lui, qu'il ait été démoniaque ou non. Lorsque Naruto ne voulait pas que le Kyûbi l'entende, il bloquait tout. C'était devenu un réflexe inconscient, comme la porte d'une chambre qu'on ferme distraitement en sachant ce qu'il va advenir à l'intérieur. Dans le bain chaud, maintenant que la partie dont son hôte devait tout ignorer était terminée, il rouvrit les vannes. Immédiatement, le renard ronronna de plaisir. Il crut entendre un clapotis, dans son ventre, suivi d'un plouf figuratif. Puis :

« Oh, je m'attendais pas à ça, mais ça avance, ton affaire, dis-moi. »

Il envoya un bon gros « Chut », dans un langage beaucoup plus fleuri, en réponse.

« Comme quoi, t'avais pas besoin d'aide. »

Naruto regarda discrètement Sasuke, tête contre son bras, yeux fermés, étonnamment serein. Il se demanda un instant si ce genre de geste persisterait hors de la grotte. Bien sûr, le sexe les suivrait. Il n'y avait pas de retour en arrière possible. Ils avaient trop dévoilé de leurs affects pour rester là, désormais, à se fixer en chiens de faïence et à attendre le premier coup de poing. Les coups de poing, c'était bon pour l'époque où ils ne savaient pas comment transmettre à l'autre ce mélange détonnant de sentiments éprouvés pour leur rival. C'était la veille encore, mais tout cela avait disparu dès l'instant qu'ils s'étaient touchés.

Naruto n'en revenait toujours pas. Cela lui semblait étrangement trop beau pour être vrai, alors même qu'il n'avait pas songé une seconde, avant ces événements, à cette possibilité. Sasuke était maintenant une évidence, à ses côtés, profitant du bain brûlant après l'orgasme.

Comment allait-il faire en sorte de lui proposer de continuer en dehors de la mission ? Comment allait-il parvenir à lui faire comprendre que, par continuer, il entendait une relation, et non de simples joutes érotiques ? Sasuke le concevrait-il ? L'accepterait-il ? N'allait-il pas le rejeter ? Sasuke était-il seulement capable d'envisager le couple avec qui que ce soit ? Ils n'avaient développé qu'un lien charnel, tout jeune encore. Quelle garantie avait-il que, une fois hors de la grotte, les portes ne se refermeraient pas sur ces moments de plénitude ?

Et venait-il réellement de se demander comment il allait proposer à Sasuke de sortir avec lui ? D'ailleurs, pourquoi cette idée ne lui avait-elle jamais traversé l'esprit ? Sasuke représentait les trois quarts de son existence. Il ne pouvait se passer de lui, il avait tout sacrifié pour lui. Avait-il été si aveugle à ses propres émotions qu'il n'avait jamais envisagé ressentir de tels affects pour son pair ? Ou bien la distance de son coéquipier avait-elle bloqué, en lui, toute velléité en ce sens ? Il tenait tant à le protéger de lui-même… Détruire ce statu quo, c'était exposer son ami aux pires souffrances. C'était le replonger dans une instabilité qu'il ne pouvait pas risquer. La dernière fois que c'était arrivé, le brun avait fui. Il avait dû le rattraper, le retrouver, le combattre, encore et encore.

« Parce que tu crois que vous en êtes encore là ? »

Le Kyûbi ruminait, sceptique.

« À quoi tu crois que vous ressemblez, enlacés comme ça ? »

Naruto tiqua.

« On est pas enlac… »

Il s'interrompit net. Kurama n'avait pas tort. Ils étaient peut-être déjà engagés dans cette voie depuis longtemps, consciemment ou non. La mission n'avait fait que révéler, par cette proximité physique forcée, ce qu'ils refusaient de voir.

Naruto étudia avec davantage d'intérêt le faciès de Sasuke. Il ne distinguait qu'un morceau de son profil, les cheveux bruns collés à sa joue en cachant une partie. Les paupières étaient closes il y percevait quelques veines. Les cils étaient bizarrement longs, nimbés de goulettes de vapeur d'eau. Le visage était délicat, vulnérable, ainsi abandonné à sa vigilance.

Avec qui Sasuke se permettait-il tant de libertés ? Naruto leva la main pour dégager les mèches, mais il se stoppa en cours de route. C'était sans doute trop tôt. Avant ce type de geste, il lui faudrait travailler Sasuke au corps, l'habituer, le rassurer, certainement, au sujet de l'image qu'il avait de lui.

C'était pourtant simple : Sasuke était toujours sur ce piédestal inaccessible. Trop bien pour lui. Trop fort. Trop performant. Leurs derniers échanges le montraient autant que le reste : Sasuke était doué dans tout ce qu'il entreprenait, à tel point qu'il semblait inatteignable. Naruto se sentait comme un adolescent à qui l'on doit apprendre les bases. Pas à la hauteur. Comme toujours.

« C'est fini, l'autoflagellation ? »

Il manqua sursauter en entendant le Kyûbi, trop occupé qu'il était à fixer l'œuvre d'art sous ses yeux.

« Je veux pas trop fouiller dans tes souvenirs, mais j'ai pas l'impression qu'il ait détesté, et tu vas pas me dire que c'était le goût de la nouveauté – ça, vous l'avez déjà fait hier. Je te rappelle qu'il t'aurait frappé, si tu avais fait une connerie. Il serait pas appuyé sur ton bras, à ronfler comme un bienheureux. »

Tiens, c'était vrai, ça. Sasuke ne l'avait pas frappé. C'était peut-être que tout n'allait pas si mal ?

Et Sasuke ronflait, en effet. C'était rare, mais la position ne laissait que peu le choix à son système respiratoire. Il avait même la bouche ouverte. Naruto ricana. Il n'aurait jamais cru pouvoir dire cela, mais Sasuke avait un côté profondément attendrissant.

Kurama lança une pique à propos de la mièvrerie de sa remarque, puis prétendit aller saigner une licorne, histoire de s'exorciser de cette pensée. Naruto rit de plus belle. Cela arrivait de plus en plus souvent que le démon l'amuse ainsi. D'aucuns l'auraient pris pour un fou, mais tout le monde connaissait son passif, sa légende, désormais, et si Sasuke paraissait détester suffisamment l'animal pour reprocher silencieusement à Naruto ces instants complices, les autres s'en étaient accommodés. Parfois, on lui demandait même ce que le renard avait dit, et il devait transmettre le propos. Kiba, surtout, appréciait grandement l'humour de Kurama. Ce qui n'était pas le cas de Sasuke, évidemment. Pourtant, Naruto trouvait qu'ils avaient bien plus de points communs qu'on aurait pu le penser.

Ils avaient un passé sombre, une sale réputation, ils étaient prisonniers chacun d'une sorte de cage dans laquelle ils avaient étrangement fini par s'épanouir… Ils étaient spécialistes des regards qui tuent et revendiquaient régulièrement et leur suprématie naturelle, et leur soif de violence. Tout en se comportant comme deux gros chats ronchons en mal sempiternel d'affection.

Kurama, comme Sasuke, avait besoin de compagnie. Kurama, comme Sasuke, n'aurait jamais su l'avouer. Alors, il comblait le manque par un enthousiasme d'apparence malveillante, des piques de soutien et des provocations camouflant les compliments.

« Le sac à puces est passé, hein ? »

Naruto sursauta. Sasuke le fixait de ses yeux profonds comme un lac de fiction, assortis à l'obsidienne de la roche. Il le déchiffrait parfois beaucoup trop bien. Son rival saurait-il, au quotidien, lui donner l'amour dont il avait besoin pour survivre ? Naruto avait appris à s'en passer. Il lui fallait si peu, et Sasuke était si attentionné, son regard sombre éternellement sur lui, comme s'il craignait de le perdre…

« J'espère qu'il a rien vu. Ça ne concerne personne d'autre que toi et moi, tout ça. »

Naruto déglutit, étonné par la tournure possessive.

« J'ai bloqué. Et de toute façon, il avait pas l'air de tenir à voir quoi que ce soit.

— Parfait. »

À cet instant, dans la lueur rancunière des prunelles noires, Naruto remarqua quelque chose qu'il avait toujours interprété comme un profond agacement inhérent au personnage. Mais ce quelque chose était rouge, un peu toxique, un peu déplacé, et très douloureux. Maintenant que Sasuke s'était défait de ses masques, il percevait, plus claires que jamais, les expressions de son ami. Celle-ci était une gêne, une colère, une envie.

Bordel. C'était pourtant impossible… Sasuke ne pouvait pas… Non, il ne pouvait pas être jaloux… du Kyûbi ?

« Eh ben, ça expliquerait bien des choses, figure-toi ! rugit le démon depuis son ventre. Même moi, j'ai arrêté de l'insulter à chaque fois qu'on parle de lui. Si cette tête de mule n'est pas fichue de prendre la place qu'elle a de toute façon déjà depuis mille ans dans ton stupide cœur d'artichaut, c'est pas mon problème, bordel ! J'espère que ce que tu lui as mis a retourné son cerveau dans le bon sens, hein, parce que si c'est vraiment ça, ton petit copain est le mec le plus tordu que j'ai jamais rencontré. Et j'ai rencontré Madara, pour rappel ! »

Naruto n'eut pas le temps de digérer l'analyse, ni l'information, mais il profita du chaos de son esprit pour rétorquer :

« T'étais pas censé être en train de dévorer une licorne, toi ? »

Le silence mental qui suivit en dit long. Kurama ressemblait également à Sasuke quand il s'agissait d'être maladivement curieux. Il ne s'éclipserait définitivement que s'il l'y poussait lui-même, ou si la température commençait à remonter pour d'autres raisons qu'une source chaude.

Sasuke choisit ce moment-là pour se lever. Naruto fut presque déçu, mais cela ne l'empêcha pas de profiter de la vue qu'offrait son camarade, qui s'étirait en toute innocence.

« Faut qu'on sorte de là avant de plus vouloir en bouger. »

D'ordinaire, Sasuke manifestait physiquement ce type de commentaire. Il ne le formulait pas. Il n'avouait pas être capable de fainéantise. Lorsque son camarade se retourna vers lui pour lui tendre la main, Naruto admira encore une fois le faciès pâle dépourvu de ses artifices. Les plis de souci, le coin de lèvre naturellement redressé dans cette expression mi-méprisante mi-boudeuse qui faisait tout le charme de cette version de son coéquipier… Les sourcils, loin d'être froncés, bien que bas, qui lui conféraient cette aura mystérieuse dont la plupart des Uchiha avaient hérité. Le nez légèrement retroussé donnait au brun un petit quelque chose d'enfantin, sous certains angles. Cet aspect facétieux, dans l'air dégagé, le fascina.

Invité par tant d'attraits, il prit la main. Il s'attendait à ce qu'elle le lâche, à ce qu'on le laisse retomber mollement dans le bassin, mais le bras tira avec conviction et, bientôt, ils furent tous deux hors de l'eau.

Ils se séchèrent rapidement, sans un mot, comme si ni l'un ni l'autre ne voulait achever ce moment de complicité. De tendresse. Naruto se sentit rougir au constat. Cela lui donna envie de toucher Sasuke une nouvelle fois, de caresser sa nuque ou ses cheveux, de l'embrasser sur la joue, près du petit pli qui se fichait de vous, juste à côté de la lèvre.

Sasuke le regarda.

Il était toujours torse nu et comptait visiblement le rester. Naruto ne s'était pas fait prier pour l'imiter : la source chauffait la pièce les runes, sur les rocs, augmentaient l'effet, et ils allaient devoir remettre ça dès la porte suivante.

Mais Naruto ne remarqua pas le torse blanc, sculpté tel la statue de marbre sous le moule de béton. Naruto vit la statue laiteuse et superbe dans le lac noir. Sasuke, lui aussi, venait d'accepter ce nouveau statu quo, cette nouvelle possibilité. Le sourire n'atteignit pas son visage, mais il le déchiffra, resplendissant dans les pupilles insondables. Soudain, en eux, tout allait mieux. Et le temps que Naruto avait consacré à dialoguer avec son démon, Sasuke l'avait passé avec les siens, et avait vaincu ceux qui l'empêchaient de se rapprocher de son pair. Désormais bannies, les créatures hideuses ne lui interdisaient plus tant de s'épancher, de montrer à son ami ne serait-ce qu'un vague aperçu de l'étendue de son affection. De son besoin de lui.

Ce que Naruto avait tant craint de briser venait de se renforcer plus que jamais, magnifiant la structure qui les maintenait tous les deux, rejetant les blocs durs camouflant l'œuvre d'art. À présent, l'on en voyait quelques morceaux, par-ci, par-là. Des teintes pastel, un poing dépendant de son rival, un pied ancré au sol, certain de ne plus jamais vaciller.

Le blond rendit son œillade au brun et osa lui sourire comme jamais il ne l'avait fait : dans son regard, il chargea tout ce qu'il éprouvait d'amour pour son compagnon sur ses lèvres, il laissa filtrer, dans un souffle, tout ce qu'il n'avait jamais réitéré depuis leur combat de la Vallée de la Fin en se rapprochant, il manifesta par son corps l'attirance magnétique et électrisante qu'il ressentait pour sa némésis. Non. Sasuke n'était plus sa némésis. Sasuke était son autre. Sasuke ne se tenait pas éternellement face à lui parce qu'il le défiait. Sasuke s'y trouvait parce qu'il le voyait. Parce qu'il ne voyait que lui.

Comment avait-il pu mettre autant de temps à s'en rendre compte ? Sasuke avait-il été si bon comédien que lui n'avait jamais pu envisager cette possibilité hors de leurs jeux antagonistes ?

Le sourire de Sasuke était si beau, si serein, là, tout au fond de son âme dont il avait ouvert la porte. Naruto se sentait comme la veille, dans un cocon de bras secs et puissants qui le chérissaient plus que personne ne l'avait jamais fait. Dans un univers fou où Sasuke, son seul repère, descendait volontairement de son piédestal pour l'aider à y grimper. Et à eux deux, ils tenaient tout à coup le monde au creux de leurs mains.


Note

Voilà, un petit chapitre tout doux, histoire de voir comment ça évolue aussi entre les péripéties. Je m'amuse beaucoup avec les bêtises que peut faire Naruto ! :D