Note

Ce chapitre est très long, je me suis un peu laissé emporter, quand je l'ai écrit ! Mais j'espère que personne ne m'en voudra pour ça, j'ai eu du mal à décider où couper. :3


Ils ne mirent pas longtemps à ranger leur matériel. Sasuke était presque fébrile, toujours incapable de conclure que tout ceci était réel, que Naruto voudrait encore de lui à présent. Naruto était… excité. Visiblement excité.

Il aurait dû se douter qu'informer son ami de son aptitude à lui fournir du plaisir déclencherait ce type de réaction. Naruto vivait pour exister aux yeux des autres. Pour être nécessaire aux autres. Pour toucher du doigt ce qu'était le bonheur de donner et de recevoir, comme il ne l'avait jamais expérimenté enfant. Évidemment, être aussi indispensable au bien-être de son pair le mettait en confiance, et devait également être profondément érotique.

Étrangement, cette fois-là commença dans le silence. La rivière, sur le côté, coulait tranquillement, fournissant un doux fond sonore aux premiers frottements. Trop hâtif pour faire l'effort de sortir la tente toujours roulée en boule quelque part, Sasuke alla se placer dos au mur, dans l'attente de son partenaire. Naruto s'avança vers lui comme un affamé, avec cette démarche de prédateur qui poussait son coéquipier à croire que le Kyûbi avait une influence inconsciente sur le comportement de son hôte. Pourtant, la lenteur du pas n'était due qu'à l'érection, l'hésitation venait de cette même impression que tout ceci était trop beau pour être vrai, et la brume dans les prunelles n'était que luxure.

Sasuke songea qu'il n'aurait pas besoin de préparation. Les précédents échanges étaient récents, les préservatifs lubrifieraient bien assez, même si ce n'était pas prévu pour, et puis merde. Il était trop pressé d'avoir Naruto en lui. La douleur de l'écartement passerait, vite, et la plénitude de l'instant suivant effacerait la maladresse du mouvement.

Lorsque Naruto fut à portée de main, Sasuke déboutonna rapidement son pantalon et laissa tout tomber au sol. D'un même mouvement, il retira ses chaussures du bout des pieds et se servit du tas de tissu comme support pour ne pas subir l'obsidienne coupante sous ses plantes.

Puis, le brun glissa ses doigts contre la nuque du blond et l'attira à lui, tout près, trop près pour un baiser, trop loin pour en avoir assez de lui, de son odeur et de son désir évident. Naruto émit un petit bruit béat en sentant l'érection de son compagnon et dégagea son visage après avoir mordillé le trapèze souillé par la marque d'un vieil ennemi. Sasuke ignorait si le geste était intentionnel, mais il déclencha en lui un mélange de gêne et de satisfaction : il n'avait plus besoin de ce sceau pour être fort. Il était fort là, en cet instant où il acceptait de se laisser aller aux caresses de son meilleur rival. En ce moment où, nu et comblé, il concédait enfin ses envies et ses plaisirs, où il se permettait de redevenir humain, touchable, sensible.

Alors, Naruto croisa son regard. Un chaos détonnant traversa l'azur, éclair et rayon solaire mêlé. Sasuke fut saisi, mais ne put profiter davantage de l'extraordinaire vision : son camarade était trop pressé de l'embrasser.

Lorsque les lèvres s'écrasèrent sur les siennes, toutefois, il ne regretta pas l'instant passé. Naruto avait moins le goût de râmen qu'il ne l'aurait cru, sans doute car lui-même en avait mangé. Il était bouillant, sa langue était grosse et envahissante, et Sasuke voulait l'avaler.

Le torse était moelleux contre le sien, doux et tout aussi chaud. Il sentit le ventre et l'élastique du pantalon contre son sexe, puis les abdominaux lorsque son partenaire se contracta dans le but de libérer son membre du tissu. Une main puissante commença à les masturber tous les deux. Naruto avait pris de l'assurance. Voilà qui lui convenait mieux. Voilà qu'il retrouvait le ninja impétueux qu'il connaissait bien. Pourtant, son amant conservait sa gestuelle attentionnée, et une fois de plus, Sasuke hésita entre fondre et manifester son impatience.

Mais pourquoi hésiter lorsqu'il suffisait de donner un coup de reins afin de montrer son désir et de se laisser emporter en même temps ? Naruto lui-même trembla au mouvement. Son compagnon se sentit obligé de parler, s'il voulait être limpide quant à ses intentions :

« Enfile un préservatif. On peut y aller directement. »

Naruto, cette fois, haussa les sourcils.

« T'es sûr ? Il faut pas recommencer à zéro ? »

Sasuke l'embrassa et profita de sa surprise pour chiper le lubrifiant dans sa sacoche.

« Tu mets ça par-dessus et on est bons. J'ai la flemme. »

Naruto déglutit, perturbé par la proposition. Ce qui ne l'empêcha pas de passer le moins de temps possible à enfiler la protection et à l'enduire de liquide.

« Et maintenant, on fait comment ? Tu veux te placer comme tout à l'heure ? »

Sasuke était bien trop occupé à admirer la verge auréolée de poils blonds, dressée et luisante, pour se poser cette question. La réponse était pourtant évidente : il avait envie de changer.

« Non. »

Naruto haussa les sourcils puis déglutit, encore. Sasuke manqua pouffer.

« Donc, on reste comme ça et… tu… t'accroches à moi ? »

À cette réplique, le brun réalisa soudain pourquoi son ami hésitait : la première pénétration avait été confiante mais précipitée, loin de l'intimité qu'imposait un face à face. Sasuke était resté en contrôle, distribuant les ordres, obtenant de Naruto ce qu'il voulait par des provocations. Mais Sasuke n'avait pas envie d'une autre position, et Naruto devait comprendre que quelle qu'elle soit, il n'y verrait rien de dégradant. Même s'il devait se cramponner à son pair pour ne pas tomber. Même s'il devait être porté par lui. Sasuke était conscient, désormais, que Naruto l'avait porté toute sa vie. Quelle différence cela faisait-il s'il en était de même par la chair ?

Mais le brun restait un jeune homme renfermé incapable de formuler ses émotions, aussi préféra-t-il agir : il profita de l'hésitation du blond pour passer ses mains autour de son cou et l'embrasser passionnément. La peau de ses lèvres sèches érafla celles de son pair, ses bras puissants se soudèrent aux larges épaules, puis, alors que Naruto répondait férocement au baiser, Sasuke coinça une cuisse au-dessus d'une hanche, contractant ses muscles suffisamment pour que l'autre jambe suive le mouvement sans effort.

Au même instant, percevant contre lui le poids de son coéquipier, Naruto eut le réflexe de placer ses paumes sous ses fesses et de le plaquer de nouveau contre la paroi. Sasuke avait toujours su, par leurs rixes, à quel point Naruto était fort. Il n'avait cependant pas imaginé se sentir si vulnérable ainsi soutenu. Pas par la porte, pas par ses propres membres aux muscles contractés, qu'il aurait pu relâcher à tout moment sans glisser. Non. Juste, et exclusivement, par les mains rêches et calleuses de son compagnon. Si calleuses qu'un durillon griffa sa peau. C'était un étau et, de nouveau, la certitude que Naruto l'avait porté durant toute son existence le saisit, lui faisant oublier un instant l'excitation qu'il avait ressentie dans le mouvement.

Il fit tous les efforts du monde pour recouvrir son faciès d'une expression plus neutre, de peur que Naruto repère dans ses prunelles l'extase de cette prise de conscience intime. Trop intime pour qu'il la voie, même à présent. Mais le blond était occupé dans son propre univers, avec son propre maquillage qui persistait à couler, et le contentement que Sasuke tentait de cacher se lisait, ostensible, sur le visage de son pair.

Naruto avait les larmes aux yeux.

Il était rouge, légèrement essoufflé, il avait l'air surpris et comblé à la fois. Constater que Sasuke lui laissait ce privilège l'avait profondément secoué. Le masque qui faisait semblant de rire refusait de se replacer. Les émotions brutes de Naruto, si intenses, si solaires, touchèrent Sasuke en plein cœur, assez pour que la couche de plâtre si laborieusement reconstruite vole en éclat.

Alors, Sasuke sourit à Naruto. Un petit sourire en coin, comme lui seul en avait le secret, et qui donnait tout de même l'impression qu'il se fichait de vous. Mais Naruto, autour de ce sourire, remarqua les joues roses, les sourcils aux extrémités baissées et l'incendie, dans le lac mystérieux. Sasuke avait une expression attendrie. Pour lui.

Il suffoqua sur-le-champ.

Encouragé par tant de sincérité, il se jeta de plus belle sur les lèvres de son pair. Sasuke l'accueillit en gémissant, agitant les hanches pour sentir l'érection contre ses fesses. Le désir et les déclarations d'amour allaient si bien ensemble, parfois…

Enfin, Naruto souleva légèrement le corps blanc pour positionner son pénis à l'entrée de l'anus. Sasuke n'attendait plus que ça.

Un mouvement, un son humide, un raté.

« Mince.

— Merde. »

Le sexe avait glissé. Évidemment. Même préparé, sans main pour les guider et le phallus lubrifié de la sorte, rien n'aurait su permettre une pénétration aisée.

« J'avais pas pensé à ça… »

Sasuke fit non de la tête, jurant intérieurement tout en reconnaissant que lui non plus.

« Attends. Me lâche pas, surtout. »

Naruto fit non de la tête à son tour, ne prenant pas la peine de répondre vocalement tant c'était une évidence. Non, il ne lâcherait jamais Sasuke. Encore moins à présent que son compagnon avait arraché ses tripes de son ventre pour les vomir devant lui en un sourire, espérant qu'il les lui rendrait, malgré leur contamination obscure. Naruto les lui avait rendues lavées de leur souillure, toujours noires, mais saines.

Sasuke sentit ses entrailles se tordre de bonheur à cette pensée.

Il choisit cet instant de plénitude pour retirer une de ses mains du corps de Naruto.

Comme promis, son amant tint bon, et leurs enveloppes restèrent collées l'une à l'autre, maintenant couvertes de sueur sous l'effet combiné de l'excitation et de la chaleur humide des lieux. Non, Naruto n'aurait pas transpiré en soulevant une charge aussi ridicule que le poids de l'Uchiha…

La main pâle vint saisir à tâtons la verge glissante. Sasuke trouva l'angle, aidé par un mouvement de reins de son ami. Puis il ordonna :

« Baisse un peu. »

Naruto s'exécuta et perçut immédiatement son phallus commencer à écarter les plis serrés de l'ouverture. La paume de Sasuke le guidant, il le sentit se contracter, inspirer puis expirer lourdement. Il n'osa pas demander si tout allait bien. Sasuke savait ce qu'il faisait. Il ne réprima pas son frisson de plaisir lorsque son gland fut englouti entièrement par les chairs. Sasuke frémissait légèrement et soufflait toujours.

« C'est bon, maintenant. »

Contrôlant désormais chaque mouvement, Naruto se concentra sur les réactions de son partenaire. Il savait que les quelques heures passées avaient suffi à resserrer les chairs. Qu'il aurait fallu tout recommencer. Mais si Sasuke lui disait qu'il en avait envie ainsi, alors il ferait en sorte que la douleur suscitée par ce premier mouvement soit aussi ténue que possible.

Lorsqu'il s'enfonça, subtilement, croyait-il, Sasuke émit un soupir difficile. Mais comme rien ne lui demandait d'arrêter, il appuya, tout doucement, se servant de ses doigts pour maîtriser l'affaissement du fessier sur son membre.

Un autre « Hmph » résonna contre son oreille. Il ouvrit la bouche.

« Ferme-la, Naruto. Continue, ça va. »

Il hésita une seconde. Assez pour que le brun décide d'agiter les reins. Assez pour déclencher un frisson de plaisir mutuel qui se répercuta dans leurs corps et revint à son point de départ lorsque Naruto s'enfonça davantage.

Au bout de plusieurs secondes d'efforts, d'attention et de soupirs crispés, le pénis fut englouti jusqu'à la garde.

Alors, Sasuke émit un gémissement. Pas de douleur, non, clairement. Un gémissement de bien-être. De satisfaction. Et Naruto cessa immédiatement de se demander si ce qu'ils avaient fait était raisonnable. À l'évidence, c'était ce qu'il fallait à son pair.

Il sentit les muscles se contracter autour de lui lorsque le brun souffla :

« C'est bon. Bouge, maintenant. Profites-en, ça va venir vite. »

Naruto ne pensait pas que l'on pouvait être excité par une pénétration lente et douloureuse, mais il supposa à juste titre que cet échange charnel et sentimental avait amené Sasuke au bord du précipice. Déjà. Il lui faisait donc tant d'effet ?

À cette idée, il sut ce qu'il devait faire. Raffermissant sa prise sur les hanches de son compagnon, il le souleva pour retirer son sexe de moitié, reculant ses propres reins dans le mouvement. Il s'assura que Sasuke était parfaitement prisonnier entre la porte et son torse, et apprécia le gémissement qui passa les lèvres sèches. Puis il fit redescendre son fardeau si léger, avançant le bassin en un lent va-et-vient. Et recommença. Encore et encore. Jusqu'à pouvoir imprimer un rythme soutenu et entendre contre son oreille les soupirs réguliers de Sasuke se transformer en petits râles érotiques.

Un autre râle, plus long, plus rauque. Encore un autre, plus intense, aussi. Les doigts calleux s'enfoncèrent dans ses épaules, les cheveux s'accrochèrent aux siens. Naruto accéléra. Sasuke jouissait déjà, il le savait. Il percevait son sperme se répandre entre eux. Un claquement, puis un autre, alors que les chairs brûlantes finissaient de se contracter, mais que Sasuke gémissait toujours avec conviction, sentant le sexe dur stimuler les restes de son plaisir orgasmique.

Au même instant, Sasuke décida qu'il avait fait sa part et qu'il fallait lui rendre la pareille : ses hanches commencèrent à se mouvoir, de façon erratique, violente, et les râles continuèrent de résonner dans la grotte, et les bruits de succion se répercutèrent à leurs oreilles, et ce plaisir si contrôlé se transforma en cascades de lave en fusion depuis le bas du ventre blond jusqu'à la pointe de son phallus. La lave gicla dans le latex, complétant la sensation de contentement que générait l'antre étroit autour de lui.

Sasuke n'avait mis que quelques secondes à le faire jouir. Sasuke est tellement incroyable.

Il avait pensé cela toute sa vie, lui aussi. Cette idée toujours en tête, il jeta un coup d'œil au lac sombre qui lui faisait maintenant face, encadré de mèches corbeau et de joues incarnates.

Ils sentirent le grondement autour d'eux, et le brun perçut la porte vibrer puis s'effacer derrière lui. Naruto tint sa promesse et ne bougea pas d'un pouce. Que l'image de cet homme, les muscles de son corps gras contractés de toutes parts, les jambes écartées, immobiles et dessinées, le dos rond et les épaules voûtées sur l'objet de son désir, devait être belle au regard extérieur…

Sasuke se sentit faiblir le premier. Toujours plongé dans le ciel rouge des yeux de son amant, il dut tapoter son biceps pour le faire revenir à la réalité. Là, il avait un peu mal. Il fallait que la nature referme l'anneau malmené par son propriétaire, et cette position était loin de lui offrir pareille possibilité.

« Hé. Tu peux me lâcher, maintenant, hein. »

Naruto parut se réveiller d'un rêve. Il se détacha tout doucement de son pair, s'assurant qu'ils ne retomberaient pas comme la première fois. Sasuke ricana au souvenir. Son vis-à-vis ne put s'empêcher de rire bêtement. Ils se regardèrent un instant, complices, satisfaits.

Après un autre bain et un long moment de quiétude dans la source, ils reprirent leur route avec sérénité.


« Eh ben, heureusement qu'on est ninjas ! »

Ils venaient de parcourir une dizaine de kilomètres à pied. Ils avaient d'abord repris leur route lentement puis, étonnés de ne pas bientôt découvrir la prochaine étape, ils avaient accéléré l'allure jusqu'à courir un peu. L'inactivité, le calme, avaient un effet étrange sur les corps surentraînés des shinobi, qui pouvaient devenir nerveux à trop patienter. Naruto aimait beaucoup ces instants de détente, où il profitait d'une simple promenade, d'une sieste ou d'un programme télé stupide. Sasuke, lui, était frustré par tant d'oisiveté. Il avait besoin de se sentir exister à chaque moment, incapable d'oublier cette même existence dans le but de décompresser.

Seul le sexe avait cet effet délectable sur sa personne. Aussi, si Naruto semblait s'être pressé par pur instinct pratique, Sasuke avait-il davantage apprécié la course silencieuse qui les avait téléportés à l'étape suivante.

Et son coéquipier avait raison : heureusement qu'ils étaient ninjas. Peu de gens auraient survécu à autant d'épreuves. Il ne s'agissait pas exclusivement d'un test de perversion. Il s'agissait clairement d'un test de volonté et d'endurance. Les personnes mal préparées échoueraient. Il fallait le vouloir, cet artefact.

Par chance, leur métier leur imposait une forme physique à nulle autre pareille. Ils faisaient même partie des meilleurs d'entre eux. Rien ne leur résistait. Ce n'était pas une petite marche et un peu de sexe qui allait les arrêter. De toute façon, Sasuke doutait qu'ils aient envie d'être stoppés.

Toutefois, moins titillés par leurs aspirations nouvelles à présent satisfaites, ils prirent enfin la peine d'extraire les matelas de leur tente mal pliée.

« C'est quoi, cette fois ? »

Sasuke avait oublié d'examiner leurs informations en avance, trop occupé à profiter de sa course silencieuse aux côtés de son ami. Naruto fouilla dans ses affaires et déchiffra, les yeux plissés :

« Pénétration. »

Sasuke ne put s'empêcher de soupirer.

« Encore ? Putain, ils me saoulent, avec leur pénétration ! L'hétéronormativité, c'est de la merde. »

Naruto le fixa un instant, l'air d'enregistrer le vocabulaire, puis de le décortiquer sans parvenir à découvrir tout ce qu'il impliquait. Mais, avant que Sasuke ne se fende d'une explication – il lui en devait déjà d'autres, d'ailleurs, il avait oublié –, le blond répondit honnêtement :

« Je sais pas de quoi tu parles, mais je crois que je comprends l'idée… »

À cet instant, Sasuke se demanda si toute cette marche n'avait pas pour unique objectif de faire se reposer une autre partie de leur anatomie. De façon assez amusante, les artistes impliqués dans la fresque au mur avaient abandonné sa conception pour la reprendre juste autour de la porte. Les dix kilomètres dépourvus de représentations pornographiques comportaient un certain nombre de creux à même la roche, où l'on avait sans doute l'intention d'entreposer des livres ou des rouleaux. Une sorte de bibliothèque du Kâmasûtra, au cas où les clients d'un tel lieu seraient à court d'idées.

À cette heure, Sasuke lui-même ne songeait pourtant qu'à une seule chose : tricher. Ils n'étaient qu'à la cinquième porte et, s'il appréciait grandement tous ces moments avec Naruto, il n'aimait guère les profondeurs. Un petit côté claustrophobe qui lui venait de son trop long séjour chez Orochimaru. Il n'aimait pas non plus qu'on se paie sa tête avec des sceaux idiots, ni qu'on lui impose de fausses vacances alors qu'il n'en avait aucunement besoin – les congés étaient le pire cauchemar de tout être qui luttait contre ses démons en les fuyant dans l'action et les heures supplémentaires, et il se demandait encore comment il aurait pu survivre à ceux-ci s'ils avaient été réels. Mais Naruto aurait certainement remédié à la situation en s'entraînant quelque part, et il se serait entraîné là aussi, avec Sakura, peut-être même Kakashi, et il aurait suivi silencieusement le soir, lorsqu'ils seraient tous allés à Ichiraku, tout en se plaignant des goûts culinaires discutables de son coéquipier. Maintenant que Naruto et lui étaient tacitement d'accord pour recoucher ensemble quand ils en auraient mutuellement envie, il entrevoyait, pour ces moments frustrants, une tout autre activité bien plus satisfaisante que de râler sur les râmen de son meilleur ami – d'autant qu'Ichiraku était vraiment bon, et qu'ils mettaient beaucoup de tsukemono.

Bref, Sasuke ne songeait qu'à tricher, parce qu'il en avait assez de tout ce bazar, que la nourriture allait périmer trop vite, avec cette chaleur, sans parler de la salubrité du lieu s'ils continuaient à se soulager dans les coins de la roche, car cet endroit n'avait clairement pas été pensé pour qu'on y reste plus de trois jours.

Désormais, il aurait bien voulu avoir des vacances, planifiées entièrement dans le lit de son camarade. Sans avoir à se forcer parce qu'un imbécile pervers avait décidé qu'un homme, un vrai, ça devait avoir l'endurance pour dix baises par jour. La masculinité toxique, c'était aussi merdique que l'hétéronormativité. Pourquoi y avait-il autant de trucs merdiques dans ce monde ?

Voilà, il était de mauvais poil. Heureusement pour lui, son masque était tombé quelque part, non loin de la quatrième porte, et n'était pas près de se remettre en place. Aussi Naruto – qui devait être la seule chose pas merdique de cette situation – lut-il immédiatement son humeur ronchonne.

« Hé, tu veux pas essayer de casser cette porte, pour te défouler ? On n'y a même pas pensé, mais… on nous a bien dit que c'étaient pas des sceaux ninjas, non ? Un chidori devrait suffire ? »

Sasuke se serait giflé de ne pas y avoir songé plus tôt. Ils étaient ninjas. S'ils étaient censés pratiquer la discrétion et le zen, ils avaient aussi de la puissance à revendre, et leurs compétences martiales en faisaient les parfaits guerriers en confrontation directe.

Pourquoi s'embêter à jouer selon les règles s'ils avaient la force de les ployer à leur bon vouloir ?

« Bordel, Naruto… »

Il allait dire quelque chose qu'il n'était pas prêt à avouer, alors il scella ses lèvres et préféra les employer à se jeter sur la bouche de son pair en guise de remerciement. Son ami avait des traits de génie aussi nébuleux qu'inconstants. Il trouvait toujours cocasse la façon dont tous, lui-même inclus, s'en étonnaient. Eussent-ils été plus courants que leur apparition aurait été bien moins drôle.

De toute façon, Naruto n'était pas stupide. Naruto avait cette intelligence du cœur que Sasuke était incapable de comprendre. Il avait de l'empathie. À tel point que la colère de son compagnon l'avait poussé à chercher une solution, un défouloir. Naruto ne supportait pas de voir les autres souffrir, parce que leur souffrance résonnait en lui au centuple et le faisait souffrir plus encore. Naruto avait besoin d'être entouré d'amour, mais surtout de bonheur, car le bonheur de ses pairs devenait sien.

Sasuke se sentait si toxique, face à ce besoin si pur… Coucher avec Naruto n'allait-il pas d'ores et déjà le souiller ? Le rendre malheureux ? Le teinter de noir et l'emporter dans les landes calcinées où l'esprit de l'Uchiha errait, aveuglé par un soleil lointain qui, seul, lui rappelait son droit d'exister ? Qu'arriverait-il si, touchant enfin ce soleil, il le pervertissait ? Il était conscient qu'on ne pouvait pas le sauver. C'était déjà fait. Depuis longtemps. Et cela n'avait rien changé à l'obscurité de son âme, à son caractère irascible, à ses cauchemars et à ce sempiternel et insatiable besoin de se trouver une raison d'être.

Mais Naruto était plus fort que ça. Là où tous étaient des lames de plus ou moins bonne facture, Sakura forgée au bon moment, à la température idéale, Kakashi et lui victimes de l'empressement du forgeron et de l'entêtement de la vie à vouloir faire d'eux des adultes avant l'heure, Naruto n'était pas un métal effilé, brut, létal. Naruto était une force créatrice. Naruto était une forge à lui tout seul. Et si Naruto avait réussi à réparer, transfigurer, former tant de belles lames aux reflets si vifs, de Sakura elle-même à Gaara, en passant par Hinata et Tsunade, rien ne pouvait détruire cette machine bienveillante, faite du besoin d'aimer. Naruto changeait les gens. Sa droiture l'empêchait de courber l'échine sous leurs tentatives de modifier son identité selon une vision étriquée du monde. Naruto n'avait pas de lame, et la lame, si vieille ou si tordue soit-elle, qui se confrontait à cette forge était vouée à y être engloutie puis, libérée de son organisme de métal brûlant, de moules inventifs et de coups de marteau affectueux, à en ressortir comme neuve.

Naruto faisait les êtres meilleurs. Il ne pouvait en être que de même pour lui, n'est-ce pas ?

Le blond l'observait, surpris, attendant qu'il explose ou se dégonfle comme un ballon de baudruche percé. Mince. Il n'avait plus du tout envie de frapper quoi que ce soit. Surtout après avoir senti ces lèvres sur les siennes. Comment un geste si anodin pouvait-il être aussi apaisant ?

« Tu penses que ça va foirer ? » hasarda cette fois son camarade.

Peut-être, mais ça valait la peine d'essayer.

« Je pense que quitte à tenter le coup, autant que ce soit avec une attaque non élémentaire. Si jamais ces sceaux ont en réalité en lien avec le monde ninja et qu'il y a incompatibilité, ça va nous exploser à la figure. »

Son camarade fit « oh » avec sa bouche puis, après un rapide calcul, alla se placer face à la porte. Lorsqu'il prit une posture de combat, Sasuke déglutit. Naruto était déjà plutôt sexy de façon générale. Mais quand Naruto s'apprêtait à se battre, il dégageait quelque chose de différent de sa naïveté et sa maladresse habituelles. Il était cet homme dangereux, impétueux et inarrêtable qui avançait vers son objectif sans ciller. Sasuke perçut le chakra malaxé dans le corps mat. La position lui donnait les épaules et les fesses rondes. Sasuke désira chaque parcelle de ce corps bandé, presque dépourvu de cicatrices et si confortable et impressionnant qu'il se demanda pourquoi le Calendrier annuel des shinobi ne l'avait jamais sollicité pour un shooting photo – il savait qu'un tel calendrier existait parce qu'un beau gosse de ladite rédaction l'avait démarché à ce sujet ; il avait couché avec le type, refusé toute collaboration et s'était débrouillé pour se fournir l'objet chaque année depuis lors.

À la lueur bleue du Rasengan s'ajouta une légère teinte rose, signe que la porte réagissait à son excitation. Sasuke profita que Naruto était concentré sur son jutsu pour sortir de la zone d'influence. De toute façon, si cela fonctionnait, ils allaient se prendre des copeaux d'obsidienne dans la face et, si les blessures de Naruto allaient mettre dix minutes à se résorber, il craignait pour sa propre intégrité physique.

Le bras du blond se déplia tandis que Sasuke se permettait de mater ostensiblement la plastique de son compagnon. L'orbe atteignit la roche noire. Elle allait la déchiqueter de toute sa puissance, y creusant un tourbillon, et tout deviendrait soudain si rapide, si facile, comme à chaque fois qu'ils étaient ensemble. Et ils ne pourraient plus baiser avant un moment. Ou bien Sakura les entendrait de nouveau, mais était-ce si grave que Sakura les entende ? Elle avait des boules Quiès, il suffirait de lui recommander de les garder pour dormir. Ou il pourrait aller se laver en même temps que Naruto. Ou…

Shlurp.

C'était loin d'être le bruit que faisait d'ordinaire un Rasengan quand il défonçait proprement un mur de pierre. Sous le regard ébahi de Sasuke, la roche avait tout bonnement absorbé le chakra de son partenaire. Naruto observait également la porte comme si elle était devenue pour lui le plus grand mystère de la galaxie – c'était sans doute le cas : rien ne résistait à cette technique.

« Bon. J'essaie une deuxième fois au cas où ? »

Sasuke rétorqua immédiatement :

« Laisse tomber, c'était trop pitoyable pour que ça marche au second essai. »

Naruto sembla hocher la tête. Il s'apprêtait à poursuivre lorsque la porte se mit à luire de nouveau. D'un rose particulièrement vif. Si fuchsia que Sasuke se sentit prêt à émettre un autre « berk » sonore.

« Naruto… Dis-moi que c'est toi.

— C'est pas moi. Je pense pas à ton cul quand je fais un Rasengan, hein. »

Sasuke fut soulagé d'apprendre que son cul n'avait pas la forme d'un Rasengan. Les fesses en forme de bulle, c'était joli sur certaines personnes, clairement pas sur lui.

« Pourquoi ? T'es excité, non ? Je vois la bosse, Sasuke. »

Il s'abstint de rougir. Ils s'étaient jetés l'un sur l'autre à plusieurs reprises, avaient conversé sur la capacité de succion de Naruto et, dix kilomètres plus tôt, il avait demandé à être pris sans préliminaires parce qu'il avait trop envie du blond en lui.

« Je suis pas dans la zone. »

Naruto jeta un coup d'œil à l'espace qui les séparait. Soudain, il fronça le nez.

« Mais ça pue ! »

Il ne fallut qu'une seconde de plus à Sasuke pour sentir l'odeur camphrée et terreuse que dégageait le maudit portail rose.

« C'est du patchouli, c'est dégueulasse. Ce truc veut nous punir d'avoir essayé de tricher ?

— Attends, comme dans Jumanji ? J'espère que je vais pas me transformer en singe, hein ! »

L'inquiétude perçait dans la voix de Naruto, mais Sasuke ignorait de quoi il parlait. Parce que lui-même était peu rassuré face à cette réaction incongrue, il s'approcha de son ami pour lui tapoter l'épaule et siffla d'un petit air mesquin :

« Panique pas, va. Ça changerait rien à ton Q.I. »

Naruto lui tira la langue, mais l'expression sur le visage de Sasuke le stoppa net.

« Merde, qu'est-ce qu'il y a ? Ça va ? »

Le brun se mit à serrer l'épaule sous ses doigts. Lorsqu'il parla, il semblait essoufflé.

« Naruto, tu sais quelles propriétés on prête au patchouli ? »

Il fit non de la tête. La botanique, c'était le rayon d'Ino.

« C'est un aphrodisiaque. Ce truc est en train de nous indiquer qu'il faut baiser pour passer, pas fracasser la porte. »

Sasuke tremblait et suait, à présent.

« Tu déconnes, c'est pas du patchouli ! C'est une drogue fulgurante, leur machin, dans ce cas !

— Évidemment. Il se peut même que ça soit proportionnel à la puissance de ton attaque. Parce que sinon, je hais tellement cette odeur qu'à l'heure actuelle, je serais plutôt en train de vomir. »

Naruto pouffa. Si Sasuke parvenait à râler, c'est qu'il n'allait pas si mal.

« Ça te fait rien, à toi ? »

Il y avait une légère gêne, une jalousie, et une volonté de se raccrocher à ce pilier qu'était Naruto, dans la voix du brun.

Il souffla un petit « Non » contrit.

« Et ça me convient, ça a l'air limite douloureux.

— Ça commence à être, disons... désagréable. Touche. Il va falloir remédier à ça. »

Sasuke saisit sa main et la posa sur sa verge tendue.

« En gros, on s'est fait avoir par une porte ?

— En gros, ouais. »

Personne ne proposa de prendre un antidote. Il aurait été stupide de ne pas profiter de la situation quand ils y étaient forcés par le décor. Ils auraient préféré économiser leurs forces, mais Sasuke n'allait pas s'en plaindre. Il avait seulement peur pour la santé de son postérieur tout en souhaitant ardemment que Naruto s'occupe de son sort. Ça, ou juste son érection, ou juste un peu de stimulation pour calmer cette envie artificielle dont il n'avait pas besoin. Et que son compagnon réagisse. Que Naruto subisse son plaisir également. Que Naruto soit avec lui, à sa hauteur, sur le même piédestal et non plus loin de lui, loin de leur osmose habituelle, loin de ce partage nouveau auquel il ne paraissait pas souscrire en cet instant.

« Hé ! On n'a qu'à tester pour voir si ça suffit si seulement un de nous deux jouit ? Ça va devenir de plus en plus difficile, si on continue à ce rythme, nan ? »

Naruto avait longuement réfléchi à la question. Sasuke semblait s'en inquiéter, et la lassitude du voyage les poussait à l'abréger. Son compagnon ne souhaitait pas coucher avec lui pour la mission. Il tenait à se libérer de cette contrainte, à ce qu'ils se possèdent uniquement lorsqu'ils en auraient envie – tout le temps, visiblement, mais pas pour autre chose qu'eux-mêmes.

Naruto n'avait jamais essayé de calculer combien de fois il pouvait jouir en un temps record. En revanche, Sasuke n'avait pas en lui un démon aux capacités de régénération inégalées.

« Si tu veux savoir : oui, c'est grâce à moi que tu as les couilles toujours pleines. Tu signes quand tu veux pour ta reconversion dans le porno. De rien. »

Naruto s'étouffa alors que ses doigts tripotaient le pénis érigé. Sasuke s'empressa de se débarrasser de ses vêtements.

« Si tu veux. De toute façon, il faudra bien faire avec… »

Un gémissement suivit : Naruto avait saisi ses bourses dans son autre main et les massait doucement.

« On vient de m'informer que j'étais pas normal, en fait. Du coup, toi, ça va se passer comment ? »

Naruto posait sincèrement la question, sans malice. Il n'avait jamais été touché par cette idée ridicule de la bête de sexe capable de tirer neuf coups en trois heures. Il avait toujours été persuadé que c'était impossible pour la plupart des gens.

Il remarqua que Sasuke le fusillait du regard. Non, pas lui. Quelque chose dans ses yeux, loin de lui, tout au fond. Quelque chose qui était assez proche de lui pour que Sasuke veuille le lui arracher afin de prendre sa place et de ne plus jamais être relégué au second centre d'attention.

« Désolé. J'ai pensé à lui, ça a ouvert les vannes. Je bloque. »

Le Kyûbi eut à peine le temps de protester qu'il avait encore de nombreuses informations à partager sur la reproduction des renards, mais Naruto avait trop envie de Sasuke pour l'écouter. Les dernières paroles audibles consistèrent à expliquer comment les testicules voyaient leur volume multiplié par six pendant la période de fécondation. Naruto s'estima heureux d'être humain et dépourvu de ces étapes contraignantes. Il n'osait pas imaginer quel handicap cela pouvait représenter.

Devant sa mine déconfite bien qu'amusée, Sasuke grogna. Il devait s'occuper de lui et uniquement de lui, mais il ne résista pas à l'envie de lui raconter l'anecdote. Justifier ses capacités absurdes grâce à Kurama lui donnait toujours l'impression de se replacer au sol, dans la norme. Ce n'était pas lui qui était bizarre. Il trichait, d'une certaine façon. C'était cette chose en lui qui le secondait et le transformait, mais cette entité était différente. Rejoindre le piédestal de Sasuke était plus important que de se vanter. Plus important que tout, car Sasuke se sentait seul et l'avait fait savoir.

Pourtant, Naruto vit les yeux du brun se baisser jusqu'à fixer ses parties génitales, libérées par un rapide mouvement, entre deux va-et-vient sur sa verge. Puis Sasuke ricana.

« Tu n'es peut-être pas au courant, mais les mâles de cette espèce peuvent rester le sexe coincé dans un vagin pendant près d'une heure et demie. J'espère vraiment pour toi, Naruto, que tu ne me feras jamais ce genre de coup. Sans quoi, je devrai t'émasculer. »

Le blond se sentit rougir et blanchir successivement avant d'éclater de rire. Sasuke pouffa et gémit en même temps, et Naruto se dit qu'il ne voyait aucun inconvénient à être insensible aux aphrodisiaques quand le ricanement sensuel de Sasuke lui faisait autant d'effet.

« Pour ma part, je suis capable d'avoir des orgasmes secs. »

Cette fois, Naruto cessa tous ses mouvements.

« Attends, ça existe vraiment ? »

Sasuke hocha la tête, mais, pressé de passer à la suite des opérations, il gratifia Naruto d'une explication sporadique :

« Comme c'est comparé à un orgasme clitoridien, ça devrait convenir pour ces portes. C'est pas facile, mais ça s'apprend. Il y a des techniques pour ça, même si je connais pas depuis si longtemps. »

Naruto se demanda une nouvelle fois combien d'hommes ayant visité le lit de Sasuke se rendaient compte du privilège qu'ils avaient eu. Puis combien il devait remercier d'avoir été de bons partenaires pour le brun, et combien il devait faire disparaître de la surface de la Terre pour n'avoir pas été respectueux – boh, ceux-là, Sasuke devait s'en être chargé ; Sasuke n'avait pas besoin qu'on le protège, après tout.

Lui-même avait eu de la chance : peu de femmes l'avaient mal traité. De toute façon, il fallait déjà être relativement ouvert d'esprit pour s'approcher de lui. Même à l'heure actuelle, la façon dont il impressionnait les gens leur faisait également peur. Aucun ninja ne parvenait à oublier qu'il était une sorte de bombe à retardement ambulante, quand bien même il se portait désormais garant de son renard. Aucune amante n'aurait souhaité voir apparaître une âme différente dans un corps souvent choisi pour son caractère. Sasuke plaisait à tout le monde parce qu'il était beau. Naruto avait l'impression que seuls ses exploits étaient responsables de ses conquêtes. Il cherchait peu à draguer des civiles en dehors de Konoha, trop conscient d'être laid et de ne pas avoir la moindre chance. Il ignorait ce que certaines kunoichi pouvaient bien lui trouver et se disait que sa force et sa popularité constituaient l'unique facteur qui les poussait entre ses draps. Ou bien le besoin de réconfort, l'adrénaline... Et, quand c'était une mission longue, sa personnalité avait peut-être eu l'heur de séduire une de ses compagnes...

Trop rejeté, Naruto doutait qu'il pouvait plaire. Il était conscient de l'absence de difformité chez lui, mais il ne savait pas si son miroir lui renvoyait une image biaisée de son apparence. Il trouvait même étrange que Sasuke lui jette des œillades si emplies de désir, adressées, certes, au ciel nuageux de son regard, mais aussi à sa peau, sa chair et ses os. Pour la première fois de sa vie, Naruto avait l'impression d'être beau aux yeux d'un tiers. Que ce soit Sasuke ajoutait encore à cet émerveillement.

Comme Sasuke se laissait de nouveau aller à ses caresses et qu'ils venaient de parler de ses couilles, Naruto se dit qu'il pourrait peut-être glisser la question. Juste pour savoir. Juste pour se rassurer. Juste pour gagner un peu de cette confiance en soi si laborieusement construite. Celle qui lui faisait tant défaut, sous le masque audacieux, et qui faisait de lui un raté par essence.

Sasuke avait admis le désirer, le trouver à son goût. Un goût, c'était relatif. Subjectif. Bien sûr, c'était puéril. On disait toujours que chacun avait sa propre beauté. Mais les personnes qui disaient cela étaient tout de même plus attirées par Sasuke que par lui, et rien n'avait jamais prouvé à Naruto que les gens faisaient l'effort d'appliquer ce dicton. Chôji, parce qu'il était gros, était jugé laid. Pourtant, Naruto trouvait qu'il ferait un bien meilleur partenaire que Shikamaru ou Neji, notamment parce qu'il était beau, en fait. Il avait une esthétique non conventionnelle qui lui plaisait. Étaient-ce ses goûts qui parlaient ? La norme n'était-elle pas qu'un carcan où enfermer les âmes avides d'un cadre qui, peu amènes à se forger leurs propres affects, adopteraient ainsi des idées préconçues guidant toute leur existence, tel un phare salvateur dans une mer obscure ? Et si le phare était une arnaque ? Si, en réalité, il suffisait d'apprendre à naviguer au lieu de se laisser aveugler par sa lumière hypnotisante ? Tout le monde avait des goûts différents. La norme ne faisait que refléter quelques-uns d'entre eux et qu'imposer à tous les autres cette unique vision biaisée.

Être conscient de tout cela n'étouffait pourtant pas le besoin de savoir.

« Dis, Sasuke… »

Pour montrer à son partenaire qu'il ne comptait pas pour autant cesser leurs ébats, il fit en sorte qu'ils se déplacent sur les duvets, jetés dans un coin à la va-vite. Il en profita pour se défaire de son pantalon et de son boxer, songeant qu'il en avait assez de se rhabiller tout le temps et qu'il était prêt à aller jusqu'à la porte suivante tout nu. Seulement si la réponse de Sasuke n'était pas trop blessante.

Il avait confiance en Sasuke, qui attendait sa question en le masturbant à son tour.

« Je suis comment, en fait ? »


Note

La métaphore de la forge appartient à Twin Sun Leader (ou Jainas), dont vous pouvez retrouver les magnifiques histoires sur ce site. C'est un petit clin d'œil nostalgique, pour moi qui l'ai découverte il y a quinze ans, et qui ai tant appris, pleuré et ri en la lisant !