Merde. Merde. Merde. Merde.
La porte s'était ouverte et ils avaient poursuivi leur marche, Sasuke faisant semblant que tout allait bien. Mais Naruto le voyait grimacer de temps à autre. Le masque n'était plus là pour cacher ses souffrances.
Toutefois, s'il avait pitié de son partenaire, il savait à quel point celui-ci était pugnace. Il était autrement plus préoccupé par sa propre conclusion : il aimait Sasuke. Non seulement il le désirait, non seulement il souhaitait construire quelque chose avec lui, mais en plus, il était amoureux de son coéquipier. D'aucuns auraient crié à l'évidence. En revanche, Naruto avait toujours perçu une relation comme n'étant pas forcément due à de l'amour. Le Kyûbi y était sans doute pour beaucoup, à cause de son incapacité à ressentir cet affect dans son aspect traditionnel, mais Naruto voyait la différence. Certains étaient ensemble par facilité, d'autres par envie de créer un univers à deux. Pas automatiquement par amour. Il aurait pu aimer Sasuke, comme avant, sans pour autant vouloir qu'ils forment un couple. Il n'avait jamais entrevu cette possibilité, jusqu'alors, ce qui avait rendu celle-ci inenvisageable.
Le statut quo les empêchait de s'engager sur ce terrain, l'un comme l'autre. Ils se frappaient trop, se disputaient trop sérieusement. Ils n'auraient jamais rien pu construire de sain.
À présent que Sasuke avait ouvert les vannes, tout était différent. Naruto percevait en lui une puissance émotionnelle capable de drainer ses angoisses, une envie de créer un équilibre, entre eux, qui, en effet, pouvait constituer une relation. Naruto voulait ce Sasuke démasqué auprès de lui, dans sa vie, ses nuits et ses jours. Il voulait pouvoir passer dans son appartement impersonnel, y foutre le boxon en toute légitimité et repartir après une mémorable partie de jambes en l'air. Il voulait retrouver les sous-vêtements sombres dans son panier à linge et les rendre bien pliés sur le paillasson de son compagnon, afin que les voisins comprennent bien que celui-ci avait un amant. Il voulait quelque chose d'exclusif. Il voulait que Sasuke ne couche plus qu'avec lui. Que jamais un autre homme ne puisse de nouveau avoir le privilège de le toucher. Il voulait continuer à le faire jouir, à révéler sur ses traits plus si figés les plis de joie qui répondaient désormais à son comportement extraverti. Il voulait l'embrasser tous les matins, recharger ses batteries en le serrant dans ses bras après une mission difficile. Il voulait que le manque qu'il ressentait au moindre éloignement devienne légitime. Justifiable. Compensable par sa présence à ses côtés, lors de leurs retrouvailles. Il voulait une vie avec Sasuke.
« Tu t'emballes carrément, tu sais. »
Naruto grimaça. Évidemment. Mais qu'y pouvait-il ? Il venait seulement de découvrir la vérité de son cœur, alors même qu'elle était sous son nez depuis tout ce temps… Jusqu'alors, il ne s'était pas rendu compte de ce qu'il manquait à son existence. C'était ça. Ce petit lien supplémentaire qui ferait de leur statue complexe un objet stable. Ce filon d'or dont ils ignoraient tout et que le sexe avait révélé. Mais Sasuke était-il à même de recevoir cet amour ? Sasuke voudrait-il de lui ?
« Si tu lui sors ça dans les vingt-quatre heures, clairement, non. Il va flipper sa race.
— Voilà. Merci. C'est bien tout le problème. Comment je formule ça, du coup ? »
Le Kyûbi suggéra l'offrande d'un ours fraîchement massacré. Naruto songea que Sasuke préférerait largement massacrer tous les ours de la région lui-même. Et de toute façon, ce genre de cadeau était trop obscur pour une pratique humaine. Sasuke n'était pas une renarde en chaleur.
« Une renarde, non ; en chaleur, si. »
Naruto rougit furieusement et jeta un coup d'œil à son compagnon, qui faisait semblant de ne pas avoir remarqué son introspection. Sasuke avait l'air énervé.
Il est trop mignon.
Kurama eut un frisson de dégoût.
« Commence pas par ça non plus, par pitié.
— Sans déconner ? Tu crois que j'ai envie de finir avec les ours ? »
Le démon éclata d'un rire féroce.
« Tu m'aides tellement, c'est fou. Pourquoi je te parle, déjà ?
— Parce qu'on est devenus potes ?
— Qu'est-ce que je donnerais pas, en ce moment, pour avoir Ino dans le bide à ta place ! »
Ino saurait quoi faire, elle. Elle trouverait les mots, la bonne façon de formuler ce genre de demande. Même avec Sasuke ? Rien n'était moins sûr.
« Tu me fais constater qu'elle ne s'est jamais invitée chez moi, alors qu'elle en a la capacité… ronronna le monstre.
— Pourquoi ? T'as pas l'air d'apprécier qu'on squatte… »
Temari était sans doute la personne la plus compatible avec son ami, par contre… Mais elle lui dirait certainement de foncer dans le tas. Lee, dans son romantisme invétéré, lui suggérerait carrément une demande en mariage, avec une sérénade et des pétales roses tombant du ciel. Hinata se mettrait à pleurer – elle était toujours amoureuse de lui et il essayait de ne pas la blesser…
« Je ne ferme jamais ma porte à un si joli morceau.
— Putain, Kurama ! »
Plutôt que d'amis un peu tarés, il aurait eu besoin de parents pour se confier… ou de quelqu'un qui connaissait vraiment bien Sasuke. Mais personne, pas même le frère de ce dernier, ne connaissait Sasuke aussi bien que lui-même. Kakashi ? Non, il proposerait du sexe. Pas une relation.
« Quoi ?
— Comment te dire ça… je crois qu'Ino n'est pas zoophile ?!
— Et moi, je suis un démon renard à neuf queues.
— C'est quoi, le rapport ? Elle n'a pas non plus ce genre de fantasme, que je sache… »
Le Kyûbi ne put s'empêcher d'éclater de rire une nouvelle fois. Il informa Naruto de sa capacité à prendre forme humaine sur demande, comme la plupart des kitsune. Naruto devint livide et réclama à ne jamais en apprendre davantage, surtout si Ino avait un jour la mauvaise idée de tenter une rencontre. Il nota mentalement qu'il ne devait jamais lui raconter cela. La jeune femme était susceptible d'exiger une description de l'incarnation bipède du renard avant de déclarer son intérêt. Ino était la plus décomplexée de ses amies.
« Ben tu vois !
— Ta gueule, Kurama. »
Mais peut-être tenait-il là quelque chose ? Au lieu de proposer à Sasuke d'être sex friends, il pouvait peut-être lui proposer, plutôt, de se mettre en couple avec lui dans le but de baiser…
« Tu veux pas lui mentir, mais tu cherches des prétextes ?
— Tu as une meilleure suggestion, au lieu de fantasmer sur mes copines ? »
Non. Kurama également reconnaissait à quel point Sasuke était complexe à approcher. Le jeune homme avait fui ses amis, sa seule famille, par peur que celle-ci ne l'empêche d'atteindre ses objectifs. Il était susceptible de fuir Naruto s'il lui avouait trop directement ses intentions. Bien sûr, Naruto trouverait forcément un moyen de recoucher avec lui après cette mission. Et si ce n'était pas lui, Sasuke le lui ferait comprendre d'un geste, d'une provocation, d'un mouvement de lèvres impérieux.
Sasuke, en revanche, ne penserait jamais à rester avec lui pour une soirée télé, n'est-ce pas ? Et même s'il y pensait, il ne prendrait jamais les devants. Il ne chercherait à s'imposer que s'il n'avait pas peur d'être rejeté. C'était à lui, Naruto, de lui signifier que sa porte lui était ouverte, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Pour n'importe quelle activité.
« Naruto, fais taire ton sac à puces. On arrive. »
Sasuke traitait souvent le Kyûbi comme un animal de compagnie. Naruto trouvait cela très drôle, même quand le concerné, dans son ventre, écumait de rage. Durant ces instants-là, il s'amusait de la sensation de colère que diffusait son renard, et qui n'était pas sienne. Cependant, parfois, il s'en nourrissait intentionnellement. Cela lui permettait de sortir d'une mélancolie passagère, de sentir la fureur faire écho à son désespoir ou sa frustration, de se redonner du tonus.
Comment Sasuke faisait-il, sans démon producteur de chakra, pour sembler si en forme ? Naruto était conscient qu'il possédait une réserve d'énergie plutôt importante, pour un ninja, et que sa lignée n'était pas étrangère à ce phénomène, mais, neuf queues ou non, lui-même restait ce qui se faisait de mieux en matière de ressources. Un écho à la présence du renard, peut-être, que sa vitalité avait dû retenir toutes ces années… Une sorte de réaction défensive de son corps qui, pour éviter d'être dévoré, avait fait grandir en lui la source de son pouvoir, afin d'égaler celle du monstre.
Cela ne l'empêchait pas de se sentir désagréablement drainé. Combien de temps, avant que le Kyûbi ne doive prendre le relai ? Combien de temps, avant que Sasuke ne s'effondre d'épuisement ?
« Hé, je peux retester, uke ? »
Sasuke se tourna vers lui au moment où Naruto puisait dans l'énergie sombre pour se donner du courage. Il fallait ouvrir la porte, sa déclaration devrait attendre, et il avait besoin de forces pour empêcher son ami de prétendre que tout allait parfaitement bien. C'était la raison pour laquelle, grâce à la puissance régénératrice que le chakra du démon lui conférait, il avait proposé d'échanger à nouveau.
« Non. »
Sasuke avait répondu instinctivement, sans réfléchir. Il ne s'attendait pas lui-même à cette réplique cinglante… mais Naruto avait les iris rouges, et rien n'aurait pu détacher son esprit et son envie de l'aura sauvage que son compagnon dégageait à cet instant.
Le blond avait passé ce petit trajet à dialoguer avec son démon, supposait Sasuke, si bien qu'il n'avait pas remarqué les coups d'œil courroucés que son ami leur avait jetés. Consulter. Vraiment. Peut-être même ferait-il moins de cauchemars s'il se départissait de sa terreur de perdre les êtres auxquels il tenait. Surtout Naruto. Surtout vis-à-vis d'un animal. Animal qui participait activement à ce que Naruto soit un véritable fantasme sur pattes, en ce moment précis.
Gloups.
Le regard se voila pour redevenir azur mêlé de nuages d'orage. Naruto s'apprêtait à rétorquer sur un ton semblable, agacé par l'entêtement de son pair. Sasuke ne lui en laissa pas le temps.
« Refais ça.
— Quoi, ça ? »
Sasuke déglutit encore, puis s'exprima plus clairement, espérant désamorcer la vexation dont il était responsable. Il ne cherchait pas à être désagréable. Il était juste excité.
« Ça, là, malaxer ton chakra rouge. »
Le jinchûriki mit quelques secondes à comprendre de quoi son compagnon parlait. Étonné, mais ne souhaitant pas contrarier son vis-à-vis, il s'exécuta.
« Comme ça ? »
Oh, bordel.
Sasuke avait la gorge sèche. Il fixa les pupilles auréolées de rouge, la façon dont la flamme d'énergie dansait le long des crevasses, dans les iris d'ordinaire bleus. Naruto y régnait toujours, maître de lui-même, tandis que l'ascendant animal donnait à son corps l'aura sauvage qu'il lui avait déjà vue en combat. Ce charisme-là réveillait en lui toute l'admiration qu'il éprouvait pour la volonté et la force de Naruto. Il lui rappelait la dangerosité de son coéquipier, sa suprématie, son destin immuable. Car au fond de lui, Sasuke savait pertinemment que Naruto deviendrait un jour Hokage. Pas parce qu'il en était capable, qu'il était le parfait candidat – loin de là –, pas parce qu'il pouvait s'améliorer encore et qu'il était prêt à mourir pour son village. Non. Parce qu'il le voulait. Et que la volonté de Naruto faisait loi.
Il aurait accepté la proposition de son pair dans n'importe quelle autre circonstance. Il se savait fatigué. Il était conscient qu'il lui faudrait prendre en main une partie de la suite des opérations, et il appréciait le fait que Naruto puisse faire tant de concessions, mais…
Le blond, face à lui, s'énerva :
« Mais quoi ?! T'as l'air vénère ! Tu veux te battre, c'est ça ? Tu crois que c'est le moment ? Arrête de te vexer pour rien ! J'ai le droit de m'inquiéter pour toi, et j'ai le droit, pour une fois, de réfléchir à la situation de façon stratégique avant de me jeter sur le mec qui a le moins d'endurance entre nous deux ! Je peux soigner mon cul si c'est nécessaire. Pas toi ! »
Non. Il n'avait rien compris. Il ne voulait pas se battre. Il voulait se faire bouffer tout cru. Il voulait s'abandonner à cette force de la nature, cette ancre qui le maintenait à flot. Ce type capable de tout prendre sur ses épaules. Même lui. Même sa fureur. Même ses démons.
Était-il si insensé de désirer Naruto de cette façon ? Sasuke était capricieux. Il l'avait toujours été et il ne se contrôlait que par nécessité. Mais l'inquiétude de son coéquipier persistait à l'horripiler – quand bien même son ami avait raison –, cette mission était devenue un véritable pied de nez à toutes les limites qu'il s'était imposées, et le chakra brûlant errait encore dans les prunelles cerclées de bleu, comme un incendie illuminerait le ciel dégagé d'une chaude fin d'après-midi.
Mais Naruto n'avait pas besoin de cette ire pour le désirer, et Sasuke, lui, voulait la faire durer tout en chassant de ses pensées ce démon trop encombrant qui l'occupait ailleurs, loin de sa personne. Alors, il décida qu'il pouvait, lui, se mettre en colère. Que sa rage, face au désarroi de Naruto, rétablirait l'équilibre et lui permettrait de laisser échapper verbalement toute son exaspération. Ils ne s'étaient pas réellement disputés depuis leur entrée dans la grotte, et ces rixes un peu plus sérieuses devenaient tout à coup un nouvel outil de jouissance.
Il usa de la seule force de ses muscles pour se précipiter sur son rival – économiser la moindre goutte de chakra était une nécessité. Surpris, Naruto le réceptionna tant bien que mal et roula au sol. Sasuke tenta de garder le contrôle, mais l'aura rouge donna à son compagnon l'avantage et le celui-ci fut rapidement sur lui, maintenant ses poignets au-dessus de sa tête. La déroute, dans son regard, mêlée à la fureur du démon, termina de liquéfier les entrailles de Sasuke. Il se laissa maîtriser. Il n'attendait qu'une chose : que les lèvres de ce fantasme s'emparent des siennes et ravagent sa bouche. Qu'une érection réponde à la sienne. Que le jinchûriki l'achève.
Mais Naruto était toujours aussi perdu et il le fixait, serein dans son exaltation. Sasuke décida d'argumenter, espérant frustrer suffisamment son partenaire pour que cela le fasse réagir… physiquement.
« Et toi, tu es capable de jouir même si tu as mal ? »
Naruto blanchit.
« Je peux toujours essayer », tenta-t-il, désarçonné.
Il fit remonter ses jambes autour des hanches du blond sans que celui-ci proteste.
« Moi, je peux. Le calcul est vite fait, Naruto. »
Sasuke utilisa sa prise pour plaquer l'aine de son adversaire contre la sienne. À cette sensation, Naruto se mit soudain à rougir furieusement.
« Sasuke… »
Merde, il a compris.
« Est-ce que tu es en train d'essayer de provoquer du angry sex parce que le chakra du Kyûbi sur moi t'excite ? »
Non.
« Ouais. »
Putain. Il n'arrivait même plus à mentir. Pas sans sa couverture. Plus maintenant que Naruto était… comme ça avec lui.
« Ça te pose un problème ? »
La lueur rouge, dans la pupille, s'accorda au petit sourire carnassier qui orna les lèvres de son ami. Puis, l'aura envahit l'ensemble de l'enveloppe, lentement, diffusant sa chaleur sur l'épiderme déjà brûlant de Naruto, saturant peu à peu l'atmosphère, jusqu'à ce que le poids de son corps soit devenu étouffant. Sasuke était vissé au sol, à la merci des crocs qui déformaient la bouche de son vis-à-vis. La vague d'énergie commença à se répandre sur ses membres, s'engouffrant dans tous les pores de sa peau et soignant ses muscles endoloris par le manque de chakra. Il était impossible de combler le vide dans ses canaux avec le flux démoniaque, mais ses propriétés hors du commun permettaient de panser en surface la plupart des blessures. Si Naruto avait eu un cerveau, il aurait pu devenir le meilleur medic-nin de tous les temps.
« Non. »
Naruto n'avait pas besoin de verbaliser cette réponse : sa réaction avait informé Sasuke. Toutefois, le brun apprécia la façon dont les mots roulaient différemment dans la bouche dentue, déformés par le timbre rauque que lui conférait la puissance du renard.
« Ça, je sais que je peux faire. »
Oh. Il voyait mieux où son camarade voulait en venir, à présent.
« Mais je te préviens, Sasuke. C'est la dernière fois que je cède à tes caprices. »
La réplique fut grondée, plus menaçante et plus convaincante que toutes les suppliques inquiètes que le blond aurait pu lui servir. Il déglutit. Pourquoi cet homme était-il si maître de lui-même dans un moment pareil ? Pourquoi lui demandait-il une telle concession ? Était-il si capricieux, vraiment ? Plus que Naruto lorsqu'il réclamait ses râmen ?
Et depuis quand Naruto se permettait-il de lui faire du chantage ? Depuis quand prétendait-il lui faire des faveurs, tolérer ses désirs, le traiter comme un gamin ingérable ? Depuis quand Sasuke se sentait-il comme un gamin ingérable ?
Depuis le chakra rouge. Un autre masque, naturel, lui, se greffait ainsi sur leurs visages respectifs. Dans l'assurance du renard, Naruto puisait la sienne. Dans l'assurance de Naruto, Sasuke voyait une raison de se laisser aller davantage. Une raison de ne plus être en contrôle. De ne plus chercher la performance à tout prix. Une raison de se permettre d'être fragile.
Il le pouvait, n'est-ce pas ? Son corps n'était pas soumis. Il était enlacé. Son âme n'était pas prisonnière du regard enflammé du blond. Elle était couvée. Il avait l'impression d'avoir plongé dans le bassin d'eau de source bouillante et d'y avoir immergé la tête sans perdre sa capacité à respirer. La masse, contre lui, était un cocon douillet, un duvet dans lequel il n'avait pas besoin d'être fort, composé et hypervigilant. Il avait confiance, après tout. Quel intérêt y avait-il à jouer les durs quand votre partenaire était si conciliant, si attentionné, si prêt à pardonner vos faiblesses ?
Non… C'était encore mieux que cela. Il le voyait au regard brut que Naruto dardait sur lui, à la façon dont sa langue passait lentement sur ses canines saillantes et dont son sourire était déformé par un plaisir profondément égoïste : Naruto ne le percevait pas comme faible. Il ne se serait jamais jeté sur lui de la sorte si cela avait été le cas. Il ne l'aurait pas laissé marcher seul pour s'occuper de son démon. Il n'aurait pas souscrit à ce caprice-là s'il n'avait pas eu, lui aussi, confiance. Sasuke n'était pas, et n'avait jamais été, à ses yeux, réduit à un objet fragile qu'il fallait à tout prix protéger. Il ne pouvait s'empêcher de vouloir le dépasser ou le seconder, bien sûr, mais c'était juste son caractère. Un réflexe qui s'était révélé vis-à-vis de tout l'entourage de Naruto, sans exception. Jusqu'à Kakashi lui-même, alors qu'ils avaient treize ans seulement et que l'ingéniosité du blond s'était manifestée, dans le seul but de sortir le ninja masqué d'une situation dangereuse.
Naruto protégeait par besoin. Pas pour être supérieur, bien qu'il parvienne à en retirer sa part de fierté. Naruto ne le méprisait pas et ne souhaitait le ménager que parce qu'il était dans sa nature de rendre les gens heureux et de s'assurer qu'ils fussent bien portants. Sasuke ne faisait simplement pas exception, quand bien même le blond le considérait aussi comme son égal.
Oh, c'est vrai.
Naruto, du haut de sa suprématie, du haut du piédestal construit par le village, Naruto, du haut du plus haut mont du monde, l'avait placé à ses côtés et le regardait comme si c'était lui, le dieu tout puissant maître de la montagne.
Il ignore totalement à quel point je suis faible. Il me fait confiance. Il croit dur comme fer que je peux tout surmonter aussi bien que lui, parce que je suis moi. Alors que je ne devrais pas. Alors que je ne pourrais pas. Il ne fait que s'inquiéter, sans douter un instant que je sois capable de me relever tout seul. Il me respecte. Il veut juste m'aider pour se sentir à ma hauteur.
Un jour, il expliquerait à son ami à quel point il avait toujours été à la hauteur. Un jour, il retirerait toutes les horribles choses qu'il avait pu lui dire et réitérerait cette déclaration de la Vallée de la Fin. Un jour, il ferait comprendre à Naruto qu'il était le plus légitime et le plus grand des hommes.
Le blond pressa son entrejambe contre le sien et les dernières réticences de Sasuke s'évaporèrent en même temps que ses pensées parasites. Cette fois, son amant bandait.
« D'accord. »
Au pire, il saurait argumenter en sa faveur. Et s'il lui suffisait de signifier à son compagnon à quel point il le désirait pour le soumettre ainsi à sa volonté… ce serait facile.
Les canines se dévoilèrent davantage et Sasuke ne résista pas à tendre le menton. Naruto poussa un soupir, comme si les traces de sa monstruosité avaient eu la moindre chance de dégoûter son partenaire, puis fondit sur ses lèvres.
Le brun glissa sa langue contre les pics, mordit ce qu'il pouvait, doucement mais fermement. Il gémit en sentant les reins de son compagnon le faire vibrer plus fort, se cramponna à ses cheveux, jeta la tête en arrière pour que les crocs accèdent à son cou et répondit au mouvement par des ondulations plus violentes encore.
Naruto, obéissant, descendit le long de sa jugulaire, l'embrassant et y raclant ses dents. Sasuke frissonna en percevant sa respiration sur sa peau. Les mèches blondes chatouillèrent sa nuque, puis la bouche fut contre sa gorge et le souffle, erratique, lui donna des envies nouvelles.
« Mords-moi. »
Naruto émit un gémissement interrogatif, mais poursuivit ses caresses. Il tentait maladroitement de dézipper le pantalon de son coéquipier.
« Fort. »
Le geignement fut plus intense, le souffle plus saccadé. L'enveloppe ne se détacha pas de la sienne.
« T'es sûr ? » demanda tout de même une voix étouffée.
Il confirma d'un hochement de tête, espérant que le mouvement soit compréhensible. Naruto s'écarta de lui pour lui arracher pantalon et sous-vêtement. Le chakra errait toujours sur son corps, comme une flamme intrépide jamais rassasiée de combustible. Les iris injectés de la colère démoniaque étaient beaux et, s'il en avait eu l'énergie, Sasuke leur aurait répondu avec le Sharingan.
« D'accord. »
Il entendit le bruit d'un tissu froissé, puis le son visqueux du lubrifiant mêlé au chuintement du préservatif. Naruto profita d'être concentré pour malaxer davantage de chakra, comme s'il en avait suffisamment pour jouer avec. C'était sûrement le cas.
Les canines restèrent saillantes, l'incendie incontrôlable.
« Bon, je vais éviter de rentrer n'importe comment, quand même. »
Oh. Naruto comptait-il…
Les appendices gluants coupèrent sa réflexion. Le lubrifiant était déjà chaud, englobé de chakra démoniaque. Il y eut quelques va-et-vient, juste de quoi le détendre et lui rappeler à quel point la sensation d'un sexe à cet endroit était étrangement naturelle pour lui. Les doigts tout aussi brûlants, dans ses chairs, créèrent l'étincelle qui enflamma ses nerfs. Grâce à cet instinct de bête dont il faisait preuve lorsqu'il était sous l'emprise de son renard, Naruto le perçut. Il retira ses appendices et se mut, soulevant suffisamment les hanches de Sasuke pour que celles-ci reposent sur ses cuisses rebondies. Le corps vissé à celui de son pair par la puissance d'une des mains luisantes, heureusement dépourvue de griffes, Sasuke sentit le gland se frayer un chemin en lui.
Naruto se courba, râlant de bien-être, retrouvant sa place au creux de son cou. Puis, à l'instant où la plus large partie de la tête écartait son anus avec difficulté, quatre crocs saillants déchirèrent soudain son trapèze. Sur le sceau maudit que l'obsolescence effaçait lentement.
Il hurla. Naruto profita de sa distraction pour s'enfoncer d'un coup, redirigeant les sensations dans son aine, si bien que le brun eut l'impression qu'il allait s'évanouir sous tant de stimulation. La douleur était vive, à son épaule ; il perçut l'odeur distinctive du sang. Son partenaire se figea. Un instant plus tard, le regard fou était face à lui, les pupilles affinées par le goût capiteux dont le monstre, dans son ventre, avait dû se gorger à outrance.
Pourtant, Sasuke ne craignit pas une seule seconde que le Kyûbi ait pu remplacer son pair. Naruto était trop fort pour cela. Il avait trop confiance pour ne serait-ce que l'envisager. Il avait raison.
« Mince. Je l'ai peut-être trop pris au pied de la lettre… »
La voix restait rauque. Sasuke bougea doucement les hanches, saisit le crâne d'une main et regarda droit dans les pupilles fendues. Puis, lorsqu'il fut certain d'avoir toute leur attention, il souffla :
« Non. C'était parfait. »
La poigne qui tenait la tête blonde l'attira contre sa gorge, jusqu'à ce que les lèvres touchent le sang qui s'écoulait de la plaie.
« Donne donc sa part à cette sale bête. »
Naruto ne se le fit pas dire deux fois. Il recommença ses va-et-vient, ne se privant pas de correspondre à ceux, violents, de Sasuke. Il lécha avidement les quatre trous qu'il avait percés dans la peau blême, déclenchant des vibrations de douleur dans le corps blanc sous lui, jusqu'à recevoir les frissons le long de son sexe et s'être si enivré de la saveur du liquide rouge que la tête lui tourna.
Il n'avait jamais osé avouer à quiconque à quel point il aimait le goût du sang. Un énième résidu de la conscience du Kyûbi, qui s'était développé pour faire partie de lui-même. Une énième raison pour qu'on le traite de monstre. Et pour qu'il y croie.
Mais Sasuke ne le jugerait pas. Sasuke se percevait lui-même comme un monstre, assez pour trouver Naruto normal même dans son horreur la plus réelle. Assez pour comprendre d'où venait sa soif de sang. Assez pour réclamer du sexe fait de colère et de violence. Assez pour que la douleur ajoute à son plaisir. Assez pour l'exiger.
Lorsqu'il eut achevé de lécher les plaies, Naruto constata que sa langue, elle aussi enrobée de chakra, les avait partiellement soignées. Toutefois, le sceau resterait déformé un bon moment, et il s'en félicita. Il le détestait. Quand il avait fallu blesser, il n'avait songé à aucun autre endroit. La peau de Sasuke, striée de cicatrices, était magnifique. Il ne voudrait jamais souiller que l'unique emplacement avili par ce serpent du passé.
Satisfait, il continua de faire glisser ses canines sur l'épiderme de marbre, menaçant la jugulaire tandis que ses reins appliquaient un rythme plus marqué. Il eut envie de mordre à nouveau et se retint, assouvissant son besoin de rage en saisissant les mains de Sasuke pour les plaquer de nouveau au sol. Le brun gémit, se tortilla. Courbé ainsi, Naruto touchait sûrement sa prostate avec une régularité désespérante. Les hanches, contre lui, trouvèrent un angle subrepticement différent et Sasuke se tordit dans ses bras, poussant un étrange petit soupir rauque.
« Naruto… »
La façon dont son compagnon prononça son nom lui donna envie de jouir sur-le-champ.
« Recommence. »
Ses dents manquèrent se refermer sur le cou, mais il eut la présence d'esprit de se dégager faute de résister. Il replongea contre la clavicule, attendit que Sasuke se tortille une fois de plus pour retrouver cette orientation qui lui avait fait émettre l'inhabituel son rauque et, enfin, lorsqu'il l'entendit geindre, il serra la mâchoire.
Sasuke cria. Se débattit. Naruto profita de son contrôle pour sucer le sang à même les crevasses rouges. Sasuke jeta sa tête en arrière si fort qu'elle heurta le sol dans un bruit mat. Au même moment, une vague de tremblements fébriles possédait le corps blanc, suivie d'une autre, rythmée par les mouvements désordonnés de leurs hanches et les longues plaintes nasillardes de son amant.
Les réactions furent si surprenantes que Naruto lâcha prise. Il sentit les muscles de Sasuke se détendre lentement après la dernière montée d'orgasme, constata qu'il bandait toujours, mais préféra attendre que celui-ci se manifeste verbalement avant de faire le moindre geste. Kurama, en écho à ses papilles satisfaites, roucoulait de plaisir.
Lorsque Sasuke fut calmé, il fixa Naruto un instant, le lac de légende, dans ses yeux, apaisé et couvert de brume.
« Retire-toi. »
Il s'exécuta, trop soufflé par ce dont il venait d'être témoin.
Sasuke profita de sa stupéfaction pour le renverser en arrière et lui arracher le préservatif. Il atterrit sur ses coudes et espéra que le dos de son partenaire n'avait pas été trop violenté par leur fougue. Les morceaux d'obsidienne couvraient toujours le sol et piquaient déjà désagréablement ses bras. Il obtint la réponse lorsque le brun se pencha sur sa verge, encore essoufflé : sous les copeaux d'ombre solide se dévoilaient quelques bleus, de nombreuses rougeurs, et des gouttes de sang commençaient à perler après avoir été compressées contre le roc luisant.
Sasuke lui fit oublier cette vue coupable d'un coup de langue bien placé. Puis il enfourna le sexe bandé et, en moins d'une minute, stimulé par la bouche dextre et les sensations érotiques qui avaient précédé, Naruto éjacula en grimaçant.
Quelque part autour d'eux, la porte expira son tremblement familier. Son coéquipier lui jeta une œillade mutine, comblé par la séance sauvage. Il se releva tranquillement pour lui tendre la main.
Naruto la saisit, se laissant ensuite mener jusqu'à la source où ils sautèrent tous deux, aussi mollement que leur état le leur dictait.
Enfin, lorsqu'ils furent à demi conscients, immergés dans l'eau confortable l'un à côté de l'autre, Sasuke souffla d'un ton complice :
« Ça, c'était un orgasme sec, Naruto. »
Le blond lui donna un coup de coude, l'air de dire qu'il avait compris, merci bien. Et arrête de te foutre de moi, enfoiré.
