« Bon. Cette fois, je réessaie. »

Ils avaient marché encore plusieurs kilomètres avant d'atteindre la dixième porte. Naruto n'en revenait pas de la longueur que représentait ce système de grottes, qui zigzaguait en tous sens, plongeait en ligne droite dans les profondeurs, puis remontait en côte d'un coup, leur faisant croire qu'ils allaient finir par arriver au faîte de la montagne. Restait-il seulement assez de roche pour soutenir la large chaîne au-dessus de leurs têtes ? Était-ce encore un truc magique auquel ils ne pouvaient comprendre goutte ?

La topographie l'avait rendu sourd, en grande partie, aux idées lumineuses du Kyûbi pour dévoiler son amour à Sasuke. C'était n'importe quoi. Naruto savait bien qu'il ferait mieux de se laisser guider par son instinct, mais il ne pouvait s'empêcher de songer que ce même instinct, trop brut, trop direct, risquait de prendre de court son pair. Dans un autre sens, il était aussi à peu près certain, comme le renard le lui avait fait remarquer, qu'il allait finir par faire une boulette et se déclarer à un moment parfaitement inopportun.

Naruto n'envisageait pas spécialement la demande en mariage, bien sûr, et il doutait de pouvoir créer une atmosphère foncièrement romantique en compagnie de Sasuke. Ce n'était pas leur genre, même s'il était conscient de percevoir son ami avec tout l'attirail de l'âme sœur, hypnotisante dans son costume écarlate comme le Sharingan, aux revers et à la chemise onyx comme le lac noir de ses yeux au repos. Sasuke devait être très beau, dans ce genre d'atour, d'ailleurs. Un peu guindé, juste de quoi lui donner envie de lui arracher les pièces de tissu les unes après les autres, tout en se sentant trop intimidé pour oser le toucher.

Sasuke porterait-il un jour des vêtements exprès pour lui ?

Vous êtes pas encore ensemble, gamin. Tu fous la charrue avant les bœufs, là.

Pour la première fois depuis une heure, Naruto accepta de prendre en compte le commentaire démoniaque. En revanche, Sasuke le regardait déjà comme un morceau de viande, suite à sa déclaration, et il décida de remettre toutes ces élucubrations à plus tard. Il avait fini par se résigner : il n'y aurait jamais de bon moment, certainement pas quand une stupide grotte instaurait entre eux tant de tension sexuelle, d'avidité et d'obligations.

Il n'eut pas le temps de réfléchir davantage : alors qu'il s'était adossé à la porte pour enlever ses chaussures, une paume se plaqua contre le support, à quelques centimètres de sa tête. Quand il leva les yeux, Sasuke paraissait grand. Déterminé. Une autre main glissa contre sa taille nue, caressant ses côtes, ses reins, puis saisissant sa hanche. Il vit le regard du brun sur lui, son envie manifeste de le dévorer à son tour. Sasuke n'avait pas besoin de démon renard pour avoir l'air surpuissant et sauvagement dangereux.

En guise d'accord, il ouvrit la bouche. Sasuke s'y précipita, imposant à sa langue le rythme qui lui convenait, maîtrisant tout de son corps. Lorsqu'ils se séparèrent, haletants, Naruto ricana :

« T'essaies de jouer au seme ? »

Sasuke lui rendit un petit sourire mesquin, rempli d'assurance. Bien sûr qu'il jouait au seme. Et qu'il y arrivait. Alors, Naruto, parce qu'il s'adaptait facilement et qu'il aimait faire semblant, décida de jouer au uke. Il retint ses lèvres de fondre sur celles de son compagnon, leva les bras au-dessus de sa tête, et attendit sagement que son coéquipier fasse quelque chose de lui.

Sasuke comprit immédiatement et ne se fit pas prier pour entamer un suçon dans la nuque lisse et ferme. Naruto n'avait qu'une seule cicatrice sur le corps : celle de la Vallée de la Fin. Sasuke aurait cru être fier, ravi d'avoir ainsi marqué l'homme envers lequel il éprouvait tant de possessivité. Mais à présent qu'il constatait la séquelle, il relevait une nouvelle laideur dans sa difformité, et il avait honte.

Il écarta le sentiment d'un coup de tête. Ce n'était pas le moment. Plus tard, peut-être. Plus tard, il se morigénerait de n'avoir pas été à la hauteur de l'amour de Naruto. Plus tard, il se demanderait comment il aurait pu faire pour éviter pareil accident. Plus tard, il songerait à s'excuser sans jamais y arriver.

Il avait jeté le matelas sur le sol d'obsidienne pendant que son ami se déshabillait, mais Naruto, perdu dans ses pensées, avait été trop lent pour lui. Qu'à cela ne tienne. Il y avait vu là l'occasion de reprendre un peu de contrôle. Lorsque sa victime se fut laissée faire un moment, gémissant un peu trop, sursautant quand il baissa son pantalon et son boxer, Sasuke le souleva avec brusquerie.

Naruto éclata de rire mais ne se débattit pas. Ils apprécièrent la sensation de stabilité, leurs sexes dressés l'un contre l'autre. Puis, le brun jeta proprement son compagnon sur le matelas. Les deux objets malmenés émirent un « oumph » sonore, et Sasuke s'empressa de les rejoindre pour les écraser de son poids. Naruto l'avait observé tout le long de la manœuvre, et l'Uchiha était déjà gorgé de l'attention que son comparse lui prêtait.

Il l'embrassa férocement, occupant ses mains avec le lubrifiant. Pas besoin de traîner, et la préparation serait sans doute longue… mais intense, il s'en assurerait. Il se permit d'enfoncer un doigt au plus vite. Naruto geignit, mais il n'avait clairement pas mal.

Sasuke plongea dans le ciel d'orage un bref instant. Le mouvement des lèvres roses, le déconcentra. Naruto ondula des fesses.

Clac.

« Aïeuh ! Mais enfin ?! »

Sasuke retint un ricanement.

« Tu es un très mauvais uke, Naruto. Incapable de subir sagement… »

Son compagnon lui tira la langue, et Sasuke ne put s'empêcher de se pencher pour la lui mordre. Ensuite, comme le blond ne semblait pas résigné à rester à sa place, il décida d'enfoncer un deuxième doigt. Celui-ci passa avec difficulté et fit grimacer son amant.

« Ah, tu fais moins le malin, maintenant. »

Naruto avait les dents serrées et ne daigna pas émettre la moindre bravade. Il s'en félicita. Toutefois, il n'était pas certain des limites de son camarade en matière de jeu de rôle, aussi se dit-il qu'il valait mieux être clair.

« Je continue comme ça, mais tu me dis si ça va pas. »

Naruto hocha la tête, adoptant une expression malicieuse qui n'allait pas davantage avec le scénario. Sasuke bougea les doigts, mais son vis-à-vis se contenta d'émettre un nouveau gémissement, comme s'il pouvait apprécier qu'on écartât ainsi ses chairs peu habituées. Les phalanges mates, impatientes, descendirent lentement le long du tronc, dans un geste maladroit qui se voulait lascif. Sasuke pouffa. Naruto aussi.

Ensuite, les appendices se placèrent sur les tétons et commencèrent à les caresser doucement. Sasuke donna une deuxième claque, à l'une des mains, cette fois, et se pencha encore pour se charger lui-même du mamelon dédaigné. La manœuvre sembla réussir mieux que les piètres essais comiques de Naruto : celui-ci vibra légèrement, comme si des centaines de petits nerfs partant de la chair avaient réverbéré l'attaque dans tout le corps de sa victime.

Espérant davantage, il baissa la tête et commença à suçoter la boule brune. Naruto geignit de plus belle, mais comme ses doigts venaient de pénétrer profondément son anus, Sasuke ne fut pas certain de ce qui avait généré le son. Il réitéra des deux côtés, changea de téton, déclencha davantage de frissons et eut l'occasion de glisser un autre membre. Il entendit les dents de son amant crisser, puis sa respiration se couper.

« Expire. »

Sasuke se redressa pour embrasser le front de Naruto, puis sa pommette et son menton. Il retourna lécher un téton, tout doucement, car son coéquipier semblait très loin d'apprécier la douleur de façon générale, puis le délaissa pour entourer la verge de sa bouche. Elle était à peine dressée, mais pareil traitement soutira l'expiration désirée au corps tendu. Pour rester en contact, Sasuke se décala sur le côté. De là, il pouvait en même temps prodiguer au torse quelques bontés de sa main gauche. La droite tâtait les parois internes, cherchant à générer une stimulation supplémentaire.

Alors, Naruto frissonna de nouveau et inspira bruyamment.

« C'est bon ? »

Le blond le regarda d'un air surpris.

« Oui, assez. Pourquoi ? »

Sasuke se sentit presque rassuré.

« Je voulais vérifier si tu simulais ou pas. »

Naruto ouvrit la bouche, mais il ne lui laissa pas le temps de réordonner son cerveau : il engloutit de nouveau la verge et s'appliqua à titiller, autant qu'il le pouvait, la prostate de son compagnon. Il commençait à savoir ce qui plaisait à son amant.

Cinq minutes plus tard, Naruto le suppliait d'arrêter, sans quoi il allait jouir.

« C'est pas mon truc, mais ça fait monter plus vite, c'est marrant. »

Sasuke lui adressa son meilleur sourire arrogant. Devait-il être fier d'avoir réussi cela en si peu de temps ? Ou bien Naruto et sa volonté étaient-ils davantage en cause ? Oh, et puis merde. Il avait bien le droit de s'attribuer ce mérite-là. Il jouait le seme, après tout.

« Retourne-toi. Je veux te prendre par-derrière. »

Naruto piqua un fard que Sasuke apprécia furieusement. Il lui avait bien dit qu'il aimait le dirty talk, non ? C'était pourtant à peine un ordre. Sasuke se rappela une seconde à quel point il pouvait être érotique de distribuer des ordres à Naruto lorsque celui-ci était seme. Il regrettait presque d'avoir accepté d'échanger.

Puis, Naruto s'exécuta, lui présentant d'un air joueur, toujours un peu embarrassé, son fessier rebondi et si musclé. Sasuke jeta ses regrets au milieu des copeaux d'obsidienne. Merde. Quelle vue. Naruto déglutit et pouffa en même temps, laissant deviner à Sasuke qu'il avait compris sa pensée.

« Tu vas me prendre, maintenant, Sasuke ? »

L'interrogation était loin d'être innocente, mais le ton hésitant sonnait suffisamment juste pour qu'il accepte d'y croire. Ce n'était qu'une question rhétorique, de toute façon, aussi ne prit-il pas le temps de répondre. Vite. Une capote. Quelque part. Voilà.

Pour faire bonne mesure, il lança une claque sur la fesse droite de Naruto avant de se placer entre ses cuisses. Le blond glapit, ce qui donna à son pair l'occasion de le maîtriser en saisissant ses hanches.

« Allez, arrête de gigoter. »

Naruto tourna la tête pour le fixer, une moue boudeuse étalée sur ses traits.

« Mais c'est toi qu'est méchant, aussi… »

Les yeux bleus larmoyants firent hésiter Sasuke entre rire et bander davantage. C'était stupide. Il décida de mettre la distraction de Naruto à l'épreuve et lui rendit un sourire carnassier. Sa verge poussa contre l'anneau serré et le blond émit un autre cri choqué. Il en profita pour claquer encore la fesse droite. Sa victime glapit de plus belle, mais il ne lui laissa pas l'opportunité de s'agiter ni de s'éloigner de lui, maintenant sa hanche gauche en place d'une poigne de fer. Le gland passa difficilement. Un hoquet mourut dans la gorge mate. Sasuke donna une autre claque. Naruto, cette fois, s'étranglait sous la surprise. Encore un peu, juste une fois, et il serait suffisamment enfoncé pour faire ce qu'il avait en tête.

Clac.

Voilà. Ça y était.

Le visage de Naruto atterrit dans le matelas. Sasuke entendit distinctement le bruit d'un nez qui renifle et paniqua un bref instant, craignant d'y être allé trop fort.

« T'es gros, putain. C'était pas aussi dur, la dernière fois. Ça t'excite, de jouer les dominants ? »

Oh. Ah bon. Ce n'était que ça. Trop soulagé, Sasuke laissa échapper sa pensée profonde :

« C'est toi qui m'excites, Naruto. »

Il n'y avait pas de raison de mentir. Pas quand Naruto prenait autant sur lui, pas quand son amant était capable de tant d'abnégation.

« Tout ce que tu fais. La façon dont tu t'adaptes à moi, à mes envies, mes… caprices. Je n'apprécie de jouer à ça que parce que c'est avec toi que je le fais. »

Les yeux bleus semblèrent s'embuer davantage. Était-ce une impression, ou le résultat des canaux lacrymogènes encore pleins après la pénétration ?

« Sasuke… »

Il fut terrifié un instant. Naruto avait l'air si désemparé. Si sérieux. Si fragile. Il eut peur de risquer de le briser. Il resta immobile, attendant que le blond termine sa phrase, anxieux qu'il s'agisse d'une question.

« J'aimerais assez qu'on continue à explorer tout ça tous les deux. Après. Souvent. Si tu vois ce que je… peux vouloir dire… »

Oh. Alors Naruto avait lui aussi pensé à cela ? Minute. « Après. Souvent. » S'il voyait ce que… Naruto venait-il de…

« Tu veux dire que tu veux qu'on sorte ensemble ou que tu veux que je passe régulièrement te donner des fessées ? »

C'était Naruto, d'ordinaire, qui ne captait pas tout ou qui faisait l'imbécile. Mais Sasuke avait besoin de se protéger. Au cas où ses espoirs auraient pris le pas sur sa lucidité. Au cas où l'espoir, dans les yeux de Naruto, ne soit falsifié par les larmes de douleur qui tarissaient à peine.

Le jinchûriki se mordit la lèvre, incapable de ne pas trouver la pique à son goût.

« Je me passerais des fessées, OK ? »

Sasuke sentit l'intégralité de son anatomie se détendre, à l'exception de son sexe qui restait dressé, sourd aux déclarations et aux tourments des deux acteurs. Le pénis de Naruto, pour ce qu'il en voyait, semblait avoir signé un accord tacite avec son voisin.

« Dommage, tu avais l'air d'aimer ça. »

Alors, Naruto prit sur lui. Ostensiblement. Et souffla enfin :

« On n'aurait pas besoin de baiser pour se voir. »

Oh, Naruto…

Dans l'expression hésitante, Sasuke devinait déjà la déception.

« Ça me va. »

Il voulait croiser Naruto pour le simple plaisir de plonger dans ces yeux bleus aux nuages si changeants. Il voulait le voir crispé, heureux, en colère, en pleine extase. Il voulait se rappeler qui était son superhéros préféré, manger ses râmen bourrés de tsukemono inadaptés, regarder ce fameux Titanic avec lui s'il le fallait absolument, et faire diversion à la fin pour l'empêcher de pleurer comme l'autre fois – Naruto en avait parlé devant lui avec Sakura, croyant qu'il ne faisait pas attention à ce qu'il disait.

La bouche forma un o de surprise. Il manqua éclater de rire. Naruto le vit.

Alors, les yeux s'embuèrent de nouveau, et Sasuke eut l'impression qu'il y avait autre chose qu'un simple désir d'être ensemble dans la nébuleuse réaction de son pair. Mais il rêvait, bien sûr. Ce que proposait Naruto était déjà trop beau. Peut-être même formulé uniquement dans le feu de l'action.

Plus tard. Plus tard, il saurait si c'était un caprice de l'instant ou une volonté solide. Plus tard, après la grotte. En attendant, il avait bien le droit d'y croire. C'était le genre de conviction qui pouvait le pousser au-delà de ses limites. C'était de ce genre d'énergie dont il avait besoin pour aller au bout, quoi qu'il en soit.

Sasuke dut se forcer à s'arracher au gouffre insondable dans le bleu luisant. Il fallait rester prudent. Ne pas s'épancher ainsi. Trop tôt. Trop beau.

Comme leur excitation n'avait pas baissé, il décida qu'il pouvait reprendre le jeu.

Clac.

Le glapissement scandalisé de Naruto retentit dans la pièce, suivi du petit rire mesquin du brun.

« Enfoiré ! »

Sasuke réitéra le geste une dernière fois, bénéficiant des soubresauts pour s'enfoncer un peu plus, puis se mouvoir légèrement. Naruto se tortillait pour échapper à sa main. Sasuke profita de la position pour se pencher et glisser sa paume le long du ventre, atteignant l'oreille de sa bouche afin d'y siffler :

« Maintenant, si tu bouges encore, je t'attache. »

Naruto vibra, partagé entre le fou rire, le rôle qui vacillait à chaque instant, et le plaisir d'être en train de coucher avec un homme qu'il envisageait à ses côtés.

Sasuke le souleva de son bras et le plaqua contre lui. Ils se retrouvèrent agenouillés tous les deux, et le brun put enfin tordre la tête du blond pour l'embrasser. Il agita ses hanches au même moment.

« Hmph ! »

Le bruit résonna dans la grotte, et Sasuke comprit qu'il avait été sage de stimuler si longtemps les entrailles de son compagnon. Un autre gémissement extatique jaillit entre les lèvres collées aux siennes. Il ajusta sa position, s'appuyant sur la force de ses cuisses pour rester à la bonne hauteur et mouvoir son bassin en de lentes ondulations.

De la paume qui avait relevé son amant, il saisit la hampe dressée dont coulait un peu de liquide préséminal. Il suffit de quelques va-et-vient pour que Naruto recommence à se tortiller, à aller à la rencontre des coups de reins de Sasuke et à agiter les hanches dans le but de sentir son sexe glisser contre la main puissante. Les râles ne semblaient plus simulés, le blond prenait au moins un peu son pied. Toutefois, Sasuke ne sut retenir la menace qui planait déjà dangereusement sur son pair :

« Naruto. »

Son partenaire le fixa d'un air innocent, le cou tordu, sans pour autant cesser de se mouvoir et de haleter.

« Tu sais ce que je t'ai promis si tu bougeais encore ? »

Le bruit de déglutition résonna aussi fort que le premier gémissement de cette session. Naruto ne semblait pas sûr que Sasuke soit sérieux. Comme s'il n'était pas capable de jouer à ce point-là… Ridicule. Bien sûr que Sasuke savait jouer. Et bien sûr qu'il allait mettre sa menace à exécution. Il n'était pas question qu'un Uchiha revienne sur sa parole !

Il se détacha de son amant jusqu'à s'être retiré totalement. Le blond émit un petit cri frustré et lui jeta un regard noir, comme si celui-ci était responsable d'une telle débâcle. C'était de la faute de Naruto. Tout était de la faute de Naruto. Il n'avait qu'à être un bon uke stéréotypé et à se laisser faire tranquillement, au rythme où son seme le souhaitait. Point.

Il se pencha jusqu'à atteindre sa sacoche et en sortit un rouleau de fines cordes qu'il étala ostensiblement sous les yeux de son compagnon. Celui-ci, trop occupé à se masturber dans le but de le provoquer, ne réagit pas immédiatement. Puis il rougit, et Sasuke ne sut retenir un ricanement.

« Je suis censé te punir, Naruto, maintenant. Tu en es conscient, j'espère ? »

Le regard noir était fixé sur la verge lubrifiée et la paume qui persistait à s'agiter comme si de rien n'était. Naruto cessa séance tenante, ouvrit la bouche, la referma comme si elle était trop sèche pour qu'il puisse parler, puis tendit ses poignets comme le ferait un coupable devant une paire de menottes. Sasuke pouffa et susurra :

« Parce que tu crois que te ligoter les mains va suffire à t'empêcher de bouger les reins si je ne veux pas que tu le fasses ? Tu n'as aucun contrôle sur toi-même. Je te connais. »

Naruto baissa les bras, boudeur.

« Ben alors, je fais quoi, moi, du coup ? »

Sasuke se lécha les lèvres et lui adressa un regard de vampire assoiffé.

« Tu subis. »

Puis, armé de la corde, il se jeta sur le blond.

Cinq minutes plus tard, Sasuke se claquait les paumes l'une contre l'autre, satisfait du résultat : il avait forcé Naruto à se remettre à quatre pattes, puis lui avait fait baisser le tronc jusqu'à ce que celui-ci touche le matelas. Ensuite, il avait aligné ses bras avec ses jambes et les avait attachés solidement, couvrant de ses liens toute la longueur des poignets et des chevilles. Les mains de son amant s'agitaient à la recherche d'une quelconque activité, comme si le fait d'être limitées dans leurs mouvements les rendait fébriles.

D'autres cordes, qu'il avait fixées au plafond de la grotte grâce à quelques kunai adroitement lancés, s'enroulaient telles des serpents autour du haut des cuisses épaisses, forçant les fesses à rester dressées.

« Bien. Dis-moi : est-ce que tu peux bouger, maintenant, Naruto ? »

Depuis quelque temps, Sasuke prononçait le prénom avec un accent inédit, une sorte de claquement de langue érotique qui donnait au blond des frissons, comme si l'organe glissait sur son corps en même temps que sur le palais de son propriétaire. Naruto adorait ça, à tel point qu'il mit un moment avant de répondre par une habituelle provocation, bien que la position semblât loin d'être absolument confortable et qu'il grimaçât, le visage enfoncé dans le duvet :

« Non. Je me demande bien où tu as appris à faire ça… »

Sasuke le fixa en haussant un sourcil. Il était debout, plus bandé que jamais, et admirait son œuvre d'un air extrêmement satisfait. Réussir à rendre Naruto immobile était un exploit.

« Le shibari est une technique de nouage ninja qu'on apprend dès la primaire, Naruto… c'est pas ma faute si tu n'as jamais su faire tes nœuds correctement. »

Naruto se rappela la première et dernière fois qu'il avait ligoté son rival : il avait treize ans, et il faisait le con dans le but de séduire Sakura. Se transformer en Sasuke était la pire idée qu'il ait jamais eue, encore plus quand il avait fallu séquestrer le vrai pour faire en sorte qu'ils ne soient pas deux à se promener dans les rues de Konoha. Évidemment, Sasuke s'était libéré en quelques minutes, et cela avait fichu son plan à l'eau. Tout ça parce qu'il ne savait pas faire ses nœuds. Sasuke, lui, savait très bien les faire et n'avait clairement pas perdu la main. Même en y mettant toute sa force, sans chakra, Naruto ne se sentait pas capable de briser ces liens. Son comparse avait dosé la tension en toute connaissance de cause.

Le blond n'était pas certain d'apprécier le fait d'être ainsi à la merci d'autrui, mais il avait l'impression que cela provenait en partie de sa paranoïa de ninja. Il fallait être toujours en mouvement. Toujours en pleine possession de ses moyens. Toujours en position de survivre.

Il savait également que Sasuke, lui, était du genre à ne pas supporter une seule seconde d'être ligoté de la sorte, et cela lui donnait un sentiment de supériorité particulièrement excitant. Et puis, le regard noir sur lui était équivoque, entre fascination et cruauté lubrique. Se trouver dans l'attente de la douce torture que son pair comptait lui faire subir généra des tremblements dans tout son corps.

Sasuke se rapprocha, puis s'agenouilla derrière lui. Naruto ne pouvait plus tourner la tête pour voir ce qu'il se passait dans son dos, et un autre frisson d'appréhension parcourut sa colonne vertébrale.

Clac.

Il ne s'y attendait tellement pas qu'il couina, plus fort qu'il ne l'aurait voulu. Sasuke ricana et caressa les cuisses malmenées par la fibre solide. La peau était gonflée sur les bords, avant d'être camouflée sur cinq tours par le filin. Ensuite, elle réapparaissait, toujours plissée, à la naissance des fesses. Sasuke se positionna en saisissant les poignées d'amour. Il avait suffisamment travaillé l'entrejambe de Naruto pour être certain qu'il pouvait reprendre la pénétration là où ils en étaient quelques minutes plus tôt. Son camarade avait raison : jouer les dominants l'excitait sans doute un peu trop. La prochaine fois, il attacherait encore Naruto, mais ce serait pour le chevaucher sans ménagement.

La prochaine fois… En fait, cette prochaine fois-là serait sûrement ailleurs que dans cette atmosphère trop chaude et trop étriquée. Chez lui ou chez son coéquipier. Peut-être même avec du matériel plus adapté. Peut-être après avoir passé la soirée à se disputer béatement, à se toucher l'air de rien… ou bien à parler de cul, jusqu'au moment où ils auraient si envie l'un de l'autre que toutes leurs inhibitions seraient jetées aux ours. Comme à présent.

Il poussa les plis de l'anus à l'aide de son gland pour prévenir Naruto qu'il allait le pénétrer. Celui-ci inspira puis expira. Sasuke était persuadé qu'il voulait se frotter là où on l'avait claqué, et que la frustration de l'immobilité commençait à le gagner. C'était parfait.

Squish, slap.

La verge était enfoncée et les hanches étaient rentrées dans la chair ferme du fessier.

« Oooooooh ! »

Même dans une situation aussi incertaine, Naruto était capable de simuler pour son propre plaisir. Ou alors…

« Tu aimes tant que ça être attaché ou j'ai touché ta prostate ? »

Naruto se débattit dans ses liens comme pour répondre avec son corps, encore trop surpris, visiblement, pour s'exprimer par la voix. Il émit un gémissement au moment où Sasuke ondulait des hanches.

Sasuke eut une autre idée propre à son nouveau rôle de dominateur et se pencha pour murmurer :

« Ce genre d'exagération me donne envie de te bâillonner en plus, Naruto.

— Parce que tu crois que ça va m'arrêter ? » rétorqua celui-ci du tac au tac.

Sasuke ne se fit pas prier et saisit le premier morceau de tissu qui lui passait sous la main. Enfoncé jusqu'à la garde entre les cuisses de son amant, il eut toutes les difficultés du monde à en faire un chiffon suffisamment solide. Naruto ne l'aida aucunement en tirant la langue à plusieurs reprises, en tentant de lui mordre les doigts et en crachotant, comme s'il était réellement sa victime et qu'il n'avait pas demandé lui-même à être mis à l'épreuve. Sasuke s'en délecta mais, comme le blond était trop bien immobilisé, il eut tôt fait de gagner la rixe. Naruto poussa un soupir, renifla et n'eut d'autre choix que de laisser retomber sa tête contre les draps.

Sasuke put enfin se replacer et prendre conscience qu'il avait limité Naruto dans tous ses faits et gestes. Le shinobi pouvait toujours se tortiller à en faire grincer les cordes, émettre des geignements étouffés, il était totalement à sa merci et il ne pouvait plus participer autant que le lui dictait sa nature. Le brun apprécia la sensation, cette conviction que désormais, tout ce qu'il allait faire à Naruto était dû à lui et à lui seul, pas à l'enthousiasme du blond, apprivoisé par ses propres techniques ninja.

Alors, Sasuke donna un grand coup de reins qui résonna dans la grotte, en écho au gémissement incontrôlable de Naruto. Puis un autre. Puis encore un autre. Plus vite. Plus fort. Naruto était incapable de bouger et ses râles se déformaient, montant dans les aigus avant de redescendre dans les graves, comme si son plaisir n'était fait que de surprise et d'animalité. Sasuke s'échina aussi violemment qu'il le pouvait, oubliant la prostate, ne pensant qu'à la puissance de ces coups qui faisaient frémir tout le corps soumis de Naruto. Une longue plainte jaillit tout à coup des lèvres scellées, rendue saccadée par le va-et vient frénétique, et Sasuke sentit les chairs autour de sa verge se contracter alors que son compagnon jouissait. Il décida de se laisser aller également, d'imposer à son cerveau l'idée qu'il allait lui-même venir afin de déclencher la réaction physique. Son cerveau était prêt, dorloté par la vision de Naruto sous lui, par l'orgasme étonnamment rapide, par la sensation de suprématie que donnait la possibilité de pilonner ainsi sans résistance ce cul si fantasmé ; il acquiesça.

Sasuke éjacula longuement, les mains crispées sur les hanches encore tremblantes, le visage contracté, comme pour se concentrer sur cette sensation unique qui partait de la porte de l'extase et se répercutait dans tous ses nefs.

Il se retira doucement, jeta son préservatif dans leur sac à déchets – plus rempli de ce type de matériau que de restes de nourriture –, et trancha net, à l'aide d'un shuriken,le filin qui empêchait Naruto d'abaisser les reins. Ensuite, il prit soin de dénouer lentement les cordes, commençant par les poignets afin que son ami puisse s'asseoir. Sasuke était persuadé qu'il n'aurait jamais pu poser les fesses sur quoi que ce soit directement après avoir subi des assauts semblables de la part de Naruto, mais les rougeurs, sur les bras mats, étaient déjà en train de disparaître à mesure qu'il les dévoilait.

Alors qu'ils défaisaient chacun une cuisse, Naruto, qui avait également recouvré la parole après avoir arraché le tissu de sa bouche et toussoté, poussa un soupir.

« C'était bizarre, mais c'était intense ! »

Sasuke acquiesça vivement. Il n'était pas sûr de vouloir recommencer fréquemment ce genre de jeu, mais dans le contexte présent, à l'inverse, il n'aurait pas été certain d'être capable de jouir sans une telle nouveauté pour titiller son esprit et le forcer à éjaculer alors que son corps n'était absolument plus prêt à cela.

Ils n'attendirent pas longtemps avant de sauter dans la rivière d'eau chaude. Cette fois, ce fut Naruto qui se mit à ronfler, comme pour récupérer des émotions et de l'énergie qu'il avait fallu pour faire semblant. Sasuke se délecta du bruit, écoutant avec assez d'attention pour percevoir, parmi les mots à moitié mâchés, le timbre rauque du Kyûbi.


Note

Comme souvent, cette scène n'était pas prévue, mais je me suis bien amusée à les faire jouer à ça ! Cette histoire est un bon prétexte pour mettre en scène un grand nombre de « tropes » assez fascinants, du shibari au kabedon. C'est tellement le genre de Sasuke de faire ça que je n'avais d'abord même pas réalisé que j'avais mis ce kabedon ! xD J'espère que ça vous a plu. :)