Note

Je me suis amusé à dire des bêtises dans ce chapitre, parce que j'aime bien dire des bêtises dans les épilogues. Bonne lecture !


Naruto savait que Sasuke n'allait pas tarder à rentrer de mission. C'était l'unique raison pour laquelle, en ce jour de congé bien mérité que, d'ordinaire, il aurait passé sur un terrain d'entraînement puis devant quelques films, il patrouillait sur les toits de Konoha, fébrile.

Cela faisait quelques semaines qu'ils étaient revenus de cette mission improbable où tout avait changé pour eux. Sur le chemin du retour, ils étaient restés vissés l'un à l'autre, couvés par le regard attendri de Sakura. Ils s'étaient faits engueuler parce que le rapport n'était pas assez précis, mais Sasuke, tenant fermement la main de Naruto dans la sienne, avait activé son Sharingan et menacé proprement la vieille dirigeante d'un rhétorique : « Vous êtes sûre que vous voulez les détails ? ». Tsunade avait fixé leurs poings communs avant de remonter sur le visage écrevisse de Naruto. Pour faire bonne mesure, celui-ci avait soufflé : « Je devrais peut-être reprendre la série des Icha Icha, j'ai de la matière pour douze volumes complets, je crois… »

La Hokage comme Sasuke avaient sursauté, surpris. En même temps qu'il s'était découvert des affects trop longtemps boudés, Naruto semblait s'être réconcilié avec cette part de lui qui ne supportait pas de songer à son ancien mentor. Sasuke lui avait donné un coup de coude, mais le blond l'avait senti pouffer. Il avait ricané, s'était gratté la tête d'un air contrit, puis ils s'étaient vus congédiés d'un geste las. Quelqu'un d'autre s'était chargé de livrer le dildo géant à son commanditaire. Elle était perspicace, la vieille : il ne fallait pas laisser Sasuke à moins d'un kilomètre de ce dernier.

Par la suite, ils avaient fait quelques courtes missions ensemble. On voulait sûrement les ménager. Ils avaient exploité cette période de calme en profitant à outrance de leur nouvelle proximité. Ils avaient fait des soirées cinéma – Sasuke s'était découvert une passion pour les films d'arts martiaux et venait de s'inscrire à un cours de wing chun. Naruto ne comptait déjà plus le nombre de fois où ils avaient fait l'amour depuis – contrairement, sans doute, à ses voisins et ceux de Sasuke. Il n'avait pas résisté à déposer le boxer noir sur le paillasson du brun, et celui-ci ruminait encore sa vengeance, c'était certain.

Il en était là de son bilan, somme toute très positif, lorsqu'il fut heurté de plein fouet par une gigantesque masse blanche et duveteuse qui commença à lui lécher le visage. Ce n'était pas la rencontre qu'il attendait, mais il s'esclaffa, ravi, et gratouilla l'énorme Akamaru derrière les deux oreilles. Kiba atterrit près d'eux tandis que le chien et le renard roulaient sur les tuiles comme deux lionceaux en plein jeu. Naruto accepta une défaite, puis se releva, ébouriffé et heureux.

Kiba n'avait pas l'air pressé, bien qu'il semblât passablement fatigué et qu'il sentît la glaise mouillée.

« J'étais en mission avec Gai, Lee et Sasuke… Je te laisse imaginer l'ambiance. »

Le maître-chien se plaignait rarement de ses coéquipiers. Il s'adaptait aussi bien au sérieux d'un Uchiha qu'à la frénésie de la jeunesse du printemps. Cependant, Naruto tiqua.

« Attends… Sasuke était en mission avec Gai et Lee ? »

Son ami ricana.

« Ouais. J'ai essayé de me mettre entre eux, mais… Je crois que les ondes négatives de Sasuke font limite plus mal que ses techniques… »

Il ne put qu'acquiescer. Puis il réalisa pourquoi son amant avait du retard sur le programme qu'il avait envisagé suite à son retour.

« Euh… Mais du coup, il est vénère ? »

Kiba l'observa rougir avec un mélange d'étonnement et de dégoût.

« Grave. Et je sais pas à quoi tu penses, mais à mon avis, c'est pas une bonne idée de s'approcher de lui. Il est parti vers l'ouest, sans doute rôtir un terrain d'entraînement pour se passer les nerfs. »

Sasuke était incapable de supporter Lee plus d'une heure. Naruto se doutait que l'énergie cosmique habitant l'élève comme le maître avait déclenché en lui tout un tas d'envies particulièrement meurtrières. Il déglutit et tenta de se remémorer les sceaux de la rouleauception pour qu'on ne remarque pas son excitation. Peine perdue. Kiba avait un instinct animal revendiqué et, comme tout le reste de Konoha, il était au courant de leur relation – les gens avaient jasé, à cause du tapage nocturne, des insomnies de leurs camarades de mission ou du boxer sur le paillasson.

« OK, mec. Je me doute que Sasuke en mode berserk te fait bander, mais là, quand on parle de vénère, c'est genre il va te faire bouillir vivant à trois mètres. »

Naruto éclata de rire. Dans le son rauque, Kiba entendit l'écho d'un râle monstrueux qui lui faisait toujours dresser les cheveux sur la tête.

« J'aimerais le voir essayer, gamin ! » lança le Kyûbi dans un clignement de pupille fendue.

Naruto reprit immédiatement le contrôle et posa sa main sur l'épaule de son ami, résigné.

« Je te laisse. Je vais aller me faire bouillir vivant. »

Puis il disparut.

« J'ai le droit de trouver ça super chaud ? » interrogea Kiba à l'adresse de son chien.

Akamaru jappa, grogna, puis jappa de nouveau d'un air particulièrement enthousiaste.

« Ouais. Totalement. »

Il y eut un silence, puis quelques couinements plus bas, suivis de babines qu'on léchait.

« Comment ça, tu mettrais bien Kurama dans ta niche ?! C'est dégueulasse, Akamaru ! T'es un chien ! Que tu trippes sur d'autres espèces, passe encore, mais je te signale que j'ai vu ce type sous sa forme humaine ! Et à poil, en plus. Avec Ino. Dans un lieu public ! Si, je suis sûr qu'il y a un antonyme au mot "zoophilie", et non, c'est pas approprié ! Akamaru ! On rentre ! Je veux plus rien savoir de ta sexualité ! »

Kiba s'éclipsa en se demandant s'il ne devait pas songer à boucher ses narines lorsqu'il traversait le village. C'était l'odeur de sexe qui l'avait attiré au-dessus de la ruelle où il avait surpris le couple en pleins ébats. Naruto et Kurama devaient avoir trouvé un moyen de se séparer sans en subir les conséquences. Un recoin de son cerveau espéra ne jamais retomber sur pareille scène, mais un autre était presque curieux de ce qu'il se passait sur ce terrain d'entraînement, à l'ouest de la ville.


Sasuke venait de détruire un énième arbre centenaire à coups de chidori. Lee et Gai étaient des piles électriques. Il avait dû les subir plusieurs jours d'affilée, et le poids qui pesait dans ses entrailles provenait de ce besoin de calme mêlé de sauvagerie qu'il n'avait pu assouvir, trop occupé à se retenir de frapper les sosies ou à supporter leur enthousiasme affligeant. Ce n'était pas qu'il ne les aimait pas, et Kiba avait clairement fait tout son possible pour que la mission se déroule bien, mais les deux énergumènes étaient juste… trop. Trop tout. Trop bruyants. Trop stupides. Trop agités. Trop intenses, mais différemment de lui. Ils passaient leur temps à hurler et à faire des entrées en scène plus caricaturales les unes que les autres. Ils étaient intrusifs, distraits à un point agaçant, incapables de rester en place plus d'une minute. Ils ne perdaient pas une seule occasion de se lancer des défis ridicules qui complexifiaient la mission pour rien. Voire les mettait en danger. Voire retardait leur retour, en réalité – il était forcé de reconnaître que leur puissance monstrueuse les protégeait de leur impétuosité.

Naruto était souvent bruyant, stupide, agité, intense, mais il le laissait respirer, et il était attentif, paisible et raisonnable à sa façon. Il ne parvenait pas à déterminer si c'était la nature profonde de ces personnes qui l'avait autant agacé, ou le manque que ce caractère commun à son coéquipier blond avait généré en lui.

Toujours était-il qu'en cet instant, il était furieux, frustré, et il avait envie de faire cramer tout le monde ninja connu à coups de boules de feu. Il était également contrarié de ne pas avoir su, aussi bien qu'il le faisait avec Naruto, contrôler ses pulsions meurtrières. La mission avait dû être particulièrement pénible pour Kiba, avec qui il avait partagé la tente, à défaut de mieux, ce malgré la peluche blanche qui suivait le jeune homme comme son ombre. Le pauvre chien l'avait évité comme la peste, perturbé par son aura criminelle, et Kiba lui-même aurait sans doute préféré rester loin de sa personne, mais il avait trop de conscience professionnelle pour ne pas tenter d'assurer une cohésion d'équipe. Il avait lui-même fait tout ce qu'il pouvait. Malheureusement, son tempérament colérique n'avait trompé que les deux hermétiques en combinaison verte. Il espérait que ses remerciements masqués avaient touché son camarade canin.

À présent, il avait besoin de frapper des choses. Beaucoup de choses. Le plus de choses possible.

Lorsque Naruto atterrit sur le terrain, Sasuke se figea. L'espace d'un instant, il sentit le soupir de soulagement monter dans sa gorge. Puis celui-ci avorta son ascension, dévoré par la terreur qui le hantait d'être incapable de contrôler son ire. Il était déjà à bout. À présent, il avait aussi peur.

Il cracha :

« Putain, Naruto ! Qu'est-ce que tu fous là ?! »

L'interpellé l'observa, l'air de vérifier son intégrité physique, puis lui adressa un sourire torride qui l'épouvanta d'autant plus : l'innocence de son compagnon était la victime parfaite pour ses poings et son humeur massacrante. Le souffre-douleur tout trouvé. Mais il ne pouvait pas. Il ne voulait pas. Il avait promis. S'ils se mettaient à se battre ici, maintenant, c'était parce qu'il avait envie de tout casser, de se défouler. De faire mal. Pas un simple entraînement. Pas une session de sport et de franche camaraderie.

« Dégage ! » hurla-t-il, pétrifié par sa propre horreur.

Naruto continua à le fixer comme s'il ne l'entendait pas, puis demanda :

« T'es pas blessé, hein ? »

L'inquiétude fut un pied de nez supplémentaire au besoin de destruction du brun.

« Non ! Je suis pas blessé ! Cette mission était merdique et à mourir d'ennui ! Maintenant, disparais ! Je veux pas m'énerver contre toi ! »

Il écrasa un chidori contre un tronc calciné, mais Naruto resta. Sasuke commençait à paniquer. Il avait envie de hurler, de frapper. De tuer. Il aurait souhaité qu'on lui assigne sur-le-champ un de ces mandats d'ANBU dont le but était un massacre. Dans ces moments de perdition, il parvenait à omettre que, comme les autres shinobi, il était un meurtrier. Tout devenait rouge. Tout se brouillait dans un prisme sanglant dont il profitait pour oublier la laideur de ses démons. Son pair ferma les yeux, concentré, comme s'il était prêt à se laisser passer à tabac.

Sasuke serra les dents et le poing. La panique achevait de dévorer les dernières traces de contrôle en lui. Ses crises d'angoisse le poussaient dans ses retranchements, à tel point que son organisme, entraîné à la survie, avait besoin de se défendre contre des agressions extérieures inexistantes.

« Naruto, laisse-moi tenir ma promesse. S'il te plaît », finit-il par supplier, partagé entre le désir de se jeter sur son partenaire pour l'embrasser et la conscience que son corps risquait d'agir différemment.

Soudain, un éclat brûlant jaillit des prunelles cerclées d'azur, et un bleu d'orage aux reflets incandescents s'imposa dans les iris. La pupille se fendit, bientôt auréolée de vermillon menaçant. L'aura diabolique envahit toute l'enveloppe couverte d'orange. Des crocs claquèrent dans une mâchoire puissante, et des griffes tintèrent entre deux doigts crispés.

Le ventre de Sasuke se dénoua d'un coup, puis se renoua d'une autre façon : l'urgence de se défendre face à une sauvagerie inattendue, la précipitation d'un cocktail de fougue, de bestialité et de luxure. Naruto menaçait de le dévorer tout cru. Sa gorge s'assécha, et le blond disparut de son champ de vision perturbé.

Son partenaire le heurta de plein fouet, le plaquant contre un chêne particulièrement résistant. Des copeaux d'écorce volèrent en tous sens. Le bras qui barrait son torse l'écrasa, expulsant le peu d'air que son désarroi l'avait autorisé à accumuler. Pourtant, à l'instant où une bouche avide saisissait ses lèvres comme si elle espérait l'étouffer définitivement, il se rendit compte qu'il respirait de nouveau.

Naruto, contre lui, fit un mouvement suggestif du bassin. Sasuke y répondit par une sorte de réflexe conditionné qu'il avait développé dans cette grotte infernale et réalisa du même coup qu'il bandait. Son vis-à-vis se détacha de lui, essoufflé par la stimulation, le désir et le chakra rouge. Sasuke saliva comme un damné.

« On reste ici, ou tu veux rentrer ? »

Il analysa la situation quelques secondes avant de décréter :

« On reste ici. Tu tiens à ta caution autant que je tiens à la mienne. »

Naruto pouffa tandis que Sasuke entamait quelques sceaux. Un petit genjutsu made in Uchiha ne pourrait pas faire de mal, au cas où quelque inconscient tenterait de s'approcher de leur lieu de fornication.

Naruto consacra ce temps-là à se défaire de sa veste. Sasuke voulut déchirer la résille qui le couvrait en dessous. L'œillade qu'il lui jeta fut si équivoque que le visage poupin vira carmin, sous la masse gluante de même teinte, mais l'embarras passionné n'empêcha pas Naruto de susurrer à son oreille :

« Fort ? »

Pour toute réponse, Sasuke fondit sur lui.

Alors qu'il se défoulait sur son compagnon de la plus délicieuse des façons, il se rappela les formes d'esthète que revêtait leur statue de marbre, désormais si stable, si polie et si parfaitement inébranlable.

Tout irait bien, maintenant. Il avait trouvé dans ce modèle figé un équilibre surprenant. Il n'avait pas usurpé l'affection que Naruto lui portait, et lui-même, certain, depuis ce baiser torride, qu'il n'avait plus besoin de destruction pour guérir, se sentait enfin capable d'aimer.

Au milieu de la confusion, Sasuke eut une pensée incongrue qui avait sans nul doute effleuré l'esprit pervers de l'homme avec qui il comptait partager le reste de son existence : peut-être avait-il été frustré sexuellement sa vie entière ? Quand son compagnon prit son pénis entre ses lèvres avides, il eut une soudaine envie de râmen, gloussa, gémit, puis conclut que c'était sans doute le cas. Naruto ricana autour de lui, et Sasuke se consacra à lui rendre tout son amour.


Note

Ça y est, c'est fini… Merci infiniment à toutes les personnes qui ont lu, commenté, ouvert cette histoire. J'espère qu'on se retrouvera !

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À bientôt !