Salut à tous. Je suis de retour après une très longue absence dans le monde de l'écriture. J'ai décidé de scinder mes deux derniers chapitres en trois pour ne pas les rendre trop longs. J'envisage aussi de poursuivre cette histoire. J'ai déjà commencé à écrire le chapitre 47, et j'ai de nouveau de l'inspiration. En espérant revenir bientôt...
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Chapitre 46 : Le Labyrinthe des miroirs
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Hermione Granger se tenait debout sur la corniche d'un col de haute montagne. Sa baguette magique brandie en avant, ses cheveux flottant au vent, elle semblait défier le monde entier. Dans ses prunelles chocolat ne se lisait rien d'autre qu'une détermination farouche. La jeune femme avait l'échec en horreur. Pour elle, tout ne se résumait plus qu'à une seule chose désormais : vaincre ou mourir. Retrouver Drago ou ne jamais revenir sur sa terre natale. Perché sur son épaule, Braisardente le phénix fixait tout comme elle l'horizon avec intensité. La vue était à couper le souffle : sous leurs yeux se trouvait une chaîne de montagnes majestueuses dont les pics enneigés semblaient tutoyer les cieux. En contrebas se trouvaient des vallons inhabités recouverts d'un manteau de neige. Au beau milieu de ce décor alpin se détachait un mont plus grand et plus impressionnant encore que tous les autres. Sa cime, recouverte de neiges éternelles, formait une pointe presque parfaite, à l'image de celle d'un poignard.
Ce paysage était idyllique, mais Hermione ne s'y trompait pas : sous la neige qui recouvrait les cols escarpés se trouvait sans aucun doute des dizaines de tanières de Grapcornes et de Trolls des montagnes. Ici il n'y avait rien pour des sorciers. Tout n'était qu'hostilité. Elle en avait fait l'amère expérience. Si Hermione en était venu à se retrouver ici, sur cette corniche escarpée, c'était grâce (ou à cause de) à Braisardente. La jeune femme poussa un profond soupir qui trahissait une certaine lassitude, puis elle se détacha du paysage qu'elle contemplait avec fixité. Elle quitta la corniche, puis se fraya un chemin sur un petit sentier de montagne. Au bout d'un certain temps, elle arriva à une anfractuosité entre deux énormes rochers. C'est ici que se trouvait sa tente en toile. Elle pénétra à l'intérieur, le phénix toujours perché sur son épaule. En entrant à l'intérieur de la tente, elle découvrit Severus Rogue occupé à manger des biscuits sucrés. Un mince sourire étira les traits de la jolie brune.
Si le Maître des Potions retrouvait l'appétit, c'était qu'il y avait de l'espoir. Elle avait en effet craint le pire pour lui après son terrible combat en duel contre Cho Chang. Durant des jours, elle avait soigné du mieux qu'elle avait pu la profonde blessure que Rogue avait au niveau du flanc, et qui avait été causée par le poignard tranchant de son ennemie. Avec son flegme légendaire, le Cavalier Noir n'avait pas émis une seule plainte, ni n'avait laissé échapper la moindre exclamation de douleur durant les multiples séances de soins qu'Hermione lui avait prodigué.
La blessure de Rogue n'était pas bénigne, elle était sérieuse, mais néanmoins elle n'était pas mortelle. Aucun organe vital n'avait été touché par le poignard. Toutefois, cette blessure avait nécessité plusieurs jours d'arrêt. Rogue voulait continuer à avancer, mais Hermione l'en avait dissuadé, lui disant que sa blessure risquait de se rouvrir s'il bougeait trop, et qu'il avait dans ce cas-là de fortes chances de mourir d'une infection. Ce n'est qu'au bout de plusieurs jours que tous les deux, guidés par Braisardente, avaient repris leur route vers une destination inconnue. Se diriger vers nulle part, voilà qui vous faisait éprouver de bien étranges sensations. Hermione aurait payé très cher pour pouvoir discerner ce qu'il se passait dans l'esprit de Braisardente, mais malheureusement cela relevait du domaine de l'impossible. Les volontés d'un phénix sont impénétrables.
Hermione et Rogue, toujours montés sur leur balai, avaient donc suivis l'oiseau de feu avec résignation, espérant que celui-ci savait où il les emmenait. Et c'est ainsi que s'écoulèrent les jours brumeux, entrecoupés de haltes plus ou moins longues. Les paysages qu'ils traversaient n'étaient pas seulement constitués de chaînes de montagnes immenses. Plus d'une fois, ils survolèrent des lacs qui s'étendaient à perte de vue, ainsi que des vallons recouverts de sombres forêts. Hermione n'osait imaginer quelles créatures pouvaient bien peupler ces lieux. Aussi, chaque fois qu'elle et Rogue faisaient une halte, la première chose qu'elle faisait, avant même de monter la tente, c'était de délimiter un périmètre de protection avec des charmes de défense. Rogue fit plusieurs fois la remarque à Hermione qu'elle était trop à cran. Mais la vérité, c'est que la jolie brune ne pouvait s'en empêcher. Elle était tendue en permanence, en dépit de la guérison en bonne voie de la blessure de Rogue. L'effrayante rencontre dans les grottes souterraines avec les Trolls et les Grapcornes avait marqué la jeune femme plus qu'elle ne voulait l'admettre. Délimiter un périmètre de sécurité dès qu'elle se posait au sol était pour elle un moyen de se prémunir contre tout effet de surprise.
Pourtant, jamais les deux sorciers ne furent attaqués par quelque créature que ce soit. Dans ces contrées endormies par l'hiver, où le vent et la neige régnaient sans partage, rares étaient sans doute les bêtes à oser s'aventurer en-dehors de leur abri souterrain. En réalité, bien plus que les animaux, c'était le froid qui était un danger permanent. Passer des journées entières à voler sur un balai à plusieurs dizaines de mètres d'altitude, souvent au cœur de la brume, et dormir chaque nuit dans le confort plus que précaire de la tente de toile, voilà qui ne vous tuait peut-être pas d'un seul coup, mais cela affaiblissait grandement votre organisme, le rendant vulnérable aux maladies, qui elles étaient capables de vous achever rapidement.
Cependant, Hermione avait été elle-même surprise par sa propre résilience. Son corps, qu'elle pensait fragile, avait en fait tenu face à la distance et aux conditions climatiques détestables. Mieux encore : elle se sentait plus forte de jour en jour, comme si, en encaissant les coups que lui envoyait le froid, elle absorbait en elle la force des vents et transformait celle-ci en chaleur. Severus Rogue ne pouvait pas en dire autant. Evidemment, sans ses blessures, il y avait fort à parier qu'il aurait surmonté sans souci les épreuves du voyage.
Mais le fait était que, à la fois blessé au visage par les aigles, et au flanc par Cho Chang, il était amputé d'une partie de sa force physique. Hermione devait être un soutien constant pour lui, même si, ne sachant pas manier de balai, elle était obligée de laisser le manche à Rogue. Le Maître des Potions avait dans un premier temps refusé catégoriquement son aide, y compris pour les soins des plaies qu'il avait, mais il avait fini par s'y résigner, n'ayant au bout d'un moment plus la force nécessaire pour le faire lui-même. Finalement, au bout d'un nombre de jours indéterminé, ils avaient établi leur petit campement dans l'anfractuosité entre les deux rochers, sur le versant escarpé de ce col de haute montagne. Et cela faisait très exactement deux jours qu'ils n'avaient plus bougé de cet endroit. Ils avaient voulu repartir pourtant, mais Braisardente était resté de marbre, refusant de reprendre son envol.
- Je peux savoir ce qui vous fait sourire Hermione ? la questionna le Cavalier Noir en haussant un sourcil.
- Le fait de vous voir manger, répondit-elle, imperturbable. C'est bon le sucre qu'il y a dans ces biscuits, ça va vous redonner des forces.
- Ce n'est pas cela qui me guérira et vous le savez très bien.
- Non en effet, c'est moi qui m'y emploie depuis des jours.
- Certes, maugréa Rogue en reposant la boîte de biscuits qu'il tenait à la main, et en s'allongeant de tout son long sur sa couchette. A votre avis Hermione, pourquoi le phénix refuse-t-il de reprendre sa route ?
- Demandez-le-lui, je n'en sais pas plus que vous sur la question.
- Vous m'agacez Hermione. Répondez simplement. Quelles sont vos hypothèses ?
- Je n'en ai aucune.
Rogue toisa son interlocutrice d'un œil sombre, cherchant à déterminer si elle se payait sa tête.
- En fait, j'en ai une à la réflexion…le phénix ne cesse de regarder cette grande montagne que l'on aperçoit parfaitement depuis la corniche où nous nous sommes posés il y a deux jours de cela.
- Je l'avais remarqué aussi lorsque nous nous sommes installés ici. Si c'est ce que je pense…nous sommes très mal barrés Hermione.
- Précisez votre pensée.
Rogue la détailla longuement de ses yeux sombres. Il n'appréciait pas vraiment le ton que la jeune femme employait envers lui, comme s'il avait des comptes à lui rendre. Cette attitude ne lui rappelait que trop celle que Drago Malefoy avait envers lui durant sa dernière année à Poudlard. Cependant, l'ancien professeur des Potions ne se trouvait plus à l'école de sorcellerie. La situation était bien plus critique. Il ne répliqua donc pas, mais se redressa avec difficulté sur sa couchette, puis se leva en faisant une légère grimace. Il sortit hors de la tente, Hermione sur ses talons. En dépit de la douleur qu'il éprouvait toujours au niveau du flanc gauche, il trouva la force de grimper jusqu'à la corniche qui surplombait les alentours. Son regard se fixa instantanément sur la grande montagne qui lui faisait face. Ses yeux perçants scrutèrent l'espace, à la recherche de quelque chose.
- Je peux savoir ce que vous avez en tête ? s'impatienta Hermione en se plaçant à ses côtés.
- Ce n'est pas n'importe quelle montagne, lui répondit Rogue de sa voix rauque. Il s'agit du Silberhorn, le plus haut sommet des Alpes bernoises. A l'intérieur de cette montagne se trouve un Royaume souterrain. Le Royaume de Gorre. Je vous en ait déjà parlé.
- C'est donc ici que Cho Chang voulait se rendre.
- Effectivement. Elle voulait rencontrer Bodegamus, le roi sous la montagne, un être dont personne n'a jamais vu le visage. Regardez bien Hermione…vous voyez cette sorte de ligne horizontale qui scintille dans la brume ? A mi-hauteur entre la base de la montagne et son sommet ? Il s'agit du fameux pont de glace que Kingsley Shacklebolt évoquait dans sa lettre. Le soldat de la Horde Noire qu'il avait réussi à capturer a donc dit vrai.
- Vous semblez bien connaître ce lieu Severus.
- Tout ce que j'en connais provient, comme je vous l'ait déjà dit, des livres sur la magie noire que j'ai par le passé consulté dans la réserve de la bibliothèque de Poudlard. Je pensais que vous aviez lu tous les ouvrages de cette réserve Hermione, Votre méconnaissance de ce sujet m'étonne.
- Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien, répliqua-t-elle avec verve. Je ne connais pas tout. Et puis, pour être franche avec vous, la magie noire est un thème que j'évite d'aborder lorsque j'ai un ouvrage entre les mains.
- Eh bien vous devriez élargir l'horizon de vos lectures. Peu de pages traitent du Royaume de Gorre car l'on en sait finalement bien peu de choses. Très peu sont ceux qui sont ressortis de cet endroit et qui ont pu en témoigner. Mais une chose est certaine Hermione, fit Rogue en détournant son regard du paysage pour la fixer dans les yeux. Si le phénix veut aller à l'intérieur du Silberhorn, dans le Royaume sous la montagne, alors nous sommes très mal barrés. Nous risquons de ne jamais ressortir de cet obscur monde souterrain.
- Dans ce cas, n'y allons pas.
- Vous pensez que c'est aussi simple Hermione ? Vous pensez que le phénix veut aller là-bas simplement par goût du risque et de l'aventure ?
- Non, certainement pas. C'est juste que…je ne me sens pas prête à affronter…
- Cessez de vous morigéner Hermione ! Vous êtes prête à affronter n'importe quoi et n'importe qui. Vous l'avez prouvé. Croyez en vos capacités. Je suis là, à vos côtés. N'ayez pas peur. Le phénix aussi veille sur vous. Il vous protégera.
- Je sais.
Tous deux restèrent sur la corniche sans prononcer un seul mot. Le temps sembla s'étirer à l'infini, tandis que les deux sorciers, du haut du promontoire, observaient le Silberhorn, dont la cime émergeait en plein cœur du brouillard. Hermione jeta un coup d'œil à Rogue. Même salement amoché, le Maître des Potions demeurait impressionnant par son physique. La jeune femme lui arrivait à peine à la hauteur de l'épaule. Il a une carrure de mangemort, songea-t-elle avec un frisson.
- Rentrons nous mettre au chaud à l'intérieur de la tente, décréta Rogue au bout d'un moment.
Elle opina, et tous deux quittèrent la corniche déchiquetée et battue par les vents de l'hiver.
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Durant le reste de la journée, ils restèrent tous deux à l'intérieur de la tente de toile. Les provisions commençaient à manquer, en dépit du fait que les deux sorciers se rationnaient depuis longtemps, ne mangeant plus qu'un seul repas par jour. Pour tromper sa faim, Hermione mâcha un bout de réglisse. Rogue quant à lui se mit à mâchonner un morceau de tabac, de la chique. Epuisé par ses blessures et le long voyage qui l'avait conduit jusqu'ici, le Maître des Potions passa l'essentiel du temps à somnoler, en sachant qu'Hermione assurerait avec fiabilité la garde de leur campement. La jeune femme, tout en restant en alerte en permanence, s'occupa en lisant les quelques livres lui appartenant qu'elle avait emporté depuis le Terrier.
Autrefois impeccablement soignés, ils étaient désormais écornés, les pages étaient salies de tâches, froissées, et même déchirées par endroits. De temps à autre, la jolie brune sortait faire des rondes à l'extérieur, comptant sur Braisardente pour guetter les alentours lorsqu'elle ne le faisait pas. En dépit du fait qu'elle était tendue en permanence, Hermione s'accorda néanmoins quelques instants de repos.
Ce fut lors d'un de ces moments où, allongée aux côtés de Severus Rogue, elle lui jeta plusieurs regards à la dérobée. Au début, cela la gênait de dormir à côté de lui, mais au fil du temps, elle s'y était habituée. Il ne ronflait pas, ce qui était très agréable. En fait, le bruit de sa respiration était à peine audible. Tandis qu'elle était allongée à ses côtés, Hermione se fit la réflexion qu'il ne l'avait jamais regardée avec le moindre désir dans le regard. Il tenait à elle pourtant, cela se voyait dans ses prunelles lorsqu'il plongeait ses yeux dans les siens, même s'il ne l'avait jamais admis ouvertement. Cependant, il ne la convoitait pas.
Hermione se fit alors la réflexion que, si elle connaissait bien le visage du désormais ex-professeur de Potions à Poudlard, elle ignorait tout du visage caché de ce dernier, c'est-à-dire sa vie privée. Avait-il une épouse ? Des enfants ? Sincèrement, Hermione en doutait. Rogue ne portait aucune alliance. Il avait toujours été un loup solitaire, peu sociable et peu doué pédagogiquement face à des élèves. Cela elle s'en était rendue compte dès son premier cours face à lui en Première année. Et pourtant, Hermione ne pouvait s'empêcher, en lui jetant des regards à la dérobée tandis qu'il dormait, de penser qu'il avait aimé quelqu'un dans sa vie. Et elle avait le sentiment profond que c'était justement pour cela qu'il tenait à elle. Elle lui rappelait un être qu'il avait aimé par le passé.
Le lendemain matin, Braisardente montra de vifs signes d'impatience au réveil de Rogue et d'Hermione. Les craintes de ceux-ci se trouvèrent confirmées lorsqu'ils virent l'oiseau de feu pousser de petits cris aigus et leur indiquer avec insistance le Silberhorn qui se dressait au milieu du paysage.
- Doit-on vraiment se fier au phénix ? demanda Hermione.
- Dans la situation où nous sommes, nous n'avons pas le choix, répondit Rogue. Si nous étions restés avec les membres l'expédition, jamais nous ne nous serions ne serait-ce qu'approché de ce lieu. Mais nous sommes deux aujourd'hui. Il y a des chances, si nous sommes discrets, pour que nous puissions pénétrer dans le Royaume sous la montagne.
- C'est bien facile pour vous d'affirmer cela. Au niveau de la discrétion, vous savez y faire. Vous êtes un animagus, rien ne sera plus facile pour vous que de vous transformer en harfang des neiges.
- C'est là que vous vous trompez Hermione, ricana sombrement le Maître des Potions. Croyez-vous sérieusement que, dans l'état dans lequel je suis, je vais prendre ce risque ?
- Peut-être pas, fit-elle avec de la réflexion.
La discussion s'arrêta là. Et Hermione se résigna à suivre la volonté du phénix. Après tout, depuis qu'il lui était apparu dans le jardin de l'Académie de Beauxbâtons le soir du Nouvel An, elle s'était jurée de le suivre partout où il irait. Ce n'était pas maintenant, alors que les choses se compliquaient, qu'elle devait cesser d'avoir confiance en lui. Pourtant, en dépit de cette confiance en l'oiseau de feu, ainsi que du courage qu'elle possédait, la jeune femme demeurait très réticente à l'idée de se retrouver à nouveau loin de la lumière du jour. Et encore, elle aurait été moins tendue si elle savait à quoi s'attendre…mais là elle s'apprêtait à plonger dans la brume, dans les abîmes de nulle part.
Le jour s'était levé depuis un certain temps lorsque les deux sorciers, une fois leurs affaires rangées dans leurs sacs, enfourchèrent l'unique balai qu'ils avaient, puis s'envolèrent dans les airs. Le ciel était voilé par une mer de nuages gris. Le Silberhorn quant à lui était toujours entouré par un brouillard opaque. Visiblement, Braisardente avait fait un repérage des lieux, car il emprunta par la voie des airs un itinéraire précis qui contournait de loin et par le sud l'imposante montagne. Durant son vol, le phénix réduisit plusieurs fois l'altitude à laquelle il se trouvait, et Rogue exécuta la même manœuvre avec son balai. Bien vite, lui et Hermione se rendirent compte d'une chose : le Silberhorn se trouvait bien plus loin d'eux qu'ils ne l'avaient envisagé au départ. Et le détour que leur fit faire le phénix n'aida pas à réduire la distance. Lorsque tomba le crépuscule, le pont de glace qu'ils avaient entraperçu de très loin depuis la corniche apparu cependant à leurs regards. Il se trouvait à moins d'un demi-mile de distance lorsque Braisardente décida de suspendre son vol pour se poser à l'entrée d'une petite grotte, sur le versant escarpé d'une montagne qui faisait directement face au Silberhorn. Le pont de glace reliait les deux montagnes l'une à l'autre.
- Demain matin, avant le lever du jour, nous traverserons ce pont, déclara Rogue tandis qu'Hermione installait la tente de toile pour la nuit. Nous profiterons de l'obscurité et du brouillard pour passer incognito.
- Et que fera-t-on si nous tombons sur un champ de protection constitué par des sortilèges de défense ? Et s'il y a des sentinelles qui gardent le pont ?
- On s'en débarrassera, ricana Rogue avec mépris.
Et c'est ainsi qu'ils allèrent se coucher. Hermione eu bien du mal à trouver le sommeil, mais finalement, vaincue par la fatigue, elle tomba dans les bras de Morphée.
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Lorsque la jeune femme se réveilla, Severus Rogue était déjà sur le pied de guerre. Elle fronça les sourcils. Comment diable parvenait-il à être aussi en forme, en dépit de ses blessures ? Un détail attira son attention : Rogue était occupé à manipuler différentes fioles contenants d'étranges substances.
- Qu'est-ce que vous faites ? maugréa la jeune femme.
- A votre avis ?
- C'est à vous de me le dire, je ne suis pas d'humeur à jouer aux devinettes.
Rogue la foudroya du regard. Au bout d'un long moment, il articula lentement d'une voix sèche :
- A votre avis Hermione, pourquoi je ne hurle pas de douleur lorsque vous soignez mes plaies ? Pourquoi je dors si paisiblement la nuit ? Pourquoi j'arrive à manier sans soucis le manche du balai, sans flancher une seule seconde ? Je suis sous perfusion. Depuis que ces saletés d'aigles m'ont lacéré le visage, j'ingurgite toutes sortes de potions. Somnifères, anti-douleurs, fortifiants, et d'autres encore. Tout cela provient de la réserve que j'avais à Poudlard. J'ai beau avoir quitté cette école, je demeure le Maître des Potions. Elles ne m'ont jamais quitté et ne me quitteront jamais.
- Voilà qui a le mérite d'être franc. Pourquoi ne pas me l'avoir dit plus tôt ?
- Un sorcier tel que moi n'a pas pour habitude de dévoiler ses faiblesses.
Sur ces mots, Severus Rogue sortit de la tente. Hermione le suivit au-dehors, rangea ses affaires, et se plaça à ses côtés. Devant eux, à moins d'un demi-mile, se profilait le pont de glace au cœur de la brume. Celui-ci était nimbé d'une mystérieuse lueur bleuâtre phosphorescente qui le rendait repérable de loin. Dans la pénombre, les deux sorciers s'approchèrent du pont en descendant prudemment un petit sentier de montagne. Braisardente s'était perché sur l'épaule d'Hermione. Parfaitement muet et immobile, l'oiseau de feu fixait le pont de glace avec une grande intensité de ses deux yeux brillants comme des perles noires.
Lorsqu'ils furent descendus le long du sentier sinueux, Rogue et Hermione arrivèrent sur un promontoire rocheux. Et là, à quelques mètres d'eux se profila le pont de glace. Pas une seule sentinelle ne gardait l'entrée du pont. Baguettes brandies, Rogue et Hermione avaient tous leurs sens en alerte. En dépit de l'angoisse qui la taraudait, ce fut la jeune femme qui la première posa un pied sur le pont de glace. Constatant que rien ne l'entravait, elle poursuivit sa marche en avant. Rogue sortit d'une de ses poches une glace à l'ennemi ainsi qu'un capteur de dissimulation. Il consulta les deux objets, mais ceux-ci ne détectèrent rien d'anormal. Les deux sorciers avancèrent donc côte à côte, jetant fréquemment des regards en arrière pour vérifier qu'on ne les suivait pas. Le pont de glace était très large. Quinze hommes auraient pu marcher de front dessus.
Cependant, le pont n'avait aucune rambarde. Il se déroulait, tel un long et large ruban scintillant dans la brume, enjambant un gouffre de ténèbres impénétrables. En dépit du fait qu'ils étaient en plein cœur du brouillard, Rogue et Hermione sentaient bien qu'ils se trouvaient à une hauteur vertigineuse du sol. Mille mètres peut-être, si ce n'était plus encore. Il fallait être très prudent en marchant sur la glace, car celle-ci était rendue glissante par des couches de verglas. Plus d'une fois, Hermione dû se retenir au bras de Rogue lorsqu'elle sentit qu'elle perdait l'équilibre.
Avec son flegme légendaire, celui-ci se laissa agripper sans broncher. Dans sa tête, le Maître des Potions faisait le décompte du nombre de ses pas tandis qu'il avançait sur le pont aux dimensions colossales. Lorsqu'il arriva au nombre de mille pas, il calcula, en sachant qu'une foulée pour un homme de sa taille équivalait à environ 70 centimètres, qu'il avait parcouru 700 mètres sur la glace. Il fit part à Hermione de la distance parcourue, ce qui inquiéta celle-ci. En effet, on ne voyait toujours pas le bout du pont. Celui-ci semblait infini, véritable serpent de glace rectiligne qui traçait son chemin vers nulle part. En dépit de la fermeté de la glace sur laquelle elle marchait, Hermione sentait l'immensité du vide qui se trouvait sous cette couche de glace.
Le mal des montagnes commença à s'emparer d'elle, et pourtant, paradoxalement, une envie irrépressible l'envahie, celle d'aller au bord du pont et d'observer le gouffre pour en déterminer sa profondeur. Sans s'en rendre compte, elle joignit les actes aux pensées. La jeune femme eu un moment d'absence, durant lequel elle cessa sa marche en avant et se dirigea au bord du vide, les yeux dans le vague. Il lui sembla alors entendre des voix. Celles-ci montaient depuis les abîmes insondables comme un courant d'air froid. Les voix criaient, hurlaient, suppliaient, gémissaient, imploraient. Et elle compris alors que c'étaient les voix des morts, les voix de ceux qui avaient eu le malheur de tomber au fond de ce gouffre glacial. Y étaient-ils tombés par accident ? ou alors quelqu'un les y avaient-ils poussés ?
La main ferme de Rogue s'abattit sur le bras droit d'Hermione et la tira brutalement en arrière.
- Par les boules de Salazar ! gronda-t-il en lui jetant un regard empreint d'une inquiétude profonde. Qu'est-ce qui vous prend Hermione ? Vous avez des envies de suicide ?
- Non…c'est juste que j'entends des voix…les voix des morts…
De plus en plus inquiet, Rogue consulta sa glace à l'ennemi, et il vit soudainement une ombre d'une grande netteté dans le miroir sans tain qu'il tenait entre ses doigts. C'est alors qu'au cœur de la brume se fit entendre une voix grave et profonde.
- Vous êtes tout près du but. Si vous voulez poursuivre votre chemin, il faut passer devant moi.
Droit devant Rogue et Hermione se matérialisa alors une silhouette gigantesque, tapie dans le brouillard. Deux yeux d'un blanc luminescent se posèrent sur eux, brillants dans la pénombre comme deux astres dans le firmament. Braisardente accentua la pression de ses serres sur l'épaule d'Hermione, et il fit claquer son bec avec virulence. Visiblement, la créature qui se présentait devant lui ne lui inspirait que de la répulsion. Baguettes brandies, les deux sorciers se figèrent.
- Qui êtes-vous ? aboya Rogue. Montrez votre visage ou je vous abat sur-le-champ !
- Qui je suis ? lui renvoya l'être tapi dans la brume. Devinez-le. J'empreinte au lion mes pattes, ma poitrine et ma queue. A la Harpie féroce mes ailes. Et à la femme mon visage. J'ai ma statue dans un désert d'Egypte. Un monstre de la même apparence que moi a terrifié en Grèce la ville de Thèbes. Mon principal passe-temps est de poser des énigmes. Je suis…
- Le sphinx, répondit Hermione.
- Je suis le sphinx des glaces, précisa la créature de sa voix caverneuse. Et je garde depuis des lustres la porte d'entrée du Royaume de Gorre.
Le sphinx des glaces marqua une pause, le temps de se redresser de toute sa hauteur. Il s'avança vers les deux sorciers figés sur le pont de glace. La créature mesurait cinq mètres de haut, si ce n'était même plus. Pourtant elle se mouvait avec une grâce féline, donnant l'impression de n'être pas plus lourde qu'une plume. Lorsque la créature arriva à quelques mètres des deux sorciers, elle s'allongea de tout son long sur le pont de glace afin de mettre sa tête à leur hauteur. Elle disposa ses pattes de fauve devant elle, et sortit ses griffes immenses, qu'elle fit ensuite cliqueter sur la glace de façon sinistre. Son visage était effectivement celui d'une femme, mais aux proportions démesurées.
Elle possédait une peau de la blancheur de l'albâtre qui luisait doucement dans l'obscurité. Son nez était si droit et si parfait qu'il en semblait étrange. Ses cheveux étaient insérés dans une coiffe traditionnelle des femmes grecques de l'Antiquité. Sa bouche, si elle avait une apparence humaine, révéla en fait en s'ouvrant brièvement que des rangées de crocs tranchants comme des poignards la peuplaient. Quant à ses yeux, ils brillaient comme la lumière de deux réverbères dans une avenue obscure. Leur éclat était insoutenable. Au bout d'un long moment, la créature reprit la parole :
- Je vous annonce désormais ce qu'il va se passer. Je vais vous poser, à tous les deux, trois énigmes différentes. Les règles du jeu sont les suivantes : sachant que vous êtes deux, vous avez le droit de répondre à tour de rôle à chacune des énigmes, mais un seul d'entre vous a aussi le droit de répondre à toutes les énigmes. Je vais vous dire les trois énigmes une par une, et vous aurez un temps de réflexion de sept minutes pour résoudre chacune d'entre elles. Au bout du temps imparti, qu'importe votre réponse, ou votre non-réponse, je passerais immédiatement à l'énigme suivante. Lorsque le temps imparti à la dernière énigme se sera écoulé, vous connaîtrez définitivement votre sort. Les destinées qui s'offriront à vous seront les suivantes : si vous ne résolvez aucune des trois énigmes en ne disant rien, je vous dévorerais vous et votre oiseau de feu. Si vous ne résolvez aucune des trois énigmes en me donnant trois fausses réponses, je vous dévorerais tous les deux, mais le volatile pourra partir sain et sauf. Si vous résolvez uniquement une des trois énigmes, je précipiterais l'un de vous par-dessus le pont, dans le gouffre glacial qui se trouve sous vos pieds. L'autre pourra partir sain et sauf avec le volatile. Si vous résolvez deux des trois énigmes, aucun de vous ne sera tué, mais aucun de vous ne passera non plus. Il vous faudra rebrousser chemin. Enfin, si vous parvenez à résoudre les trois énigmes, je resterais allongé ici et vous laisserait passer sans opposer de résistance. Lorsque vous arriverez devant la porte d'entrée du Royaume de Gorre, au bout du pont de glace, celle-ci s'ouvrira pour vous. Les règles sont-elles claires ? Etes-vous prêts à relever le défi ? Vous pouvez encore rebrousser chemin, il n'est pas trop tard…
- Tout est clair ! nous sommes prêts ! répliquèrent Rogue et Hermione d'une même voix.
- Parfait. Alors sans plus attendre, commençons à jouer au jeu des énigmes. Ecoutez bien. Voici la première énigme : Je dévore toutes les choses. Insectes, reptiles, poissons, oiseaux, mammifères, mais aussi plantes, arbres et fleurs. Je ronge le fer, et je mords l'acier. Je réduits en poudre les pierres les plus dures. Je mets à mort les rois, et je détruits les villes. Pour finir, je rabats même les plus hautes montagnes. Qui suis-je ?
Rogue et Hermione se mirent à réfléchir à toute vitesse. Ils se concertèrent à voix basse, sous les yeux attentifs du sphinx des glaces.
- Cela ne peut pas être la mort, murmura Hermione. La mort n'a de prise que sur les êtres vivants. Or, là nous avons affaire à quelque chose qui influe même sur les objets inanimés. Cela ne peut pas non plus être le vent, puisque, même s'il érode la pierre et même s'il peut tuer des animaux, déraciner des arbres et détruire des villes lorsqu'il se transforme en tornade, il ne dévore pas, il ne ronge pas, il emporte.
- Je ne comprends pas la dernière partie de l'énigme, maugréa Rogue. Qu'est-ce qui peut être assez puissant pour rabattre des montagnes ? Oh je sais ! un séisme ! ou alors une éruption volcanique !
- Non ça ne marche pas, fit Hermione en secouant la tête. Une éruption volcanique ne ronge pas le fer et ne mord pas l'acier. Elle détruit simplement. Le verbe ronger implique une action qui se déroule sur une longue durée. Or, une éruption est rapide en règle générale. La lave ne ronge pas, elle fait fondre. Le séisme ne marche pas non plus, puisqu'il abîme plus qu'il ne dévore. Lui aussi est rapide généralement, donc il ne ronge pas.
Rogue tourna en rond sur le pont, se creusant les méninges pour tenter de faire concorder tous les éléments de l'énigme entre eux. C'est alors que Braisardente s'envola de l'épaule d'Hermione et se mit à tracer des cercles invisibles dans l'air brumeux.
- Regardez Severus ! le phénix veut nous aider à résoudre l'énigme…je crois qu'il a la solution…il trace des cercles…attendez…je crois que je l'ai…quelque chose de cyclique…qui dévore, qui ronge et qui mord…qui renvoi tout ce qui est matière à la poussière…quelque chose de plus puissant que la mort…quelque chose qui tourne dans le sens des aiguilles d'une montre…le temps ! LE TEMPS ! s'exclama la jeune femme.
- Bonne réponse, sourit le sphinx des glaces. Vous avez mis cinq minutes. Je vous laisse deux minutes de repos, puis je vous dirais la deuxième énigme.
Rogue ne put s'empêcher de jeter un regard d'admiration à Hermione. Cette femme est vraiment brillante, pensa-t-il. Braisardente cessa de voler et se posa à nouveau sur l'épaule de la jolie brune. Lui aussi la fixa de ses grands yeux à l'éclat mystérieux comme la lueur des étoiles.
- Voici la deuxième énigme, reprit le sphinx un peu plus tard. Je suis une ville du Sud qui fut jadis la capitale d'un Royaume aujourd'hui disparu. Je suis une petite île bordée d'eaux turquoise qui se trouve dans les mers chaudes par-delà l'Océan. Mais je suis aussi le fruit d'un arbre cultivé depuis la nuit des temps en Orient. Pour finir, je suis une arme mortelle. Qui suis-je ?
Rogue et Hermione se concentrèrent à nouveau, retournant dans leur esprit tous les éléments de l'énigme pour tenter d'en tirer un trait commun.
- Une ville du Sud voilà qui est précis, ironisa Rogue d'un ton amer.
- Des villes qui portent en même temps le nom d'un fruit et d'une arme, il y en a bien peu, rétorqua Hermione. Cela pourrait être Orange, qui est une ville du sud de la France et qui est aussi un fruit cultivé depuis longtemps en Orient. Mais ça ne marche pas car nulle île ne se nomme orange, ni aucune arme.
- Le pin peut-être ? tenta Rogue. Il y a une île qui se trouve dans les mers du Sud dont j'ai déjà entendu parler, et qui se nomme l'île des Pins. Le pin est aussi un arbre, ainsi qu'une bourgade d'après ce que j'en sais.
- Cela ne marche pas non plus, fit Hermione en secouant la tête. L'énigme parle d'une ville qui fut la capitale d'un Royaume, ainsi que du fruit d'un arbre, non de l'arbre lui-même.
- Mur ! s'exclama Rogue. Un mur cela peut être une arme. La mûre est le fruit du mûrier, un arbre que l'on cultive depuis longtemps en Orient. Il y a aussi la ville de Murcie en Espagne, qui est une ville du Sud et la capitale d'un ancien Royaume gouverné par les Maures.
- Presque, mais ce n'est toujours pas bon, soupira Hermione. Il manque l'île.
C'est alors que Braisardente tapota l'épaule d'Hermione pour attirer son attention. Il se mit à faire claquer son bec, puis secoua la tête de gauche à droite.
- Il vous reste une minute, les avertit le sphinx des glaces de sa voix grave.
Le phénix se fit plus pressant. Il désigna avec sa tête les pattes de lion du sphinx, puis refit claquer son bec, avant de secouer négativement la tête.
- Un…rugissement ? tenta de décrypter Hermione. Tu imites le rugissement du lion, c'est bien ça ? Comment peut-on orthographier cela…grr ? Gre ? c'est ça ?!
Le phénix acquiesça. Il refit claquer son bec, puis réaffirma le signe de la négation.
- Severus, la réponse commence par Gre…aidez-moi à chercher…nous y sommes presque.
- Gre…no pour la négation…Greno ? s'interrogea à voix haute le Maître des Potions. Grena…LA GRENADE ! Mais bien sûr ! exulta-t-il.
- Bonne réponse, sourit à nouveau le sphinx des glaces. Vous avez mis six minutes trente.
- La ville de Grenade en Andalousie, jadis capitale du Royaume médiéval de Grenade ; l'île de Grenade dans les Caraïbes ; la grenade, le fruit du grenadier, un arbre cultivé depuis longtemps en Orient ; et la grenade, l'arme mortelle, oui tout y est, affirma Rogue. Le phénix nous a encore bien aidé sur ce coup-là !
Hermione acquiesça. Si la première énigme était d'un niveau relativement simple, la deuxième avait été nettement plus difficile à résoudre.
- A présent, déclara le sphinx au bout d'un court laps de temps, voici la troisième et dernière énigme : Trois Dieux, V, M, et H se nomment Vérité, Mensonge, et Hasard. Vous ne savez pas quel Dieu est qui. Lorsqu'on lui pose une question, Vérité répond toujours la vérité, Mensonge ment toujours, et Hasard répond toujours aléatoirement entre les deux. Votre tâche est de déterminer l'identité des trois Dieux à l'aide de trois questions fermées. Chaque question doit être posée individuellement à un Dieu, mais un Dieu peut être interrogé plusieurs fois. Autre chose : les Dieux comprennent parfaitement votre langue, mais ne vous répondront que par deux mots, GRA ou MA, qui signifient oui ou non dans leur langue. Vous ne savez cependant pas quel mot signifie quoi. Alors, quelle est l'identité des Trois Dieux ?
Rogue et Hermione se jetèrent un regard anxieux. Comment résoudre cette énigme en seulement sept minutes ? Ils restèrent pensifs durant un moment.
- Une question fermée implique de proposer à la personne que l'on interroge un choix parmi des réponses préétablies, déclara Hermione.
- En effet, confirma Rogue. De plus, ce qui nous gêne pour résoudre l'énigme c'est : le fait qu'un des Dieux réponde toujours au hasard, et aussi le fait que nous ignorons quoi de GRA ou de MA signifie Oui ou Non. Cette énigme repose sur de la logique…
Rogue se mit à tourner en rond en réfléchissant intensément. Hermione quant à elle resta statique et fixa la brume qui l'entourait. Elle ferma les yeux au bout d'un moment, et alors elle s'imagina la scène de l'énigme décrite par le sphinx. Elle occulta tout ce qui faisait partie du monde extérieur à son esprit, pour se concentrer sur cette scène, allant même jusqu'à en oublier son propre corps. Dans la scène qu'elle s'imagina, elle vit les Trois Dieux devant elle. V était à sa gauche, et il avait la tête de Ron Weasley ; M était au centre, et il avait la tête de Drago Malefoy ; H était à sa droite, et il avait la tête de Severus Rogue. Comme V était le Dieu que le sphinx avait énuméré en premier, elle décida de commencer par l'interroger lui. Elle interrogea ensuite M, puis H. N'ayant pas pu déterminer l'identité des trois Dieux, elle rejoua la scène dans son esprit encore, encore et encore. Elle savait que la résolution de l'énigme passait forcément par le fait de trouver la bonne formulation des questions à poser aux Dieux.
L'exercice mental auquel s'était abandonnée Hermione était si complexe et si intense qu'il en devenait épuisant physiquement. La jolie brune dû rouvrir les yeux et se détacher momentanément de ses raisonnements pour ne pas défaillir. Rogue lui jeta un regard inquiet.
- Hermione, ne vous épuisez pas jusqu'au malaise. Si nous ne résolvons pas cette énigme, nous devrons rebrousser chemin, néanmoins aucun de nous ne sera tué. Nous devrons partir d'ici, mais nous trouverons une autre entrée que celle-ci.
- Il n'y en a pas d'autre, j'en suis sûre. Et même s'il y en avait une, je ne m'y engagerais pas, car je suis déjà engagée devant celle-ci. Il est hors de question que j'échoue à résoudre cette énigme, et que j'échoue à passer de l'autre côté de ce pont. Il est hors de question que je perde la partie.
Rogue fut troublé par cette réponse. Une abnégation sans limites se lisait dans les prunelles de la jeune femme, et cela la rendait presque terrifiante. Et puis, de quoi parlait-elle en évoquant une partie à perdre ? faisait-elle allusion au jeu des énigmes où elle et lui affrontaient actuellement le sphinx ? Ou alors plus largement, évoquait-elle sa quête désespérée et acharnée pour retrouver Drago Malefoy ? mystère. Mystérieuse, Lily l'aura été elle aussi jusqu'à la toute fin, et même au-delà, pensa-t-il.
- Il vous reste une minute, déclara soudainement la voix profonde du sphinx des glaces.
Hermione referma les yeux et reprit le fil de ses raisonnements comme si elle n'avait jamais rouvert les paupières. Sa réflexion fut d'une rapidité foudroyante à l'échelle du temps présent, mais dans ses pensées les combinaisons s'agençaient calmement. Au bout d'un moment, les combinaisons s'agencèrent dans une parfaite harmonie, et c'est alors que, à la croisée des chemins entre l'étendue de son imagination et la profondeur de son savoir, jaillit la lumière, qui éclaira son esprit tout entier.
Hermione ouvrit les yeux, et, un léger sourire aux lèvres, elle s'avança devant le sphinx.
- V, M et H sont les Trois Dieux dont je ne connais pas l'identité. Je pars du principe que je vais poser mes trois questions en tant qu'affirmation, en demandant au Dieu interrogé si, dans le cas de cette affirmation, il répond MA, si et seulement si MA = Oui.
Je commence par poser à V la question suivante : « Si je vous demande : M est-il le Dieu qui répond toujours au hasard ? Me répondriez-vous MA (MA = Oui si et seulement si vous êtes Vérité) ? ».
Cette première question me sert à déterminer un des deux Dieux qui n'est pas Hasard afin d'être certaine de ne pas m'adresser à Hasard ensuite.
Si V répond MA, cela sous-entend trois hypothèses : V est Hasard et a répondu Oui au hasard ; V est Vérité et a répondu Oui ; V est Mensonge et a répondu Non en sachant que M est Hasard.
Si V répond GRA, cela sous-entend aussi trois hypothèses : V est Vérité et a répondu Non ; V est Hasard et a répondu Non au hasard ; V est Mensonge et a répondu Oui en sachant que M n'est pas Hasard.
Cette première question m'indique deux choses : une réponse MA signifie que V ou M est Hasard, et qu'il faut donc s'adresser à H. Au contraire, un GRA signifie que M n'est pas Hasard, et qu'il faut donc s'adresser à lui. Si V m'a répondu MA, je pose à H la question suivante : « Si je vous demande : Etes-vous le Dieu qui répond toujours la vérité ? Me répondriez-vous MA ? ».
Si H répond MA, cela veut dire que H est Vérité ; si H répond GRA, cela veut dire que H est Mensonge.
A l'issue de cette question, je sais donc que H est Vérité si H m'a répondu MA, mais je ne sais toujours pas avec certitude qui sont V et M. Ma dernière question se pose donc à H : « Si je vous demande : M est-il le Dieu qui ment toujours ? Me répondriez-vous MA ? ».
Si H répond GRA, cela veut dire que V est Mensonge et que M est Hasard ; si H répond MA, cela veut dire que V est Hasard et que M est Mensonge.
Epuisée par sa longue tirade, Hermione rejeta sa tête en arrière et inspira une grande goulée d'air froid par la bouche. Une fois cela fait, elle fixa les deux yeux lumineux du sphinx des glaces.
- Bonne réponse, répondit pour la troisième fois le sphinx, mais sans sourire cette fois-ci.
Rogue regarda Hermione sans chercher à masquer la fierté qu'il éprouvait envers elle. Lui qui était pourtant un champion quand il s'agissait de résoudre des énigmes ou de répondre à des problèmes de logique, voilà qu'il n'avait pas trouvé la solution, là où elle l'avait non seulement trouvée, mais aussi exposée avec brio. L'élève venait de dépasser le Maître. Une jeune sorcière, qui l'année précédente se trouvait encore sur les bancs de l'école, venait de battre à son propre jeu une créature imbattable, dont les énigmes d'une logique implacable auraient pu rendre fou le plus sensé des Hommes.
- Vous avez résolu les trois énigmes, déclara le sphinx des glaces. Vous pouvez donc pénétrer dans le Royaume de Gorre. Vous m'avez impressionné, ajouta le monstre en fixant Hermione de ses deux yeux lumineux. Personne avant vous n'avait réussi à résoudre l'énigme des Trois Dieux.
- Vous posez toujours les mêmes énigmes ? demanda la jeune femme.
- Non. Cependant, l'énigme des Trois Dieux est ma préférée, et cela car je la considère comme l'énigme la plus difficile de tous les temps. Je la pose donc très souvent, car c'est celle à laquelle personne n'a jamais su répondre, jusqu'à aujourd'hui en tout cas. Vous êtes l'exception qui venez contredire la règle.
- Merci, répondit-elle en passant devant le sphinx.
La jeune femme, Braisardente sur son épaule, Rogue à ses côtés, longea le corps de lion du sphinx impassible, puis passa derrière lui. De l'autre côté, elle vit alors enfin la finitude du pont de glace. En quelques minutes, elle fut devant la porte d'entrée du Royaume de Gorre. Celle-ci était monumentale : taillée dans la pierre de la montagne, elle était si large et si haute que le sphinx aurait pu sans problème passer par l'embrasure. Les deux battants de la porte s'ouvrirent par enchantement devant eux, comme le sphinx des glaces l'avait prédit. De l'autre côté des battants taillés dans le granite, il n'y avait rien ni personne. Sur leurs gardes, Rogue et Hermione pénétrèrent dans le Royaume souterrain avec leurs baguettes brandies.
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La lourde porte se referma dans leur dos, et c'est alors qu'ils se retrouvèrent plongés dans le Pays où l'on n'arrive jamais, dans le Pays de nulle part, dans le Royaume sous la montagne. Rogue et Hermione sentirent aussitôt qu'il y avait dans ce monde souterrain une atmosphère singulière. Une mystérieuse lueur bleuâtre envahissait tout l'espace, et de la brume flottait au niveau du sol.
- Il fait bon ici, vous ne trouvez pas Severus ?
- Oui il fait bon, dit-il d'un air peu surpris. Ce sont des sortilèges très puissants qui parviennent à faire cela. Mais méfiez-vous des apparences Hermione, elles sont souvent trompeuses. Il n'y a rien de chaleureux ici. Cet endroit est infesté par la Magie Noire. Ne touchez à rien de ce que vous voyez.
Les portes d'entrée du Royaume souterrain donnaient sur un hall si vaste que l'on se serait cru au beau milieu d'une cathédrale. Des escaliers de pierre d'une taille cyclopéenne se trouvaient à l'autre bout du hall, en face des portes de granite. Rogue et Hermione arrivèrent prudemment jusqu'en bas des marches, puis montèrent celles-ci en prenant soin de raser les murs pour se faire le plus discrets possibles. Cependant, ils ne croisèrent personne. Rogue lança sur lui et Hermione le sortilège de Désillusion afin qu'ils aient une chance supplémentaire de passer inaperçu.
- On dirait que cet endroit n'a pas été conçu ni par, ni pour les sorciers, commenta Hermione à voix basse. Tout est gigantesque ici. Cela en devient effrayant.
- Cela ne m'étonne guère, répliqua Rogue tout en montant les grandes marches de pierre. L'histoire du Royaume de Gorre se perd dans la nuit des Premiers Âges, de ces Âges qui ont disparu en laissant derrière eux à peine un signe, et nul souvenir.
- A quoi vous référez-vous quand vous parlez des Premiers Âges ? le questionna Hermione.
- Je vous parle du temps où vivaient Merlin, la fée Morgane, le Roi Arthur. C'était il y a environ mille cinq cents ans, bien avant que Poudlard ne soit bâti. En ce temps-là, il n'existait aucune école de sorcellerie, ni rien du monde sorcier tel que nous le connaissons aujourd'hui. Les sorciers n'étaient en aucun cas protégés des attaques de moldus, contrairement à aujourd'hui où le Code du Secret Magique nous offre un cadre dans lequel les sociétés sorcières peuvent s'épanouir en parallèle du monde moldu. De plus, en ce temps-là, le savoir en matière de Magie se transmettait simplement entre les Druides, les prêtres du peuple celte, qui étaient bien connus pour leur goût pour la démesure. Des endroits tels que le Royaume de Gorre ont sans doute été bâtis par eux à cette époque pour leur servir de refuge. D'après la tradition, Merlin était un Druide, le plus puissant de son temps.
Ils arrivèrent tous deux en haut des marches de l'escalier monumental. Sur leur gauche, ils virent un long corridor qui s'enfonçait dans le cœur de la montagne, et ils décidèrent d'emprunter ce chemin. De la brume flottait toujours au niveau du sol, à la hauteur de leurs chevilles. Le corridor n'était pas très large, mais sa voûte se trouvait à une grande hauteur. C'est de la voûte que semblait émaner l'étrange et inquiétante lueur bleuâtre qui leur était apparue dès l'instant où ils avaient posé les pieds dans ce Royaume souterrain lugubre et désert. Cette lueur éclairait parfaitement la voûte, mais bizarrement, au niveau du sol, tout était plongé dans une semi-pénombre perpétuelle. De multiples alcôves se trouvaient le long du corridor, servant à on ne savait quel usage.
- Si Merlin est autant vénéré encore aujourd'hui, poursuivit Rogue, c'est en partie parce qu'il fut l'un des premiers à s'opposer à la tradition ancestrale de la transmission du savoir magique entre les seuls Druides. Merlin avait déjà pensé à la création d'écoles de sorcellerie où tous les enfants possédant des aptitudes pour la Magie, et pas simplement ceux qui étaient destinés à devenir Druides, pourraient aller étudier, et cela bien avant que ne fussent construites les premières écoles. Il fut l'un des tous premiers opposants à l'Ordre Ancien, dans lequel seuls les Druides avaient accès à la Magie, laissant le reste du peuple (et parmi eux, de potentiels sorciers) dans l'ignorance. Et il fut l'un des tous premiers bâtisseurs de l'Ordre Nouveau, c'est-à-dire le monde sorcier dans lequel nous vivons encore aujourd'hui.
- Je connais déjà cela, mais merci de raviver mes souvenirs à ce sujet, répondit Hermione.
- Le contraire m'aurait étonné venant de vous, fit Rogue avec un rictus. Tout à l'heure je vous ai dit que cette époque n'a laissé nuls souvenirs, et à peine des signes. Hermione, vous possédez l'un de ces signes, l'un des rares vestiges de cette époque révolue. Votre médaillon.
La jeune femme cessa de marcher, et fixa l'objet en question, qui était accroché par une chaîne en or autour de son cou. Elle s'apprêtait à réclamer davantage de précisions à Rogue, mais soudain celui-ci s'affaissa, et il dû se retenir à un mur de pierre pour ne pas tomber.
- Severus, que se passe-t-il ? s'inquiéta-t-elle.
Rogue poussa une bordée de jurons à voix basse, et elle compris que sa blessure au niveau du flanc s'était probablement rouverte. La jeune femme repéra une alcôve dans le long corridor, et elle y installa ses affaires, ainsi que celles de Rogue. Elle alla ensuite prêter main forte à son ex-professeur de Potions, le soutenant pour qu'il puisse parcourir debout les quelques mètres qui le séparait de l'alcôve. Il s'allongea sur une rebord en pierre qui se trouvait tout au fond de l'alcôve, dans un coin rempli de ténèbres, sans pour autant cesser de maugréer des jurons dans sa barbe.
- Il faut que je vous examine, déclara Hermione d'un ton catégorique.
- Non, pas tout de suite. Je suis épuisé, j'ai besoin de repos.
- N'est-ce pas excessivement risqué de rester longtemps au même endroit ?
- Pas tant qu'il n'y a pas de menace dans les parages. Prenez ma glace à l'ennemi et mon capteur de dissimulation. Si un ennemi se présente, réveillez-moi.
Bon gré, mal gré, Hermione s'empara des deux objets que Rogue lui tendait dans l'obscurité. La jeune femme n'osa pas allumer sa baguette, de peur de se faire repérer par un ennemi quelconque. Elle resta donc tapie dans la pénombre de l'alcôve, observant de là où elle était le sol du corridor recouvert d'un nuage de brume, et éclairé par cette étrange lueur bleuâtre qui provenait de la voûte. Braisardente s'envola de l'épaule d'Hermione et s'en alla faire le guet dans le corridor, ce qui rassura la jeune femme, qui avait bien plus confiance dans l'oiseau de feu plutôt que dans les objets que Rogue lui avait confiés.
Hermione était elle-même épuisée, notamment à cause de la dernière énigme du sphinx, l'énigme des Trois Dieux, qui lui avait pompé une grande partie de son énergie. Tout en sachant que le phénix surveillait les alentours, elle s'autorisa une longue période de somnolence. Lorsqu'elle se réveilla, rien n'avait changé. Elle n'était entourée que d'une obscurité dense et d'un angoissant silence. Elle n'avait aucune idée du temps qui s'était écoulé depuis qu'elle était entrée dans le Royaume souterrain, mais de toute manière, dans un endroit tel que celui-ci, le temps devenait relatif, comme bien d'autres choses d'ailleurs.
Hermione décida d'allumer brièvement sa baguette pour voir si Rogue dormait toujours. Le Cavalier Noir n'était pas réveillé, mais on ne pouvait pas dire non plus qu'il dormait d'un sommeil profond et paisible. Ses yeux bougeaient sous ses paupières, les traits de son visage étaient crispés, sa peau était devenue livide et était parsemée de perles de sueur. Très inquiète, Hermione toucha le front de Rogue, et constata qu'il était brûlant de fièvre. Son état était bien plus grave qu'elle ne l'avait imaginé, elle qui pensait que le plus dur était passé et que les multiples plaies de Rogue avaient cicatrisé.
Pourtant, en dépit de l'angoisse qui la taraudait, Hermione ne s'abandonna pas à l'abattement. Elle s'empara de sa trousse de secours et, profitant du fait qu'il n'était pas conscient, elle se mit aussitôt à soigner les plaies qui parsemaient le visage et les bras du Maître des Potions. Elle débarrassa Rogue de ses chaussures, de sa cape, de son veston, et de sa chemise, le mettant torse nu pour pouvoir examiner la plaie qu'il avait au niveau du flanc. Effectivement, elle constata que celle-ci s'était rouverte. Hermione commença alors à penser qu'un organe vital avait peut-être été touché par le terrible poignard de Cho Chang. D'après la position de la plaie, elle jugea que s'il y avait un organe de touché, alors il s'agissait sûrement du foie.
Après avoir désinfecté la plaie avec de l'essence de Murlap, Hermione y appliqua des onguents pour la cautériser. La jeune femme ne pouvait pas faire grand-chose de plus, n'ayant que peu de matériel médical à sa disposition. Après avoir cautérisé la plaie, elle éteignit sa baguette et s'appliqua à rafraîchir le font brûlant de Rogue avec un chiffon imbibé de l'eau froide qui se trouvait dans une de ses gourdes.
- Hermione, soupira soudain le Maître des Potions en ouvrant un œil. Hermione, que serais-je devenu sans vous…
- Severus, vous allez vous en sortir. Il faut que vous restiez allongé encore un moment, le temps que la plaie que vous avez au flanc cesse de suinter.
- Il y a quelque chose qu'il faut que je vous offre, déclara Rogue dans l'obscurité de l'alcôve. Prenez-le, ajouta-t-il en lui mettant dans la main un objet de petite taille.
- De quoi s'agit-il ?
- Du déluminateur ayant appartenu à Albus Dumbledore. Je l'ai récupéré après sa mort. On le nomme aussi l'éteignoir. Il absorbe la lumière, la conserve, et la fait rejaillir selon le bon plaisir de son possesseur. Ce sera pour vous une source précieuse de lumière, surtout dans les endroits les plus ténébreux, là où toutes les autres seront éteintes.
Rogue cessa de parler, et Hermione comprit au bout d'un certain temps qu'il s'était rendormi, d'un sommeil un peu plus paisible qu'auparavant néanmoins. La jeune femme tenta, sans succès, de réfréner l'angoisse qui la taraudait avec de plus en plus d'insistance. Elle avait terriblement peur pour Rogue. Il pouvait périr à chaque instant dans cet endroit inhospitalier. Elle-même pouvait mourir également à chaque seconde, mais cela ne l'angoissait pas. Ayant regardé la mort en face plusieurs fois au cours des derniers mois, elle n'en avait plus peur désormais. Elle était d'ailleurs prête à sacrifier sa vie si la nécessité l'imposait.
Hermione passa son temps à tourner et retourner le déluminateur entre ses doigts, apprenant ainsi à s'en servir. Un clic caractéristique se faisait entendre chaque fois qu'elle appuyait sur la molette de l'éteignoir, et alors une vive lueur blanche jaillissait du haut de l'objet en forme de briquet. Un deuxième clic, et la lueur disparaissait de nouveau à l'intérieur du déluminateur. Cet objet était très pratique d'utilisation, et facilement maniable. Elle se demanda pourquoi Rogue ne lui en avait pas parlé plus tôt. En fait, Hermione sentait que Rogue lui cachait encore bien des choses et gardait encore en lui bien des secrets, mais des secrets inavouables, qu'il n'osait pas lui révéler.
Lorsque Severus Rogue se réveilla de nouveau, Hermione était occupée à lire un de ses livres à la lueur du déluminateur. Elle cessa son occupation dès qu'elle le vit se redresser sur le rebord en pierre où il se reposait jusqu'alors.
- Ma fièvre a baissé, déclara-t-il. Je me sens capable de marcher.
Hermione se mordilla la lèvre, hésitant sur la conduite à avoir. Elle savait qu'il était mauvais de marcher pour un homme dans l'état de Rogue, mais au vu de la situation et de l'endroit dans lequel ils se trouvaient tous les deux, que pouvait-elle préconiser ? Ils ne pouvaient pas rester indéfiniment dans cette alcôve, sinon ils risquaient d'être repérés par un des gardiens du Royaume souterrain. Si Rogue lui affirmait qu'il était en état de marcher, alors il fallait qu'ils poursuivent leur route. Lorsqu'ils émergèrent des ténèbres de l'alcôve, ils virent Braisardente descendre en piqué depuis la voûte du corridor. Véritable flèche enflammée dans ce décor nimbé d'une mystérieuse lueur bleuâtre, le phénix semblait plus impatient que jamais. En le revoyant, Hermione su alors pourquoi elle s'était prise d'une telle affection pour cet oiseau merveilleux qui ne ressemblait à nul autre sur cette Terre. Au-delà de la majesté et de l'aura que dégageait le phénix, il y avait chez lui cette faculté singulière à exprimer des émotions et des sentiments sans produire un seul son. Il parvenait à montrer de l'impatience par ses seuls faits et gestes, et il était en cela précieux au-delà de tout dans un lieu aussi sinistre que le Royaume de Gorre où le moindre bruit pouvait vous faire repérer.
- Le phénix ressent la Magie Noire bien plus que nous, déclara Rogue, comme s'il lisait dans les pensées d'Hermione. Elle influe de manière négative sur son caractère et le rend nerveux. Lui, il ressent déjà les effets néfastes de cet obscur Royaume, mais bientôt nous ne tarderons pas non plus à en ressentir les symptômes funestes.
Hermione frissonna devant de telles paroles, et elle regarda Rogue d'un œil anxieux. Il avait une posture très rigide, un visage fermé et un regard où ne se lisait rien d'autre qu'une détermination féroce, ne laissant ainsi rien transparaître de la souffrance qui devait être la sienne.
Les deux sorciers se mirent en marche, suivant le phénix de près dans la semi-pénombre où ils se trouvaient. Bien vite, ils quittèrent le corridor, passant par des tunnels obscurs, sous des arches de pierre, franchissant des galeries et des passerelles souterraines que la lumière du soleil n'avait jamais éclairé et n'illuminerait jamais.
Partout, ne régnait qu'un angoissant silence. Au-delà des ténèbres, au-delà des dimensions monumentales des constructions en pierre, voilà ce qu'il y avait de plus effrayant dans cet endroit : le silence. C'est d'ailleurs à peine s'ils entendaient le son de leurs propres pas, celui-ci étant très atténué par l'étrange brume qui flottait partout au niveau du sol. Dans ce dédale de tunnels, de ponts et d'arcades, Rogue et Hermione se seraient perdus à coup sûr si Braisardente n'avait pas été là pour les guider, leur montrant systématiquement la voie à suivre parmi toutes les autres. D'anciennes runes étaient parfois gravées dans la pierre des murs, et Hermione, qui avait étudié les runes à Poudlard, aurait pu en déchiffrer certaines si elle avait pris le temps de s'arrêter pour faire cela. Les chemins que les deux sorciers et le phénix empruntaient n'étaient pas toujours en ligne droite.
Il arrivait souvent que les venelles souterraines qu'ils franchissaient allaient en montant ou en descendant. Des escaliers qu'ils empruntèrent, aucuns ne furent aussi grands que les tous premiers, dans le grand hall qui faisait face aux portes d'entrée du Royaume souterrain. Cependant, ces escaliers qui reliaient les passerelles et les galeries entre elles étaient tout aussi anciens. Parfois, les marches étaient lézardées ou fendues, et même, pour certaines, recouvertes de tâches sombres qui s'apparentait sûrement à du sang séché depuis des lustres.
En passant devant une arcade de pierre, ils entendirent finalement des bribes de voix, premier signe d'une présence autre que la leur. Ils s'empressèrent de bifurquer à l'opposé de l'arcade, suivant le chemin qu'empruntait Braisardente. En dépit de toute sa volonté, Rogue commença de nouveau à fléchir. Son esprit était animé d'une fougue indomptable, mais son corps ne suivait plus. Quelques minutes après avoir effectué la bifurcation, il repéra une porte de pierre massive à demi fermée, un peu avant un croisement entre trois tunnels vastes et obscurs. D'un Alohomora ! savamment formulé, il l'ouvrit en grand, et la porte révéla une pièce rectangulaire taillée dans le roc. Le phénix rentra dans la salle à contrecœur, et Hermione n'y entra elle-même qu'avec une extrême prudence. Le capteur de dissimulation qu'elle avait à la main se mit à vibrer et à clignoter pour signaler la présence d'artefacts de Magie Noire.
- Ne touchez à rien Hermione ! la mit en garde Rogue en refermant la porte massive en granite avec un nouveau sortilège, puis en la bardant de charmes de protection puissants.
La pièce était plongée dans le noir le plus complet, aussi Hermione enclencha-t-elle la molette du déluminateur pour que celui-ci l'éclaire de sa vive lueur blanche. Dans le halo de lumière, elle vit d'immenses étagères qui croulaient sous les parchemins, les vieux grimoires à la reliure qui puait le moisi, les bocaux remplis de substances infâmes, ainsi que sous une multitude d'artefacts de Magie Noire qui avaient été conçus pour tuer, voler ou punir. Hermione reconnu notamment avec effroi une Main de la Gloire, un collier d'Opale, et d'innombrables fioles de poison.
- Nous sommes dans un laboratoire, affirma Rogue. Sans doute un de mes confrères spécialiste des Potions travaille-t-il ici, au service du Roi qui gouverne ces lieux.
Rogue déposa ses affaires au fond de la pièce, sur une estrade de pierre recouverte d'un vieux tapis miteux qui devait avoir cent ans d'âge. Il s'allongea dessus et poussa un profond soupir de satisfaction. Epuisée, Hermione s'installa près de lui, en contrebas de l'estrade de pierre, à même le sol dallé et froid de cette vaste pièce cafardeuse. Braisardente quant à lui alla se percher en haut d'une étagère, en n'en bougea pas. Tous plongèrent dans un sommeil profond et sans rêves, se permettant enfin de baisser pleinement leur garde grâce aux puissants charmes qui protégeaient la porte massive en granite.
Hermione se réveilla après un long sommeil. Sa bouche était pâteuse, alors elle s'empressa de boire de l'eau à l'une de ses gourdes. Son estomac émit d'impressionnants gargouillis, mais elle ne s'autorisa à grignoter qu'une barre de chocolat, afin de tromper sa faim. Soudain, alors qu'elle terminait de manger, elle entendit des toussotements brusques.
- Severus ? vous allez bien ?
Hermione enclencha le déluminateur, dispersant ainsi les ténèbres opaques qui emplissaient la salle de pierre. Elle vit alors avec stupeur que Rogue crachait du sang dans un mouchoir. En dépit de la lumière blanche de l'éteignoir, elle discerna la pâleur des traits du Maître des Potions.
- Cessez de m'éblouir de la sorte Hermione, articula-t-il entre deux crachats sanguinolents.
- Je ne comprends pas…, murmura la jolie brune en fixant Rogue avec désarroi. J'ai pourtant fait tout ce que j'ai pu pour soigner votre plaie au niveau du flanc…
- Voyons Hermione, vous savez pertinemment que j'aurais dû aller me faire soigner par des médicomages confirmés dans un hospice…vous avez fait tout ce que vous pouviez, et je vous en suit reconnaissant…par pitié la lumière !
Hermione s'excusa, et elle enclencha la molette, faisant absorber la lumière à l'éteignoir. La salle replongea alors de nouveau dans l'obscurité. Les toussotements et les crachats de Rogue continuèrent à un rythme soutenu, puis s'espacèrent, avant de s'interrompre.
- Cho Chang…quelle garce ! qu'elle soit maudite ! gronda la voix rauque de Rogue dans l'obscurité. La lame de son poignard était enduite de quelque chose, j'en suis persuadé maintenant ! Poison ou venin je ne sais pas…à moins que des sorts de Magie Noire n'aient été intégrés à l'intérieur de l'arme…dans tous les cas il y avait quelque chose sur, ou dans le poignard…quelque chose qui est maintenant en train de me ronger !
- Cessez de penser à cela, lui répondit Hermione. Vous êtes en train de vous torturer vous-même, et ce n'est vraiment pas beau à entendre.
Le Maître des Potions émit un ricanement sinistre, ce qui eut le don de ne pas plaire du tout à la jeune femme.
- Au lieu de vous lamenter sur votre sort, expliquez-moi plutôt ce que vous savez à propos de mon médaillon ! Et ne me répondez pas à côté de la plaque ! j'en ai assez de vos secrets, de vos mensonges, de vos tromperies ! tout ce que je vous demande, c'est la vérité ! la vérité, la vérité, et rien d'autre que la vérité !
- C'est donc cela que vous souhaitez savoir par-dessus tout Hermione ? la vérité ? que vous apportera-t-elle ?
- Elle me permettra de résoudre une énigme : la fuite de Drago Malefoy la nuit du bal de fin d'année. Ainsi que l'ignoble lettre qu'il m'a laissé comme unique cadeau d'adieu.
- Je ne vois pas le rapport avec votre médaillon.
- Oh si, vous le voyez parfaitement ! lorsque je me suis battue en duel contre Cormac Mac Laggen, celui-ci m'a révélé qu'il ne m'avait séduite que parce que Lord Voldemort lui avait ordonné de s'emparer de mon médaillon ! et auparavant, durant mon voyage sur la péniche des gitans, la tante de Manzone, une dame âgée du nom de Vieille Rupa, a tout bonnement lu mon avenir dedans ! Ce n'est pas un simple bijou de famille, comme je le croyais il y a encore peu ! il y a quelque chose qui palpite à l'intérieur, une pierre précieuse, un rubis ! Drago savait précisément de quoi il s'agissait, j'en suis persuadée !
Rogue ne lui répondit pas immédiatement. Il laissa planer un long silence, puis il déclara :
- S'il y a bien une chose que vous devez savoir Hermione, c'est que cet artefact est avant tout un bijou de famille. De votre famille.
Dans les tréfonds des ténèbres, le cœur d'Hermione se mit soudain à battre avec force dans sa poitrine à l'idée que la clé de la vérité était en train d'ouvrir la porte d'un savoir qui avait depuis toujours été tenu hors de sa portée.
- Ce médaillon est plus ancien que Poudlard, et plus ancien encore que le Royaume souterrain où nous nous trouvons en ce moment, poursuivit Rogue. Il est le plus ancien vestige qui ait été conservé de l'ère désormais révolue de l'Ordre Ancien. Il est le plus vieil objet magique de cette ère qui ait traversé les Âges jusqu'à aujourd'hui. Pourquoi n'y a-t-il que cet artefact qui y est parvenu ? Eh bien, parce qu'il est le seul à être indestructible, inaltérable, impérissable. Le rubis qui se trouve en son cœur n'en est pas un : il s'agit du sang d'un phénix emprisonné dans une pierre. Cette pierre est la Pierre de Résurrection, qui a pour principale propriété de pouvoir raviver les souvenirs et faire recouvrir la mémoire à ceux ou celles qui l'ont perdue.
D'ordinaire, la Pierre est endormie. Mais, lorsqu'elle est portée par une âme courageuse, alors, elle rougit. Elle devient lumineuse. Les âmes courageuses sont rares. Pour elles seules, la Pierre se réveille.
La Pierre de Résurrection a été conçue par Merlin l'Enchanteur en personne, à partir d'une petite pierre de météore qu'il découvrit sur le lieu où se trouve désormais le village de Godric's Hollow, ainsi qu'à partir de quelques gouttes du sang de son phénix, le père de Fumsec, qui se nommait Flamdor. Merlin a ensuite incrusté la Pierre dans un collier, et c'est ainsi qu'a été conçu le médaillon. Merlin a eu pour épouse la fée Viviane, aussi appelée la Dame du Lac. Tous deux n'eurent qu'un enfant, un fils du nom de Gareth, à qui Merlin confia l'inestimable médaillon lorsqu'il sentit sa fin arriver. Bien des siècles plus tard vint au monde, sur le lieu où Merlin avait trouvé la pierre de météore (ou pierre des étoiles), un descendant de Gareth : Godric Gryffondor. Je vous le dis désormais Hermione : vous êtes, par votre mère, une descendante de Godric Gryffondor, ainsi que de Merlin l'Enchanteur.
Hermione enclencha le déluminateur, éblouissant Rogue avec la lueur de l'objet magique.
- Me révélez-vous la vérité vraie ? s'exclama-t-elle d'une voix forte. Répondez !
Pour toute réponse, Severus Rogue lui montra un flacon déjà entamé qui se trouvait au bord de ses lèvres, et qui contenait du Véritasérum. La jeune femme le vit boire une nouvelle gorgée, vidant ainsi la fiole de moitié. Ainsi eut-elle la preuve ultime de la véracité de ses dires.
- Dites-m 'en plus ! ordonna-t-elle. Je suis une fille de moldus ! comment est-ce possible que je puisse descendre de…Godric Gryffondor.
- La lignée de Gryffondor a prospéré durant longtemps, déclara Rogue. Mais, il y a un peu plus d'un siècle, il ne lui restait plus qu'un descendant : Perceval Dumbledore, le père d'Albus. Hermione, vous êtes l'arrière-petite nièce d'Albus Dumbledore. La petite sœur de ce dernier, Ariana Dumbledore, est votre arrière-grand-mère. Des moldus l'agressèrent alors qu'elle n'était qu'une enfant, et cela lui causa des dommages irréversibles. Plus tard, un homme à l'âme hideuse profita de sa faiblesse et la viola sans remords. Cet homme était Gellert Grindelwald. A cause de ce viol, Ariana Dumbledore tomba enceinte. Elle mourut à l'âge de seize ans après avoir mis au monde une fille, une très belle fille du nom d'Esmeralda. Celle-ci fut élevée par le frère cadet d'Albus, Abelforth Dumbledore. C'était une cracmol. Elle se maria avec un moldu et eu trois filles : L'aînée était votre mère, Charlotte. La seconde se nommait Pétunia. Pour finir, la dernière se nommait Lily. Lily était la seule des trois filles qui possédait des aptitudes pour la Magie. Toutes les trois se sont mariées : Votre mère a pris le nom de Granger ; Pétunia celui de Dursley ; et Lily celui de Potter. Dudley Dursley était votre cousin. Je suis navré qu'il soit mort. Harry Potter est aussi votre cousin, sachez-le.
Les révélations de Rogue étaient toutes plus atroces les unes que les autres pour l'esprit d'Hermione en proie au désarroi le plus profond. Voilà qu'ici, au plus profond des ténèbres, au cœur du Royaume de Gorre, elle venait d'apprendre que sa vie n'avait été jusqu'à présent qu'un vaste mensonge, qu'elle n'avait été qu'une pièce sur un échiquier immense, qu'elle n'était qu'un fruit parmi d'autres sur les branches d'un arbre dont la cime tutoyait les cieux, et dont les racines s'enfonçaient jusqu'au centre de la Terre.
Severus Rogue cessa de parler, attendant une réaction de son auditrice. Mais Hermione était trop abasourdie par ce qu'elle venait d'entendre pour trouver la force de parler. Au bout d'un long silence, Rogue reprit donc la parole.
- La fin de l'Harmonie, ainsi que celle de l'Ordre Ancien, eut lieu peu avant la mort de Merlin. En ce temps lointain, il y a quinze siècles de cela, alors que des envahisseurs étrangers mettaient en péril la paix qui régnait en Grande-Bretagne, il y eut une terrible bataille fratricide, la célèbre bataille de Camlann, durant laquelle le Roi Arthur, le protégé de Merlin, combattit son propre fils, Mordred, qui l'avait trahi et qui convoitait son trône. Arthur et Mordred moururent tous les deux à l'issu du combat, et ainsi s'acheva le règne des Rois sorciers de Grande-Bretagne. Dès lors, alors que leur monde était plongé dans le chaos, les Grands Anciens, à savoir les derniers des Druides, professèrent qu'un jour, l'on verrait s'unir les lignées d'Arthur et de Merlin, et qu'alors leur monde retournerait à l'Harmonie. Voilà comment est née la Prophétie, la seule et l'unique. Elle fut rendue possible car Mordred avait eu un enfant avant de mourir, un fils bâtard du nom de Lohot, qui perpétua la lignée du Roi Arthur, mais qui jamais ne sut qu'il était de sang royal. Aucun des Grands Anciens ne devinèrent non plus son ascendance, mais tous, jusqu'au dernier d'entre eux, gardèrent l'espoir que la lignée du Roi Arthur ne s'était pas éteinte. Or, des siècles après la bataille de Camlann vint au monde un descendant de Lohot : Salazar Serpentard.
Hermione était trop abasourdie pour ajouter quoi que ce soit à la tirade de Rogue. Et pourtant, elle n'était pas au bout de ses surprises, car le Maître des Potions poursuivit :
- La lignée du Roi Arthur a depuis toujours été marquée du sceau de la damnation. Son fils unique, Mordred, était issu d'un adultère avec la fée Morgane, qui était une Magicienne Noire d'une puissance démesurée. Corrompu par sa mère, Mordred devint pire encore qu'elle-même ne l'était. Salazar Serpentard ressemblait à Mordred sur bien des points. Un jour, il découvrit dans une vieille grotte de Carmarthen au Pays de Galles, qui avait abritée l'un des derniers Druides, des documents prouvant que Mordred était son aïeul. Il trouva par la même occasion une trace de la Prophétie des Grands Anciens. L'extrait qu'il trouva, je le connais par cœur. Mot pour mot, il disait ceci : Le dernier enfant de sang royal Naîtra au début du sixième mois. Mais un autre prendra sa place. Son lien avec le dernier des rois Sera ineffaçable. Car l'un ne peut vivre sans l'autre. Tout comme les deux élus Qui gardent depuis toujours le trésor du trône Seront un jour destinés à s'unifier, Pour que la prophétie se réalise, Et que la fusion de deux lignées Puisse permettre un monde de paix.
Cette prophétie annonce la naissance du dernier descendant du Roi Arthur avant le retour à l'Harmonie. Elle annonce qu'il naîtra au début du mois de juin. Salazar Serpentard, qui était né à cette période de l'année, pensait qu'il était l'Elu de la Prophétie. Mais la vérité Hermione, c'est que cette Prophétie annonce la naissance de Drago Malefoy.
Oui, Drago Malefoy est le dernier descendant de Salazar Serpentard, et par conséquent, du Roi Arthur. Et vous, Hermione, vous êtes la dernière descendante de Godric Gryffondor, et par conséquent de Merlin l'Enchanteur. Vous deux, vous êtes les Elus de la Prophétie. Vous êtes les Enfants du Graal.
C'est Albus Dumbledore, qui, sur son lit de mort, à révéler à Drago que vous étiez son Alter Ego. J'étais là. Après la mort du directeur, j'ai brûlé son corps sur un bûcher, comme le veut la tradition de l'Ordre du Phénix. C'est là que Drago m'a déclaré qu'il ne voulait pour rien au monde vous mêler à cette histoire.
Hermione serra le déluminateur dans sa main avec une force incroyable. La rage, la tristesse, le désespoir, la fureur, l'effroi, tout se mélangeait dans l'ensemble de son être parcouru par d'irrépressibles frissons. Elle tenta de fondre en larmes, mais rien ne coula de ses yeux, pas même une seule goutte d'eau salée. Elle s'était tellement endurcie au cours des derniers mois, que désormais elle ne parvenait plus à verser une seule larme.
- Vous ne m'avez rien dit durant tout ce temps…ni vous…ni Dumbledore…ni Drago…
- En ce qui concerne la Prophétie, nul n'a le droit de révéler la vérité aux Elus. Ce sont les Elus qui doivent découvrir la vérité par eux-mêmes. J'ai enfreint une règle sacrée aujourd'hui en vous révélant des choses sur lesquelles j'aurais dû me taire jusqu'à ma mort.
- Ainsi, je suis un des Enfants du Graal. Dites-moi la vérité à son propos.
- La quasi-totalité des Hommes, à la fois dans le monde moldu, et le monde sorcier, pensent qu'il s'agit d'un trésor fabuleux qui se trouverait caché quelque part. Cependant, des trésors l'on en trouve en beaucoup d'endroits. Le Graal est une chose unique. Le Graal est l'œuf d'or d'un phénix. Quelques années après sa naissance, le phénix pond un œuf qui mettra mille ans avant d'éclore. Au bout d'un millénaire d'existence, le vieux phénix s'envole et part pour une destination inconnue de tous, pour y mourir suppose-t-on. Cependant, absolument personne, pas même le plus brillant des sorciers qui s'est penché sur la question, n'est parvenu à percer le mystère qui entoure la fin du phénix. Quoi qu'il en soit, son œuf d'or, le plus précieux trésor au monde, éclot quelques semaines après son départ définitif. Flamdor est le premier phénix que l'on connaisse. Merlin l'Enchanteur le ramena en Grande-Bretagne depuis une lointaine contrée d'Orient, entre la Mer Noire et les montagnes du Caucase, en un Pays qui se nomme la Colchide. Flamdor couvait jalousement un œuf en or, qui contenait un embryon, lequel deviendrait Fumsec. Flamdor accepta que Merlin garde l'œuf chez lui, mais, le jour de la bataille de Camlann, il l'emporta et le cacha en un endroit inconnu de tous. Flamdor savait sans doute que des personnes mal intentionnées, telles la Fée Morgane ou Mordred, qui épiaient Merlin, convoitaient l'œuf. Dès lors, nul n'en entendit plus parler. C'est Salazar Serpentard, qui des siècles plus tard retrouva l'œuf dans la grotte de Carmarthen. S'il put s'emparer de l'œuf, se fut uniquement parce que Flamdor était parti pour son voyage sans retour. Lorsque Poudlard fut fondé, Serpentard cacha l'œuf d'or dans une vaste caverne située sous le Lac Noir. Cette caverne n'était accessible que par la Chambre des Secrets, elle-même reliée aux appartements directoriaux par un grand escalier de pierre qui s'enfonçait jusqu'aux égouts du château. C'est dans cette caverne qu'est né Fumsec, puis que celui-ci a couvé son propre œuf, dont est sorti le nouveau phénix qui se trouve désormais ici avec nous. C'est dans cette caverne sous le Lac Noir qu'est mort Albus Dumbledore quelques jours avant le bal de fin d'année. Avant de mourir, il a confié à Drago la mission d'emporter l'œuf du petit de Fumsec loin de Poudlard, qui n'était plus un havre de paix. Drago aurait dû vous emmener avec lui dans sa quête à la recherche d'un nouvel endroit sûr où cacher le Graal. Albus, et moi aussi, nous étions tous deux favorables à ce qu'à la toute fin de l'année, Drago vous révèle la vérité, puisque lui, en tant qu'Elu, il avait le droit de le faire. Mais Drago n'a pas voulu que les choses se passent ainsi.
A la réflexion, poursuivit Rogue, tout a commencé pour lui au beau milieu du mois de juillet précédant son entrée en septième année. Comme chaque année à cette période, Lord Voldemort avait réuni ses fidèles à Little Hangleton. Drago aurait dû se faire tatouer la Marque des Ténèbres et devenir Mangemort cet été-là, mais il refusa de se rendre à la cérémonie prévue par le Lord Noir. Celui-ci lui envoya donc un ultimatum, lui disant que dans ce cas-là, il n'avait plus le choix : l'été suivant, il devrait devenir un Mangemort, sous peine de mourir. Et cette fois-ci, il n'aurait plus d'excuse, car il aurait terminé ses études. Narcissa Malefoy, sa mère, me fit parvenir, à moi et à Albus Dumbledore, une lettre dans laquelle elle nous expliquait à tous les deux la situation désespérée dans laquelle son fils se trouvait, et qu'il était grand temps désormais de lui révéler qu'il était l'Elu de la Prophétie. C'est ce à quoi moi et Albus nous nous employâmes durant une année entière. Nous lui avons appris beaucoup : affronter ses peurs les plus profondes, se servir de sorts de Magie Noire, mais également regarder en face le passé, aussi ténébreux soit-il, dans la pensine du directeur. Albus avait fait promettre à Drago de ne rien dire à personne, y compris à vous, car des espions de Voldemort se trouvaient partout à Poudlard. Chaque personne que Drago mettrait dans la confidence serait une personne de plus susceptible de le trahir, volontairement ou non. Or, si par malheur Voldemort venait à savoir que c'était Drago, et non pas Harry Potter, qui était l'Elu de la Prophétie, ce n'était pas au mois de juillet suivant que Drago risquait de mourir, c'était sur-le-champ.
- Par tous les Dieux, comment pouvez-vous savoir autant de choses ? balbutia Hermione d'une voix chevrotante.
- J'ai lu bien des ouvrages occultes, qui de mon temps peuplaient encore les recoins de la bibliothèque de Poudlard, avant qu'ils ne soient retirés des rayons. Parfois, l'évidence est tellement visible qu'elle en devient invisible pour qui n'est pas habitué à prendre du recul. Tout ce que l'on croit disparu dans les ténèbres de la nuit des temps se trouve en fait juste à côté de nous. Vous vouliez la vérité Hermione ? Je vous l'ai offerte.
La jeune femme se sentit frémir de tout son être à ces mots, car cela lui rappela de façon atrocement douloureuse les paroles hideuses que Drago lui avait écrites. Frappées au fer blanc dans sa mémoire, elles rejaillirent de plus belle, encore plus cruelles, ces sentences implacables et mortelles.
C'est désolant n'est-ce pas, de voir le voile des illusions se déchirer ? ça fait mal, hein Hermione, de tomber du haut de sa Tour d'Ivoire ? ça fait mal au cœur n'est-ce pas, de découvrir que l'homme que l'on aime est un monstre ? Je t'avais pourtant mise en garde : Je suis un menteur. En fin de compte, tu es comme toutes les femmes : tu ne vois que la beauté.
Les révélations de Rogue affectèrent profondément Hermione, même si celle-ci se refusa à l'admettre. La jeune femme avait l'impression de cauchemarder les yeux ouverts. Pendant que Rogue reprenait des forces en somnolant, elle passa son temps à se morfondre dans la pénombre. Elle se refusa à allumer la moindre lumière durant son vague à l'âme, ne voulant plus voir quoi que ce soit. Elle eut envie de se crever les yeux, de se crever les tympans, de quitter ce monde qui n'était pas fait pour elle, ce monde où le mensonge régnait sans partage et prenait toute la lumière, et où la vérité était reléguée dans les limbes. Au bout d'un moment cependant, Hermione quitta son état d'inertie, et elle se mit à tourner en rond dans le vaste laboratoire construit dans le roc. Dans la lueur projetée par le déluminateur, elle observa à distance les artefacts de Magie Noire qui étaient entreposés ici. Durant sa promenade nocturne, Hermione commença à se rendre compte que Rogue avait dit vrai : Tout dans ce Royaume souterrain, jusqu'à l'air lui-même, était infesté par la Magie Noire. Et la Magie Noire commença à provoquer des symptômes inquiétants chez elle. Hermione sentit tout d'abord que des fourmillements la parcouraient de la tête aux pieds. Puis elle sentit que ses pupilles se dilataient. Enfin, lorsqu'elle sentit un goût de fer sur sa lèvre supérieure, elle s'essuya le nez, et elle découvrit avec effroi que du sang vermeille coulait d'une de ses narines sans aucune raison. Pire encore, elle était devenue une véritable noctambule, errant entre les étagères du laboratoire souterrain comme une âme damnée, ses yeux grands ouverts fixant sans ciller durant des minutes entières les collections glauques qui peuplaient cette salle lugubre.
- Hermione, il nous faut partir d'ici.
La voix grave de Severus Rogue résonna très étrangement aux oreilles de la jeune femme. On aurait dit qu'il se trouvait loin, très loin d'elle, et que sa voix se répercutait en écho. Soudain, elle sentit la poigne du Maître des Potions se refermer sur son poignet, et elle cessa aussitôt de divaguer.
- Hermione, je suis à deux mètres de vous, ne m'entendez-vous donc pas ?
Rogue l'éclairait avec sa baguette, et il semblait perplexe.
- Je vous observe depuis un bout de temps, ajouta-t-il. Qu'est-ce que vous faites à déambuler dans ce laboratoire ? Je vous ai dit de ne toucher à rien !
- Je ne me sens pas très bien Severus. Je ressens les effets néfastes de la Magie Noire.
- Je l'avais déjà compris, soupira-t-il. Bon, allons-nous-en. Vous ne l'avez pas remarqué, mais le phénix est de plus en plus impatient. Il veut que nous continuions à le suivre.
- Vous êtes en état de marcher ? Votre blessure va-t-elle mieux ?
- J'irais mieux quand nous serons sortis de ce Royaume fétide ! Alors bougez-vous votre train Hermione ! Plus nous palabrons et plus nous perdons notre temps !
La jeune femme hocha la tête, puis elle alla ramasser ses affaires. Lorsqu'elle fut prête, Rogue désactiva tous les charmes qui bardaient la porte de la salle, puis ils quittèrent ce lieu où la noirceur était reine. En sortant, ils arrivèrent à un embranchement où se trouvaient trois tunnels vastes et obscurs. Rogue et Hermione auraient hésité longtemps sur la voie à suivre, mais Braisardente s'engouffra sans l'ombre d'un doute dans le tunnel du milieu. Eclairés par la lueur du déluminateur, les deux sorciers lui emboîtèrent le pas. Le tunnel s'étirait à l'infini, tant et si bien qu'Hermione doutât qu'il avait une fin, jusqu'au moment où il déboucha sur une salle aux dimensions colossales. La même lueur mystérieuse que celle qui éclairait le hall d'entrée du Royaume souterrain nimbait la salle de sa froide clarté bleuâtre. Le sol était également là encore nappé d'un voile de brume compacte. Braisardente cessa de voler et se posa sur l'épaule d'Hermione. De ses yeux perçants, il fixa quelque chose sur la gauche, ce qui intrigua fortement la jolie brune. Elle s'avança dans la salle gigantesque, et elle vit alors que le phénix fixait une immense vitrine encastrée dans l'un des murs. Le verre de la vitre luisait doucement, reflétant les rayons bleus qui provenaient du plafond de la salle.
- Ne vous approchez pas Hermione, lui conseilla soudain Rogue. Derrière cette vitrine se cache peut-être des choses qu'il vaudrait mieux que vous ne voyiez jamais.
La jeune sorcière tourna un regard perplexe vers Rogue, puis elle fixa la vitrine de verre. Elle vit alors une forme sombre et immense qui se trouvait de l'autre côté de la vitre. Son sang gela dans ses veines, mais, poussée par une pulsion morbide, elle s'approcha du vitrage. Elle s'arrêta à environ deux mètres de celui-ci, distance suffisante pour pouvoir distinguer ce qui était tapi de l'autre côté de la glace. D'une main tremblante, elle éclaira la vitrine avec le déluminateur, et elle découvrit alors le comble de l'horreur : une Harpie féroce se trouvait dans la vitrine. Si elle avait été vivante, cela aurait été déjà une vision horrifique. Mais là, elle était morte. Oui, la Harpie était morte. Elle était empaillée et exposée derrière cette glace, comme un trophée de chasse. Ses yeux ne lui appartenaient pas. Il s'agissait de deux yeux globuleux, deux yeux de verre qui fixaient Hermione sans la voir. Ce regard vide, fixe et immuable, c'était le regard du néant. La jeune femme poussa un hurlement muet, étant trop terrifiée par la chose qui se tenait devant elle pour pouvoir produire le moindre son. Tout son corps se mit à trembler, jusqu'à ce que Rogue la tire en arrière et détourne la lumière du déluminateur de la vitrine.
- Vous n'écoutez donc jamais lorsque l'on vous met en garde Hermione ? gronda-t-il. Eteignez cette lumière et ne la rallumez pas ! A moins que vous ne préféreriez en voir d'autres ?
Rogue désigna alors d'autres vitrines qui s'étendaient le long des murs de la vaste salle, et qui contenaient d'autres formes sombres et immenses, à peine discernables dans la faible lueur bleuâtre qui émanait de la voûte.
- Oui, je veux les voir, déclara-t-elle après avoir pris une grande inspiration. Je veux regarder l'horreur en face. Je n'ai pas l'intention de traverser cette salle sans avoir contemplé les abominations que les sorciers ont pu commettre. Lorsque je sortirais d'ici, je témoignerais de ce que j'y ai vu. Il n'y a que de cette façon que les choses auront une chance de changer.
Hermione se mit alors à marcher dans cette vaste salle, qui s'apparentait à une galerie d'Histoire Naturelle. Elle dû mobiliser toute sa volonté pour ne pas fléchir, ni se détourner des horreurs qu'elle découvrit dans les nombreuses vitrines qui parsemaient cette galerie. Elle vit d'autres Harpies féroces exposées, parfois représentées avec leurs immenses ailes déployées, parfois avec un animal entre les serres. Hermione n'avait jamais vu de Harpie de toute sa vie. Tout ce qu'elle en connaissait provenait des livres. Mêmes mortes, elles lui apparaissaient donc de façon monstrueuse. Leur corps mesurait trois mètres de haut, et leur envergure dépassait les neuf mètres.
Hermione vit également des Trolls des Montagnes, ainsi que des Grapcornes, des Sombrals, des Abraxans et des Hippogriffes empaillés et exposés dans les vitrines. Mais le pire advint lorsqu'elle arriva dans la seconde partie de la salle. Là, elle vit des têtes de Dragons exposées derrière les glaces, mais également des corps inertes d'Acromentules et de Détraqueurs. Elle vit aussi le cadavre empaillé d'un Sinistros. Le grand chien noir avait deux billes jaunes à la place des yeux. Sa gueule était grande ouverte, et ses pattes munies de griffes étaient tendues en avant, donnant l'illusion qu'il vivait encore. Mais ce n'était qu'une illusion. Tout ici n'était qu'illusion. C'était un monde de mort. Hermione eu ensuite un mouvement de recul lorsqu'elle vit avec effroi dans une vitrine le corps empaillé de Touffu, le chien à trois têtes ayant appartenu à Hagrid. Comment était-il arrivé là ? Sans doute ne le saurait-elle jamais. Touffu était représenté tous crocs dehors, donnant une impression monstrueuse, alors qu'Hermione, qui l'avait connu, savait qu'au fond ce n'était qu'une bête, qui, comme toutes celles exposées ici, ne connaissait pas le bien, ni le mal.
En passant sous une arcade, Hermione découvrit une annexe à la galerie. Celle-ci était très vaste également, mais elle ne contenait pas des animaux. Elle renfermait des corps humanoïdes. Le comble de l'abomination apparu alors à son regard. Des gobelins, des elfes de maisons, des vélanes, des centaures, des loups-garous, et pour finir, des moldus, tous ces êtres étaient exposés dans des vitrines, tels des trophées de chasse ramenés de quelque expédition lointaine. La parenté évidente de ces êtres avec les sorciers ne les avaient pas empêchés d'être empaillés là, comme de simples objets. On ne les avaient pas seulement tués. On les avaient vidés de leurs os, de leurs organes, de leur sang. On leur avait arraché le cœur et les yeux. On leur avait volé leur âme. Hermione contemplait là un crime si grand qu'il dépassait les bornes de l'imagination.
- Allons-nous-en d'ici, déclara Rogue en saisissant le bras d'Hermione. Il n'y a plus rien à faire pour ces pauvres êtres. Certains sont sans doute ici depuis plusieurs siècles.
Hermione l'écouta sans protester, trop affligée par ce qu'elle venait de voir. Braisardente reprit son envol, et il leur indiqua la sortie en franchissant une nouvelle arcade.
- Attendez Severus ! que signifient ces mots ? demanda-t-elle en désignant des lettres gravées dans la pierre de l'arcade qui délimitait la sortie de la galerie d'exposition.
- Il s'agit de mots écrits en gaélique, l'une des dernière langues celtiques encore parlées de nos jours. La phrase qui est inscrite dans la pierre est la suivante : Dhaoine Dochracha Agus Neamhghlan. Ce qui veut dire : Êtres Nuisibles et Impurs.
Rogue et Hermione poursuivirent leur marche, s'enfonçant toujours plus loin dans le Royaume souterrain. S'ils ne croisèrent pas âme qui vivre, ce fut sans doute parce que Braisardente les fit passer consciemment par des endroits déserts. Le phénix percevait des sons que les deux sorciers n'entendaient pas. Il pouvait sentir une présence menaçante bien avant de voir celle-ci de ses yeux. Il anticipait donc sur le danger qui arrivait, en prenant un chemin qu'il savait sûr. Rogue et Hermione suivirent le phénix, passant par bien des endroits, mais sachant également que tout ce qu'ils avaient vus jusqu'à présent ne représentait qu'un petit échantillon de l'étendue réelle du Royaume sous la montagne.
Ils traversèrent des auditoriums vides et glacials, des bibliothèques sombres et feutrées remplies de livres sur les sciences occultes, des salles de stockage où étaient entreposés une multitude d'objets dérobés, des caves où d'immenses tonneaux remplis de vin se tenaient alignés, formant de grandes allées rectilignes. Tous les endroits qu'ils traversèrent étaient éclairés par la même lueur étrange et bleuâtre. Mais ce qu'il y avait de plus marquant, c'est que tout n'était que démesure. Ils en eurent la preuve ultime lorsqu'ils arrivèrent dans une longue galerie, après avoir monté les marches d'un colossal escalier de pierre.
La galerie était bloquée d'accès par d'imposantes grilles en fer forgé, ainsi que par de puissants sortilèges. Mais Rogue, grâce à ses connaissances poussées en matière de charmes de protection, n'eut aucun mal à désactiver ceux-ci, ainsi qu'à forcer l'ouverture des grilles. Il invita Hermione à passer devant lui, tandis que Braisardente pénétrait dans la galerie par la voie des airs. Une fois les grilles franchies, Rogue les referma dans son dos, et remit les charmes de protection en place pour ne laisser aucune trace de son passage.
Au début, Hermione ne distingua pas grand-chose. La galerie s'étirait devant elle en ligne droite, vide de tout mobilier. Mais, en levant les yeux, elle vit dans la semi-pénombre du lieu des formes sombres qui se dressaient le long des murs de pierre. Soudain, la galerie fut éclairée par des flammes bleues jaillies de torches fixées aux murs. Hermione brandit sa baguette par réflexe, mais il n'y avait aucun danger. Elle l'abaissa lorsqu'elle vit ce qu'il y avait dans la galerie. Des statues cyclopéennes de Harpies féroces sculptées dans de la roche noire, lisse et brillante étaient figées sur d'imposant socles de pierre blanche, la contemplant dans toute leur plénitude.
- Impressionnant, n'est-ce pas ? commenta Rogue en se plaçant aux côtés d'Hermione. La Harpie féroce, le plus grand oiseau du monde. Un rapace de trois mètres de haut du bout des serres au sommet de la tête, un poids de cent kilos, neuf mètres d'envergure. Celles-ci ont été sculptées dans de la pierre d'obsidienne, ajouta-t-il en s'approchant de la première statue de la galerie et en la touchant de la pointe de sa baguette.
- Je ne comprends pas, murmura Hermione en observant toutes les statues qui peuplaient la vaste galerie. Pourquoi y a-t-il autant de Harpies sculptées ici ?
- La Harpie est l'emblème du Royaume de Gorre, déclara Rogue. J'ai lu cela quelque part. Pour tous les sorciers qui ont vécu, ou qui vivent encore en ce lieu, les Harpies font l'objet de vénérations. Ce sont des icônes, des idoles.
- Alors, dans ce cas, pourquoi en avoir empaillées et en avoir exposées dans l'autre galerie, celle qui était réservée aux êtres nuisibles et impurs ? il y a une contradiction fondamentale, releva Hermione.
Rogue émit un ricanement sinistre.
- Justement Hermione, les Harpies sont des êtres nuisibles, dans le sens dangereux du terme. Pour nous les sorciers, comme pour une foule d'autres créatures. Les idolâtrer, voilà ce qui relève de la contradiction. On surnomme les Harpies les oiseaux de la mort, ou les anges de la mort, parce qu'elles sont capables de dévorer et d'emporter dans leurs serres à peu près n'importe quoi et n'importe qui. Mais je pense deviner ce qui pousse les sorciers de cet obscur Royaume à les vénérer, et les craindre en même temps : elles sont incontrôlables. Même le Mangemort le plus aguerri qui userait de tous ses maléfices ne pourrait pas contrôler une Harpie plus de quelques heures…avec de la chance.
- Si elles sont si terribles que cela, pourquoi les idolâtrer alors ?
- Je viens de vous le dire. Elles sont incontrôlables. Inaccessibles. Ravageuses. Rien d'étonnant donc à ce que des Mages Noirs en fassent leur emblème. Les Mages Noirs aiment le défi, la compétition. Ils veulent tout contrôler. Sans doute des dizaines d'entre eux ont dû tenter de domestiquer des Harpies, mais sans résultat. Cela n'a dû que renforcer leur idolâtrie, celle-ci confinant à la psychose et au délire. Les Mages Noirs n'adorent qu'une seule chose : semer le chaos, la mort, la désolation. La Harpie est le symbole du chaos et de la destruction. En tuer et en empailler par dizaines était sans doute, pour les Mages Noirs ayant peuplé ce lieu, un moyen de montrer qu'il étaient plus puissants que le chaos lui-même. Mais cela n'est qu'une preuve éclatante de leur échec. Voyez-vous Hermione, nous autres sorciers, nous nous complaisons à nous croire plus haut que toutes les autres créatures. Mais, enlevez-nous nos baguettes, et nous ne sommes plus rien. Les Harpies nous apparaissent comme monstrueuses, mais si nous ne les embêtions pas, elles n'auraient pas à se défendre. Au-delà de ça, elles ne chassent que pour se nourrir. Elles mangent beaucoup, c'est vrai, mais au vu de leur morphologie, cela est compréhensible.
- Je pense tout comme vous Severus, approuva Hermione.
Tous deux marchèrent lentement tout le long de la vaste galerie éclairée par les étranges flammes bleues qui jaillissaient des torches fixées aux murs. Hermione s'imagina alors plusieurs Mages Noirs agenouillés au pied des statues, en train de prier, et de vénérer les idoles en leur déposant des présents. Cette pensée la fit frissonner.
- Severus, avez-vous déjà vu une Harpie vivante ?
- Oui. Et même plusieurs. Mais je ne les ait vu que de loin. C'était il y a longtemps.
Il ne rajouta rien, et Hermione comprit qu'il serait inutile d'insister davantage. Après avoir quitté la galerie, ils trouvèrent une remise sombre, et ils décidèrent de s'établir là pour se reposer. Braisardente alla monter la garde à l'extérieur, tandis que Rogue et Hermione s'allongeaient sur leurs sacs de couchage.
- Severus, pourriez-vous me donner un somnifère ? J'ai bien peur de ne pas arriver à dormir.
- Dites plutôt que vous avez peur de faire des cauchemars, ricana-t-il.
- Les rêves que l'on fait les yeux fermés, aussi angoissants soient-ils, ne sont que des mirages. Les vrais cauchemars, ce sont ceux que l'on fait les yeux ouverts.
Hermione s'empara de la fiole que Rogue lui tendit, puis elle avala le liquide que celle-ci contenait.
Les deux sorciers se remirent en route après un long sommeil, et après avoir brièvement grignoté dans leurs réserves de provisions. Rogue semblait aller mieux, mais Hermione savait que ce n'était qu'une impression. Comme le Maître des Potions le lui avait lui-même si bien dit, il était sous perfusion. Elle se demanda si, au fond, ce n'était pas plutôt l'excès de potions ingurgitées qui était responsable du mauvais état de Rogue, plus encore que ses blessures, ou que la Magie Noire qui infestait le Royaume souterrain. Elle n'osa pas lui dire le fond de sa pensée cependant, ayant peur de le mettre de mauvais poil.
Durant leur marche, les deux sorciers arrivèrent dans une cave qui regorgeait d'aliments et de boissons en tous genres. Rogue, qui se méfiait, empêcha Hermione de toucher à quoi que ce soit. Il fit quelques vérifications sur de la nourriture, et fournit finalement à sa jeune comparse des aliments qu'il jugea parfaitement nets. Il en prit une part pour lui-même, et ainsi poursuivirent-ils leur route, une fois leur stock de provisions enfin remis à un niveau acceptable.
Guidés par Braisardente, les deux sorciers marchèrent interminablement. Ils passèrent par des tunnels, des ponts et des arcades de pierre, franchirent en catimini des forges, des armureries, des ateliers, ainsi que des grottes d'où l'on extrayait des métaux. Au bout d'un moment, Braisardente s'arrêta devant une grande arcade. Rogue s'arrêta également, mais Hermione continua à avancer. C'est alors qu'elle percuta de plein fouet l'arcade.
- Qu'est-ce que c'est que ce délire ? s'insurgea la jeune femme en frottant son front endolori. Pourquoi ne peut-on franchir cette arcade ?
- Ce n'est pas une arcade, répondit Rogue. C'est une porte. Une porte en verre étamé. Autrement dit, c'est une porte-miroir.
Hermione vit alors son propre reflet se dresser devant elle. La stupeur la frappa, car il lui fallut plusieurs secondes pour se reconnaître. Ses cheveux, autrefois châtains, brillants et bouclés, étaient maintenant lisses, rêches, cassants, ternes, et d'un brun tirant sur le noir. Sa peau était pâle comme la nacre, et marbrée par endroits. Ses lèvres étaient mauves, ses joues étaient creuses. Une seule chose n'avait pas changée : l'éclat de ses yeux.
- Prévenez-moi lorsque vous aurez fini de vous admirer, déclara Rogue.
Hermione sursauta brusquement, ayant oublié sa présence.
- Pardonnez-moi. Cela fait si longtemps que je ne me suis plus observée dans une glace…dites-moi, comment peut-on ouvrir cette porte ?
- Bonne question. Regardez ce qu'il y a d'inscrit en haut de la porte. Oh, c'est vrai, vous ne savez pas lire le gaélique, veuillez m'excuser Hermione, fit Rogue avec un léger rictus moqueur. Il est marqué ici : An Seomra an Deich Míle Scátháin. Ce qui veut dire dans notre langue : La Salle aux Dix-Mille Miroirs.
A ces mots, la porte-miroir s'ouvrit par enchantement. Aux regards des deux sorciers se révéla alors une salle d'une majesté sans pareille. Elle était si vaste que l'on n'en voyait pas le plafond, pas plus que les murs, ni le sol, puisqu'absolument tout en ce lieu était tapissé de miroirs. Hermione et Rogue posèrent un pied prudent à l'intérieur de cette salle, mais bien vite, l'un comme l'autre se perdirent dans la contemplation de leurs reflets, qui se perpétuaient à l'infini. De salle il n'y en avait pas ici. C'était une galaxie, un univers, un firmament, dont ils étaient tous deux les étoiles uniques et immortelles.
- Le verre, souffla Rogue dans un murmure. C'est de là que vient le mot Gorre…c'est une altération d'une vieux mot celtique…voirre…qui signifie le verre…le Royaume de Verre…Hermione cette salle…c'est l'île de Verre des récits celtiques…ici furent fabriqués les premiers miroirs du monde…
Braisardente poussa brusquement un cri aigu, fait suffisamment rarissime pour que les deux sorciers se détachent de leur état d'hébétude et de béatitude profond. L'oiseau de feu s'était perché au sommet d'un magnifique miroir aussi haut que le plafond d'une salle de classe, pourvu d'un cadre en or, ainsi que de deux pieds dotés de griffes. Hermione s'approcha de ce miroir, qui étrangement était différent de tous les autres. C'est en lisant l'inscription gravée au sommet du miroir qu'elle compris de quoi il retournait.
- Je ne montre pas ton visage, mais de ton cœur le désir…
- Les Miroirs du Riséd, déclara Rogue de sa voix grave.
Interloquée qu'il emploie le pluriel à destination d'un miroir unique en son genre, Hermione tourna la tête vers lui. D'un mouvement de sa baguette, Rogue lui désigna alors l'autre côté de la salle. Hermione tourna son regard dans cette direction, et elle vit alors que des dizaines de Miroirs du Riséd se trouvaient alignés de part et d'autre, délimitant ainsi une immense allée rectiligne au milieu de laquelle elle se situait.
- Le miroir qui se trouvait à Poudlard n'a jamais été unique en fin de compte, ajouta Rogue. Il a été fabriqué ici, comme tous les autres, dans l'île de Verre. Et je pense même savoir qui est celui qui est venu chercher un Miroir du Riséd ici, et qui l'a ramené à Poudlard : Salazar Serpentard. Il n'aurait eu aucun mal à pénétrer jusqu'ici, lui le Mage Noir passionné par les légendes celtiques.
Hermione l'écouta tout en fermant les yeux, n'osant pas les ouvrir, de peur de regarder ce que le Miroir du Riséd avait à lui montrer. Finalement, ce fut un nouveau cri aigu de Braisardente qui la poussa à ouvrir les paupières. Ce qu'elle vit alors dans le miroir, c'était le désir le plus profond et le plus cher qu'elle possédait au fond de son cœur. Pourtant paradoxalement, voir cela lui provoqua une douleur atroce. Ce qu'elle contemplait, c'était elle, en train de danser dans les bras de Drago Malefoy au bal de fin d'année, dans la splendeur de sa robe fourreau tissée dans du satin duchesse et de la mousseline bleue. La vision était si puissante émotionnellement qu'Hermione cru que son cœur avait explosé dans sa poitrine. Contempler de la sorte le visage d'un homme qu'elle avait si ardemment aimé, et que depuis si longtemps elle n'avait plus revu car il l'avait trahie, voilà qui l'attrista à un degré à peine supportable. Pour la première fois depuis longtemps, Hermione, qui pensait son cœur mort, ressenti vibrer en elle une foule de sentiments et d'émotions refoulées qu'elle n'avait plus éprouvée depuis des lustres. Ses yeux s'embuèrent de larmes, et alors sa vision devint floue. C'est cela qui la fit reprendre contact avec la réalité. D'un geste rageur, elle s'essuya les yeux, refusant les larmes de quitter son corps.
- Ainsi donc, voilà votre plus cher désir, commenta Rogue dans son dos.
- Oui ! et alors ? cela vous pose un problème ? gronda-t-elle sur un ton empreint d'agressivité.
- Pas le moindre.
- Et vous, quel est votre désir le plus cher ? Ouvrez votre cœur à ce miroir Severus.
Hermione se poussa pour lui laisser la place. Rogue hésita légèrement, puis il se plaça à son tour devant le miroir majestueux. Ce que Hermione découvrit alors dans la glace la cloua sur place : Rogue était en train d'embrasser Lily Potter, la mère de Harry. Vêtue d'une robe blanche, celle-ci tenait un bouquet de roses rouges dans une main. De l'autre, elle caressait la joue du Maître des Potions, et lui offrait un tendre baiser. Deux alliances identiques ornaient leurs annulaires.
- Vous avez de la chance Hermione, déclara Severus Rogue d'une voix qu'il voulait unie, mais qui tremblait légèrement. Votre désir peut encore s'accomplir. Drago est encore vivant, quelque part. Le phénix le sait et le sent. Mais moi, l'objet de mon désir est mort. Et nul ne pourra le faire revenir. Lily Evans est partie pour un autre monde que le mien il y a maintenant plus de dix-sept ans. Nul ne peut, ni ne pourra jamais comprendre à quel point elle m'était chère. C'est la seule femme que j'ai aimée. Je l'aime encore. Et je l'aimerais toujours. A jamais.
Hermione vit alors une chose inimaginable pour elle. Les lèvres de Rogue se mirent à trembler, et une unique larme coula le long d'une de ses joues. Celle-ci tomba ensuite, pour finalement s'écraser sur une de ses chaussures.
- Vous ne devriez pas voir ça, se reprit-il en se détournant du miroir comme à regret. Les Miroirs du Riséd n'apportent ni le bonheur ni la connaissance. Ils ne font que nourrir de faux espoirs. Tout ici n'est qu'illusion. Or, l'illusion mène à la démence.
A ces mots, Braisardente s'envola de son perchoir, et il s'empressa de franchir la longue allée rectiligne formée par les Miroirs du Riséd, indiquant ainsi la sortie aux deux sorciers. Sans le phénix, il était certain qu'ils se seraient perdus dans ce labyrinthe gigantesque, que des yeux de simples mortels n'avaient sans doute aucun droit de contempler.
Lorsqu'ils sortirent de la Salle aux Dix-Mille Miroirs, ils arrivèrent dans une crypte souterraine. Celle-ci était spacieuse, mais par rapport à l'immense lieu qu'ils venaient de quitter, elle leur parut minuscule.
Des flambeaux à la lueur rougeoyante illuminaient la crypte, éclairant un grand bassin circulaire qui se trouvait en son centre. Rogue et Hermione passèrent entre des colonnes qui soutenaient le plafond de la crypte, puis longèrent le bassin sans y prêter beaucoup d'attention. Lorsqu'ils arrivèrent à l'autre bout de la crypte, ils virent une large porte forgée dans de la pierre noire d'obsidienne qui leur faisait face. Aucune poignée ne permettait d'ouvrir la porte. Tout d'abord, Hermione cru qu'un simple Alohomora ! permettrait de faire coulisser la porte sur ses gonds, mais celle-ci ne bougea pas d'un millimètre.
- Trouvons une autre sortie, décréta Hermione. Le passage est bloqué par ici.
- Je crains qu'il n'y ait pas d'autre issue, rétorqua Rogue. Regardez autour de vous Hermione. Vous voyez une autre porte que celle-ci ?
Passablement anxieuse, la jeune femme fit le tour de la crypte, éclairant chaque recoin avec la lumière du déluminateur pour être sûre qu'aucun endroit n'échappait à son regard. Tandis qu'elle faisait le tour de la pièce, Braisardente alla se poser docilement au bord du grand bassin, et fixa quelque chose qui se trouvait au fond de celui-ci. L'attitude du phénix interpella aussitôt Rogue, qui se détourna de la porte noire et marcha à grandes enjambées vers le bassin. Ce qu'il découvrit au fond de celui-ci le mis profondément mal à l'aise. En effet, le bassin était vide de tout liquide, mais une grande coupe en cristal se situait en son centre, posée sur un socle de verre. La coupe translucide était remplie à ras bord d'un breuvage d'un étincelant vert émeraude.
Sitôt que Rogue toucha l'un des rebords du bassin, des lettres de feu jaillirent dans un brusque craquement sur toute la surface de ce dernier. Ces lettres de feu écrites par une main invisible formèrent d'abord des mots en langue gaélique, puis après un court instant, elles changèrent de position, pour adopter des mots dans la langue de celui qui les contemplait. Severus Rogue vit alors d'inscrit de manière circulaire tout autour du bassin les mots suivants : Vous voici arrivé devant la porte d'entrée du Palais Royal. Derrière cette porte se trouve la Salle des Dix-Mille Piliers. Ici, aucun retour en arrière n'est possible. Mais, pour ouvrir la porte qui vous donnera accès au cœur du Royaume, point de clé à utiliser, ni de charme à formuler. Vous n'avez qu'une chose à faire : Buvez-moi. Buvez-moi en entier, et la porte s'ouvrira pour vous.
Severus Rogue fixa avec une intensité effrayante le breuvage vert émeraude qui luisait dans la coupe de cristal.
- Que se passe-t-il ? demanda Hermione en s'approchant lentement du bassin.
- Lisez par vous-même ce qu'il y a d'écrit.
La belle brune afficha une mine très inquiète lorsqu'elle déchiffra le message gravé en lettres de feu dans la pierre froide du bassin. Son regard se porta ensuite sur la coupe en cristal remplie du breuvage vert émeraude.
- On ne peut pas boire cette boisson Severus, c'est un leurre ! s'exclama-t-elle. Jamais la porte ne s'ouvrira simplement parce que nous goûtons à un breuvage !
- Nous ne pouvons en avoir la certitude tant que nous n'y avons pas goûté.
- Savez-vous au moins de quel breuvage il s'agit ? Parce que de mon point de vue, tout cela ne me dit rien qui vaille. Cette boisson m'a l'air peu ragoûtante.
- Vous êtes loin du compte Hermione, ricana sombrement Rogue. Ce breuvage est le plus funeste qui soit pour un sorcier. Je l'ai reconnue dès que je l'ai vue : la Boisson du Désespoir.
Muette de stupeur, la jeune femme vit alors Rogue prendre pied à l'intérieur du bassin, se diriger jusqu'au centre de celui-ci, et soulever d'une main la coupe de cristal de son socle de verre pour la porter au bord de ses lèvres.
- SEVERUS ! ne faites pas ça ! le supplia-t-elle, dans un cri de détresse qui se répercuta en écho le long des murs de la crypte. Nous trouverons un autre chemin ! Je vous en conjure, ne commettez pas cette terrible erreur !
- Allez-vous-en Hermione, dit-il en la fixant sans ciller de ses deux prunelles de la noirceur de l'encre. Le phénix vous guidera mieux que je ne l'ai jamais fait moi-même. Les lettres de feu ne mentent pas : la porte s'ouvrira lorsque j'aurais bu l'intégralité de ce breuvage. Lorsque la porte s'ouvrira, je veux que vous partiez, et que vous ne jetiez aucun regard en arrière. Suis-je assez clair ?
- Professeur…pas ici…pas maintenant…par pitié ! Que deviendrais-je sans vous ?
- Hermione, cessons ces palabres inutiles. Vous êtes une femme accomplie désormais, et vous êtes devenue une guerrière de tout premier ordre. Quant à moi, je ne suis plus qu'une ombre, un spectre. Je suis mourant. Je suis meurtri. Mon temps est passé, comme est passé celui d'Albus Dumbledore. Mon corps se tient là, devant vous, mais mon cœur, lui, il est mort il y a plus de dix-sept ans de cela.
- Vous n'avez pas le droit de dire ça ! cria Hermione d'une voix brisée par le désarroi. Vous n'êtes pas aussi mauvais que vous voulez bien le laisser paraître ! vous avez le droit de vivre !
- Cette boisson ne me tuera pas, déclara Rogue, imperturbable. Elle va me faire revivre les plus sombres moments de mon existence. Jusqu'à ce que cela me rende fou. Or, je n'ai pas envie d'avoir à subir ce calvaire. Et vous non plus Hermione, car je ne vous serais d'aucune utilité une fois que le désespoir m'aura tellement rongé que je serais devenu dément. La Boisson du Désespoir n'a aucun remède. Je vais donc la boire entièrement, afin que la porte s'ouvre et que vous puissiez partir. Sitôt que vous aurez décampé, j'ingurgiterais ceci.
Rogue sortit d'une de ses poches une petite fiole contenant un liquide mordoré. Hermione comprit alors qu'il allait se donner la mort avec du poison.
- Voici une de mes meilleures inventions, poursuivit le Maître des Potions en fixant la fiole. Un poison que j'ai fabriqué à partir du venin d'un cobra. Quelques gouttes ingurgitées suffisent à provoquer une mort foudroyante. En trois secondes, le cœur cesse de battre.
Et sur ces mots, il absorba l'intégralité du breuvage vert émeraude qui remplissait la coupe de cristal. Lorsqu'il eut bu le calice jusqu'à la lie, la porte en pierre noire d'obsidienne pivota sur ses gonds, révélant alors la Salle des Dix-Mille Piliers, qui marquait l'entrée dans le Palais Royal du Royaume souterrain.
- Allez-vous-en Hermione, réitéra Rogue de sa voix grave. Puissent les Dieux de la Chance et de la Victoire être à vos côtés. Le phénix vous protégera. Avec lui, vous ne marcherez jamais seule. Ne restez jamais isolée. Il n'y a rien de pire, pour les êtres sociaux que nous sommes, que la solitude.
Au bord des larmes, la jeune femme secoua la tête pour affirmer son refus de l'abandonner ainsi dans cette crypte souterraine, au beau milieu de nulle part. Mais Braisardente se posa sur son épaule, et la lui agrippa avec une telle force qu'elle fut forcée de le suivre. Le phénix franchit le seuil de la porte noire, entraînant Hermione dans son sillage. Avant que la porte noire ne se referme dans son dos, la jolie brune jeta un ultime regard en arrière. La dernière vision qu'elle eut de Severus Rogue fut celle d'un homme qui affrontait la souffrance et la mort avec un courage absolument extraordinaire. Dressé au centre du bassin, il tenait dans une main le flacon contenant le poison qu'il avait lui-même fabriqué, attendant les premiers effets funestes de la Boisson du Désespoir pour pouvoir se suicider.
Sitôt que la porte noire se fut refermée, Rogue poussa un profond soupir. D'un sortilège savamment formulé, il fit tomber à terre tous les flambeaux qui éclairaient la crypte, mettant ainsi le feu à celle-ci. Une fois cela fait, il rangea sa baguette, s'allongea au fond du bassin, bu le poison qui se trouvait dans la fiole, puis croisa ses mains sur sa poitrine. Il ferma ses yeux pour toujours, tandis que des flammes ardentes dévoraient l'intégralité de la crypte, transformant celle-ci en immense brasier. Il était mort de la manière dont il avait toujours voulu mourir. Les potions avaient représenté toute sa vie. Et c'est à une potion de son invention qu'il avait confié le soin d'emporter son âme. Quant aux flammes ardentes, elles emporteraient son corps, comme le voulait la tradition de l'Ordre du Phénix. Il serait réduit en cendres sur cette Terre souillée par le mal, mais il renaîtrait ailleurs, dans un monde plus pur, auprès de celle pour laquelle son cœur n'avait jamais cessé de battre.
Lorsque la porte noire se referma dans son dos, Hermione se retrouva seule avec le phénix à l'entrée de la Salle des Dix-Mille Piliers. Cette Salle dépassait dans ses dimensions tout ce que la jeune femme avait pu voir jusqu'alors. Elle était peuplée par d'innombrables rangées d'immenses et majestueux piliers aussi larges et hauts que des troncs de vénérables chênes. Taillés dans la pierre de la montagne, ceux-ci s'élevaient jusqu'à l'immense voûte de la Salle, la soutenant grâce à un vaste réseau de nervures de pierre. Cette voûte se trouvait à la hauteur prodigieuse de cinquante mètres, et elle était nimbée d'une éblouissante et mystérieuse lumière bleuâtre. Cependant, la voûte était si lointaine que la lumière ne parvenait que faiblement au niveau du sol, où tout était plongé dans une semi-pénombre opaque.
Braisardente fixa avec une grande intensité, de ses yeux brillants comme des perles noires, les dizaines d'allées que formaient les rangées de piliers titanesques. Chacune des allées possédait la même largeur que la Grande Salle de Poudlard, et chacune d'entre elles se perdait dans l'obscurité de cette Salle où tout n'était que démesure. Le phénix resta immobile sur l'épaule d'Hermione durant un long moment, tentant de déterminer quel était le bon chemin à suivre. Très secouée par la disparition toute récente de Rogue, la jeune femme le laissa réfléchir, fixant pour sa part la voûte de la Salle en tentant tant bien que mal de retenir les sanglots qui lui nouaient la gorge.
Soudain, le phénix appuya fort sur l'épaule d'Hermione avec ses serres, et désigna de la tête la cinquième allée en partant de leur droite. Revenant à la réalité, la jolie brune fixa l'allée à son tour. Eller remercia l'oiseau de feu silencieusement, puis marcha dans cette direction.
Brusquement, des voix retentirent quelque part dans la semi pénombre opaque qui régnait dans la Salle aux dimensions cyclopéennes. Elles étaient lointaines, mais les piliers colossaux répercutaient leurs éclats en écho. Hermione sursauta brutalement, et elle éteignit par réflexe le déluminateur. Mais il était trop tard. Elle avait été vraisemblablement repérée par des gardes du Royaume souterrain. La jeune femme avait beau ne pas comprendre ce que les voix disaient, elle était certaine qu'étaient vociférées de paroles du type : « Qui va là ? », « Montrez vous ! », « Plus un geste ! », ou « Restez où vous êtes ! ».
Braisardente s'envola alors de l'épaule de la jeune sorcière, et il entonna un chant laconique, mais d'une puissance telle, qu'il le transfigura. Le volatile devint une véritable flèche enflammée, traçant des éclairs éblouissants entre les piliers démesurés, et laissant des traînées de poudre d'or dans son sillage. Par cette action d'une audace absolument délicieuse, le phénix venait de sauver la vie à Hermione en créant une manœuvre de diversion. La jeune femme compris aussitôt la tactique de l'oiseau de feu, et elle sut ce qu'il lui restait à faire : courir. Courir le plus vite possible le long de l'allée ténébreuse. Courir dans le noir. Courir pour échapper à la mort, ou pire encore, à la capture. Soumise à un régime drastique depuis des semaines, mais extrêmement endurcie par les épreuves physiques et mentales qu'elle avait dû affronter, Hermione n'eut aucun mal à prendre de la vitesse. Durant sa course échevelée, elle vit sur sa gauche une multitude de sortilèges éblouissants de couleurs diverses qui étaient jetés, et qui illuminèrent, l'espace de quelques secondes, la Salle des Dix Mille Piliers.
Les sortilèges visaient le phénix, elle le savait. L'oiseau de feu prenait tous les risques pour la protéger, aussi l'adora-t-elle plus encore qu'elle ne l'aimait déjà. Au bout de sa course éperdue, Hermione atteignit enfin le bout de l'allée, après plusieurs centaines de mètres parcourus dans l'obscurité. A bout de souffle, elle prit appui sur le dernier des piliers de l'allée qu'elle avait remontée en courant jusqu'à en perdre haleine. Quand les battements de son cœur se calmèrent et revinrent à la normal, elle se cacha dans l'angle mort du pilier colossal, puis elle attendit que le phénix la rejoigne. Cependant, le temps défila, et l'oiseau de feu ne refit pas son apparition. Les voix des gardes, qui jusqu'à présent vociféraient dans toute la Salle, s'étaient étrangement calmées. A peine Hermione entendait elle désormais quelques paroles. Le ballet de lumière des sortilèges avait lui aussi prit fin. La Salle des Dix Mille Piliers était replongée dans un silence oppressant. Bien vite, Hermione n'entendit d'ailleurs plus aucune voix, et ne vit plus aucune lumière de baguette. Les gardes étaient repartis d'où ils étaient venus. L'angoisse lui étreignit soudain le cœur lorsqu'elle constata que deux hypothèses pouvaient expliquer ce revirement : soit les gardes s'en étaient allés par dépit après avoir échoué à abattre le phénix ; ou alors, ils étaient parvenus à le vaincre, voire même à le capturer.
Hermione se fit alors la réflexion qu'elle n'avait jamais pris le temps de demander à Rogue ce qu'il se passait lorsqu'un phénix était abattu. En combien de temps se régénérait il et renaissait il de ses cendres ? voilà la question qu'il aurait été pertinent qu'elle lui pose. Au fil du temps, l'angoisse se mit à envahir tellement la jeune sorcière, que celle-ci se mit à trembler. Elle se rappela alors les dernières paroles que Rogue lui avait dites : « ne restez jamais isolée. Rien n'est pire que la solitude ». Et elle ne put s'empêcher d'admettre à quel point il avait raison. Ici, tapie dans les ténèbres, au cœur d'un lugubre silence, elle se sentait écrasée par l'immensité herculéenne des piliers qui l'entouraient de toutes parts. Elle aurait pu continuer à broyer du noir encore longtemps, mais à un moment, elle entendit un léger bruissement derrière elle.
Folle de terreur à l'idée qu'il s'agissait d'un garde, ou d'une créature monstrueuse, Hermione se retourna en un quart de seconde, sa baguette brandie en avant. C'est alors qu'à son infini soulagement, elle vit Braisardente venir se poser tout en douceur sur une de ses épaules. L'oiseau de feu la toisa un long moment dans la pénombre, au cœur de laquelle ses grands yeux brillaient comme deux diamants noirs. Son plumage était devenu rouge sombre, et Hermione se demanda comment il faisait pour changer ainsi à sa guise de couleur de plumage, passant du vermeille à l'ocre, puis au doré, ou en mélangeant plusieurs teintes différentes dans le même temps. Tantôt il était aussi rayonnant qu'un astre, tantôt il pouvait devenir plus sombre que de la roche.
- Tu m'as époustouflée, murmura-t-elle en tendant une main hésitante pour caresser le phénix.
Celui-ci se laissa faire, réclamant même des caresses supplémentaires. En touchant son plumage d'une douceur et d'une chaleur sans pareille, Hermione sentit des petites décharges électriques secouer ses doigts. Ce moment ne dura pas longtemps cependant, car le phénix lui fit signe d'arrêter par un claquement de bec. Il demeurait un volatile profondément sauvage. D'un mouvement de tête, il indiqua à la jeune femme la voie à suivre. Ils quittèrent la Salle des Dix-Mille Piliers dans un silence absolu, passant par une petite arcade qui se trouvait dans un mur du fond. Hermione comprit alors pourquoi le phénix avait choisi une allée en particulier. Il savait qu'au bout de celle-ci se trouvait une sortie non gardée. Pourquoi celle-ci ? elle n'en avait aucune idée. Peut-être un garde qui surveillait cette issue était-il allé faire une pause pour manger, ou faire autre chose. En tout cas, il s'agissait d'une formidable aubaine. La belle brune franchit le passage, puis marcha le long d'une sombre galerie. Au bout d'un moment, le phénix désigna une porte, et Hermione l'ouvrit. Elle pénétra alors dans une réserve où étaient stockées toutes sortes de provisions. Le phénix lui fit signe de continuer à marcher, jusqu'à ce qu'elle arrive tout au fond de la réserve. Une fois arrivée là, Hermione su qu'elle était dans une relative sécurité.
En effet, de nombreuses étagères, ainsi que des cartons et des conserves empilées, formaient une forêt protectrice entre elle et la porte d'entrée de la réserve. Hermione déballa son sac de couchage derrière un imposant tonneau rempli de vin, puis, ivre de fatigue, elle s'allongea de tout son long et s'endormit sans tarder.
Lorsqu'elle se réveilla, Hermione vit que le phénix montait la garde. Il s'était perché en haut d'une étagère, et fixait de façon permanente la porte de la réserve. Un léger sourire naquit sur ses lèvres. Le dévouement du phénix à son égard était proprement hallucinant. Cependant, son sourire mourut aussi vite qu'il était apparu lorsque la réalité de la mort de Rogue la frappa de nouveau de plein fouet. Bien sûr, le phénix était toujours à ses côtés, mais en perdant Rogue, elle avait perdu une chaleur humaine qu'elle avait peur de ne plus retrouver avant longtemps. Et au-delà de ça, elle avait perdu un être qui lui était devenu très cher, au-delà de toutes ses espérances. ;
Elle ne parviendrait probablement jamais à décrire la nature de la relation qui était née entre eux, notamment du fait de leur proximité permanente durant plusieurs semaines. Ce dont elle était certaine en revanche, c'est qu'une forme de complicité avait commencée à naître entre eux deux. Hermione s'était profondément reconnue dans l'âme solitaire, sauvage et vagabonde du Maître des Potions. Ils avaient parlé le même langage, elle en était désormais convaincue. La jeune femme poussa un soupir lourd de tristesse tout en fixant le plafond de la réserve souterraine. Elle songea que l'Ordre du Phénix venait de perdre un grand chef de guerre, et le monde sorcier, un homme d'exception. Au bout d'un moment, elle se décida à manger un peu, puis elle rangea ses affaires et se redressa. Braisardente revint se poser sur son épaule, et ils purent se remettre en route.
En quittant la réserve, Hermione prit pleinement conscience qu'elle se trouvait désormais dans le Palais Royal du Royaume souterrain, en un endroit qui était sûrement densément peuplé. Le nombre de dangers potentiels se retrouvait du coup décuplé, et il fallait redoubler de prudence, ainsi que de ruse, pour ne pas se faire repérer. Si Hermione était prudente par nature, elle n'avait jamais été rusée de la même la manière experte que les sorciers passés par la maison Serpentard pouvaient l'être. Aussi comptait-elle sur le phénix pour pallier son manquement dans ce domaine.
La Magie Noire était si prégnante désormais dans l'air, qu'elle en devenait presque palpable. Les murs des galeries et des tunnels étaient pour leur part couverts de runes et d'inscriptions archaïques en langue celtique. Parfois, des représentations de Harpies étaient peintes sur les murs. Durant un Âge où l'on n'utilisait pas encore ni parchemin, ni le papier, ces murs avaient sûrement servis de supports pour écrire et peindre. Ces murs racontaient l'histoire d'un monde disparu, un monde qui autrefois avait dû se croire éternel, mais qui avait été englouti impitoyablement dans les abîmes du temps. En passant par des passages étroits et obscurs très étouffants, Hermione compris soudain pourquoi la plupart des Salles du Royaume souterrain étaient gigantesques : le Royaume de Gorre était dépourvu de systèmes d'aération. Construire des Salles immenses avait répondu à un impératif pour pallier ce déficit, sans quoi le Royaume sous la montagne aurait été tout bonnement invivable. Au-delà du goût qu'avaient les Anciens Druides pour la démesure, voilà quel était sans doute la raison principale qui expliquait les dimensions colossales des pièces qui peuplaient ce Royaume ténébreux.
Soudain, alors qu'elle atteignait le bout d'une galerie, Hermione vit se dresser devant elle des escaliers de pierre. Un garde à la stature imposante se tenait au bas des marches, droit comme un piquet. C'était la toute première rencontre qu'elle faisait avec un sorcier dans le Royaume de Gorre. La jeune femme voulu aussitôt faire demi-tour sans un bruit, mais il était trop tard. Le garde l'avait vue. Hermione se résolut alors à lui faire face, avec un seul et unique objectif en tête : tout faire pour l'empêcher de donner l'alerte.
- Soufflias Volatem ! s'écria aussitôt le garde d'une voix rocailleuse.
- Protego Totalum ! répliqua Hermione en brandissant sa baguette dans un réflexe exceptionnel.
Avec une férocité sidérante, le garde envoya alors de multiples maléfices pour briser le dôme qui protégeait Hermione. C'est alors que, profitant du fait qu'il était accaparé par la jeune femme, Braisardente prit son envol et s'abattit de manière foudroyante sur le garde. Le phénix planta ses serres dans le bras du sorcier avec une force prodigieuse, l'obligeant ainsi à lâcher sa baguette.
- Petrificus Totalus ! s'exclama Hermione.
Le sortilège frappa le garde de plein fouet, le paralysant sur-le-champ. Essoufflée par le très bref, mais intense duel qu'elle venait de livrer, Hermione mit du temps à reprendre son souffle. Lorsque les battements de son cœur se furent quelque peu calmés, elle fixa le garde paralysé, se demandant ce qu'il fallait qu'elle fasse de lui désormais. Soudain, une idée germa dans son esprit : dérober la tenue du garde afin de passer incognito dans le cœur du Royaume souterrain. La jeune femme s'empressa de mettre son idée en application. Elle dépouilla le garde de sa grande cape de couleur bleu roi munie d'une cagoule, ainsi que de sa ceinture et du poignard qui y était accroché. Une fois cela fait, elle boucla la ceinture autour de sa taille, y accrocha la dague, puis enfila la grande cape, la raccourcissant par une sortilège pour qu'elle soit parfaitement ajustée à sa taille. Pour finir, elle rabattit la cagoule sur sa tête.
- Oubliettes ! formula-t-elle en pointant sa baguette droit sur le garde paralysé.
La jeune sorcière se détourna de lui, puis grimpa d'un pas déterminé les escaliers de pierre qu'il avait la charge de surveiller. Lorsqu'elle arriva en haut des marches, Hermione fixa Braisardente, qui s'était posé à nouveau sur son épaule.
- Viens te mettre au chaud là-dessous, lui murmura-t-elle en entrouvrant la cape. Il ne faut pas que quiconque puisse deviner que tu es avec moi. Je te laisserais sortir dès que tu me le fera sentir, c'est promis.
Le phénix obéit sans protester. Il alla se blottir bien au chaud entre les deux seins de la jeune femme, s'agrippant à un des boutons de la veste qu'elle portait. Hermione referma la cape, la laissant toutefois ouverte au niveau de son cou pour que de l'air puisse continuer à parvenir au phénix. Sa baguette le long du corps, Hermione se mit alors en marche avec un accoutrement qui, elle l'espérait, parviendrait à l'immuniser.
Au-delà de l'escalier de pierre en haut duquel elle était parvenue, Hermione découvrit un vaste hall glacial et vide d'occupation. Cependant, de multiples ouvertures peuplaient le hall, et elle vit qu'une dizaine d'escaliers semblables à celui qu'elle avait emprunté descendaient dans l'obscurité. Elle ne douta pas une seconde que des gardes surveillaient également le bas des marches de ces escaliers là. La jolie brune eu alors l'intuition qu'elle se trouvait à un carrefour d'une grande importance. Comment expliquer autrement le fait qu'une dizaine d'escaliers allant dans toutes les directions étaient reliés par un hall commun ?
Brusquement, elle vit un garde qui montait les marches d'un des escaliers qui se trouvait sur sa droite. Vêtu de manière identique à elle, il avait également une capuche rabattue sur sa tête. Il tourna la tête dans sa direction, puis il s'adressa à elle dans une langue qui lui était inconnue, mais qu'elle devina comme étant du gaélique. Son ton n'était pas menaçant, quoique sa voix rauque donna des frissons à la jeune sorcière. Visiblement, il la prenait pour une des ses collègues. Hermione, qui savait que sa morphologie (en dépit de la cape ample qu'elle portait) rendait impossible toute confusion avec celle d'un homme, fut rassurée par ce constat, car il signifiait qu'il existait probablement des femmes qui étaient gardiennes dans ce Royaume souterrain. Si cela n'avait pas été le cas, le garde aurait eu immédiatement des soupçons à son encontre.
Le garde se mit à désigner avec sa baguette quelque chose qui se trouvait droit devant. Il marcha alors dans cette direction, et Hermione comprit qu'elle était invitée à le suivre. Pour ne pas paraître suspecte, elle alla se placer à ses côtés, même si cela lui répugnait fortement. Le garde était immense. Il dépassait aisément les deux mètres de haut, et Hermione se sentit vulnérable à ses côtés. Il lui parla à nouveau, mais sans la regarder. Hermione n'ouvrit pas la bouche, car cela l'aurait aussitôt trahie. Tous les gardes de ce Royaume devaient sans doute êtres censés maîtriser le gaélique, cela aurait donc été très étrange qu'elle lui réponde dans une autre langue que celle-ci. La jolie brune se contenta donc de hocher la tête de manière affirmative, sans savoir de quoi il lui parlait.
Heureusement pour elle, il ne sembla pas trouver son mutisme suspect. Mieux encore, il sembla convaincu par son simple hochement de tête, et il cessa de parler. Tous deux étaient arrivés au bout du hall. Devant eux se dressait une statue démesurée de Harpie féroce taillée dans le granite. Cette statue était la plus colossale de toutes celles qu'Hermione avait pu voir jusqu'alors. Ne sachant pas quoi faire, elle fut soulagée de voir le garde qui l'accompagnait prendre les devants en tapotant le bas de la statue avec sa baguette. Il récita une incantation en gaélique à laquelle Hermione ne comprit pas un traître mot.
Sitôt que le garde eu terminé de réciter l'incantation, un craquement brusque se fit entendre, et les pattes de Harpie de la statue s'écartèrent, dévoilant un passage secret. La mystérieuse et magnétique lueur bleuâtre si caractéristique de ce Royaume souterrain jaillissait par l'ouverture entre les pattes de la statue, plus éblouissante et angoissante que jamais. Sans aucune hésitation, le garde franchit l'ouverture, et Hermione le suivi à contrecœur. En franchissant le passage de la Harpie, elle n'avait aucune idée de l'endroit dans lequel elle mettait les pieds. Elle n'avait aucune certitude sur ce qui l'attendait de l'autre côté du passage, hormis une seule : celle que la mort serait omniprésente.
De l'autre côté du passage de la Harpie, Hermione découvrit un vaste corridor brillamment éclairé par une insaisissable lumière sans soleil. Celle-ci émanait de la voûte du corridor, illuminant tout l'espace de sa clarté bleuâtre. Tout en marchant aux côtés du garde du Royaume souterrain, la jolie brune vit avec stupeur que d'immenses statues se trouvaient de part et d'autre du corridor. Sculptées dans de la pierre noire d'obsidienne, elles contemplaient la jeune sorcière du haut de leur piédestal taillé dans le granite. Cette fois-ci, il ne s'agissait plus de Harpies. Il s'agissait de sorciers. Hermione comprit alors que les statues sculptées dans la pierre n'étaient autres que celles des Mages Noirs autoproclamés Rois qui depuis des temps immémoriaux gouvernaient ce Royaume sous la montagne.
Fort heureusement, le garde qui l'accompagnait ne vit rien de la stupeur d'Hermione, celle-ci bénissant du même coup la cagoule qui recouvrait sa tête, cachant ainsi son visage. Le garde n'avait pas non plus décelé la présence du phénix. Hermione se demanda alors s'il n'était pas très futé, ou alors si c'était elle qui venait de réaliser un coup de maître. Oui, un coup de maître, car elle savait désormais où elle avait mis les pieds : dans le lieu même où résidait le Seigneur de ce ténébreux Royaume qu'elle traversait depuis des jours entiers. Elle était parvenue à réaliser ce coup de force sans avoir utilisé ni du polynectar pour se camoufler, ni le sortilège de Désillusion ou une cape d'invisibilité pour disparaître, ni la manipulation mentale par le maléfice de l'Imperium. Et elle y était également parvenue sans connaître la langue des lieux, sans autre moyen de locomotion que ses jambes graciles, et sans maîtriser le moindre maléfice de Magie Noire. Hermione savait que, si elle en était arrivée jusque-là, c'était aussi en grande partie grâce à Rogue et au phénix. Il n'empêche que, sans certains actes et certaines idées cruciales qu'elle avait eu aux bons moments, jamais elle ne serait parvenue vivante jusqu'au lieu où elle marchait en ce moment.
Cependant, elle garda la tête complètement froide. Car elle savait d'ores et déjà que tout ce qu'elle avait affronté jusqu'à présent dans l'ensemble de son existence ne pèserait pas bien lourd en termes d'épouvante face à ce vers quoi elle s'avançait inexorablement. Ce vers quoi elle s'avançait, c'était l'Antre du mal absolu, l'Antre de toutes les noires folies du monde.
Après avoir franchi plusieurs centaines de mètres le long du vaste corridor bordé par les imposantes statues des Mages Noirs, Hermione et le garde parvinrent devant une porte monumentale à deux battants taillée dans le granite. Elle ressemblait à s'y méprendre à la grande porte qui se trouvait au bout du pont de glace, celle qui marquait l'entrée du Royaume de Gorre.
- An Seomra an Deich Míle Leaca, lu le garde sur un fronton qui se trouvait en haut de la porte.
Sitôt que ces simples mots furent prononcés à voix haute, les deux battants s'ouvrirent en grand, révélant ainsi…
- La Salle des Dix-Mille Dalles, déduisit Hermione dans un murmure.
En effet, lorsque les portes s'ouvrirent devant elle, ce fut ce qui la frappa le plus de prime abord : le dallage de la Salle. Les dalles étaient toutes immenses et innombrables, formant des quadrangles parfaits d'une surface de quatre mètres carrés. De plus, les dalles alternaient entre deux matériaux de deux couleurs différentes : une partie d'entre elles était en marbre blanc, et l'autre en pierre noire d'obsidienne. En pénétrant dans cette Salle des Dix-Mille Dalles, Hermione eu ainsi l'impression de poser le pied sur un échiquier géant.
Le garde qui l'accompagnait se dirigea à la droite de la Salle, et Hermione vit alors que de part et d'autre se trouvaient, alignés le long des murs, droits comme des piquets, d'innombrables sorciers. Le long du vaste mur de gauche, ils étaient tous vêtus de noir. Le long du tout aussi vaste mur de droite, ils étaient tous vêtus de bleu. Ils avaient cependant en commun d'avoir la tête recouverte par une capuche, d'avoir leurs baguettes alignées le long de leurs corps, et d'avoir la même posture rigide et effrayante. Leur nombre était tel, qu'il était impossible de les compter. De part et d'autre, les deux rangées de sorciers qui se faisaient face se perdaient dans le fond lointain de la Salle des Dix-Mille Dalles.
La Salle tout entière baignait dans une éblouissante et mystérieuse lumière bleue, si intense qu'elle empêchait quiconque de distinguer la voûte de la Salle, qui devait se situer à une hauteur prodigieuse. En revanche, malgré la distance considérable qui le séparait des portes d'entrée, le fond de la Salle était visible. Un élément en particulier attira immédiatement le regard d'Hermione : une sombre silhouette se détachait de tout le reste. Son aura maléfique irradiait à des centaines de mètres à la ronde. Cette silhouette ténébreuse trônait en haut d'une vaste estrade, installée qu'elle était dans ce qui s'apparentait à un trône. C'était de ce trône où était installée la silhouette ombrageuse que partaient tous les rayons de lumière bleue qui emplissaient l'entièreté de la Salle des Dix-Mille Dalles.
Hermione ne s'autorisa pas à contempler longuement cet endroit, car cela aurait parut suspect. Agissant comme si elle était une habituée des lieux, elle se mit à suivre le garde qui l'accompagnait depuis un bout de temps. Tous deux remontèrent la rangée qui se trouvait à la droite de la salle, celle qui était occupée par des sorciers vêtus de capes bleues. Ils durent remonter la rangée sur une grande distance, jusqu'à ce que le garde qu'Hermione suivait trouve enfin deux places vides où l'on pouvait se poster debout. La jeune femme imita dans tous ses mouvements celui qui était censé être son confrère.
Elle prit place dans le rang de la même manière que lui. Elle se campa dans une posture d'une absolue rigidité, sa baguette le long de son corps, la tête droite. Sachant son visage protégé par la capuche qui recouvrait sa tête, Hermione se risqua à jeter un coup d'œil vers le fond de la Salle, qui était bien plus proche d'elle désormais. Et c'est alors qu'elle le vit pour la première fois : Bodegamus, le Roi sous la montagne. Il était assis tout en haut d'une vaste estrade en granite, sur un trône impressionnant construit dans du verre d'un bleu évanescent qui miroitait doucement. Au pied de l'estrade se trouvait une vaste surface au sol délimitée par des lignes bleues luminescentes. A l'intérieur de cette surface se trouvait les pièces d'un jeu d'échecs en version grandeur nature. Hermione comprit alors soudainement que le Maître des lieux était en pleine partie d'échecs. Face à lui se trouvait l'un de ses vassaux, qui à l'occasion de la partie avait été autorisé à enlever sa capuche.
Au départ, Hermione ne voulait jeter qu'un bref coup d'œil à cette scène, mais celle-ci la captiva tellement qu'elle ne parvint pas à en détacher son regard. Elle vit que Bodegamus était plongé dans un réflexion intense. Chaque fois qu'il souhaitait bouger une pièce sur l'échiquier géant, il exécutait un vigoureux mouvement avec l'aide de sa baguette. Ainsi jouait il à distance, sans bouger d'un iota du Trône de Verre dans lequel il était confortablement installé. Attiré par l'arrière-fond, le regard d'Hermione se dirigea alors vers ce qu'il y avait derrière le Seigneur du Royaume souterrain. Ce qu'elle distingua dans le fond de la Salle l'épouvanta brusquement au plus profond d'elle-même. Derrière le Trône de Verre se trouvait un trou béant rempli de ténèbres, un gouffre immense menant vers nulle part. Devant l'entrée du gouffre se trouvaient écrites en lettres de feu les mots suivants : NA SOILSE MARBH.
Hermione n'avait aucune idée de ce que signifiaient ces mots à la résonnance macabre, mais de toute manière, elle n'avait aucune envie de le savoir. Rien que le fait de voir l'inscription en gaélique lui donnait d'irrépressibles frissons. Bien vite, la jeune femme recentra donc son regard sur le Maître des lieux, ainsi que sur la partie qu'il était en train de jouer. Hermione n'avait jamais été une passionnée d'échecs comme Ronald pouvait l'être, mais de temps en temps elle appréciait jouer à ce jeu qui mettait beaucoup de ressources mentales à contribution.
Elle contempla durant très longtemps la partie qui se jouait, et visiblement elle n'était pas la seule, car elle distingua d'autres têtes de sorciers qui étaient tournées vers Bodegamus. Au bout d'un certain temps cependant, la partie se termina. Bodegamus avait écrasé son adversaire dans les derniers moments de la partie. Celui-ci quitta alors la place qu'il occupait, et retourna dans le rang d'où il était sorti. Avant d'appeler quelqu'un d'autre pour une nouvelle partie, le Seigneur du Royaume ténébreux formula un sortilège qui fit se replacer de nouveau chacune des pièces de l'échiquier à sa place initiale. Ensuite, il prit un long moment pour se reposer. Hermione quant à elle commençait à avoir les paupières lourdes. Elle savait que ce n'était pas du tout ni le lieu, ni le moment adéquat pour somnoler, aussi livra-t-elle une féroce bataille intérieure contre son propre corps, afin d'empêcher la fatigue de prendre le pas sur la lucidité.
Soudainement, le silence qui régnait jusqu'alors dans la Salle des Dix Mille Dalles fut brisé par la voix profonde et sépulcrale du Souverain du Royaume souterrain.
- Approchez ma chère enfant.
Hermione redressa brusquement la tête, croyant de façon un peu absurde que l'on s'adressait à elle. Et c'est alors qu'elle constata avec une terreur sans nom que oui, effectivement, Bodegamus s'adressait à elle. Elle en eu la certitude lorsqu'il posa son regard sur elle. Ses deux yeux étaient affreusement dissemblables, elle le voyait maintenant. Son œil droit était aussi noir que l'encre, tandis que son œil gauche était un globe oculaire d'un jaune ardent. Il semblait voir en elle comme dans un livre ouvert, explorant les tréfonds de son âme d'un simple coup d'œil.
- Approchez ma chère enfant. N'ayez pas peur, déclara-t-il d'une voix si profonde qu'elle fit vibrer l'air lui-même.
Il ne lui laissait pas le choix. Alors, la mort dans l'âme, Hermione rompit les rangs. C'est pourtant la tête haute qu'elle s'avança au beau milieu de la Salle des Dix-Mille Dalles. Jamais elle ne se déshonorerait en baissant les yeux devant quiconque. Elle dû marcher un certain temps avant de parvenir devant l'échiquier géant. Lorsqu'elle y parvint, elle leva les yeux et fixa Bodegamus sans ciller une seule seconde. Le Souverain du Royaume souterrain fit de même, la contemplant du haut de son Trône de Verre de ses deux yeux affreusement dissemblables. Il joignit ses deux mains squelettiques dans une pose solennelle, sondant l'âme de la belle brune avec son regard de foudre. En dépit de sa détermination farouche, Hermione fut absolument horrifiée lorsqu'elle prit conscience que l'être qu'elle avait en face d'elle n'était pas mort, mais n'était pas non plus vivant pour autant. Ce qu'elle avait en face d'elle, c'était un spectre, un fantôme, une âme damnée qui subsistait tant bien que mal dans un corps en décomposition, alors qu'elle aurait dû depuis longtemps disparaître dans les Limbes. Ce qu'elle avait en face d'elle, c'était un être qui était en permanence entre la vie et la mort, n'appartenant à aucun de ses deux mondes, mais stagnant dans un perpétuel et atroce entre-deux.
- Je sais qui vous êtes, déclara-t-il de sa voix caverneuse.
- Non, vous ne savez rien de moi Bodegamus ! rétorqua-t-elle d'une voix qui la pris elle-même par surprise tant elle vibrait d'une incroyable puissance de conviction et d'abnégation.
Sur ces mots, elle retira sa capuche, dévoilant pleinement son visage au Seigneur des lieux. Un sourire absolument hideux naquit alors sur les lèvres du Mage Noir desséchées par le temps.
- Bodegamus n'est pas le Seigneur qui règne en ce lieu. Bodegamus est un Mage Noir qui est mort il y a plusieurs décennies de cela. Jadis, il était le Souverain de ce Royaume. Et autrefois, je fus son élève et son apprenti. Puis, lorsque j'eu tout appris de lui, je le tua et lui déroba son Royaume. Pour finir, je lui déroba même son nom. Cependant, ma véritable identité est tout autre. Je suis le bâtisseur de la Forteresse de Nurmengard. Je suis le Commandant de la Horde Noire. Je suis la mort incarnée. Je suis le destructeur des mondes. Je suis le Seigneur des Ténèbres. Je suis Gellert Grindelwald.
Le Mage Noir se leva alors du Trône de Verre, et une ombre gigantesque s'étendit sur toute la longueur de la Salle des Dix-Mille Dalles.
- Ah Hermione Granger ! Quelle joie de vous accueillir dans ma demeure ! Voilà si longtemps que je vous attendait ! s'exclama-t-il d'une voix gutturale, si abominable dans ses intonations que les murs de la Salle en tremblèrent.
Vous êtes si bonne, poursuivit-il sur le même ton tout en écartant ses bras squelettiques, dans un geste extatique. Quelle bonté de m'apporter jusqu'à mon trône le trésor que j'ai recherché en vain durant toute mon existence.
Dans le regard d'Hermione flambait la flamme ardente de la haine. Sans un mot, elle dégaina sa baguette avec une rapidité foudroyante, et elle mit Grindelwald en joue. Aussitôt, tous les gardes alignés le long des murs pointèrent à leur tour leurs baguettes droit sur la jeune femme. Le Seigneur des Ténèbres se gaussa de la menace dont il était l'objet en émettant un ricanement atroce à entendre pour des oreilles humaines. Puis, d'un geste de la main, il fit signe à l'ensemble de ses gardes de baisser leurs baguettes. Ceux-ci obéirent tous à contrecœur.
- Misérable langue de vipère ! cracha Hermione en toisant avec un regard terrifiant le Mage Noir qui la surplombait. Misérable voleur ! Vous n'avez fait que cela tout au long de votre vie maudite ! Voler ce qui ne vous appartenait pas ! C'est cela que vous souhaitez obtenir ?! s'époumona-t-elle en brandissant d'une main le médaillon au cœur duquel était incrustée la Pierre de Résurrection.
- Ce serait plaisant que je puisse posséder ce bijou, en effet, confirma Grindelwald en fixant le médaillon de ses deux yeux affreusement dissemblables. Mais je sais que vous possédez également le Graal. Le plus précieux trésor du monde. L'œuf d'or du phénix. Cela ne peut être que vous qui le possédez, car votre Alter Ego ne l'avait pas sur lui lorsque l'on me l'a amené ici.
- Qu'avez-vous dit ? gronda Hermione en s'approchant du Mage Noir sans cesser de le menacer avec sa baguette. Répondez ! Sinon je vous exécute sur-le-champ !
- Oh ! oh ! oh ! ricana affreusement Grindelwald. Vous ne le saviez donc pas ? le dernier descendant de Salazar Serpentard se trouve ici…enfin, il se trouve dans les limbes du néant devrais-je dire. Il se trouve au fond du gouffre que vous voyez derrière moi. Il se trouve dans les Lumières Mortes. Et lorsqu'il en ressortira, il sera un fidèle soldat de ma Horde Noire, entièrement dévoué à défendre ma cause !
- Vous ne défendez pas la moindre cause ! répliqua Hermione avec une audace fantastique. Vous ne défendez que votre peau ! Vous êtes un être dénué de tout idéal ! Vous avez peur ! Peur de la mort ! Et vous n'avez jamais assumé votre peur ! Voilà pourquoi vous êtes obsédé par la quête de l'immortalité ! Vous avez abandonné au diable votre âme contre la promesse fausse et illusoire que vous auriez la vie éternelle ! Mais vous n'échapperez pas au passage du Temps ! Personne n'y échappe ! Nul n'est éternel ! Même les phénix disparaissent un jour ! Même les étoiles qui brillent dans le firmament ! Tout ce qui est matière retourne invariablement à la poussière ! C'est le cycle de la Vie ! Les monstres hideux tels que vous meurent tous un jour, et dès lors, ils disparaissent à jamais dans les abîmes du Temps ! Ils ne voient pas plus loin que le bout de leur petite vie misérable et miséreuse ! Par conséquent, tout ce qu'ils sont échinés à bâtir s'effondre invariablement après leur trépas ! Après votre mort Grindelwald, tout ce que vous avez bâti va s'effondrer ! Vous vous êtes oublié tout au long de votre vie maudite ! Et aujourd'hui encore, vous ignorez ce qu'est l'Immortalité ! l'Immortalité, ce n'est pas la vie éternelle ! Cela est impossible ! l'Immortalité, c'est de vivre sa vie en ayant à l'esprit que la vie telle que nous l'avons vécue, il nous faudra la vivre, et la revivre encore d'innombrables fois ! Il faut vivre sa vie en ayant à l'esprit que tout ce qui était revient, et que tout ce qui est reviendra ! Il faut vivre sa vie en pensant à l'Eternel Retour !
C'est alors que, sans laisser au Mage Noir le temps de réagir, Hermione laissa tomber au sol sa cape bleue, libérant ainsi Braisardente. Le phénix jaillit du creux de sa poitrine, véritable flèche enflammée, dont le chant éblouissant mystifia la Salle toute entière. L'oiseau de feu fondit à une vitesse foudroyante sur Gellert Grindelwald, et il lui arracha un objet que celui-ci portait autour du cou. Il s'agissait du Talisman appartenant à Drago Malefoy. Voyant que leur Seigneur était attaqué, des dizaines de gardes visèrent Hermione et le phénix, puis s'empressèrent de formuler de nombreux maléfices. Braisardente esquiva tous les sorts jetés contre lui en s'envolant jusqu'à la voûte de la Salle, qui baignait dans une impénétrable lumière bleue. Hermione quant à elle formula aussitôt le sortilège de Désillusion, se rendant ainsi invisible. Elle se cacha ensuite derrière une pièce colossale de l'échiquier grandeur nature du Mage Noir. Profitant du fait que Grindelwald était encore sous le choc de l'attaque du phénix, et que les gardes qui accouraient pour le protéger étaient encore suffisamment éloignés, Hermione dégaina la dague qu'elle avait à sa ceinture.
- Wingardium Leviosa ! formula-t-elle à l'aide de sa baguette, faisant ainsi léviter l'arme.
Alors, sans une once d'hésitation, elle propulsa le poignard droit sur Grindelwald. La pointe acérée de la dague allait se planter dans sa poitrine, mais il vit l'arme arriver sur lui une demi-seconde avant qu'il ne soit trop tard. Il fit un léger mouvement de côté pour l'éviter, mais n'y parvint pas. Le poignard se planta très profondément dans son flanc, lui arrachant un innommable hurlement d'agonie. Profitant du fait qu'elle était provisoirement invisible, Hermione se mit à courir à toute vitesse en direction du gouffre qui se situait derrière le Trône de Verre. Elle courrait à en perdre haleine, lorsque soudain deux serres puissantes la soulevèrent de terre en agrippant ses épaules.
Elle leva la tête, et soupira de soulagement en voyant que c'était Braisardente qui venait de l'emporter de la sorte. Le phénix tenait dans son bec le talisman qu'Hermione se souvenait avoir vu de nombreuses fois entre les mains de Drago à Poudlard. Elle voulut délester l'oiseau de feu de l'objet, mais il refusa obstinément de le lâcher, et il le garda dans son bec. C'est alors qu'il plongèrent tous les deux dans les abysses impénétrables du gouffre béant qui se trouvait tout au fond de la Salle des Dix-Mille Dalles. Tous les deux, la belle sorcière et le phénix resplendissant, ils tombèrent et tournoyèrent sans fin dans l'obscurité opaque, dans un vide glacial où l'air était palpable, dans les limbes du néant, dans les abîmes de nulle part. Hermione s'agrippa avec une force incroyable au plumage de l'oiseau de feu, et celui-ci l'entoura de ses ailes écarlates pour la protéger de la vision funeste du tourbillon de ténèbres dans lequel ils étaient emportés inexorablement.
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Au bout d'une période de temps interminable, le tourbillon cessa. Hermione, qui avait fermé les yeux durant sa chute dans les abîmes insondables, les rouvrit prudemment. Elle se demanda alors si elle était morte. Peut-être était-ce le cas. Cependant, elle ressentit de forts picotements dans sa main droite. Elle constata alors que celle-ci était posée sur de la glace. Hermione se redressa, mais il était impossible de voir quoi que ce soit là où elle se trouvait. Elle tapota la glace avec son pied pour la sentir, ne pouvant la voir dans les ténèbres impénétrables qui envahissaient tout. Un bruissement d'ailes furtif retentit soudain aux oreilles de la jeune femme, et elle sentit que le phénix s'était de nouveau posé sur son épaule. Cela rassura Hermione au-delà de tout. Même si elle était morte, au moins elle n'était pas seule. Elle tâta ses poches, à la recherche de sa baguette. Lorsqu'elle la sentit dans une de ses poches de jean, elle la sortit pour pouvoir pleinement la sentir entre ses doigts.
- Lumos ! formula-t-elle pour s'éclairer.
Aucune lueur ne jaillit de sa baguette. Interloquée, Hermione répéta la formule permettant d'activer le sort, mais le résultat fut le même à chaque fois : rien ne se passait.
- Lumos Maxima ! formula-t-elle.
Là encore, rien ne se passa. Passablement inquiète désormais, Hermione tenta d'utiliser une troisième variante du sortilège d'illumination.
- Lumos Solem ! formula-t-elle plusieurs fois de suite, sans succès.
Soudain, elle sentit que le phénix tapait sur une de ses poches alourdie par un objet. Alors, les paroles de Severus Rogue lui revinrent en mémoire : « Ce sera pour vous une source précieuse de lumière, surtout dans les endroits les plus ténébreux, là où toutes les autres seront éteintes ».
- Le déluminateur ! s'exclama-t-elle. Merci ! ajouta-t-elle en embrassant le phénix.
Hermione se saisit de l'objet magique, et elle l'enclencha aussitôt. Un clic caractéristique se fit entendre lorsqu'elle appuya sur la molette de l'éteignoir, et alors une vive lueur blanche jaillit du haut de l'objet en forme de briquet. La lueur unique dispersa suffisamment les ténèbres pour qu'Hermione puisse voir à deux mètres devant elle. Impossible de voir plus loin que cette distance là cependant.
La jeune sorcière éclaira le sol, et elle constata qu'effectivement il s'agissait d'une nappe de glace gelée et dure comme de la roche. Après avoir examiné le sol, elle éclaira à nouveau devant elle. Perché sur son épaule, Braisardente scrutait l'obscurité opaque qui s'étendait au-delà du petit rayon lumineux produit par le déluminateur. Visiblement, le phénix cherchait une nouvelle voie à suivre. Au bout d'un moment, il désigna d'un signe de tête l'espace qui se trouvait devant eux, indiquant ainsi à Hermione qu'il fallait qu'elle marche en ligne droite.
Sans plus tarder, la jeune femme se mit en route. Elle n'avança pas aussi rapidement qu'elle l'aurait souhaité cependant, notamment à cause de la glace, qui était très glissante. Ses chaussures n'étaient pas du tout adaptées pour accrocher la glace, et elle faillit s'étaler de tout son long au sol plus d'une fois. A un moment, le halo du déluminateur éclaira une partie d'un grand bloc de glace qui se trouvait sur la gauche. Hermione passa à côté sans y prêter attention, mais soudain, elle dérapa sur la glace, et elle dû se retenir de justesse au bloc de glace pour ne pas tomber lourdement sur le sol dur comme de la roche.
A la lueur du déluminateur, Hermione vit alors avec effroi que deux pieds humains se trouvaient à l'intérieur du bloc de glace. Sidérée, la jeune femme fit le tour du bloc de glace, et elle découvrit avec horreur que le corps d'une jeune fille se trouvait à l'intérieur. Si elle avait été morte, Hermione n'aurait rien trouvé à redire. Mais là, ce qu'il y avait d'atroce, c'est que la jeune fille respirait encore. Elle était enfermée là, prisonnière de ce cercueil de glace. Très angoissée désormais, Hermione se tourna dans toutes les directions. En éclairant tout autour d'elle, elle vit alors que de nombreux cercueils de glace remplis de corps humains encore vivants peuplaient tout l'espace. C'est alors que les terribles paroles de Grindelwald résonnèrent dans son esprit : « Le dernier descendant de Serpentard…il se trouve dans les Lumières Mortes ». Voilà, elle savait maintenant où elle avait atterrie. Dans les Lumières Mortes.
Soudain, Braisardente s'envola de l'épaule d'Hermione. Angoissée à l'idée de le perdre de vue, la jeune femme se mit à courir après lui, au mépris des risques qu'elle avait de chuter sur la glace. Elle courut à en perdre haleine, jusqu'au moment où elle vit que le phénix avait atterri quelque part. Hermione s'approcha de lui, et ce qu'elle découvrit alors dans la lueur du déluminateur la figea sur place. Son cœur cessa durant un instant de battre, et ses yeux s'embuèrent de larmes. Cela faisait si longtemps qu'elle ne l'avait pas revu qu'elle crut d'abord à un mirage.
Mais non, il était bien là. Il était prisonnier d'un cercueil de glace, comme bien des êtres en ce lieu. Ses yeux étaient clos. Ses lèvres étaient entre-ouvertes. Ses doux cheveux blonds encadraient son visage angélique. Et sa poitrine se soulevait à un rythme régulier. Enfin, après des mois de quête, elle avait atteint son but. Elle venait de le retrouver. Drago.
