Petit mot de l'auteure : ce texte a été écrit pour un atelier de Bibliothèque de fiction, il fallait tirer au sort des contraintes. J'ai eu :
- une annonce de grossesse
- « ensemble ? » « ensemble »
- « cela faisait longtemps »
Theon était déjà sur les remparts quand elle y parvint.
Cela faisait longtemps que tu n'étais pas venue, dit-il, une pointe d'inquiétude dans la voix.
Sansa ne chercha pas à lui répondre. Que cela pouvait-il lui faire que Theon se préoccupe de son absence ? Si il s'était soucié d'elle à un moment, il aurait dû commencer par ne pas trahir sa maison. Et ensuite, à ne pas la perdre.
Comme à chaque fois qu'elle montait au sommet de la muraille, elle se contenta donc de regarder vers le vite.
Comme à chaque fois qu'elle le faisait, Theon regarda aussi longuement, avant de lui souffler :
- Ne le fais pas. Tu es suffisamment forte.
Suffisamment forte pour quoi ? songeait alors Sansa. Pour continuer de supporter en silence les violences, les viols, les coups et les humiliations ? Pour continuer à mourir à petits feux ? Non, Sansa n'était pas forte. Elle était devenue si faible qu'elle continuait à s'éteindre sans bruits, sans protestations.
Elle était si faible qu'elle ne parvenait pas à chercher à contredire Theon.
Pourtant, ce jour-là, elle fut assez forte pour lui répondre.
- Je vais le faire.
- Faire quoi ? Demanda le Greyjoy, surprit de la voir enfin parler.
- Je vais sauter.
Theon se tourna alors vers elle brusquement, les yeux fous.
- Tu as vu la hauteur ? Tu vas mourir si tu fais ça !
- Peut-être.
- Sansa ! Tu ne peux pas être si négligente en parlant ainsi de ta vie !
- Je t'assure que je n'ai jamais été si négligente de ma vie.
Son ton dû être suffisamment assuré pour que Theon cesse de lui presser l'épaule. Elle faillit se détourner de lui, sauter sans lui fournir une quelconque explication, mais avant qu'elle ne puisse les retenir, ses mots s'envolèrent :
- Je suis enceinte, Theon.
Il ne lui fit pas l'affront de lui demander de qui.
- Je refuse de laisser mon bébé entre ses mains. Il le tuera ou fera de lui un monstre. Peut-être qu'en sautant, je le tuerai. Mais si il y a la moindre petite chance qu'il s'en sorte... je dois la prendre, tu comprends ?
Theon hocha alors la tête, les larmes aux yeux. En lui faisait un tel aveu, elle avait craint qu'il ne cherche à la dissuader d'avantage, mais à la place, il lui serra la main.
- Si tu sautes, je saute.
Pour la première fois depuis ces longs mois de torture, les yeux de Theon étaient résolus. Sa raison lui criait de rejeter son offre – il l'avait trahit, les avaient tous trahit, pourquoi n'en ferait-il pas de même en ralentissant sa fuite ? Toutefois, sa main se referma spontanément autour de la sienne.
- Ensemble ? Dit-elle en regardant de nouveau le sol enneigé.
- Ensemble.
Elle ne fut qu'à moitié surprise en constant qu'aucun des deux ne trembla au moment de sauter.
