Bonjour,

Voici mon cadeau de noël pour vous. C'est un fic totalement centrée sur Sanji. J'ai imaginé la scène de départ et trouvé APRES le personnage qui correspondrait le mieux pour correspondre à l'image que je me faisais de cette scène. C'est pour ça que le pairing n'est pas DU TOUT conventionnel. J'ai presque envie de dire qu'on s'en fout du pairing, c'est l'évolution de la vision de Sanji qu'il m'intéressait de traiter.

La fic est déjà écrite. Elle fait trois chapitres mais il sont plutôt longs par rapport à ma fic précédente (environ deux fois plus longs). Je devrais poster le second chapitre pour le week end de Noël et le dernier pour le nouvel an. Si ça vous plaît, avant d'envisager de mettre un favori ou une alerte, laissez moi une review, ça m'aidera à savoir que la suite est attendue et à ne pas oublier de la poster !

Bonne vacances, bonnes fêtes et bonne lecture !

Chapitre 1 : Réveil

Woh la gueule de bois ! Comme tous les lundis. Qu'ai-je fais hier soir ? Je me souviens d'être allé boire un verre puis deux… puis beaucoup trop. Mon regard errait dans le bar sans que je ne trouve de beauté esseulée à approcher. Alors j'ai continué à boire puis… trou noir. Je me retourne dans le lit et gémis. Douleur aux hanches, comme toujours. Je n'en reviens pas, je m'envoie en l'air tous les dimanche soir et je n'en ai aucun souvenir au réveil à part les courbatures. Je suis pitoyable et je n'ose pas imaginer le rustre que je peux être avec la belle sirène qui me voit partir au milieu de la nuit car, immanquablement, je me réveille dans mon lit.

Je soupire et ouvre les yeux avec l'intention d'aller prendre une bonne douche. Oh merde ! Je ne reconnais pas les lieux… Je ne suis pas chez moi ! C'est bien la première fois que ça m'arrive. J'y ai souvent songé mais même bourré j'ai toujours réussi à m'éviter cette honte. Au moins, c'est pas un taudis, visiblement la personne qui vit là a un goût très sûr et des moyens. Cette chambre est plus grande que la mienne et elle est bien rangée et organisée. Toutes les armoires sont fermées, je ne peux en tirer aucun indice. Le sachet de préservatif ouvert sur la table de nuit me rassure autant qu'il m'affole. Au moins je me suis protégé. Mais je n'ai plus aucun doute sur mes activités nocturnes…

Comment vais-je faire ? J'ai probablement dragué une magnifique jeune femme, nous avons fait plus que boire un verre ensemble… et je n'en ai aucun souvenir. Pas même son nom. Quelque peu anxieux je me retourne pour savoir de qui je partage le lit. Elle est dos à moi et en partie recouverte par le draps mais je n'ai aucune doute : elle est nue. Mon cœur s'affole comme toujours en présence d'une belle femme dénudée. Où sont les souvenirs des moments passés avec elle ? C'est terriblement frustrant. Je ne vois qu'une partie de son dos car une longue chevelure noire la recouvre. Ils sont brillants et fins, j'ai envie de passer mes doigts dedans, ça m'attire. Je me mords la lèvre alors que mes yeux détaillent ses courbes. Elle est grande, peut être même plus que moi, et sa peau est blanche comme une poupée de porcelaine. Elle a l'air un peu musclée mais ça ne déforme pas sa silhouette.

Je n'ose pas la toucher et pourtant j'en meurs d'envie. D'un autre côté, vu ce que nous avons fait cette nuit, je ne devrais pas être si hésitant. Et il est hors de question que je me lève pour m'enfuir sans un mot, c'est un manque de savoir vivre que je ne pourrais me pardonner. Finalement, mes doigts effleurent ses cheveux dans une caresse timide. Ils sont d'une douceur incroyable, légers et fins, j'ai l'impression de toucher de la soie. Je vois sa peau frissonner et je retire aussitôt ma main, gêné. Je l'ai réveillée. Elle soupire de bien être et j'hésite un instant à recommencer.

« Excuse moi, je t'ai réveillée…
- D'une manière très agréable, ne t'inquiète pas. »

Sa voix n'est qu'un murmure mais elle me semble un peu grave bien que très sensuelle. J'ai entendu un sourire dans ses mots et je m'en sens rassuré. Comment vais-je lui faire comprendre que je n'ai aucun souvenir de la nuit que nous venons de passer ensemble. Je me sens vraiment mal à l'aise. Doucement, elle se déplace dans les draps et se laisse tomber sur le dos pour se tourner vers moi. Inconsciemment, mes yeux dérivent vers sa poitrine avant même de chercher son visage.

Et je fais un bond en arrière.

Oh putain de merde !

Elle n'a pas de poitrine. Enfin si mais sans rondeurs. Tout en muscle. Elle… est un homme ! Ma respiration s'accélère et je sens la panique m'envahir. Qu'est-ce que ça veut dire ? Où est passée la merveilleuse femme qui a partagé ma nuit ? Non, non, non ! C'est impossible ! Je ne peux pas… Je n'ai pas… Dites moi que c'est faux ! Que c'est un rêve… un cauchemar ! J'ai sauté hors du lit et reculé jusqu'à me plaquer contre le mur. Heureusement, je ne suis pas totalement nu, je porte mon boxer. Mais lui l'est. Les draps me cachent l'essentiel mais je vois assez pour deviner qu'il ne porte rien. Mes yeux n'arrivent pas à se détacher de ces pectoraux bien dessinés où l'absence criante de seins me noue l'estomac. Je sens la nausée venir mais je peux encore la retenir. Par contre, la panique, c'est autre chose. Je tremble de tout mon corps et je réalise la signification réelle de mes douleurs aux reins.

« Ah ouais, quand même… Heureusement que tu m'avais prévenu que tu aurais ce genre de réaction au réveil… »

Je pose enfin mes yeux sur son visage. Il sourit. Ses yeux bruns sont plantés dans les miens et j'y vois une lueur douce… tendre ? Je comprends aussitôt que ce n'est pas la première nuit que je passe avec lui. Et cela m'affole encore plus. Il ne s'agit pas d'une passade mais d'un coup régulier… et je n'en ai aucun souvenir. Pire que ça : il sait que je ne m'en souviens pas ! Il me connaît, il m'apprécie sûrement un peu, et il sait que je ne sais rien de lui. Comment j'ai pu, en étant bourré, avoir la présence d'esprit de lui dire que je n'avais aucun souvenir des nuits que nous passions ensemble… L'idée de lui et moi dans le même lit à… faire… ça me donne des frissons d'effroi. Il bouge et je sursaute alors il s'immobilise.

« Tu veux commencer par une clope ou une douche pour reprendre tes esprits, Sanji ? »

Mon nom dans sa bouche sonne avec une douceur à laquelle je ne suis pas habitué. Personne ne m'a jamais parlé ainsi. Je pourrais frapper ce type, le massacrer pour ce qu'il m'a fait. Mais une part de moi me retient. Il est sincère et je suis persuadé, même si ça me coûte de me l'avouer, qu'il ne m'a pas forcé, que j'étais… consentant. Mes yeux se détache de lui et je cherche, affolé, de quoi me couvrir. Je repère rapidement mes vêtements, pliés sur une chaise. C'est ridicule, même saoul je garde cette manie d'être un peu trop maniaque. Finalement, je ne lâche jamais totalement prise. Voyant mon regard insistant vers mes habits il me désigne une petite porte dans un coin de la pièce.

« Fais comme chez toi, je vais préparer le petit-déjeuner pendant ce temps. »

D'un geste rapide j'attrape mes affaires et je pars en courant presque dans la direction qu'il m'a indiquée. Je fuis. La porte se referme derrière moi et mes jambes cèdent. Je tombe à terre et serre mes bras contre mon corps secoué de tremblements. Putain ! J'ai couché avec un mec ! Comment est-ce que ça a pu m'arriver ? Non, c'est pire que ça… J'ai couché avec ce mec plusieurs fois. Ça fait plusieurs semaines que je ressens ces douleurs aux hanches en me réveillant les lendemains de cuite. Plusieurs semaines… Quelle horreur ! Mais si c'est mon… amant… putain, il faut que je me fasse violence pour admettre cette réalité… si c'est régulier… comment puis-je tout oublier ? Pourquoi ne reste-t-il aucune bribe de souvenir ?

Lentement, difficilement, je me relève. La salle de bain est assez grande. La douche peut facilement accueillir deux personnes. Est-ce que j'ai déjà… Ne pas y penser ! Il y a deux vasques et je vois deux bosses à dents dans le verre. Est-il possible que l'une des deux soit à moi ? Ou bien ce type est marié et je suis une relation adultère ? Mon cerveau tourne à une vitesse folle et j'ai le regard dans le vide. Ah non, pas dans le vide. Mes yeux son fixés vers le miroir et sont posés sur mon propre corps. Plus précisément sur une marque rouge au niveau de ma clavicule. Ça aussi, je l'avais déjà remarqué, les suçons mais… C'est… cet homme… avec… cette bouche… L'image de ces lèvres sur ma peau m'affole et je cours dans la cabine de douche pour allumer l'eau à fond.

Je prends à peine le temps d'éjecter mon boxer avant de me glisser sous le jet glacé. Le froid me fait gémir mais j'en ai besoin. Putain, j'ai couché avec un homme ! C'est pas possible ! Et cette douleur… est-ce que ça veut dire ? Oh, pitié, non ! Faites que je me trompe, que je comprends mal ! Ma main glisse lentement vers mes cuisses et quand je sens un liquide poisseux entre mes fesses, je craque complètement et fond en larme. L'eau se réchauffe petit à petit mais je ne m'en rends pas vraiment compte. Ce type a mis… son… dans… mes fesses… La nausée est terrible mais pas autant que la honte que je ressens et le dégoût de moi-même.

Je suis certain qu'il ne m'a pas forcé, il a l'air… gentil… Mais cette conviction ne me rassure pas pour autant. J'aurai préféré pouvoir lui en vouloir, pouvoir accuser quelqu'un d'autre. Mais je suis obligé d'admettre que j'ai fait ça… de mon plein gré. Et je me méprise pour cela. Je suis un homme et les hommes sont faits pour aller avec les femmes. Non, ça n'est pas exactement ça, les autres font ce qu'ils veulent, ça les regarde et je m'en fous, mais moi… MOI, je suis fais pour aller avec une femme ! Les femmes sont des déesses merveilleuses et elles sont les seules à me convenir. Je ne peux pas trouver mon plaisir dans les bras d'un homme. Je ne peux pas être… la femme…

L'eau, maintenant tiède, chasse encore mes larmes, les dilue et les fait partir. Mais j'ai l'impression de m'être trahi moi même, de m'être trompé… et le dégoût que j'ai pour moi me surprend par sa violence. Je dois me ressaisir. Ce qui est fait est fait et je dois juste trouver un moyen pour que ça ne se reproduise plus. S'il me dit que je viens ici à chaque fois que je bois un peu, c'est certain, je ne toucherai plus jamais à une goutte d'alcool ! Jamais ! Putain, quelle horreur ! J'attrape fébrilement un flacon de gel douche et me lave avec énergie, je dois chasser cette sueur et ce… sperme. Frisson d'horreur, encore. Je dois faire disparaître les preuves de ma dépravation. Comment vais-je pouvoir de nouveau approcher les femmes, désormais ? J'ai tellement honte.

Il frappe à la porte et je sursaute.

« Sanji, tout va bien ? »

Prenant une grande inspiration, j'éteins l'eau et attrape une serviette propre.

« Je… j'arrive… »

Ma voix est légèrement trop aiguë, il faut que je me reprenne. Je ne peux pas rester à trembler de peur face à ce type. S'il a conscience, comme je le soupçonne, que je n'ai aucun souvenir de cette nuit, il ne va rien me faire, il ne va pas tenter de me… rafraîchir la mémoire… n'est-ce pas ? Il a l'air plutôt bien, comme mec. Dans un certain sens, ça me rassure que je n'ai pas choisi une espèce de rustre violent. Ça aurait ajouté à l'humiliation. Je me sèche les cheveux et en cherchant une brosse pour leur redonner un aspect correct je me rends compte que le rebord des vasques est encombré de produits pour la peau. Moi aussi j'en ai, bien que ça soit assez inhabituel pour un homme. Mais je n'ai pas de… maquillage. Assurément, ce type a une femme. Est-ce que je fais des plans à trois ? Ou bien est-ce un travesti ? Bordel, avec quel genre de mec me suis-je corrompu ?

Quand je sors de la salle de bain, habillé de mon jean slim et de ma chemise noire, la chambre est vide. J'ai repris quelque peu mes esprits mais je me sens encore légèrement fébrile. J'ai besoin de fumer, tout de suite, et je ne vais pas pouvoir attendre davantage. Sauf que mes poches sont vides. Je regarde sur la table de nuit, le sachet de préservatif a disparu et les draps sont tirés. La pièce est rangée, c'est un mec ordonné. Je vois un kimono sur une chaise. Un vêtement de femme, sans aucun doute possible. Aucune trace de l'objet de mon désir. Mes mains se remettent à trembler, putain, je vais pas pouvoir m'en passer plus longtemps, il m'en faut une… Maintenant.

J'ouvre la porte de la chambre, entrant dans un salon assez sobre décoré de tableaux et bibelots japonais. Un amoureux du pays des samouraïs ? Derrière le canapé je remarque une grande baie vitrée donnant sur la ville, nous sommes dans un immeuble haut et la vue est époustouflante. Ce mec a les moyens, on dirait. Il apparaît soudain à quelques mètres de moi, sortant de ce que je devine être la cuisine. Il porte un jean à taille assez basse, dévoilant sans pudeur le V de ses iliaques et il a attaché ses cheveux en queue haute. Ils sont tellement longs qu'ils tombent encore jusqu'à ses épaules, même remontés ainsi. Son torse, nu, est finement musclé mais il n'y a aucune possibilité que j'aie pu le confondre avec une femme. Sa peau a beau être imberbe et lisse, il a une silhouette parfaitement masculine.

Mon regard remonte à son visage et il me sourit toujours. Moi, je suis encore mal à l'aise devant cet inconnu qui semble me connaître et… m'apprécier ? Ses yeux fixent mes mains et je me rends compte qu'elles tremblent encore. Son sourire se fait complice quand il me lance un signe de tête vers le balcon avant de s'y diriger. Je n'ose pas bouger tout de suite et il passe près d'un guéridon où je le vois attraper deux objets que je reconnais tout de suite comme étant miens. Une vague immense de soulagement me parcourt alors que je lui emboîte le pas tandis qu'il ouvre la porte fenêtre. Quand je passe près de lui pour rejoindre l'extérieur, son parfum arrive à mon nez. Il sent le pain chaud, l'odeur du petit déjeuner est accrochée à sa peau. Il me tend mes biens et mes doigts frôlent les siens quand je prends mon briquet et mon paquet de clopes. La sensation est étrange et je me sens rougir instantanément. Réaction ridicule. C'est un un homme, merde !

La flamme s'élève et la cigarette crépite. J'aspire profondément et je sens la fumée de nicotine envahir mes poumons. Bonheur ! Quand je souffle un panache blanc dans l'air matinal, je sens mon corps commencer à se détendre. Je ferme les yeux pour m'abandonner à la sensation salvatrice qui m'aidera à supporter la réalité. Au bout de quelques minutes, je me tourne vers lui. Il est accoudé à la vitre, assez loin de moi pour ne pas se prendre la fumée dans la figure et le regard qu'il pose sur moi me perturbe énormément. Il n'y a aucun doute qu'il désire mon corps, vu comme il s'attarde sur la courbe de mes fesses, mais je devine aussi autre chose… que je ne veux surtout pas analyser. Détournant mon attention, je tends mon paquet vers lui.

« Tu… tu en veux une ?
- Non, je ne fume pas.
- Ah… désolé… je…
- T'inquiète, j'ai l'habitude. »

L'habitude ? Oh putain… Il a des habitudes avec moi ? Je détourne aussitôt les yeux, gêné comme pas possible. Les tremblements me reprennent et je tire de nouveau sur ma cigarette. Mon regard passe sur le rebord du balcon et je découvre un petit cendrier que je reconnais trop bien. Il est à moi. Il y a des affaires à moi, chez ce type ! J'y écrase mon mégot parmi d'autres, tous à moi, je le devine, et j'allume aussitôt une autre cigarette. Après encore quelques instants, je pose la question qui me fait le plus peur :

« Je… Nous… enfin… depuis quand ?
- Environ six mois, je dirais… » Oh putain ! « Mais toujours à ton initiative… le dimanche soir le plus souvent… quand tu as bu, si j'ai bien compris… »

Sa voix est presque triste. Il sait que j'oublie, il sait que je n'ai aucun souvenir de ce qu'on a pu faire ou dire. Et j'ai l'impression d'être le dernier des connards. Oui c'est un mec et oui ça m'écœure de savoir que lui et moi… mais c'est un être humain et je suis un vrai enfoiré même si je ne fais pas exprès. Je tire encore une latte et retourne le couteau dans la plaie.

« Pourquoi… pourquoi je suis là… ce matin ?
- C'est moi qui t'ai demandé de rester… Tu… tu m'as prévenu que je devais m'attendre à un… rejet plus ou moins violent mais… j'avais envie de te connaître… vraiment. »

La conscience qu'il a de la situation me sidère. L'honnêteté que j'ai pu avoir envers lui alors que j'étais bourré, aussi. Je connaissais parfaitement ma réaction, il est probable que j'ai anticipé ma décision de ne plus toucher une goutte d'alcool. Alors… est-ce que je cherchais un moyen de me défaire de l'emprise de ce type ? Ou est-ce que je voulais… aller plus loin ? L'idée me révolte. Pourtant, la tendresse que je vois dans le regard de ce mec me laisse imaginer que je ne suis pas juste… un plan cul ou une passade, à ses yeux. Et qu'en est-il de moi ? Pourquoi revenir toujours vers lui quand je bois un peu trop ? Pourquoi lui ? Qui est-il ? Je ne connais même pas son nom.

Au moment où j'écrase mon deuxième mégot et avant que je ne sorte une troisième clope, il me propose de venir manger. Je lance un dernier regard sur la ville en contrebas et je le suis à travers le salon. La cuisine est immense et son agencement n'a rien à envier à celle d'un restaurant. Il est particulièrement bien équipé. L'îlot central sert de table-bar et je m'y installe maladroitement alors qu'il sert les assiettes. Il y a tout ce que j'aime sur la table. Il connaît mes goûts, ça ne fait aucun doute. Je l'observe évoluer un instant dans cet environnement, ses longs cheveux virevoltant autours de son visage concentré. On dirait presque un autre homme. Il attrape une lame sans même la regarder et tranche des lamelles fines de fromage avec une précision et une assurance qui me surprennent. Ce mec est cuisiner, c'est pas possible autrement. D'ailleurs, je suis convaincu que les croissants sur la table ne sont pas achetés surgelés mais qu'ils sont faits maison.

Il dépose un café devant moi et se détourne vers le four pour en sortir un plat et là mes yeux s'écarquillent. Ce dessert est un de mes pêchers mignons et aussi un de mes défis personnels. Il est à la carte du plus grand restaurant de la ville et je n'ai jamais réussi à l'égaler. Quand le plat se pose sur la table, je n'ai aucune doute : il s'agit du vrai. Sauf qu'un seul cuisinier est capable de le réaliser dans toute la ville, et c'est une femme… Mon cœur se met à battre plus vite. Le maquillage dans la salle de main, le kimono féminin… C'est pas possible ! Je lève les yeux vers lui, incrédule.

« Qui es-tu ? »

Ma voix n'est qu'un souffle et je cherche à superposer l'apparence de cet homme avec l'image que j'ai que cette cuisinière de génie. La chef Izou porte toujours ses fins cheveux bruns en chignon japonnais, son visage est toujours grimé comme celui des geisha, elle est grande et a les épaules un peu larges. Dites moi que c'est faux ! Il me sourit, amusé.

« Si tu n'as de moi que mon image publique, c'est normal que tu aies mis du temps à me reconnaître…
- Mais… mais… je… vous êtes une femme…
- A priori non… et ne te mets pas à me vouvoyer, s'il te plaît… Allez, mange, c'est meilleur chaud. »

J'en pleurerais. Izou est un fantasme pour moi. La femme parfaite. Outre sa beauté inégalée, elle est une cuisinière hors pair, respectée de tous. Elle est mon objectif, mon rêve… Combien de fois me suis-je imaginé cuisinant avec elle, complice, amis… amants… La réalité me retombe dessus. Nous sommes amants. Je n'en ai aucun souvenir mais c'est un fait. Et elle… il m'apprécie visiblement beaucoup. Je passe mes mains sur mon visage pour essayer de revenir sur terre mais j'ai un mal fou à respirer. Il me sert une part de son chef d'œuvre et je me mets à manger de manière automatique avant d'être envahi par une myriade de saveurs. Un soupir de plaisir m'échappe et je sens que des larmes coulent le long de mes joues alors que je me ressers.

Je vis mon rêve et il a un arrière goût très amer. Je prends mon petit déjeuner avec Izou, c'est elle, lui, qui a cuisiné. Son sourire n'est destiné qu'à moi, son regard ne me quitte pas. Nous sommes seuls tous les deux, presque complices, intimes… amants… Mais c'est un homme. Un homme, putain de merde ! Pas une femme ! Pas une merveilleuse beauté japonaise inaccessible… Un homme qui pose ses doigts sur mon visage pour essuyer mes larmes. Je suis tellement choqué que je ne réagis même pas. Ses yeux sont fixés sur mes lèvres. Putain, il veut m'embrasser. Mon fantasme veut m'embrasser. Ma gorge se serre et je ne suis pas certain que je serais capable de le repousser s'il le faisait. Sa main passe sur ma nuque et je me pétrifie alors qu'il se penche vers moi. Mon cœur s'accélère et pourtant j'ai l'impression que le sang reflue de mon visage, je dois être blanc comme un linge, effrayé.

Un éclair de tristesse et de douleur traverse son regard, ses sourcils se froncent et il recule. Je l'ai blessé, mon attitude, ma peur, ma passivité, mon rejet le font souffrir. Il se détourne et s'éloigne de quelques pas. Ses épaules semblent affaissées alors qu'il se met à faire la vaisselle. Je connais cette attitude par cœur, je fais pareil quand quelque chose m'affecte, je fais la plonge pour occuper mes mains, pour vider mon esprit. Est-il en train de pleurer ? Je déglutis difficilement.

« Je suis désolé… Je ne voulais pas vous blesser… je suis désolé…
- Ne me vouvoie pas, Sanji. Je t'en prie ne fais pas ça ! Je t'ai dit que… que je ne me vexerai pas de ta réaction mais je… je ne pensais pas que ça me ferait aussi mal… Je suis le même que quand tu t'es réveillé, un mec avec qui tu t'envoies en l'air depuis six mois, même… même si tu n'en as aucun souvenir… Ne mets pas cette distance, s'il te plaît, elle n'a jamais existé entre nous, dans tes bras je ne suis que moi et pas… pas une célébrité ou je ne sais quoi. Il n'en a jamais été question entre nous… enfin j'espère… et je suppose que je ne le saurai jamais… »

Comment aurais-je pu l'aborder sans le reconnaître ? Est-il possible que je me sois jeté sur lui, bourré, en le prenant pour une fille et que l'alcool m'ait fait passé outre ce... détail une fois dans son lit ? Devant son discours je m'apaise lentement et reprends une bouchée de la merveille qu'il a cuisinée juste pour moi. Même son café est parfait. Moi qui voulait attendre encore quelques années, le temps de former quelqu'un pour me remplacer avant de postuler pour bosser avec lui… Jamais je n'oserai le faire désormais. Mon rêve ne pourra plus se réaliser. Je n'arrive plus à m'imaginer en cuisine avec lui, je ne vois que du malaise et de la gêne. Alors je vais suivre le chemin tracé par mon père, je vais reprendre son resto et je vivrai éternellement avec l'aigreur de ce rêve impossible, de ce fantasme irréel… Et avec les souvenirs absents de ce qu'il s'est passé entre lui et moi… Est-ce que je préférerais me rappeler ?

« Est-ce que vous… tu… comment je… nous… la première fois ? »

Je suis incapable de faire une phrase construite et je me demande s'il a compris ma demande. J'ai besoin de savoir. Pourquoi je me suis approché de lui. Il rit doucement à ma maladresse et se retourne finalement, essuyant ses mains sur un torchon avant de me regarder savourer sa cuisine. Ça, je ne peux pas le lui cacher et je n'ai aucune raison de le faire, j'aime ce qu'il a cuisiné, je suis impressionné par son talent et l'admiration que j'ai pour le Chef Izou ne change pas. Il vient s'installer à table avec moi, de l'autre côté de l'îlot et non plus près de moi. Il attrape un croissant et soupire.

« J'étais dans un bar près d'ici. Je ne portais pas de signe de mon métier ni même mon chignon habituel mais j'étais… habillé en femme. Pourtant, je ne crois pas que tu te sois laissé berner par la tenue… désolé mais… je pense que tu savais depuis le début que j'étais un homme vu… vu l'endroit où tu as posé ta main… Et quand j'y pense, tu savais aussi probablement qui j'étais vu que tu m'as demandé de te… cuisiner… »

Il rougit mais ça n'est pas grand-chose à côté de moi, je pense. Je voudrais disparaître tellement j'ai honte ! J'ai littéralement agressé sexuellement le plus grand cuisinier de la ville pour coucher avec lui. Comment ai-je pu faire ça ? C'est tellement humiliant de m'imaginer agir ainsi… D'une petite voix, je tente :

« J'étais bourré…
- Et pas qu'un peu. Je ne crois pas t'avoir revu aussi fait après ça. T'étais toujours un peu ivre et j'ai fini par comprendre que ça t'était nécessaire pour… accepter ça. Mais jamais aussi saoul, non.
- Comment… tout ça… enfin… on s'est revu…
- Oui, indubitablement… Tu es revenu ici. Tous les dimanche soir. Au bout de quelques semaines, je t'ai fait une remarque sur ta manière de disparaître sans donner de nouvelles puis de revenir comme si c'était normal et tu m'as… expliqué ton… fonctionnement. Tu parlais de toi en disant le Sanji sobre… Et donc, le Sanji sobre aime les femmes, les adule et ne s'imagine qu'en leur compagnie… Tu m'as expliqué l'étrange phénomène d'oubli total qui t'arrivait au matin et qui ne disparaissait qu'après quelques verres…
- J'ai honte d'avoir été aussi… rustre… ça ne me ressemble pas…
- Je sais. Et j'ai appris à faire avec, pourtant… j'avais vraiment envie de connaître le Sanji sobre. Je… je t'apprécie vraiment beaucoup Sanji…
- Vous savez pourquoi ça n'est jamais arrivé ?
- Je crois que tu… le Sanji ivre… m'apprécie aussi… au moins un peu… Et nous connaissions le risque de te laisser te réveiller ici…

- Si je n'arrive pas à me faire accepter par toi… il est possible que je ne te revoie jamais… Tu ne toucheras plus à une goutte d'alcool.
- C'est effectivement ce que j'ai en tête…
- J'aimerais que… tu me laisses une chance, Sanji. Est-ce que tu veux bien passer cette journée avec moi ? »

Je le dévisage longuement en mangeant mon œuf. Passer la journée avec lui. Une fois, une seule fois, partager quelque chose avec l'objet de mes fantasmes. Quelque chose dont je pourrais me souvenir. Mais si j'accepte en pensant cela, ça serait le tromper, non ? Son but est de… me draguer ? Me pousser à accepter notre… relation ? Moi ce qui me fait envie, c'est de m'enfermer dans une cuisine avec lui… Notre approche est tellement différente et j'ai peur de lui faire plus de mal encore. Je n'en ai pas envie, je le respecte trop pour ça… Je soupire.

« Vous… Tu… m'aimes ?
- C'est aussi pour répondre à cette question que je veux passer du temps avec toi, Sanji. Il est incontestable que nous sommes sexuellement compatible et le plaisir que…
- Non… j'aimerai vraiment qu'on évite ce sujet… Vraiment
- Excuse moi… c'est… le cœur de ce que j'ai échangé avec toi jusqu'à présent et j'aimerais en apprendre plus sur toi, te connaître plus… parce que… je ne peux pas te cacher que je tiens beaucoup à toi…
- Qu'est-ce que v… tu… sais de moi ?
- C'est là que ça coince, justement… pas grand-chose… tu aimes les femmes, tu te saoules le dimanche soir… je suppose que tu es célibataire… enfin, je veux dire…
- J'ai compris… effectivement, je ne vois personne… le reste du temps…
- Tu as un certain sens de l'esthétique que j'apprécie aussi, tu es cultivé, certaines de tes remarques me l'ont fait penser. Tu aimes la bonne cuisine. Tu es même assez exigeant à ce sujet là… C'est peut être le sujet sur lequel nous avons le plus échangé, je connais assez bien tes goûts, je crois.
- Effectivement, c'est l'impression que ça donne… Tu ne connais pas mon métier ?
- Je ne sais même pas si tu es étudiant ou dans la vie active… Je ne connais pas ton nom de famille…
- Et ben on va commencer par ça… »

Il me regarde, surpris et curieux à la fois. J'ai peur que ça jette un froid mais si je veux passer du temps en cuisine avec lui pour réaliser mon rêve, il faut qu'il ait une petite idée de qui je suis. Je me demande comment j'ai pu lui cacher ça alors qu'on a visiblement pas mal parlé bouffe… J'ai été bien fourbe, je trouve… Je soupire et repose ma tasse vide.

« Je suis le fils de Zeff Redfeet et je bosse avec mon père comme second de cuisine au Baratie.
- Oh merde ! Mais pourquoi tu me l'as jamais dit ?
- J'en sais rien… Peut être parce que tu es quelque chose comme mon idole, l'idéal à atteindre… ou bien parce que tu es un putain de concurrent… et franchement j'ai envie de croire que je ne suis pas un connard au point de t'avoir abordé pour cette raison…
- Ton idole… Je comprends mieux tes larmes… tu t'es rendu compte que la femme de tes rêves est un mec… Désolé pour la désillusion… »

Je dois avoir l'air con tellement sa remarque me surprend. Il rit doucement mais je sens qu'il ne sait pas trop quoi penser. J'ai envie de rire avec lui mais ça ne me semble pas approprié. Il a parfaitement saisi ma réaction et ça me surprend un peu. En fait, il est particulièrement attentif à moi et je n'ai pas l'habitude. Mon père est plutôt du genre à frapper ou gueuler, ça n'aide pas à la confidence… Je me lève et je commence à débarrasser, plus par habitude qu'autre chose. Peut être aussi pour occuper mes mains mais quand je vais ouvrir le robinet ses doigts fins s'enroulent autour de mon poignet. Le contact m'arrache un frisson que je ne connais pas et je sens que mon corps veut réagir à cette sensation inconnue. Je me libère de sa prise et sa voix douce me sort de ma surprise.

« Tu ne vas pas faire la vaisselle chez moi, Sanji. »

Il sourit d'un air entendu et je comprends très bien. C'est sa cuisine, son domaine… Mais si lui veut me mettre dans son lit, moi c'est dans sa cuisine que je veux aller. Je détourne le regard et m'éloigne vers la porte, j'ai besoin d'une clope… encore… Avant de quitter la pièce, je fais une pause, sans le regarder.

« Passer une journée avec toi… ça ressemble à un rêve pour moi mais… clairement pas avec la même intention que toi… Moi j'ai envie de passer une journée à cuisiner avec toi… je ne compte pas finir dans ton lit ni même… t'embrasser… »

Sans un mot de plus, je quitte les lieux. Il ne me suit pas et ne cherche pas à me retenir. Quelque chose me dit qu'il me connaît assez pour savoir où je vais et j'ai l'impression d'être transparent à ces yeux, ça me perturbe. J'allume ma cigarette et mes yeux se perdent dans le vide alors que je m'accoude à la rambarde du balcon. J'essaie de réfléchir mais c'est compliqué… Izou, le chef que j'admire depuis mon adolescence est un homme et non une femme. Ça ne change rien au fait qu'il soit à mes yeux le cuisinier le plus talentueux de ma génération et au respect que j'ai pour lui… Mais ça a un impact certain sur l'autre aspect de mon intérêt pour lui… Je me suis plus d'une fois branlé en rêvant à la femme parfaite qu'il était censé être… Et j'ai l'impression que mon corps est tenté de répondre à son contact bien plus qu'il ne devrait…

« Sanji… Est-ce que je peux te parler franchement ? »

Je sursaute. Il m'a rejoint sur le balcon, il est toujours torse nu et je me surprends à le trouver horriblement sexy. Je me mords la lèvre et me détourne, revenant à ma nicotine. Putain ! J'ai couché avec ce type… C'est à la fois dégoûtant et… je ne sais pas… en fait, je crois que je me fais à cette idée un peu trop facilement… J'ai aucune idée de ce qu'il a en tête mais je le remercie de garder ses distances parce que moi j'ai des trucs pas sains en tête et ça craint !

« Bien sûr…
- Que tu sois le fils de Zeff… dans un sens, ça m'emmerde vraiment. Effectivement, tu es un putain de concurrent, comme tu dis… Mais que tu sois un cuisinier de si haut niveau… Second au Baratie, probablement futur chef quand l'éclopé te passera le relais… ça m'excite terriblement. Alors passer la journée en cuisine avec toi, ça me tente carrément sauf que… je ne peux pas te garantir que je ne tenterais rien… Juste t'imaginer en tenue, j'en tremble… »

Putain, il me fait du rentre dedans sans aucune retenue là. Je me retourne, surpris, et il s'avance vers moi d'un pas leste. Il pose un main de chaque côté de moi sur la rambarde du balcon et je me retrouve coincé entre le vide et son corps brûlant. Mon cœur s'affole, putain ! C'est quoi cette réaction, merde ! Instinctivement, j'éloigne ma cigarette de lui, je suis le seul cuisinier assez abruti pour fumer, comme dirait mon père, et je me doute que Izou a un nez particulièrement sensible. Déjà, rien que mon haleine ça doit être quelque chose… Pourtant ça ne semble pas le gêner. Son corps se penche sur le mien sans pour autant me toucher, ou à peine. Je sens que je me tends, sur la défensive, et je me dis que ça doit être limite insultant pour lui mais il n'en montre rien.

Il se penche vers mon oreille et pose un baiser extrêmement léger dans mon cou. Ses lèvres m'effleurent à peine mais le frisson qui parcours mon corps à ce contact est violent. Mon souffle s'accélère et je ferme les yeux. Putain ! Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Est-ce du désir ou de la peur ? La peur d'avoir envie ? Je n'arrive plus à respirer et je sens que mon visage me brûle. On dirait une jeune fille prude, je déteste cette réaction épidermique que je ne peux pas contrôler. Un gémissement incontrôlé m'échappe et je n'ose toujours pas le rejeter. Bordel… il me baiserait sur place que je le laisserais faire. Pourquoi ne suis-je pas capable de l'éloigner de moi ? C'est incompréhensible…

« Tu préfères que je m'habille en homme ou en femme, Sanji ? »

Oh la question piège ! Merde ! J'en sais rien… Il ne bouge pas. S'il s'habille en homme, arriverai-je mieux à lui résister ? Mais il ne serait pas l'Izou de mes rêves… Sauf que s'il est en femme, est-ce que je ne risque pas de me comporter comme d'habitude et de carrément l'inviter à aller au lit ? Ça serait catastrophique… Je ne veux pas qu'il soit en femme, je veux qu'il soit une femme… peut être pourrais-je accepter la réalité en l'imaginant femme éprise et abandonnée mais quelque chose me dit que je me trompe… il n'a jamais été question que ça se passe dans ce sens entre nous. La preuve ? Mon putain de mal au cul ! Pourtant, je ne peux me retenir de poser la question que je devrais taire.

« T'ai-je un jour traité comme une femme ?
- Mmm… Je pensais que tu ne voulais pas parler de ça, Sanji…

- Jamais. C'est toujours moi qui…
- C'est bon…
- Tu n'as jamais non plus été aussi mignon, je t'aime bien entreprenant et passionné mais tu me plais aussi timide et mal à l'aise.
- Arrête ça, s'il te plaît…
- Tu n'imagines pas combien je me retiens, Sanji… On n'a jamais passé autant de temps si proche sans se toucher… Ça ne te fait probablement rien mais pour moi c'est une torture… Alors réponds à ma question… Tu me veux en homme ou en femme ? »

Je le veux… cette formulation est clairement un piège et je suis certain qu'il ne compte pas bouger tant que je n'aurai pas répondu. Mes paupières se ferment comme pour m'échapper de cette situation. Lentement, je sens que mon corps s'habitue à sa proximité et la tension me quitte, il ne va rien faire d'autre. Il se retient mais il ne se jettera pas sur moi, il ne va pas m'arracher mes vêtements ni m'embrasser de force. Je devrais en être soulagé, non ? Alors d'où vient cette pointe de frustration. Je déglutis difficilement et je finis par répondre dans un souffle :

« Je préfère que… tu sois… toi-même… »

Voilà, ça n'est pas une réponse, il fait ce qu'il veut. Il pose un baiser dans mon cou, encore, et je me mords la lèvre pour retenir le soupir qui veut s'échapper. Je suis clairement trop sensible à la tension sexuelle qu'il joue à mettre entre lui et moi. Il s'éloigne et j'ai l'impression de respirer enfin librement. Par réflexe, je ramène ma cigarette à mes lèvres et inspire une grosse bouffée de nicotine avant d'ouvrir les yeux. Il me sourit toujours en profitant très certainement du spectacle de ma gêne. D'un certain côté, ça doit le rassurer de voir que je suis si sensible à lui mais moi ça me dérange carrément. La clope est presque entièrement consumée et il ne me laisse pas le temps de me demander si j'en allume une autre, il retourne vers le salon en m'intimant l'ordre de le suivre. Il se dégage de lui, en cet instant, un tel charisme que je n'envisage même pas de désobéir. Je le suis donc jusqu'à la chambre. Il me désigne un fauteuil duquel je peux voir la pièce et la salle de bain.

« Assieds toi là et regarde. Juste pour ne pas oublier qui est sous le maquillage, ok ? Et en même temps, réfléchis à ce que tu vas me cuisinier. Passer du temps aux fourneaux avec toi, clairement ça me fait envie, mais je dois d'abord te voir à l'œuvre. On va aller au marché même si c'est un peu tard, puis on ira au resto, il est fermé on aura la cuisine pour nous tous seuls. Tu me feras ce que tu veux, tant que ça n'est pas sur la carte du Baratie, je veux que ça soit ton plat pas un truc validé par ton père. Tu en penses quoi ? »

Mon sourire répond pour moi. D'un coup, je suis nettement plus détendu. Je vais lui cuisiner un truc qui va changer son regard sur moi. Il ne me regardera plus comme une proie mais comme un égal. Voilà, c'est ça, je vais lui montrer de quoi je suis capable. Franchement, cuisiner au All Blue pour le Chef Izou, c'est un rêve qui devient réalité, là ! J'en oublie totalement l'état de trouble dans lequel il m'a mis tout à l'heure, je sens que nous allons revenir sur un terrain que je maîtrise et ça me convient d'avantage. Je le suis du regard quand il passe dans la salle de bain, il laisse la porte ouverte et détache ses cheveux. Ils sont vraiment magnifiques, ils brillent et ondulent sur son dos. Il les brosse et les peigne longuement avant de les remonter en chignon. Je devine l'assurance des gestes répétés cent fois. Les mèches oscillent devant sa nuque avant de se retrouver coincées dans une coiffure travaillée et distinguée. Il ajoute un pic avec des perles, accessoire typiquement féminin.

Je croise son regard dans le miroir et il me sourit avant d'étaler la mousse à raser sur son visage. Bien sûr, s'il se grime en femme, il ne peut se permettre d'avoir le moindre début de barbe. Je n'avais même pas fait attention à l'ombre de la repousse… Le lundi doit être le seul jour où il ne le fait pas et voilà qu'il s'y colle pour moi… Je chasse tout de suite l'idée qu'il fait quelque chose pour moi, et je regarde rapidement l'heure. Je ne sais pas vraiment combien de temps il lui faut pour se préparer mais on va clairement manquer les premières heures du marché, il faudra que je fasse avec ce que je trouve. Je me demande à l'instant comment je devrai me comporter dehors. Il m'a dit qu'il est au courant pour mon adoration des femmes… Mais entre savoir et voir… La lame passe sur sa gorge, sa bouche est entrouverte à cause de la concentration. Une chaleur monte entre mes reins et je détourne les yeux. Mon corps ce sale traître !

« Tu es sûr de vouloir me voir tel que je suis vraiment ?
- Certain, pourquoi ?
- Parce que les vendeurs sont souvent des femmes sur les marchés…
- Drague tout ton saoul, ne te prive pas pour moi… je ne me priverai pas non plus… »

De quoi il parle ? Il va draguer aussi ? Habillé en femme ? A mon avis, les maraîchers ne seront pas sensibles à sa beauté raffinée, il n'y a bien que moi qui… oh merde ! Je me sens rougir et je baisse le regard alors qu'il se met à rire en séchant son visage. Il y applique une crème puis se couvre de poudre blanche. Le Chef Izou est l'image même d'une geisha de luxe… Serais-je crédible à draguer les vendeuses avec une telle beauté près de moi… Je devrais arrêter de me poser des questions parce que de toutes façons, c'est un comportement que je ne contrôle pas… et c'est bien pour ça que je n'arrive pas à rester bien longtemps en couple avec une femme… C'est pour ça, n'est-ce pas ? Ça n'est pas parce que… mon regard erre sur le dos dénudé dans la salle de bain et dérive vers la courbe de ses fesses.

« Tu sais déjà ce que tu vas me faire, Sanji ? »

Mon esprit dérive un instant à ce que nous pourrions faire dans un lit et je sens que mon entre-jambe réagit à une vitesse déraisonnable. Je rougis et remonte mes genoux contre moi pour poser mes pieds sur le fauteuil et cacher ma gêne. Putain ! C'était pas du tout de ça qu'il parlait, bordel ! Je me force à reporter mon regard vers lui, il est en train d'appliquer des couleurs sur son visage blanchi. Il se concentre sur ses lèvres et je déconnecte un instant, imaginant leur goût avant de revenir à la réalité.

« J'ai une petite idée, mais ça dépendra de ce qu'on trouvera sur les étals, je ne veux que des produits frais. »

Il sourit en étalant une poudre rose sur ses joues puis se met des boucles d'oreille en perles répondant parfaitement au pic dans sa coiffure. Il est maquillé et coiffé, je reconnais sans peine l'image que j'ai de lui. Pourtant quand il se tourne vers moi, j'ai un temps d'arrêt. Comment ai-je pu, même un instant, le prendre pour une femme ? Même comme ça, il semble viril… Enfin, le fait qu'il soit torse nu doit jouer, non ? Il s'avance dans la pièce et, face à moi, retire son jean. Oh bordel ! Mon érection devient carrément gênante, là.

Il sourit face à mon embarras. Impossible qu'il n'ait rien remarqué. Et pourtant il se contente de me tourner le dos, m'offrant la vision troublante de ses fesses avant d'attraper son kimono. Subjugué, je le regarde l'enfiler et fixer le Obi. Je pensais que c'était compliqué à ajuster, ces trucs là. Il fait ça tranquillement avec des gestes souples et sûrs puis, après un dernier ajustement, il revient face à moi et plonge son regard dans le mien. Comment ai-je jamais pu le prendre pour une femme ? Ça saute aux yeux que c'est un mec… Je bafouille en pointant sa poitrine partiellement dénudé.

« Tu… t'as jamais porté des… heu… faux seins ?
- Jamais. » Il rit. « Je ne suis même pas sûr que les journaux parlent de moi au féminin, en fait…
- Mais alors… pourquoi… comment j'ai pu te… confondre avec…
- Le déni, je suppose…
- Dis pas de conneries !
- Vu le temps qu'on a passé dans ce lit et ce qu'on y a fait… »

Il ne finit pas sa phrase et je ferme les yeux, honteux. Comment j'ai pu imaginer qu'il était une femme ? Comment j'ai pu me faire autant de films ! Je me suis branlé devant ses photos, putain ! Et depuis le début c'était un homme ! Et même s'il se grime, c'était une évidence. Alors quoi ? J'ai toujours eu envie de ce mec et je me suis aveuglé moi même pour ne pas me dégoûter ? Bah c'est trop tard, là… Pourtant, je suis plus gêné qu'écœuré… Ses mains se posent sur les accoudoirs et je sursaute alors qu'il se penche vers moi. Faut qu'il arrête de me faire ça, merde ! Mon cœur part encore en vrille et c'est presque douloureux tellement il bat fort. Ses lèvres peintes m'obsèdent et j'ai l'impression qu'il va m'embrasser. Ou pas… Est-ce juste moi qui en ai envie ? Mais non ! Je n'en ai pas envie, putain !

« Sanji » Sa voix est… tendre… « Je joue à quitte ou double, aujourd'hui. Et pour être honnête, je n'ai vraiment pas envie de te perdre ni que tu disparaisses de ma vie. J'ai envie de croire que Sanji bourré n'est pas différent de Sanji sobre et que tu n'as fait qu'oser ce que tu n'arrivais pas à assumer. » Sa main se pose sur ma joue avec une douceur incroyable, je sens qu'il a peur de mon rejet… mais je suis encore une fois incapable de l'éloigner. « Je ne te ferai rien, je te le promets, même si j'en crève d'envie, je ne t'embrasserai pas sans ton accord. Je ne veux pas te faire fuir, j'ai trop à perdre, là… Je voudrais juste… que tu me donnes une chance…
- J'aime les femmes. » Pourquoi est-ce si difficile de lui répondre. « Je… Si je… ça serait… me trahir… je ne peux pas…
- Pas forcément. Tu aimes les femmes et tu n'es pas attiré par les hommes. Je l'entends très bien. Peut-être que tu peux essayer d'envisager que je ne suis pas les hommes mais juste… un en particulier… »

Son argument me surprend mais j'essaie de l'entendre, de l'analyser. Que mon corps réagisse autant à son contact, ça ne veut pas dire que je suis homo, c'est ça ? Je peux continuer à aimer les femmes et… apprécier aussi ses caresses ? Ça me semble tellement étrange… Sa main glisse de ma joue vers ma nuque et je retiens ma respiration. Pourquoi est-ce que je tremble autant ? Pourquoi mon souffle s'accélère puis se bloque quand son front se pose contre le mien. Son souffle sur mon visage me perturbe. Il ferme les yeux et je me rends compte qu'il tremble aussi. Il résiste à son désir et je suis touché par son attention. Ses doigts jouent avec mes cheveux dans mon cou. Il… souffre ?

« Mais je t'assure que c'est dur de t'avoir comme ça à portée de main, Sanji…
- Je te remercie de te retenir parce que… moi… de mon côté… je n'arrive pas à… te repousser…
- Je m'en suis rendu compte… » Sa voix n'est qu'un souffle. « Je ne veux pas jouer avec toi, Sanji… J'aimerai vraiment que tu en aies autant envie que moi sans avoir besoin… de boire, pour ça…
- Je ne peux pas te cacher que… mon corps n'est pas vraiment en phase avec mon esprit…
- Mmm… Ça aussi, j'ai vu… Tu veux que… je t'aide ?
- Certainement pas !
- Je m'en doutais… Que puis-je faire pour toi, alors ? »

Ah ! La question à un million de Berrys… Si je laissais mon corps agir de lui même, je crois que je me jetterais sur lui. Mais mon cerveau et ma raison freinent des quatre fers pour contenir cette pulsion. Il est si près de moi que je n'arrive pas à avoir la moindre pensée construite. Je n'ai qu'une idée en tête : l'envie de goûter ses lèvres. Mais franchement, c'est un pas que je ne peux pas faire. N'est-ce pas ? Non, vraiment, je vais pas lui rouler une pelle, comme ça, sans le prévenir, sur un coup de tête… Mais il veut me rendre un service, non ? Peut être que je pourrais juste fermer les yeux et le laisser faire ? Juste… pour savoir le goût qu'ont ses lèvres… J'imagine ce que serait un baiser de lui et toutes mes pensées se tournent vers cet acte insolite. Un baiser d'Izou… Il est plus plantureux dans mes rêves mais sa bouche est la même… J'ai l'impression que mon cœur danse la gigue avec mon estomac, je vais tourner de l'œil, là… Ma voix s'élève sans que je ne lui ai rien demandé.

« Embrasse moi. »

Son front se décolle du mien et il plonge son regard dans le mien. Il est presque aussi surpris que moi et pourtant… Je crois que je le veux vraiment. Je veux savoir le goût de ses lèvres, ça m'obstine depuis tout à l'heure. Je fixe sa bouche maquillée et j'ai vraiment envie de m'en emparer. La question de savoir s'il est un homme ou une femme s'est envolée, je n'ai plus que cette idée en tête.

« Non.
- Quoi ? Pourquoi ? Tu n'en as pas envie ?
- Bien sûr que si mais… toi, fais le. »

Oh merde. Il me donne son accord mais ne me permet pas de juste recevoir. Il veut que je lui prenne ce baiser, il veut que… que j'ai envie de lui. Et si je fais ça, si j'agrippe sa nuque et que je l'attire à moi comme je suis en train de le faire. Si je fais ça… Est-ce m'abandonner à lui ? Est-ce perdre ? Depuis quand est-il question de gagner ou perdre ? Je suis déjà perdu de toutes façons. Ma main presse sa nuque un peu plus et je me tends vers lui jusqu'à le frôler. La tension est forte entre nous et je sens son souffle rapide sur mon visage. Il en a envie, terriblement envie…

Mes lèvres rencontrent les siennes et c'est tellement doux. Ma main se referme sur son bras, je m'accroche à lui et presse d'avantage. Il ferme les yeux et je l'entends gémir. Putain, c'est sexy ! Ses lèvres s'entrouvrent comme une invitation et lentement ma langue vient les lécher, les caresser, les découvrir. Ou les redécouvrir. J'ai l'impression de les connaître parfaitement et ma langue s'aventure plus loin à la recherche de sa sœur. Quand il entre en action, répondant enfin à mon baiser, c'est mon tour de gémir. Sa main se referme sur ma nuque et il m'embrasse avec passion, avec sensualité. Je me cambre vers lui, comme si je voulais plus de contact et mes jambes s'écartent pour le laisser approcher. Mes bras se resserrent dans son dos et il m'embrasse encore. C'est doux et brutal à la fois. J'aimerai que ça ne finisse jamais mais il finit par s'éloigner, me laissant haletant sur le fauteuil. Putain, c'était quoi ce baiser ?

Il me regarde et je perçois tout son désir, son excitation. Je n'ose pas baisser les yeux, de toutes façon le kimono est trop ample, je ne pourrais pas deviner son érection mais je suis certain qu'il bande. Il recule d'un pas puis de deux. On dirait qu'il chancelle. Je me demande s'il va me lancer un « Alors ? » provocant mais j'ai l'impression qu'il n'y arrive pas. Il semble troublé. Ses doigts passent sur ses lèvres et il se détourne pour aller ouvrir la fenêtre et respirer un grand coup. Ma main cherche frénétiquement mes cigarettes qui sont restées sur la terrasse. Malgré mon érection conséquente, je me lève et m'y dirige. Moi aussi j'ai besoin d'air. Et de nicotine.

Quelques minutes après, il me rejoint. Je me suis calmé et, visiblement, lui aussi. Il a aussi fait un raccord maquillage et il semble prêt à sortir. Je continue à tirer sur ma clope. Non, vraiment, il a beau être maquillé, porter des bijoux et des vêtements féminins… C'est un homme. Il a une grâce qui lui est propre mais elle n'a rien de féminine, c'est… autre chose. Me sortant de mes pensées, il soupire.

« Tu ne m'as jamais embrassé comme ça.
- Ah bon ?
- Non… tes baisers ont toujours exprimé ton… désir… ton envie de… » il me regarde, hésite, puis termine sa phrase. « sexe. Je ne pensais pas pouvoir, un jour, avoir… encore plus envie de toi…
- Je crois qu'il faut qu'on sorte. » Conclus-je en écrasant ma cigarette.