Et voilà déjà le second chapitre ! Et oui, j'ai dit que j'étais inspirée, alors j'enchaîne les chapitres les uns après les autres …

J'espère que ça vous plaira toujours autant


Te revoir

Chapitre 2 : Règlements de comptes

« Ecoute, Potter … Je … »

« On pourrait peut-être s'appeler par nos prénoms, tu ne crois pas ? »

Il lève un regard étonné vers moi, à ma proposition. « Quoi ? Tu … tu le voudrais, toi ? »

Comment ça, moi ? Il exagère, je ne suis pas un tel rustre, quand même …

« Ecoute, » je reprends, essayant de contrôler la colère qui monte déjà en moi. « On tente de discuter civilement, comme deux adultes que nous sommes, alors … »

Il secoue la tête, et ajoute : « Non, mais je veux dire … Après tout ce qui s'est passé entre nous, je ne pensais pas t'entendre me proposer ça un jour … »

Le souvenir de son poing en travers de mon menton, trois ans plus tôt, me traverse alors douloureusement l'esprit. Je souligne : « C'est sûr que venant de ta part, ça aurait été plutôt malvenu … »

Il se renfonce dans son siège et fronce les sourcils : « Qu'est-ce que tu veux dire ? Tu n'es pas mieux que moi, sur ce coup-là. »

« Je te parle du coup du poing que tu m'as balancé dans la gueule la dernière fois qu'on s'est vus ! » Je me suis un peu redressé sur la table, et j'aperçois du coin de l'œil Hermione qui sursaute en me voyant m'emporter. Mais je l'ignore, et déjà Malefoy continue, sur le même ton que moi :

« Et moi je te parle des 7 années qu'on a passé à s'entretuer ! Tu te focalises sur un putain de coup de poing alors qu'on s'en est échangés tant d'autres ! »

C'est vrai ça : pourquoi je reste si obstinément bloqué sur ce coup, plutôt que sur les autres ? Mais il faut dire aussi que c'est la dernière image que j'ai gardée de lui, et forcément, elle n'est pas très agréable …

Je le vois se rasseoir doucement sur sa chaise, et se passer la main dans ses cheveux. Ce geste semble souligner sa gêne.

« Pardon … Je veux dire, c'est vrai que c'était pas cool ce que j'ai fait. Mais je t'ai dit pourquoi je t'ai frappé ? Cette fois-là, je veux dire … »

Il ne me laisse pas le temps d'être choqué par le fait que je viens de l'entendre, peut-être pour la première fois de sa vie, s'excuser. Déjà, je dois lui répondre : « Heu oui, tu me l'as dit … mais, bon, ça n'excuse pas vraiment … »

« Merde, Harry ! Tu venais quand même de tuer mon père … » Il me lance un regard à la fois triste et accusateur. Je l'ignore. Les années passant, j'ai appris à m'endurcir. Qui cette guerre n'a pas endurci et fragilisé à la fois, de toutes façons ?

« Il était mangemort, Malefoy ! Je devais le tuer. Et puis … » j'ajoute en plissant un peu les yeux. « Je ne te savais pas si attaché à lui … »

Ses yeux s'agrandissent, puis je le vois détourner la tête. Bingo ! J'ai marqué un point, là. Mais je me reprends. Nous ne sommes plus à un match de Quidditch. Nous discutons, entre adultes. Du moins, entre grands adolescents. Mais plus entre enfants, ça c'est certain. La guerre est passée par là, emmenant notre enfance. Et nos parents, c'est vrai.

« Que … qu'est devenue ta mère ? » je m'entends lui demander, sans trop savoir pourquoi.

Il baisse la tête une seconde, puis la relève, plantant ses prunelles dans les miennes :

« Elle est devenue folle après la mort de mon père. Elle s'est suicidée. » dit-il d'un ton neutre, dénué de toute émotion. En apparence.

Et si Malefoy avait deviné que la mort de son père entraînerait celle de sa mère ? Son coup aurait pu être sa façon de me dire qu'il m'en voulait pour ce qui allait arriver à Narcissa, non pour ce que j'avais fait à Lucius. Enfin, j'imaginais qu'il était plus attaché à sa mère qu'à son père, mais je me trompais peut-être …

« Je suis désolé … » lui murmure-je quand même, en baissant la tête.

« Ne le sois pas. Je ne l'ai jamais été pour tes parents. » Il a dit ça d'un ton dur, mais je ne peux même pas lui en vouloir : il a raison, après tout, il ne m'a jamais présenté ses condoléances pour mes parents. Mais pourquoi l'aurait-il fait, après tout ?

Je tente de revenir à un sujet moins douloureux pour nous deux. Après tout, nous avons bien dévié de notre point de départ :

« Bon, écoute, si tu ne veux pas qu'on s'appelle par nos prénoms, c'est pas grave. Je comprends. »

« Mais je n'ai jamais dit que je ne voulais pas. »

Allons bon ! Il est vraiment plein de contradictions, ce type ! Enfin … Voilà un point de réglé, au moins.

« Alors … Draco » Merlin, je ne pensais pas que ce serait si dur ! Le manque d'habitude, certainement. « Pour en revenir à ma première question … Pourquoi es-tu partir vivre dans le monde moldu ? »

Il fronce un peu les sourcils, et reprend un peu de son ton hautain, que je lui connaissais si bien du temps de notre scolarité, pour me répondre : « Je ne vois pas ce qu'il y a de si étonnant. Je ne suis pas le seul à le faire. »

« Le seul sorcier au sang pur, si … En tout cas, le seul qui y vit complètement. Les autres n'y font que des voyages. » Je pensais au père de Ron, qui s'y rend régulièrement pour y étudier des objets moldus.

Il hausse les épaules, et se met à tapoter la table du bout des doigts : « Oh, et bien … Moi j'en avais un peu marre du monde sorcier. J'avais envie de voir du pays. » dit-il d'un ton qui se voulait détaché. Je n'étais pas dupe. Je me penche un peu en avant, et lui glisse :

« Draco … allons, on se connaît depuis longtemps toi et moi. Dis-moi la vérité. »

Il me regarde, et je vois l'assurance de ses yeux disparaître un moment.

A ce moment-là, Luna nous apporte nos boissons, lui épargnant l'épreuve de me répondre. Avec un grand sourire, elle nous dépose et mon jus pour moi, et son café pour lui. Elle repart sans un mot, dans sa bulle. Luna est comme ça : elle peut être plongée dans ses pensées, ou alors très extravertie. Je ne sais pas trop ce que je préfère chez elle.

En me voyant porter mon verre de pamplemousse à mes lèvres, Draco me fait dans un sourire : « Toujours aussi sportif, n'est-ce pas ? Tu prends des vitamines. »

Je repose le verre sur le petit cercle d'eau qu'il a laissé sur la table de bois. « Non, je ne joue presque plus au Quidditch. »

« Tu as arrêté ? »

« Je suis devenu Auror. »

Il sursaute, mais si imperceptiblement qu'il faut vraiment être exercé à repérer le moindre geste chez autrui pour s'en rendre compte. C'est mon cas. Je le fixe un moment, et voit qu'il se concentre sur son café, sans détourner son attention de son breuvage. Je le devine donc gêné.

« Un problème, Draco ? Ma profession te dérange, peut-être ? » Au même moment, je me gifle mentalement. Je me fais l'effet d'être en train de mener un interrogatoire, face à un ennemi. Or, ce n'est pas le cas. C'est fini, tout ça.

« Je … Non, simplement, je … » Il ne sait que répondre. Cette fois j'ai réussi, je l'ai vraiment mis mal à l'aise. Je lève un regard vers Hermione, toujours accoudée au bar, et elle prend un air réprobateur. Même s'il lui tourne le dos et qu'elle ne nous entend pas, elle a perçu la gêne de Malefoy et me le reproche. Je lance à mon amie un petit sourire d'excuse, et me penche un peu vers mon vis-à-vis :

« Et … et toi, tu fais quoi comme travail ? » Merlin, quelle question idiote ! Comment Draco, digne héritier de toute la fortune des Malefoy, pourrait-il travailler ? Remarquez, je le fais bien, moi. Mais je n'ai jamais refusé de me salir les mains dans le travail, moi …

« Je … je n'ai pas vraiment de travail fixe … »

Oui, c'est bien ce que je pensais.

« Mais je fais pas mal de photos … et je les vends parfois. » poursuit-il, me surprenant. Au-delà du fait que je n'aurais jamais imaginé Malefoy travaillant, je ne lui savais pas de passion dans la vie (hormis s'admirer lui-même ou embêter les autres, bien sûr …). Ce métier va même à l'encontre de tout ce qu'il est, tout ce qu'il a été : s'oublier un instant pour mettre les autres en valeur à travers l'objectif, voilà qui lui ressemble si peu !

« Je … Tu crois que je pourrais jeter un œil à tes travaux, un jour ? » je demande. Il me regarde, un peu étonné : est-ce par le fait que je m'intéresse à son travail, ou parce que je lui parle d'un futur hypothétique où nous nous reverrions ?

Toujours est-il qu'après un moment, il me glisse, après avoir avalé une gorgée de son café noir :

« Maintenant, si tu veux. »

« Tu les as avec toi ? »

« Oui. » Il se penche vers son sac, et le ramène sur ses genoux. Il en sort des longs classeurs souples et me les tend. Je les attrape sans un mot, repousse mon verre et les étale devant moi. Je les feuillette un moment, puis relève un regard empreint d'une sourde horreur :

« Il n'y a que des photos de guerre dedans … »

Il laisse son regard se perdre sur les photos que je tiens devant moi. Puis il me dit d'une voix lointaine, toujours sans relever la tête :

« On a tous nos démons, Harry. »

Je ramène mon attention un instant aux clichés en noir et blanc, qui m'offrent en des expressions figées des moments d'horreur, de mort, de douleur. Des moments qui ressemblent tellement à ceux que j'ai vécu. Que nous avons tous vécu. Mais lui a fui si vite après ça. Je ne pensais pas que ça le travaillerait comme ça … Je le vois touiller avec application son café, et je tente alors de dévier la conversation :

« Je ne sais pas comment tu fais pour boire ça, noir, sans sucre, là … Moi je n'ai jamais pu. » dis-je en rigolant et en refermant les classeurs.

Il hoche la tête : « C'est la seule chose que j'ai trouvé pour me maintenir éveillé. »

« Eveillé ? »

Nouveau hochement de tête. « Pour ne pas dormir. Je faisais trop de cauchemars. Maintenant, grâce à ça », il soulève sa tasse devant lui « je ne dors presque plus. »

Mon cœur se serre à ces mots. Merlin, mais qui est le plus brisé par les combats que nous avons connu ? Je croyais qu'en étant au cœur même du malheur, je serais le plus affecté, mais sans doute me trompais-je. Le voyant soupirer un moment, je crains de le voir craquer. Je tends ma main jusqu'à toucher la sienne, qui repose sur la table, et lui dis, tout bas :

« Ne pleure pas, Draco. »

Il lève un regard surpris vers moi, et ses prunelles semblent se teinter d'un gris un peu plus clair à ce moment : « Je ne pleurerais pas. Je ne pleure jamais, Harry, tu sais. »

C'est vrai que je ne l'ai jamais vu pleurer quand nous étions à Poudlard, même après nos plus violentes bagarres, mais après tout, je n'étais pas là quand il était seul, le soir. Dubitatif, je reprends : « Jamais, vraiment ? Même pas à la mort de … de tes parents. Ou même de Rogue ? »

« Non. Je n'ai jamais aimé mes parents. En tout cas, pas comme un fils aurait dû aimer ses parents. Après tout » ajoute-t-il en haussant les épaules « ils n'ont jamais vraiment agi envers moi comme si j'étais leur fils. Donc non, leur mort ne m'a jamais fait pleuré. Pareil pour Rogue. Il était mon parrain, mais je n'étais pas proche au point d'être affecté par sa disparition. »

« Pourquoi m'avoir frappé alors, si la mort de ton père ne t'avait pas attristé ? » Exit, l'hypothèse de la colère pour la disparition de la mère.

Draco se recale sur sa chaise, puis me dit : « Quand tu l'as tué, j'ai compris que le monde tel que je l'avais connu allait disparaître. Et ça m'a fait peur, je crois. » Après Malefoy s'excusant, j'avais droit à Malefoy avouant ses craintes. J'avais l'impression de nager en plein conte ! « J'ai compris d'un coup que tout ce qui avait fait mon confort, ma prétendue valeur, ma renommée … que tout ce qui me protégeait, le nom de mon père … tout ça allait disparaître. Et moi, ni mangemort, ni membre de l'ordre, qu'allais-je devenir ? »

« Tu étais fils de mangemort. »

« Est-ce que ça faisait de moi un mangemort pour autant ? » Son regard se durcit un moment.

Je me sentis faiblir, et avouais : « Heu … non, pas forcément. »

« C'est ce qu'a également reconnu le tribunal qui m'a jugé. » Il s'arrête un moment, et je vois son visage se contracter. Peut-être se remémore-t-il le jugement –je ne sais pas, je n'y étais pas.

« Etre jugé pour les actes de ses parents –pour des actes que nous n'avons ni approuvé ni réprouvé … Quelle justice peut faire ça ? »

Il n'attend pas de réponse, et ça tombe bien : je n'en ai pas à lui donner. Moi non plus, je ne comprends pas toujours la justice, mais je ne suis pas là pour y réfléchir. Moi on me paie juste pour l'appliquer, pas pour chercher à en comprendre les tenants et aboutissants. C'est plus le boulot d'intellectuels, ça. Des gens comme Hermione, par exemple. Elle est justement en train d'écrire un bouquin là-dessus, je crois … Ah oui, Mione est écrivain. Pas prof à Poudlard, comme beaucoup se l'imaginaient. Elle aussi avait sans doute besoin de voir autre chose, après … Le seul qui a pu y retourner, parmi nous tous, d'ailleurs, c'est Neville. A un poste où on ne l'attendait pas : il est le nouveau professeur de Potions de l'école. Personne n'aurait imaginé qu'il prendrait un jour ce poste, lui qui était si mauvais dans cette matière. Mais sans doute le fait que Rogue se sacrifie pour le protéger lors du combat final a-t-il joué. Après tout, chacun possède des raisons qui lui appartiennent pour expliquer les directions, parfois surprenants, que prend sa vie … Nous n'avons pas à juger ça.

Je relève un regard un peu plus neuf sur mon interlocuteur, et réalise que je n'ai pas plus le droit qu'un autre de juger Draco, même si j'ai contribué à changer ce monde.

Monde dans lequel il n'est jamais revenu, avant aujourd'hui …

« Pourquoi ne pas être revenu ici, avant ? »

Il soupire : « Je te l'ai dit : rien de ce que j'étais avant n'existe plus. Je … je ne me sens plus à ma place ici. Rien ne me rattache à ce monde. »

« Mais pourquoi le monde moldu ? Ca ne te ressemble tellement pas ! »

« Ca ou autre chose … Puisque je ne me sentais plus moi-même ici, autant partir et être un autre dans un monde qui m'était aussi étranger que celui dans lequel j'étais né. »

Je reste pensif un moment. Moi aussi, je n'étais pas vraiment attaché au monde que j'avais pourtant sauvé, mais je n'en serais jamais parti pour autant : il me restait quelques choses qui me rappelaient que ma place était ici. « Mais … tu avais tes amis, ici. »

Il rit soudain, mais d'un rire triste et forcé : « Des amis ? Où ça, voyons ! Ouvre les yeux Potter. »

Le fait qu'il m'appelle de nouveau Potter me montre bien qu'en effet il ne sait pas comment on fait avec les amis. Je tente quand même : « Et bien, Crabbe, Goyle … »

« De gentils toutous, oui … » glisse-t-il, acerbe et amer.

« Zabini, Nott … »

« Nos routes auraient été amenées à diverger, de toutes façons … »

« Parkinson. Ta petite amie quand même ! »

Il me lance un petit regard en coin, et sourit : « Elle ne l'a jamais été. Elle s'est juste accrochée à mon nom et ma fortune, mais nous n'étions pas attachés l'un à l'autre … »

Si j'en juge par la fait qu'elle est aujourd'hui fiancée à Crabbe, je dirais que Draco n'a pas tort sur ce point-là …

Mais quand même … On dirait qu'il s'attache avec force à repousser toutes les personnes qui auraient pu faire partie de son entourage. Pourtant, il n'étais pas seul à Poudlard, même si ce n'était pas de vrais amis.

Je fronce un peu les sourcils quand je lui demande : « Dis-moi, Draco … Tu n'avais pas envie qu'on te retienne ici, je me trompe ? »

Il baisse les yeux, et je vois ses épaules s'affaisser. Il semble soudain si las, si vulnérable, près de se briser. Mais il tient. Il secoue la tête, comme pour chasser ses idées –ou peut-être des larmes ? Non, il m'a dit qu'il ne pleurait jamais.

Enfin, je l'entends dire : « Rien pour moi ne valait la peine que je reste ici. » Il lève son regard vers moi, et insiste : « Hein, dis-moi, Harry : qu'est-ce qui aurait pu valoir que je reste là ? »

Au moment où je m'apprête à répondre, la petite clochette de l'entrée carillonne avec force, annonçant l'arrivée d'un nouveau client dans le café.

Je n'ai pas le temps de lever la tête dans cette direction que j'entends la voix forte de mon meilleur ami, celui qui a partagé chaque moment important avec moi, le bon comme le mauvais.

« Ron ! » s'exclame Hermione en se levant de sa chaise. « Que fais-tu déjà là ? On avait dit midi … »

« Je sais, mais je n'y tenais plus ! Je voulais voir Harry. Il est là ? »

Je vois alors mon ami se retourner dans la direction qu'indique Hermione, et je lui lance un grand sourire. Radieux, il se dirige alors vers notre table.


A suivre dans le chapitre suivant (ce qui est, somme toute, assez logique, vous en conviendrez).

Gros bisous,

Rickiss : )