Chapitre 22 : L'harmonie la plus douce est le son de la voix de celle que l'on aime

Le soleil rougeoyant descendait à l'horizon, embrasant le ciel, projetant des lueurs orangées au travers des vitres des fenêtres de la salle à manger, où ils s'étaient tous réunis. Encerclant la table, ils contemplaient, figés, ne sachant que faire, la hache des tueuses et l'épée de Gryffondor qui trônaient sur la table, côte à côte. Depuis qu'ils avaient en leur possession l'arme nécessaire au sorcier, que Fumseck leur avait apporté quelques jours auparavant, Harry avait subi un entraînement d'escrime intensif et de dernière minute, ils avaient rassemblé autant de potions et appris autant de charmes de combat que possible, et avaient savouré de leur mieux les ultimes instants de quiétude avant l'apocalypse imminente. Ils s'étonnaient d'ailleurs de ne pas encore l'avoir vue éclater, et l'attente d'un événement quelconque devenait peu à peu insoutenable.

Malefoy soupira soudain, brisant l'opaque silence de la pièce. « Que nous reste-t-il à faire avant l'amorcement de l'apocalypse ? » Harry supposa que l'inactivité le rendait nerveux.

Giles haussa les épaules. « Pas grand-chose, à mon avis, si ce n'est être sur nos gardes. »

Willow prit une petite inspiration. « C'est tout de même frustrant. Lorsque nous nous préparions à lutter contre la Force, nous avions quantités de choses pour nous occuper. Comme nous charger des Potentielles, par exemple… »

« Eh oui, c'était le bon temps où nous avions une armée sous nos ordres » fit Alex.

Ils se turent à nouveau. Harry mit les mains dans ses poches, observant les armes. En effet, désormais qu'ils semblaient avoir fait tout ce dont ils étaient capables, entreprendre quoi que ce soit paraissait vain.

« Je pourrais peut-être prévenir les Potentielles, justement » déclara alors Buffy. Tous les regards convergèrent dans sa direction. « Eh bien, oui » ajouta-t-elle « si la Bouche de l'enfer est ouverte, cela ne concerne pas que Derry ; il risque d'avoir des répercutions un peu partout. »

« Bonne idée » concéda Dawn. « Mais comment les contacter ? Nous ignorons où elles se sont établies depuis la destruction de Sunnydale. »

« Je vais appeler Faith, elle saura sans doute où les trouver, et leur dire de se tenir prête à affronter une nouvelle apocalypse. » Buffy eut l'air songeur durant un instant. « Je vais aussi téléphoner à Angel. Il pourra agir de son côté. Du moins je l'espère. »

« Bon, eh bien, en attendant, je vais me coucher » dit Hermione, l'air las. « Ron, tu viens ? »

« Je te suis. » Ils entremêlèrent leurs doigts, souhaitèrent une nuit paisible aux autres, puis gravirent les escaliers.

Harry les regarda disparaître à l'étage supérieur, soudain désireux de les imiter et de retrouver la douceur de son lit. Les autres durent avoir pareille réflexion.

« C'est raisonnable, je pense » approuva Giles.

« Oui, très raisonnable » fit Willow. « Bonne nuit. »

« Bonne nuit » dit Alex.

« Reposez-vous bien » dit Buffy, tandis qu'ils entamaient l'ascension des marches. « Je vais expliquer la situation à Faith et à Angel. »

« Je reste avec toi » déclara Malefoy d'un ton irrévocable.

Harry décida de cesser de s'interroger à leur sujet ainsi qu'à celui de leur comportement suspect. Car, depuis la dernière attaque qu'ils avaient essuyée, Buffy et Malefoy semblaient s'être rapprochés, manifestant l'un envers l'autre une complicité fraternelle. Harry ne pouvait qu'être heureux pour eux deux ; si Buffy considérait son vieil ennemi comme un ami, tant mieux pour eux. Et si Malefoy trouvait en la Tueuse une confidente, il devait se réjouir qu'il réussisse à oublier ses tourments. A dire vrai, Harry n'en éprouvait nulle difficulté, tant ses rapports avec Malefoy s'étaient modifiés ces derniers temps.

Harry et Dawn saluèrent les autres encore une fois sur le seuil de leur chambre respective, puis fermèrent la porte derrière eux. Sans mot dire, se tournant le dos, ils enfilèrent leurs vêtements de nuit, se glissèrent entre leurs couvertures, ne laissant allumée que les lampes de chevet, se faisant face, allongés sur le flanc. Ils se blottirent l'un contre l'autre, encrant leurs regards.

Dawn ébaucha un mince sourire. « Je ne me doutais pas, en quittant le cratère qui se trouve à présent à l'emplacement de Sunnydale, que j'aurais encore à endurer les préparatifs d'une apocalypse. J'en ai assez, je connais tout ça par cœur. »

Harry lui baisa le front, enserrant sa taille entre ses bras, sous les draps. « C'est différent, cette fois-ci » dit-il à voix basse.

« Vraiment ? Et comment le saurais-tu ? »

« Eh bien… Je n'étais pas là, durant les autres apocalypses. Maintenant que je suis à tes côtés, tout change. »

Un large sourire fendit le visage de Dawn, qui secoua la tête en levant les yeux au ciel. « A part le fait que je m'inquiéterai pour toi, une apocalypse reste une apocalypse. »

« Tu ne devrais pas te préoccuper de moi. D'ailleurs, tu ne devrais te préoccuper de rien. Nous allons gagner. »

« Pourquoi en es-tu si sûr ? »

« Nous détenons la hache et l'épée, Alex, Willow, Giles, Buffy et toi avez déjà sauvé le monde une bonne dizaine de fois, et Ron, Hermione et moi avons affronté Voldemort en en sortant intacts. Ce n'est pas rien. » Il sourit d'un air tendre, dessinant des volutes de ses doigts sur les hanches de Dawn.

Cette dernière se rembrunit soudain, fuyant ses iris scrutateurs. « J'espère que nous nous en sortirons » dit-elle accablée.

Harry, décontenancé par sa subite affliction, resserra sa prise sur elle. « Pourquoi crains-tu tant ? C'est évident que nous remporterons la bataille ! »

« Tu as de la chance de croire ainsi en l'avenir. Mais j'ai bien assez vu de fins du monde pour savoir que, même si nous sortons victorieux, il est impossible que tous demeurent vivants. Et j'aimerais… j'aimerais passer encore de nombreuses années avec toi. » Ces mots semblaient lui causer une grande souffrance ; elle plissait le front, clignait des paupières.

Harry l'embrassa, tâchant de lui procurer quelque bravoure. « Nous aurons ces années, ne t'en fais pas » dit-il lorsqu'ils rompirent le baiser. « Nous aurons la possibilité de faire beaucoup de choses : je t'apprendrai à voler sur un balai, je te ferai visiter Poudlard, nous… nous ferons tout ce que tu voudras. Tu n'auras qu'à demander. »

Dawn le contempla d'un œil intense, songeur, détaillant ses traits. Harry se sentit rougir, mais ne se détourna pas, subjugué. « Et si je te demandais quelque chose, maintenant, me l'accorderais-tu ? » fit-elle alors, en un souffle.

« Bien entendu. » Il aurait été incapable de lui refuser quoi que ce soit tant qu'elle l'observait de la sorte.

Alors, sans crier gare, Dawn se détacha de son étreinte, se redressa en prenant appui sur son coude, et se hissa au-dessus de lui, s'installant à califourchon sur son ventre. Abasourdi, pris au dépourvu, Harry s'immobilisa, la respiration courte. « Qu'est-ce qui te prend ? » demanda-t-il.

Dawn, un sourire énigmatique au coin des lèvres, un miroitement passionné au fond des yeux, se pencha sur lui, lui murmurant à l'oreille : « Fais-moi l'amour. »

Certes, l'incertitude et l'appréhension s'éprirent de lui durant quelques instants, mais le baiser que Dawn lui offrit par la suite le dissuada de toute réflexion. De surcroît, n'avait-il pas promis lui accorder tout ce qu'elle désirait ?


« Très bien. Oui, d'accord. Toi aussi, fais attention. Merci, Faith. A bientôt. » Buffy raccrocha le téléphone mural, ses épaules s'affaissant, une expression sombre tirant son visage. Drago, attablé, lui sourit dans l'espoir de la ragaillardir. « Voilà, Faith va prévenir les Potentielles. Ne me reste plus qu'à contacter Angel. Tu ne préfères pas m'attendre dans la chambre ? »

Drago quitta son siège, s'approcha d'elle puis l'enlaça, son nez effleurant le sien. « Tu plaisantes ? Je n'ai plus l'habitude de me coucher seul. »

Buffy s'esclaffa, passant ses bras autour de son cou. « Je n'aurais peut-être pas dû te gâter autant. »

« Eh oui, il fallait réfléchir avant de m'accepter dans ton lit. Maintenant, tu ne pourras plus te débarrasser de moi. » Il pressa ses lèvres contre les siennes.

« Qui te dis que j'ai envie de me débarrasser de toi, au juste ? » fit-elle ensuite. Elle parut songeuse un instant, puis poursuivit : « Tu sais quoi ? Willow, Alex et Giles nous ont percés à jour. »

Etonné, Drago haussa les sourcils. « Tu veux dire qu'ils ont deviné seul ce qu'il se passe entre nous ou que tu les as subtilement aidés à le découvrir ? »

« Je te signale que ce n'est pas pour rien qu'ils ont contribué à la sauvegarde de la planète durant tant d'années ; ils l'ont découvert seuls. Et ils me soutiennent de tout cœur. »

« Ah bon ? Je me serais plutôt attendu à ce qu'ils te déconseillent de fricoter avec un fils de Mangemort plus jeune que toi et qui a été l'ennemi juré de Potter. » A dire vrai, il avait pensé que les amis de Buffy auraient tant désapprouvé leur relation qu'il se serait sitôt retrouvé à la rue.

« J'ai su leur présenter des arguments irrévocables. » Elle glissa sa main dans ses cheveux blonds, se serrant contre lui.

Drago s'immergea dans son regard troublant, son cœur, comme à l'accoutumée, doublant la cadence. « Ah oui ? Quel genre d'arguments ? »

Buffy le dévisagea, sincère. « Que je te fais confiance, par exemple. Que tu me rends heureuse. Que je tiens à toi. Et que… je t'aime. »

Drago sentit ses joues s'embraser, sa gorge s'assécher, une joie sans borne enflammer tout son être. Il étreignit Buffy, enfouissant son visage dans ses cheveux cendrés. Bien entendu, elle lui avait souvent affirmé que leur histoire surpassait la simple attraction physique, qu'elle le considérait comme un garçon intelligent et intéressant, mais jamais il n'aurait osé espérer qu'elle éprouve à son égard… de l'amour. Un amour semblable au sien. Comblé, il s'éloigna d'elle, la dévorant du regard. « Ca… Ca tombe bien » bafouilla-t-il, frémissant d'émotion. « M… Moi aussi. »

Leur émoi réciproque les distrayant durant un temps non négligeable, Buffy dut se hâter de contacter Angel avant le lever du soleil, de crainte qu'il ne se soit déjà assoupi à Los Angeles.

A suivre…