La nuit s'était abattue sur Derry depuis quelques heures, désormais, englobant la ville d'une obscurité opaque. Seule la lune dissipait les ténèbres, ses rayons blafards flânant dans les rues. L'un d'eux s'était infiltré entre les rideaux de la fenêtre de la chambre de Harry, éclairant le visage serein de Dawn, assoupie. Aussi nue que lui, elle l'enlaçait dans son sommeil, son souffle profond et régulier effleurant sa joue. Harry la contemplait, béat. Ce qu'ils venaient de partager avait été merveilleux. Malhabile et hésitante, leur union s'était déroulée en douceur, sans hâte, et teintée d'une infinie tendresse. Son cœur en tambourinait encore dans sa poitrine. Il aurait apprécié de pouvoir s'endormi à son tour, mais les récentes images de leur nuit le hantaient sans cesse. Il se contenta donc d'observer son aimée durant un moment, puis n'y tenant plus, décida de descendre à la salle à manger afin de boire un verre d'eau.
S'extirpant de l'étreinte de Dawn, s'efforçant de ne pas l'éveiller, il se vêtit juste de son bas de pyjama, plaça ses lunettes sur son nez, et, jetant un dernier coup d'œil radieux dans sa direction, sortit de la chambre.
Tant bien que mal, il se repéra à tâtons dans le couloir enténébré et désert, parvint au pied de l'escalier. Il constata avec étonnement que la lampe de la cuisine était déjà allumée. Il s'avança en silence, espérant ne pas déranger l'un des habitants de la maisonnée désirant s'isoler. Par chance, il s'agissait de Ron et d'Hermione, qui, attablés l'un en face de l'autre, sirotait une tasse de thé fumant, muets. Harry pénétra dans la pièce, ils se tournèrent vers lui et lui sourirent.
« Salut, vieux » fit Ron. « Problème d'insomnie, toi aussi ? »
Harry haussa les épaules, prenant place auprès d'eux. « Si l'on veut » répondit-il.
« Je comprends » dit Hermione. « L'idée que le monde peut s'effondrer à tous moments n'est pas très rassurante. Tu veux un thé ? »
« Volontiers. »
Comme si elle se trouvait chez elle, Hermione se leva, prit une tasse dans le placard et la remplit du liquide ambré, déposant ensuite le récipient devant Harry. Ce dernier eut soudain la vision vertigineuse d'eux trois, quelques années plus tard, buvant ensemble dans une maison qui appartiendrait à ses amis, jeunes mariés. Il ressentit alors l'absolu besoin de vivre assez longtemps pour participer dans l'avenir à une telle scène.
« Harry ? Qu'est-ce que tu as là ? » demanda Ron, interrompant ses songes. « Tu t'es blessé ? » Il désignait de son doigt tendu le cou de Harry, qui fronça les sourcils, perplexe.
« De quoi tu parles ? » dit-il, plaquant sa paume sur sa peau.
« Ca, ici » dit Hermione. « On dirait… » Elle se tut de manière abrupte, ses joues s'embrasant. « Oh, je suppose que Dawn en est la cause. »
« Hein ? » Ron sembla sceptique, puis, après avoir échangé un furtif regard entendu avec Hermione, s'esclaffa.
Harry sentit une légère irritation s'éprendre de lui. « Mais que se passe-t-il, enfin ? »
Ron s'efforça à reprendre son sérieux, refoulant son fou rire croissant sous l'œil désapprobateur d'Hermione. « Désolé de te dire ça, Harry, mais… » Un éclat de rire lui échappa avant qu'il se ressaisisse. « Mais Buffy va te tuer, si elle voit ça ! »
« Ca quoi ! »
« L'énorme suçon qui orne ton cou » rétorqua Hermione.
Harry eut la désagréable sensation que des flammes consumaient son visage. Il se détourna, tandis que Ron réprimait sans grand succès son hilarité. « Oh, hum… » balbutia-t-il, mortifié. « Ce… Ce n'est pas… »
« Bien sûr, ce n'est pas ce que nous croyions. » Hermione esquissa un mince sourire en dépit de son rougissement prononcé. « A qui espères-tu faire croire ça ? »
« Voilà pourquoi tu n'arrives pas à dormir ! » Ron en avait le souffle court.
« Vous pourriez au moins essayer d'être discrets » ajouta Hermione. « On a beau en rire, je doute que Buffy juge la plaisanterie à son goût. Je te conseille de porter un col roulé, au lieu de te balader à demi-nu dans toute la maison… »
« Dawn et moi, nous… » la coupa Harry, saisi d'une irrépressible envie de se confier à ses amis. « Nous sommes… nous avons… couché ensemble… »
Hermione rougit davantage, Ron se calma aussitôt et tous deux le fixèrent d'un air hébété.
« Ah… » Ron déglutit. « C'est bien, je suis heureux pour vous. Et, heu… comment c'était ? »
« Ron ! » s'insurgea Hermione ne le frappant.
« Quoi ! » Outré, il massa son épaule meurtrie.
Harry, incapable de résister, rit à son tour, bientôt rejoint par ses amis, tant la situation était grotesque. Alors que leur hilarité s'apprêtait à devenir incontrôlable, un son provenant du salon attira leur attention. Interpellés, ils se turent, s'entreregardèrent, puis d'un commun accord tacite, se levèrent, se dirigeant vers la pièce adjacente. Plongée ainsi dans le noir, il leur était vain de tenter de distinguer quoi que ce soit. Le son – une sorte de gémissement assourdi – leur parvint à nouveau. Ron, aussi silencieux qu'une ombre, chercha l'interrupteur sur la paroi. Le dénichant enfin, il l'enclencha et la lumière éclaira les environs. Harry, Ron et Hermione se figèrent d'un même mouvement, bouche bée, interloqués. Harry souhaita que son discernement le trompait, mais, hélas, il était bien conscient que le spectacle devant lui était tout ce qu'il y avait de plus réel. Pourtant, cela paraissait inconcevable : étendus sur le canapé, enlacés dans une étroite étreinte, une partie des vêtements sur eux, l'autre jonchant le sol, Buffy et Malefoy somnolaient, pressant les paupières, signe qu'ils s'éveillaient peu à peu. Sans doute auraient-ils eu la possibilité de s'éclipser avant de se faire surprendre en flagrant délit d'espionnage, mais leur incrédulité les pétrifia sur place. Ainsi, Buffy, le jean et la chemise ouverts, et Malefoy, torse nu, se redressèrent en se frottant les yeux. Ils étudièrent les alentours, hagards, avant d'enfin remarquer la présence de Harry, Ron et Hermione, toujours immobiles. Ils se levèrent d'un bond, poussant une exclamation stupéfaite, alors que les trois autres reculaient d'un pas.
« Vous… Vous… Vous deux… » bafouilla Harry, ahuri. « En… Ensemble… »
« Oui, eh bien, je ne vois pas en quoi ça te concerne, Potter » répliqua Malefoy. Bien que rougeoyant, il sembla opter pour l'exaspération plutôt que l'embarras. S'emparant de sa chemise abandonnée sur le parquet, il dédaigna les regards fixes de Harry, Ron et Hermione.
« C'est dément… » souffla Ron.
« De… Depuis quand… ? » articula Hermione.
« Un certain temps. »
« Ecoutez » intervint Buffy, arrangeant sa tenue. « Je comprends votre surprises, mais je vous assure qu'il n'y a pas de quoi… Qu'est-ce que tu as sur le cou, Harry ? »
Celui-ci oublia aussitôt son ébahissement. « Rien ! » déclara-t-il. « Et ce n'est pas la question ! Pourquoi ne pas nous avoir mis au courant de votre relation ? »
« Ma vie privée ne te regarde pas » dit-elle, croisant les bras sur sa poitrine. « Réponds. »
Désespéré, Harry reconnut l'attitude qu'adoptait Buffy en cet instant : il s'agissait de celle qu'elle avait empruntée lors de leur entrevue dans la salle de bain, des semaines auparavant, ou lors de leurs entraînements. En le jaugeant de la sorte, elle dominait, et cela signifiait qu'elle détiendrait le dernier mot. Harry estima donc préférable d'avouer dès à présent. Il retira sa main du cou, dévoilant l'indécent suçon. « C'est Dawn qui me l'a fait » soupira-t-il, résigné.
Buffy écarquilla les paupières. « Dawn » répéta-t-elle. « Dawn t'a fait un suçon ? Mais p… » Puis, soudain, elle comprit. Harry se prépara à essuyer la tempête. « Tu as couché avec ma sœur ! »
« Tu as couché avec Malefoy ! » lui renvoya Harry.
« C'est différent ! »
« Ah oui ? Et en quoi ? »
« Nous sommes des adultes consentants alors que Dawn et toi n'êtes que des gamins ! »
« Rectification : toi, tu es une adulte ; Malefoy, lui, n'est pas plus âgé que nous ! »
« Ca ne change rien ! »
« Alors Dawn et moi sommes aussi des adultes ? »
« Non ! Vous… ! »
« Que se passe-t-il ici ? »
Buffy et Harry mirent un terme à leur querelle, se tournant vers le détenteur de la voix. Au pied des escaliers, Alex, qui avait parlé, Willow, Giles et Dawn les observaient, l'air interrogatif.
« Dawn, tu aurais dû discuter avec moi avant de faire l'amour avec Harry ! » dit aussitôt Buffy, outragée.
Dawn rougit, indignée, s'adressant à lui : « Tu lui as dit ? »
« C'aurait été difficile de le lui cacher longtemps ! » rétorqua-t-il, désignant son suçon.
« Calmez-vous » dit Willow, affolée. « C'est inutile du crier comme ça… »
« Je crie si je veux ! » l'interrompit Buffy.
« Respire, tu… » dit Giles.
« Non ! »
« Tu sais » reprit Harry « je ne l'ai pas violée. Elle était aussi consentante que moi, et… c'était un acte d'amour… »
« Il n'a pas tout tort » renchérit Malefoy. « Tu ne peux pas leur en vouloir de concrétiser leur relation. »
« Je me fiche de tout ça ! Ils auraient dû me demander la permission avant de… »
Un assourdissant fracas retentit alors à l'extérieur, suivi d'éclats de voix – terrifiées ou enjouées. La rage et l'effervescence s'estompèrent sitôt, laissant place à un pesant silence. Buffy, se rembrunissant, se dirigea à grandes enjambées vers la porte d'entrée et l'ouvrit à la volée, les autres la talonnant, regardant par-dessus son épaule. Harry sentit ses entrailles se tordre de haine. Les habitants de Derry, ayant sans doute retenu la leçon, ne s'étaient pas risqués à quitter leur foyer, et observaient les événements de leurs fenêtres closes. Dans les rues déambulaient des vampires et des Mangemorts, se confondant en raison de leurs capes sombres similaires, brandissant des torches, en rangs réguliers. Ils échangeaient des plaisanteries, hilares, se rendant à pareille cadence à un même but. D'où ils se situaient, il leur était impossible d'apercevoir leur objectif, cependant, Harry supposa qu'il s'agissait de l'emplacement de la Bouche de l'enfer. Sans doute Voldemort se trouvait-il en tête de la procession, guidant ses troupes jusqu'à sa victoire. Cette simple idée le révulsait.
« Plus de temps à perdre » déclara Buffy, refermant la porte d'un coup sec.
Ainsi, en quelques minutes, ils se vêtirent de manière convenable, s'armèrent de charmes, de pieux, d'arbalètes, de dagues, Buffy et Harry empoignant respectivement la hache et l'épée. Une fois prêts, ils sortirent en toute hâte, emboîtant le pas aux Mangemorts et aux vampires, tâchant de se faire discrets. Ils progressèrent durant un moment, muets, et, bientôt, les rires se turent, l'assemblée entière arborant une expression solennelle. Harry s'interrogea à ce propos, mais, lorsqu'ils se furent dissimulés dans les bruissons à proximité, il comprit tout à fait pour qu'elle raison. La gorge nouée, il contempla la multitude de silhouettes encapuchonnées qui, raides, tenaient leurs torches embrasées, leurs regards rivés vers le centre du cercle qu'ils formaient, où l'on avait tracé à la craie les contours d'un symbole cabalistique.
« Qu'est-ce que c'est que ça ? » souffla Ron, effaré.
Malefoy eut un reniflement méprisant. « C'est ainsi que les Mangemorts procèdent à chaque cérémonie importante. Ils ont dû imposer leur conception de l'apocalypse aux vampires. »
« Charmante réunion » fit Alex. « Mais où est donc le grand chef ? »
« Il ne devrait pas tarder » répondit Hermione, l'air hargneux. « Je ne pense pas qu'il manquerait ça. »
Alors, comme s'il avait entendu ses paroles, vêtu d'une robe de sorcier, sa tête reptilienne haute, ses iris rougeoyants scrutant la foule, Lord Voldemort s'avança au centre du cercle, semblant radieux. Harry crispa les poings et les mâchoires, réprimant le cri de douleur que faillit lui arracher la brûlure de son front – de sa cicatrice. Tous, hormis Ron et Hermione, s'étonnèrent de sa subite tension.
« Que t'arrive-t-il ? » murmura Giles, anxieux.
« C'est… C'est ma cicatrice » dit Harry, la respiration hachée. « Elle me fait mal à chaque fois que je suis proche de Voldemort. »
Malefoy cligna des paupières, un éclair de compréhension traversant son regard. « Ah… » fit-il, songeur. « Cela explique plein de choses… »
Harry esquissa un sourire en dépit du fer rouge qui tiraillait son crâne. « Eh oui. » L'indignation de savoir qu'il avait couché avec Buffy avait disparu, désormais, et le lien qu'ils avaient tissé semblait renforcé par ces simples mots.
Hélas, ils n'eurent guère le loisir de se plonger dans leurs souvenirs de collège, car la voix du Seigneur des Ténèbres s'éleva soudain. « Mes amis ! » commença-t-il, jovial. « Après tant de mois de préparation, de dur et laborieux labeur, le grand jour est enfin venu ! » Les Mangemorts et les vampires poussèrent des hurlements de joie démente, levant davantage leurs torches. « Cette nuit » reprit Voldemort « est la nuit de notre triomphe ! Apprêtez-vous à entrer dans une ère nouvelle ! Dès que la Bouche de l'enfer sera ouverte, mes pouvoirs, ma magie exceptionnelle le sera bien plus encore ! J'aurai en ma possession une puissance inégalable, devant laquelle Dumbledore lui-même ploiera ! Apprêtez-vous, amis, à vivre sous mon règne ! »
« Longue vie au Seigneur des Ténèbres ! » s'écrièrent-ils. Les mages noirs pointèrent alors leurs baguettes magiques vers le ciel constellé d'étoiles scintillantes, vociférant en chœur une lugubre incantation. L'instant suivant, une énorme et luisante Marque des Ténèbres flottait tel un terrible présage au-dessus de Derry.
Closant les deux fentes qui lui tenaient lieu d'yeux, Voldemort extirpa des replis de sa robe une dague effilée, rutilante, dont il pressa la lame sur sa paume. Une profonde estafilade s'y dessina, son sang écarlate en perla, pourtant, il demeura impassible. Harry, pour sa part, souffrait le martyre, comme si le mal que son ennemi ignorait s'était infiltré en lui. Dawn entoura de sa main celle de laquelle il tenait la garde de son épée, caressant ses doigts des siens.
« Que fait-on ? » s'enquit Willow, fixant le spectacle d'un œil répugné. « On attaque ? »
« Mauvaise idée, à mon avis » dit Buffy. « Ils réagiraient tout de suite. Il faut attendre qu'ils soient complètement confus. »
« Je veux bien » dit Malefoy, soucieux « mais des Mangemorts confus n'en sont pas moins dangereux. »
« Tu as une meilleure solution, peut-être ? »
« Je n'ai pas dit ça. Et parle-moi sur un autre ton, Summers, je ne suis pas d'humeur à supporter ton caractère. »
« Parce que tu crois que ton caractère est plus agréable, Malefoy ? »
« Oh, taisez-vous » s'impatienta Giles. « Nous attendons que les Mangemorts soient confus, un point, c'est tout. Ensuite, nous tenterons de les éloigner de Voldemort le temps que Harry s'en occupe, pour qu'ils n'interfèrent pas durant la confrontation. Harry, veux-tu… ? »
« Gloire à notre règne ! » lança soudain Voldemort, exhibant sa main empourprée.
« Gloire à notre règne ! » scandèrent ses disciples.
Voldemort serra le poing, faisant ruisseler de sa plaie son sang, qui dégoulina le long de son bras blafard, décharné, avant de goutter sur le sol, sur le symbole cabalistique. Deux taches la marquèrent, à peine visibles de leur point de vue. Mais, bien vite, les taches carmin se mirent à miroiter de manière faible, puis davantage intense. Le miroitement se propagea jusqu'au symbole, l'emplissant d'une lueur changeante. Voldemort émit un ricanement, et entama une série de formules étranges. Harry porta sa paume à son front, prenant une profonde inspiration. Le Seigneur des Ténèbres acheva de réciter, satisfait. Le moment se suspendit dans le temps, un ténu trouble agitant l'air ambiant.
Puis les éléments se déchaînèrent.
La brise fraîche de la nuit se mua en un vent violent, agitant les feuillages des arbres. La Marque des Ténèbres s'amplifia en taille comme en couleur. Des nuages grisonnants, épais, encombrèrent certaines parties du ciel, tourbillonnant au-dessus de leurs têtes. Harry, Ron, Hermione, Malefoy, Dawn, Buffy, Willow, Alex et Giles se recroquevillèrent les uns sur les autres, plissant les paupières, lorgnant la suite des événements. Une lumière aveuglante jaillit alors du sol, du symbole cabalistique, et enveloppa Voldemort dans sa totalité. Il leur fut invisible durant un instant, avant de réapparaître, prostré, pantelant. Hélas, il se remit sitôt debout, et de lui sourdait une incroyable impression de puissance. Une puissance destructrice. Harry échangea un coup d'œil avec Buffy, et tous deux acquiescèrent. « En avant ! » dirent-ils d'une même voix.
Sans s'accorder une seconde de réflexion, Harry empoigna son épée et se rua en direction de Voldemort, qu'il heurta de plein fouet. Décontenancé, ce dernier peina à se relever, cependant, lorsqu'il fit face à Harry, il souriait, narquois, et son maintien était droit. Il se saisit de sa baguette, dissimulée dans sa manche, et l'en menaça. « Potter » dit-il « quelle joie de te revoir ? Comment te portes-tu depuis la mort de ton cher parrain ? »
Harry ignora sa fureur, de même que sa douleur. « Mieux que vous, d'évidence » répliqua-t-il, impudent. « Vous manquez donc tant de confiance en vos pouvoirs pour devoir recourir à une magie extérieure ? Moi, je ne compte que sur la mienne propre. »
« Raille-moi si tu le souhaites. Mais tes sarcasmes ne modifieront en rien l'aboutissement de la prophétie. Je te vaincrai. »
Harry sentit un sourire naître sur ses lèvres. Il se remémora en un éclair les quelques semaines passées à Derry, où il avait tant appris en si peu de temps. Et il se souvint aussi du Patronus magnifique qu'il avait crée avec Ron et Hermione – qui combattaient non loin, en compagnie des autres. « J'en suis moins sûr que vous. »
Le premier sortilège fusa de la baguette de Voldemort, atteignant la lame de l'épée, y rebondissant. Harry s'empressa de riposter.
En quelques instants, un chaos indescriptible s'était répandu dans l'assemblée des disciples de Voldemort – un chaos causé par eux seuls. Au moins cela les tenait-il à l'écart du Seigneur des Ténèbres et de Harry, oublieux de tout ce qui l'entourait. Buffy avait l'impression de s'être propulsée des mois auparavant, lors de la lutte l'opposant à la Force. Une semblable pagaille dominait sur le champ de bataille. Du surcroît, l'obscurité et le vent ne facilitaient guère leur tâche. Armée de sa hache, elle frappait presque à l'aveuglette, s'efforçant d'esquiver les attaques que l'on lui assénait. Pour le moment, sa tactique portait ses fruits, mais elle espérait que sa chance insolente ne la quitte pas à présent.
A ses côtés, ses amis livraient un combat acharné, effréné. Alex et Giles décimaient les rangs des vampires à coups de pieux et d'arbalètes, si bien qu'un permanent nuage de poussière grisâtre voltigeait autour d'eux. Willow, sans mal, enchaînait les sortilèges redoutables, incendiant, paralysant et incommodant leurs adversaires. Dawn, pour sa part, se débrouillait avec une habilité étonnante, vive et précise. Ron et Hermione, eux, paraissaient avoir fait cela toute leur vie, leurs sorts étant efficaces, leur aisance stupéfiante. Buffy en était rassurée ; si tous étaient capables d'assurer sa propre défense, elle serait en mesure de se charger de celle de Harry, qui était celui qui en avait le plus besoin. Ainsi, se frayant un chemin en faisant tournoyer sa hache, elle se rapprocha de Harry et de Voldemort, qui guerroyaient de manière inimaginable.
Aussi étrange que cela paraissait, Harry éprouvait une certaine exaltation à combattre à l'aide de l'épée de Godric Gryffondor. La lame étincelante repoussait les charmes, mortels ou non, et sa récente maîtrise de la magie sans baguette lui permettait de contre-attaquer sans encombre. Voldemort, d'évidence furieux, déployait une puissance phénoménale face à laquelle n'importe qui aurait fui. Certes, mais il n'était pas n'importe qui : il était Harry Potter, le Survivant, et il détenait un pouvoir que le Seigneur des Ténèbres ignorait…
Drago se demandait depuis combien de temps il s'exténuait la voix à vociférer sans cesse nombre de sortilèges. Il aurait voulu ne pas se trouver ici en cet instant, à puiser dans ses réserves d'énergie vitale afin de contrer les assauts inlassables des vampires et des Mangemorts, afin de préserver le monde d'une nouvelle apocalypse. Mais il n'avait pas le choix. Quelque temps auparavant, le fait que l'on le contraigne à lutter dans un camp fixe, où la loyauté primait, lui aurait déplu au plus haut point. Pourtant, aujourd'hui, il n'était plus le petit garçon capricieux, arrogant, devant lequel tous se prosternaient. Aujourd'hui, il était un jeune homme amoureux qui brisait ses cordes vocales dans l'unique but d'offrir à sa bien-aimée une planète dépourvue de démons.
D'ailleurs, lorsqu'il distingua, en dépit de la nuit d'encre, la silhouette reconnaissable de Lucieus Malefoy, Drago s'aperçut qu'il ne serait jamais tout à fait apaisé tant que ce monstre demeurerait en vie. Alors il s'avança d'un pas déterminé, s'apprêtant à se battre en duel contre son géniteur.
Harry se baissa, évitant de justesse un Avada Kedavra, puis, se redressant aussitôt, pivota sur la pointe des pieds, tel que le lui avait enseigné Buffy, effectuant un large geste circulaire de son épée. Lorsqu'il reporta son attention sur Voldemort, la joue de celui-ci était barrée d'une longue balafre sanguinolente. Voldemort y passa les doigts, puis les contempla, avant d'encrer son regard écarlate au sien. « Ne te réjouis pas trop vite, Potter. Tu ne peux me détruire. »
« C'est pourtant vous qui êtes blessé le premier » rétorqua-t-il. Et il poursuivit la lutte, feignant de rien.
Dawn espérait que le combat ne s'éterniserait guère longtemps, car elle commençait à faiblir. Se débarrassant d'un vampire en un unique coup de pieux en plein cœur, elle se réfugia à l'écart du tumulte, s'accordant quelques minimes secondes afin de recouvrer son souffle. Elle ne replongea que lorsqu'il lui sembla ne plus avaler des braises à chaque respiration, brandissant son arme.
Tandis qu'elle tâchait de rester sauve, un fait attira son attention. Du coin de l'œil, sans cesser de lutter, elle observa sa sœur aînée progresser en direction de l'affrontement entre Harry et Voldemort, qui, tous deux, combattaient animés d'une haine flagrante. Abrégeant son présent duel, Dawn se faufila dans la mêlée, terrorisée pour son fiancé et Buffy. Cette dernière, parvenue à leur hauteur, leva sa hache au-dessus de sa tête, dans le dos de Voldemort. Harry, lui, ne s'en était même pas rendu compte. Pourtant, il finit par croiser le regard pressant de Buffy, et interrompit le mouvement qu'il effectuait. Pris au dépourvu, Voldemort rata sa propre attaque. Alors, sous ses yeux ébahis, il se déroula quelque chose d'inconcevable : Harry et Buffy, s'entreregardant d'un air résolu, encerclèrent Voldemort, vifs comme le vent, le menacèrent chacun de son arme respective, et, d'un commun accord tacite, les abaissèrent sur lui.
Sitôt, un éclair éblouissant explosa sur Derry, aveuglant tout le monde. Durant ces instants confus, des hurlements, des suppliques, des gémissements retentirent, affolés, effrayés. Lorsque la lumière s'estompa, que le silence, profond, s'instaura à nouveau, Harry et Buffy se tenaient debout, face à face, leurs armes abandonnées au sol. Sur ce sol où gisait le corps inerte de Lord Voldemort, le Seigneur des Ténèbres.
Dawn s'écroula à genoux, sanglotant de soulagement comme de terreur.
A suivre…
