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Chapitre n°14 :
Embuscade
Les rues d'Apatros étaient plongées dans l'obscurité. La COMBE faisait payer l'énergie tellement cher que les habitants éteignaient toutes leurs lumières en allant se coucher. Quant à la Lune, elle était à peine visible dans le ciel. Dess n'avait même plus l'éclairage de la cantina pour le guider, car Groshik avait éteint toutes les lampes de la façade et du dôme. Il se contenta donc d'avancer au milieu de la rue afin d'éviter de se blesser avec des débris dissimulés dans les recoins sombres.
Malgré l'obscurité quasi complète, il les vit approcher.
Un instant seulement avant qu'ils n'arrivent, il sentit un danger imminent, et sut d'où il viendrait. Trois silhouettes lui bondirent dessus, deux par-devant, l'autre dans son dos. Il plongea en avant juste à temps pour éviter un tuyau de métal qui vint balayer l'air au-dessus de sa tête, une arme qui lui aurait probablement brisé le crâne s'il n'avait pas anticipé le coup. Il se releva d'un bond et frappa violemment le visage de son adversaire le plus proche. Il fut satisfait d'entendre un craquement d'os et de cartilages.
Il plongea à nouveau, cette fois-ci sur le côté, et le tuyau qui visait son nez le toucha à l'épaule gauche. Il tituba un instant en raison de la violence du coup qui venait de lui être asséné. Mais ses adversaires mirent quelques instants à le localiser, et Dess en profita pour recouvrer son équilibre.
Il parvint à distinguer les silhouettes de ses agresseurs dans la pénombre. Celui à qui il avait décoché un coup de poing se relevait péniblement, tandis que les deux autres se tenaient prêts à repasser à l'attaque. Il n'eut pas besoin de voir leurs visages pour les reconnaître : il s'agissait du sous-officier et des deux soldats qui l'avaient porté hors de la cantina. Dess sentit un relent de bière corellienne, ce qui confirma ses soupçons. Ils avaient dû l'attendre à l'extérieur de la cantina et le suivre en attendant le moment opportun pour l'agresser. Un point positif cependant : ils n'avaient pas eu le temps de retourner à leur vaisseau pour récupérer leurs blasters.
Ils le chargèrent à nouveau. Les soldats étaient en supériorité numérique et ils avaient passé les derniers mois à s'entraîner à la lutte au corps à corps. Dess avait, pour sa part, l'avantage de la force et de la taille, ainsi que l'expérience de la bagarre au poing. Mais dans l'obscurité, tout cela importait peu.
Dess bloqua leur attaque, et ils tombèrent tous les quatre au sol. Des coups de poings et de pieds furent distribués au hasard – des aveugles affrontant des aveugles. Chacune des attaques que Dess porta donna lieu à grognement ou à un gémissement qui le satisfirent, bien que la volée de coups qu'il reçut lui gâchât quelque peu son plaisir.
Peu importait qu'il ouvre ou qu'il ferme les yeux, puisqu'il ne voyait rien dans l'obscurité. Il agissait à l'instinct. La douleur des coups reçus s'évanouissait sous l'afflux d'adrénaline qui lui coulait dans les veines.
Soudain, il aperçut quelque chose. L'un de ses adversaires avait dégainé une vibrolame. Bien qu'il fasse aussi noir que dans les profondeurs mêmes des mines, Dess parvint à distinguer nettement la lame, comme si elle brillait d'un feu intérieur. Son détenteur chercha à le poignarder, mais Dess lui agrippa le poignet et retourna l'arme contre lui. Le soldat poussa un cri, suivi d'un gargouillis étouffé, avant que la vibrolame ne disparaisse de son champ de vision et que la menace ne s'évanouisse.
La masse de corps enchevêtrés se démêla, deux de ses agresseurs s'écartant rapidement. Le troisième ne bougeait plus. Un instant plus tard, Dess entendit le déclic d'une lampe-torche et se retrouva aussitôt aveuglé par son rayon lumineux. Les yeux toujours fermés, il entendit un cri de surprise.
- Il est mort ! s'exclama l'un des soldats. Tu l'as tué !
Se protégeant les yeux, Dess regarda au sol et y découvrit exactement ce qu'il s'attendait à trouver : le sous-officier couché sur le dos, la vibrolame plantée dans la poitrine.
La lampe-torche s'éteignit et Dess se prépara à subir une nouvelle attaque. Mais il n'entendit rien d'autre que des bruits de pas s'enfuyant dans la nuit, les soldats rejoignant le spatioport.
Dess examina le corps et pensa un instant s'emparer de lame lumineuse pour éclairer son chemin. Mais cette dernière ne brillait plus. Il comprit qu'en réalité, elle n'avait jamais brillé. C'était même tout bonnement impossible, car les vibrolames n'étaient pas des armes énergétiques. Elles étaient uniquement constituées de métal.
Il avait cependant d'autres soucis bien plus urgents à régler que de savoir comment il avait aperçu la vibrolame dans la nuit noire. Dès qu'ils atteindraient leur vaisseau, les soldats rapporteraient l'incident à leur capitaine, qui le transmettrait à son tour aux autorités de la COMBE. La compagnie minière retournerait la planète toute entière pour le retrouver. Dess savait qu'il n'avait aucune chance. Sa parole – celle d'un mineur amateur de bagarres et de violence – n'aurait que peu de poids face à celle de deux soldats de la République. Personne ne croirait à un incident ou à un acte de légitime défense.
Ce qui était le cas, pas vrai ? Dess avait vu la lame s'approcher de lui. Aurait-il pu désarmer son adversaire sans le tuer ? Il secoua la tête. Il n'avait pas le temps de culpabiliser ou d'exprimer des regrets. Pas maintenant. Il devait trouver un endroit où se cacher.
Il ne pouvait rentrer chez lui, car ce serait le premier endroit où les autorités viendraient le chercher. Il ne parviendrait pas à rejoindre les mines à pied avant l'aube, et il ne trouverait aucun lieu où se réfugier dans les plaines une fois le soleil levé.
Il ne lui restait qu'une seule option, qu'un seul espoir.
Ils finiraient également par le chercher en ce lieu, mais il ne savait où aller ailleurs.
