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Chapitre n°41 :
Doublée
Githany sentit que quelque chose troublait Bane. Il prêtait à peine attention à ses leçons.
Elle ignorait ce qui pouvait le contrarier de la sorte, et pour être honnête, elle s'en moquait – à moins que cela ne compromette ses projets.
- Quelque chose te tracasse, Bane ? murmura-t-elle.
Perdu dans ses pensées, il ne répondit pas tout de suite.
- Je... Je suis désolé, Githany.
- Qu'est-ce qui ne va pas ? le pressa-t-elle en tentant de paraître préoccupée. À quoi penses-tu ?
Il resta un instant silencieux et parut peser ses paroles avant de lui répondre.
- Crois-tu en la puissance du Côté Obscur ? finit-il par lui demander.
- Bien évidemment.
- Et cela correspond-il à ce que tu avais imaginé ? Est-ce que l'Académie remplit toutes tes attentes ?
- Peu de choses peuvent y parvenir, répliqua-t-elle avec un léger sourire, mais j'ai beaucoup appris auprès de Qordis et des autres depuis mon arrivée ici. Des choses que les Jedi n'auraient jamais pu m'enseigner.
Bane émit un grognement moqueur.
- La plupart des choses que j'ai apprises ici, je les ai lues dans ces ouvrages, lança-t-il en indiquant les rayonnages.
Ne sachant quoi lui répondre, elle se tut.
- Tu m'as dit un jour que les Maîtres ne savaient pas tout, continua Bane. Tu parlais alors des Maîtres Jedi, mais je commence à croire que cela s'applique également aux Sith.
- Ils ont eu tort de te rejeter, reconnut-elle en décelant l'opportunité qu'elle attendait depuis longtemps, mais tu ne peux pas blâmer tout le monde pour ta situation. Nous savons tous les deux qui en est réellement responsable.
- Sirak dit-il en crachant son nom comme s'il était empoisonné.
- Il doit payer pour ce qu'il t'a fait, Bane. Nous avons attendu suffisamment longtemps. Le moment est venu.
- Venu de faire quoi ?
Githany prit un ton plus théâtral.
- Je vais le défier demain matin dans le cercle.
- Quoi ? lança Bane en secouant la tête. Ne sois pas stupide, Githany ! Il va te détruire !
C'est parfait, se dit-elle.
- Je n'ai pas le choix, Bane, lui déclara-t-elle gravement. Je t'ai déjà expliqué que je ne croyais pas à la légende du Sith'ari. Sirak est peut-être le meilleur élève de cette école, mais il n'est pas invincible.
- Il n'est peut-être pas le Sith'ari, mais il est encore trop fort pour toi. Tu ne peux pas l'affronter dans le cercle, Githany. Je l'ai observé et je connais sa force. Tu ne réussiras pas à le vaincre.
Elle resta muette, puis baissa la tête de désespoir.
- Quel autre choix me reste-t-il ? Nous devons le détruire et la seule façon de le faire, c'est de le défier en duel dans le cercle.
Bane se tut à son tour. Elle devinait qu'il devait réfléchir à une autre alternative. Ils savaient tous les deux qu'il n'y avait qu'une seule solution et qu'il finirait par la trouver. Ils devaient tuer Sirak en-dehors du cercle. L'assassiner. C'était une violation flagrante des règles de l'Académie, et les conséquences pourraient être très graves s'ils venaient à être découverts.
Voilà pourquoi Bane devait conclure à cette seule solution. Dès qu'il lui aurait révélé ce projet, Githany pensait pouvoir le manipuler afin qu'il accomplisse seul ce meurtre. Son plan était parfait : se débarrasser de Sirak en s'arrangeant pour que Bane prenne tous les risques.
Par la suite, elle pourrait prévenir « accidentellement » les Maîtres de l'implication de Bane, si le besoin se faisait sentir. Elle éprouvait certains doutes concernant cette dernière partie de son plan. Elle n'était plus si sûre de vouloir trahir Bane. En revanche, cela ne la gênait en rien de le manipuler.
Il prit une longue inspiration avant de parler. Elle se prépara à prendre un air surpris très convaincant – et forcé.
- Tu ne peux pas affronter Sirak dans le cercle, mais moi, je peux le faire, finit-il par dire.
- Pardon ? lui lança Githany, véritablement sidérée. Il a failli te tuer la dernière fois ! Il ne t'épargneras pas, cette fois-ci !
- J'ai bien l'intention de gagner.
En l'écoutant, Githany réalisa que quelque chose lui échappait.
- Qu'y a-t-il, Bane ? l'interrogea-t-elle.
Il hésita un instant, avant d'admettre :
- Je me suis entraîné en secret avec le Seigneur Kas'im.
C'est sensé, se dit-elle, et j'aurais même dû le deviner moi-même.
Et tu l'aurais peut-être fait si tu n'avais pas laissé Bane se rapprocher de toi, se réprimanda-t-elle. Tu savais que tu commençais à ressentir quelque chose pour lui, et tu as laissé tes sentiments obscurcir ton jugement.
- Tu m'as prise pour une imbécile, Bane, lui jeta-t-elle au visage.
- Tout comme toi, répliqua-t-il. Je ne suis pas stupide, Githany. Je sais ce que tu voulais obtenir de moi, et je sais quelle réponse tu attendais de moi. Je vais me venger de Sirak, mais en suivant mon propre plan.
- Quand ça ? lui demanda-t-elle en se mordillant les lèvres.
- Demain matin, tout comme tu l'avais proposé.
- Mais tu sais que je n'étais pas sérieuse.
- Et tu sais que je le suis.
Inconsciemment, elle se mit à jouer avec les mèches de sa belle chevelure, puis retira prestement sa main en réalisant ce qu'elle faisait.
Bane tendit la main et la posa doucement sur son épaule.
- Ne t'inquiète pas, lui dit-il. Je ne parlerai jamais de l'aide que tu m'as apportée.
- Ce n'est pas ça qui m'inquiète, murmura-t-elle.
Il pencha la tête sur le côté et l'examina avec attention pour savoir si elle était honnête. À sa grande surprise, elle semblait l'être.
En décelant sa sincérité, il se rapprocha et l'embrassa doucement sur les lèvres. Puis, il recula lentement et retira sa main de son épaule. Sans un mot de plus, il se dirigea vers la porte.
Elle le regarda partir en silence, avant de lui lancer :
- Bonne chance, Bane. Sois prudent !
Il s'arrêta comme s'il venait de recevoir un coup de blaster à la gorge.
- J'y compte bien, répondit-il sans la regarder, avant de disparaître.
Quelques instants plus tard, Githany sentit son visage s'empourprer. Elle essuya une larme sur sa joue, puis fixa sa main avec incrédulité.
Écœurée par sa propre faiblesse, elle essuya la larme sur les plis de sa cape. Elle se leva à son tour et se redressa, la tête bien haute.
Que pourrait-elle faire si les événements ne se déroulaient pas comme prévu ? Si Bane tuait Sirak dans le cercle, son rival serait éliminé. Si Bane échouait, elle devrait trouver quelqu'un d'autre pour assassiner le Zabrak.
En fin de compte, elle obtiendrait ce qu'elle voulait.
Mais en quittant la bibliothèque d'un pas déterminé, elle comprit que ce n'était pas vraiment le cas. Quoi qu'il advienne dans les prochains jours, les choses allaient être bien différentes de tout ce qu'elle pouvait imaginer.
Ah. Apparemment, il n'est pas uniquement guidé par ses hormones, il semble lui rester un peu de matière grise. Il y a peut-être encore de l'espoir pour lui ;)
