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Chapitre n°45 :
Les graines de la révolution
Au cours de la nuit, alors qu'il ne trouvait pas le sommeil, Bane repensa aux paroles de Githany. Pourquoi n'avait-il pas réussi à tuer Sirak ? Avait-elle raison ? Une certaine forme de compassion l'en avait-elle empêché ? Il voulait croire avoir embrassé le Côté Obscur, mais si c'était vraiment le cas, il aurait abattu Sirak sans réfléchir – et cela, quelles que soient les conséquences.
D'ailleurs, ce n'était pas la seule chose qui le préoccupait. Il ressentait sa relation avec Githany comme une frustration. Il était incontestablement attiré par elle. Il la trouvait à la fois envoûtante et attirante. À chaque fois qu'elle se tenait à côté de lui et qu'elle le touchait, son corps était parcouru de frissons. Il pensait à elle même lorsqu'ils étaient séparés, son souvenir l'obsédant tout comme son parfum entêtant. La nuit, ses longs cheveux noirs et ses yeux dangereux hantaient ses rêves.
Et il croyait vraiment qu'elle ressentait quelque chose pour lui – même s'il doutait qu'elle l'avoue un jour. Malgré leur proximité au cours de leurs leçons secrètes, ils n'avaient jamais consommé leur désir. Tant que Sirak était le meilleur apprenti de l'Académie, cela leur paraissait secondaire. Sa défaite était leur objectif premier à tous les deux, et ni elle ni lui n'avaient voulu s'en détourner. Cet ennemi commun les unissait dans le même combat, mais il les séparait également.
La défaite de Sirak aurait dû faire choir cet obstacle, mais Bane avait vu la déception dans les yeux de Githany après le combat. Il avait promis de tuer leur ennemi et elle l'avait cru. En définitive, ses agissements avaient démontré qu'il ne répondait pas à ses attentes, et le mur qui les séparait s'était subitement élevé.
Quelqu'un frappa doucement à la porte de sa chambre. Le couvre-feu avait déjà retenti, et aucun apprenti n'avait le droit de s'aventurer dans les couloirs. Une seule personne pouvait se trouver là à cette heure-ci – elle l'avait déjà fait à quelques reprises.
Il se leva d'un bond, traversa sa chambre rapidement et ouvrit la porte à la volée. Il masqua rapidement sa déception en découvrant le Seigneur Kas'im devant lui.
Le Maître bretteur pénétra dans la pièce sans attendre d'y être invité, et adressa à Bane un petit signe de tête signifiant qu'il pouvait refermer la porte. Ce dernier lui obéit, tout en se demandant ce que pouvait bien faire Kas'im dans sa chambre à cette heure tardive.
- J'ai quelque chose pour toi, lui annonça le Twi'lek en soulevant les plis de sa cape pour s'emparer de son sabre-laser qui pendait à sa ceinture.
Bane se rendit immédiatement compte qu'il se trompait. Ce n'était pas le sabre-laser de Kas'im. La poignée de l'arme du Maître bretteur était nettement plus longue que la moyenne, ce qui lui permettait d'abriter deux cristaux pour activer chacune de ses deux lames. La poignée de cette arme-ci était plus petite, et sa courbure étrange lui conférait l'apparence d'un crochet.
Le Twi'lek alluma le sabre-laser et sa lame prit une couleur rouge foncée.
- C'était l'arme de mon Maître, expliqua-t-il à Bane. Lorsque j'étais enfant, je le regardais s'entraîner pendant des heures. Mes premiers souvenirs me renvoient aux lumières rubis qui dansaient lorsqu'il accomplissait ses séquences de combat.
- Vous ne vous souvenez pas de vos parents ? demanda Bane, surpris.
Kas'im secoua la tête.
- Mes parents ont été vendus dans les marchés aux esclaves de Nal Hutta. C'est là que Maître Na'daz m'a trouvé. Il a remarqué ma famille lors de la vente aux enchères, peut-être attiré parce que nous étions de la même race que lui. Je marchais à peine, mais Maître Na'daz a senti la Force en moi. Il m'a acheté et m'a emmené sur Ryloth pour m'élever comme son apprenti au milieu de notre propre peuple.
- Et qu'est-il arrivé à vos parents ?
- Je ne sais pas, répondit Kas'im en haussant les épaules d'indifférence. Ils n'avaient aucun lien spécial avec la Force, et mon Maître n'a trouvé aucune raison de les acquérir. Ils étaient faibles et ont été abandonnés.
Il parlait sur un ton informel, comme si le fait de savoir que ses parents avaient vécu et étaient morts comme esclaves au service des Hutts l'indifférait. D'une certaine façon, c'était compréhensible. N'ayant jamais connu ses parents, il ne leur vouait aucune affection particulière. Bane se demanda, l'espace d'un instant, si sa propre existence aurait été différente s'il avait été élevé par quelqu'un d'autre. Si Hurst avait été tué dans les mines de cortosis lorsqu'il était encore enfant, serait-il aujourd'hui sur Korriban dans cette Académie ?
- Mon Maître était un grand Seigneur Sith, poursuivit Kas'im. Il était notamment expert dans les arts du combat au sabre-laser, un talent qu'il m'a transmis. Il m'a appris à utiliser le sabre-laser à double-lame, même s'il préférait lui-même manier un sabre plus traditionnel, exception faite évidemment de la poignée.
La lame s'éteignit lorsque Kas'im désactiva le sabre et le jeta à Bane, qui l'attrapa avec aisance en agrippant de sa main la poignée en forme de crochet.
- C'est étrange, marmonna Bane.
- Il va falloir que tu adaptes quelque peu ta prise sur la poignée, lui expliqua Kas'im. Tiens-là plus au milieu de ta paume et plus loin de l'extrémité de tes doigts.
Bane obéit à son instructeur, et laissa son corps s'accoutumer à la forme étrange de la poignée et à la répartition du poids de l'arme. Son esprit était déjà en train de réfléchir aux diverses implications de son nouveau maniement. Le propriétaire d'une telle arme bénéficierait de davantage de puissance sur ses coups par en-dessus, et l'angle de ses attaques se modifierait d'un minuscule degré. Ce qui suffirait à confondre et à désorienter un adversaire trop confiant.
- Certains mouvements sont plus difficiles à accomplir avec cette arme, l'avertit Kas'im, mais de nombreux autres sont plus efficaces. En définitive, je pense que tu constateras que ce sabre-laser convient bien à ta technique de combat personnelle.
- Vous me le donnez ? s'enquit Bane avec incrédulité.
- Tu m'as prouvé aujourd'hui que tu en étais digne, répondit le Maître bretteur avec une pointe de fierté dans la voix.
Bane activa le sabre-laser, et écouta le léger bourdonnement de la cellule d'énergie et le sifflement crépitant de la lame. Il effectua quelques mouvements simples, puis le désactiva brusquement.
- Est-ce que Qordis approuve une telle chose ?
- C'est ma décision, pas la sienne, déclara Kas'im, presque offensé. Cela fait dix ans que je n'ai pas manié ce sabre, et ce n'est pas à Qordis de décider à qui je dois le donner.
Bane lui répondit en s'inclinant respectueusement, conscient du grand honneur que lui faisait Kas'im. Pour briser le silence pesant qui suivit, Bane lui demanda :
- Votre Maître vous l'a donné quand il est mort ?
- Je l'ai pris quand je l'ai tué.
Bane ne put dissimuler sa stupéfaction. Le Maître bretteur l'aperçut et esquissa un sourire.
- J'avais appris tout ce que je pouvais auprès de Maître Na'daz. Même s'il était puissant dans le Côté Obscur, je l'étais encore davantage. Et, malgré sa maîtrise dans l'art du combat au sabre-laser, je suis devenu meilleur que lui.
- Mais pourquoi le tuer ?
- C'était comme une épreuve. Pour voir si j'étais aussi fort que je le croyais. Cela date d'avant que le Seigneur Kaan accède au pouvoir, nous étions alors encore prisonniers des anciennes traditions. Sith contre Sith, Maître contre apprenti, et nous nous affrontions bêtement les uns les autres pour prouver notre supériorité. Heureusement, la Confrérie des Ténèbres a mis fin à tout cela.
- Pas complètement, grommela Bane en pensant à Fohargh et à Sirak. Les faibles tombent encore sous les coups des forts. C'est inévitable.
Kas'im pencha la tête sur le côté en essayant de comprendre la signification de ses paroles.
- Ne te laisse pas aveugler par cet honneur, l'avertit-il. Tu n'es pas encore prêt à me défier, jeune apprenti. Je t'ai appris tout ce que tu sais, mais je ne t'ai pas encore appris tout ce que je sais.
Bane ne put s'empêcher de sourire. L'idée même d'affronter Kas'im au cours d'un vrai duel était ridicule. Il savait qu'il ne pouvait pas rivaliser avec le Maître bretteur – pas encore.
- Je ne l'oublierai pas, Maître.
Satisfait, Kas'im tourna les talons pour partir. Avant de refermer la porte derrière lui, il ajouta :
- Le Seigneur Qordis veut te voir dès demain matin. Va le trouver dans ses appartements avant les exercices matinaux.
La perspective même de rencontrer le sombre dirigeant de l'Académie ne refroidit pas l'esprit joyeux de Bane. Dès qu'il se retrouva seul dans sa chambre, il activa de nouveau le sabre-laser et commença à s'exercer. De nombreuses heures s'écoulèrent avant qu'il ne finisse par rengainer son arme et par se glisser dans son lit, toutes les pensées concernant Githany l'ayant abandonné depuis longtemps.
