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Parce qu'il ne faut jamais dormir sur ses deux oreilles dans une Académie Sith...
Chapitre n°50 :
Guet-apens
Bane retourna dans son lit après le départ de Qordis. Il pensait aller voir Githany, mais il était encore épuisé. J'irai la voir demain, pensa-t-il en se laissant gagner par le sommeil.
Il fut de nouveau dérangé, quelques heures plus tard, par quelqu'un qui frappait à sa porte. Il se sentait toutefois davantage reposé que la première fois. Il s'assit rapidement, et alluma un bâtonnet lumineux, qui baigna sa chambre d'une douce clarté. Bien qu'il n'y ait pas de fenêtre dans sa chambre, il supposait qu'il devait être minuit environ, bien après le couvre-feu.
Il se leva et se dirigea vers la porte pour accueillir son second visiteur. Cette fois-ci, il ne fut pas déçu en ouvrant la porte.
- Je peux entrer ? murmura Githany.
Bane s'écarta pour la laisser passer, et l'odeur de son parfum l'enivra lorsqu'elle le frôla en avançant. Bane referma la porte derrière elle, et Githany s'assit au bord de son lit. Elle tapota le matelas à côté d'elle et Bane vint la rejoindre, il se tourna légèrement de son côté pour la regarder dans les yeux.
- Pourquoi es-tu là ? lui demanda-t-il.
- Pourquoi es-tu parti ? répliqua-t-elle.
- C'est... c'est difficile à expliquer. Tu avais raison au sujet de Sirak. J'aurais dû l'achever, mais je ne l'ai pas fait. J'ai été stupide et faible, et je ne voulais pas l'admettre devant toi.
- Tu as quitté l'Académie pour ne pas me revoir ?
Ses paroles paraissaient compatissantes, comme si elle cherchait à le comprendre, mais Bane détecta du mépris dans le ton de sa voix.
- Non, lui expliqua-t-il. Je ne suis pas parti à cause de toi. Je suis parti parce que tu étais la seule à reconnaître mon échec. Tous les autres ont applaudi ma grande victoire. Kas'im, Qordis... tout le monde. Ils ne connaissent pas la vraie nature du Côté Obscur, et je ne la connaissais pas jusqu'à ce que tu m'ouvres les yeux. Je suis parti de l'Académie car elle n'avait plus rien à m'offrir. Je me suis rendu dans la Vallée des Seigneurs Noirs en espérant découvrir les réponses que je n'ai pas trouvées ici.
- Et tu n'as jamais pensé venir me voir pour me dire tout cela ? lui fit-elle remarquer.
Le ton de sa voix avait changé, l'accent de fausse compassion avait disparu. Elle paraissait maintenant simplement en colère – en colère, et blessée. Bane fut cependant soulagé de constater qu'elle éprouvait encore suffisamment de choses à son égard pour dévoiler de véritables émotions.
- J'aurais dû venir te voir, admit-il. J'ai agi sans réfléchir. J'ai laissé la colère que j'éprouvais à l'encontre de Qordis me pousser à partir.
Elle opina du chef. Githany était familière de la passion et des réactions impulsives.
- J'ai répondu à ta question, lui dit-il. Maintenant à toi de répondre à la mienne. Pourquoi es-tu là ?
Elle hésita en se mordillant la lèvre inférieure. Bane reconnut immédiatement ce geste inconscient : Githany était perdue dans ses pensées.
- Pas ici, finit-elle par lui dire en se relevant avec raideur. J'ai quelque chose à te montrer. Dans les archives.
Sans même vérifier qu'il la suivait, elle quitta rapidement sa chambre et pénétra dans le couloir plongé dans l'obscurité. Bane se releva tant bien que mal, et la suivit en courant presque.
Elle regardait droit devant elle, ses bottes crissant sur le sol de pierre à chacune de ses grandes enjambées. Ce bruit résonnait dans les couloirs vides, mais Githany ne paraissait pas s'en soucier. Bane avait beau comprendre que quelque chose la troublait, il n'avait pas la moindre idée de la nature de ses préoccupations.
La porte des archives était ouverte. Githany ne sembla pas surprise. Elle franchit le seuil sans ralentir. Bane s'arrêta un court instant avant de poursuivre.
De l'autre côté de la salle, par-delà les rangées d'étagères, elle s'arrêta et lui fit face. Ses traits hautains et splendides affichaient une expression qu'il ne parvenait pas à déchiffrer.
Il avança jusqu'au centre de la bibliothèque, et s'arrêta net lorsqu'elle leva la main, la paume en avant.
- Githany, lui murmura-t-il d'un air perplexe. Que se passe... ?
Il s'interrompit en entendant la porte des archives se refermer violemment derrière lui. Il se retourna vivement et découvrit Sirak, flanqué de Yevra et de Llokay. Les lèvres jaune pâle du Zabrak étaient ourlées en un sourire cruel si large qu'il ressemblait à un crâne grimaçant. Bane ne put s'empêcher de remarquer les trois sabres-lasers qui pendaient à la ceinture des Zabraks.
Lorsque Githany s'adressa à lui, il résista à l'envie de se retourner pour la dévisager. Il aurait été stupide de tourner ainsi le dos au trio.
- Pourquoi m'as-tu suivie, Bane ? lui demanda-t-elle d'une voix mêlant colère, dégoût et regret. Comment as-tu pu être aussi stupide ? Tu n'avais pas compris que je te menais droit dans un piège ?
Githany l'avait trahi. Leur conversation dans sa chambre avait été une sorte de test, auquel il avait échoué. Il la connaissait suffisamment pour s'attendre à une telle traîtrise.
Il aurait dû se méfier d'une telle action de sa part, mais il avait agi comme un imbécile aveugle et docile.
Il savait qu'il était le seul responsable, et il devait désormais se tirer de ce faux pas.
- C'est ce que tu veux, Githany ? s'enquit-il en essayant de gagner du temps.
- Elle veut tout ce que les Sith veulent, répondit Sirak à sa place. Le pouvoir, le triomphe. Elle a su s'allier aux forts.
- Je suis plus fort que lui, déclara Bane à Githany. Je l'ai démontré dans le cercle.
- La force n'est pas qu'une question de prouesses martiales et physiques, répliqua Sirak en activant son sabre-laser.
Le regard de Bane se posa uniquement sur les lames rouges, mais il entendit le sifflement des deux autres sabres des Zabraks. Githany ne dégaina pas son fouet.
- La puissance n'est pas qu'une question d'habileté à utiliser la Force, poursuivit Sirak en avançant. Elle implique également l'intelligence, la ruse, la cruauté.
- Tu sais comme il m'a été facile de te vaincre dans le cercle, déclara Bane en s'adressant directement à Sirak, bien que ses paroles soient destinées à Githany. Tu es sûr de pouvoir me vaincre maintenant ?
- Quatre contre un, Bane, et tu as laissé ton sabre-laser dans ta chambre. Mes chances de réussite sont plutôt bonnes.
Bane s'esclaffa et tourna le dos à Sirak. Le Zabrak était suffisamment proche pour l'attaquer et le tuer instantanément, mais Bane était certain qu'il ne l'attaquerait pas de la sorte, sa méfiance lui suggérant d'attendre encore un peu pour éviter de tomber dans un piège. Le pari de Bane était dangereux, mais il voulait s'adresser à Githany en la regardant droit dans les yeux – surtout s'il s'agissait de ses dernières paroles.
- Cet imbécile croit vraiment que tu m'as conduit jusqu'ici pour qu'il puisse me tuer ? lui lança-t-il.
Il sentit dans son dos la confusion et l'incertitude soudaines du Zabrak, qui ne passa toujours pas à l'attaque.
Githany le fixa sans ciller avec un regard glacial, et ne répondit rien. Ses dents mordillèrent à nouveau sa lèvre inférieure.
- Nous savons tous les deux pourquoi je suis ici, Githany, poursuivit-il rapidement, car Sirak n'allait plus attendre longtemps. Tu ne veux pas t'allier à Sirak. Depuis ton arrivée à l'Académie, tu complotes avec moi pour trouver le moyen de le tuer.
- Ça suffit ! cria Sirak.
Bane plongea en avant et évita au dernier moment l'attaque du Zabrak, dont le sabre-laser laissa un profond sillon dans le sol. Bane se releva d'un bond, et Githany réagit enfin. Lorsqu'elle lui lança son sabre-laser, il avait déjà tendu la main pour orienter la poignée de son arme vers lui.
Il activa son sabre sans perdre un instant, et se retourna juste à temps pour contrer l'assaut de Sirak. Yevra et Llokay se précipitèrent pour plonger dans la mêlée.
Bane contre-attaqua en visant les jambes de Sirak. Le Zabrak para son coup, et leurs lames s'entrechoquèrent dans un bourdonnement sonore. Bane entendit vaguement Githany activer son fouet d'énergie.
Il lança une nouvelle attaque contre Sirak, qui fut contraint de reculer. Puis, il fit semblant de le charger, mais recula au dernier moment, instituant un espace d'un mètre entre les deux adversaires. Cela lui permit de tendre rapidement le bras en direction de Yevra, qui ne se doutait de rien. Il l'agrippa par télékinésie et la projeta violemment contre l'une des étagères voisines, qui se brisa.
Yevra s'écroula au sol, hébétée. Avant qu'elle ne parvienne à se relever, Githany fit claquer son fouet énergétique dans sa direction et l'acheva.
Bane eut à peine le temps de la voir mourir, car Llokay se jetait sur lui. Le Zabrak à la peau rouge était un combattant d'un niveau bien inférieur, mais son chagrin et sa rage lui conférèrent davantage de force. Il parvint à repousser son adversaire bien plus imposant que lui grâce à une terrible série de frappes désespérées.
Vacillant en arrière, Bane était tellement distrait qu'il faillit ne pas voir Sirak invoquer un éclair dans sa direction. Il se contorsionna à la dernière seconde, et réussit à intercepter le trait électrique meurtrier avec la lame de son sabre-laser et à absorber son énergie. Cette action instinctive avait été un dernier recours qui le rendait désormais vulnérable à la moindre estocade de Llokay, mais le fouet de Githany claqua en direction des yeux et du visage du Zabrak, qui dut se concentrer pour parer les coups de fouet.
Bane reporta son attention sur Sirak, qui hésitait. Llokay poussa un hurlement au même instant, lorsque le fouet de Githany l'aveugla. Il allait pousser un second cri, mais Githany lui entailla la gorge avec son fouet, dont l'extrémité brûlante lui calcina les cordes vocales – aussi mourut-il en silence.
Seul, Sirak désactiva son sabre-laser, le laissa tomber à terre et s'agenouilla.
- Je t'en prie, Bane, le supplia-t-il d'une voix cassée. Je me rends. Tu es un vrai Seigneur Sith, je le sais désormais.
- Achève-le, Bane, murmura Githany.
Bane s'avança devant Sirak. Subitement, il ne vit pas uniquement le Zabrak à ses pieds. Il vit tous les individus qu'il avait tués au cours de son existence, toutes les vies qu'il avait dérobées. Fohargh le Makurth. Le sous-officier de la République assassiné sur Apatros. Son propre père.
Il était responsable de leurs morts. Encore maintenant, elles l'empêchaient d'aller de l'avant. La culpabilité qu'il avait ressentie à la suite du décès de Fohargh l'avait détourné du Côté Obscur des mois durant. Elle l'avait entravé comme de véritables chaînes. Il ne voulait pas revivre cela.
- Écoute-moi, poursuivit Sirak d'une voix plaintive. Je te servirai, je ferai tout ce que tu voudras. Tu peux m'utiliser, je peux t'aider. Je t'en prie, Bane, aie pitié !
Bane se ragaillardit.
- Ceux qui demandent grâce, répondit-il froidement, sont trop faibles pour la mériter.
Sa lame d'énergie décapita son adversaire sans défense. Le corps du Zabrak demeura immobile un instant, les chairs de son cou décapité fumant légèrement. Puis, son corps tomba en avant.
Fixant le cadavre de son adversaire, Bane n'éprouvait qu'une seule chose : une sensation de liberté. La culpabilité, la honte et le poids de la responsabilité venaient de disparaître grâce à cet acte décisif. Il s'était totalement ouvert au Côté Obscur. Il l'envahissait et l'emplissait d'assurance et de puissance.
Par le pouvoir, je gagne la victoire. Par la victoire, mes chaînes sont brisées.
Il se tourna vers Githany, qui souriait, le regard avide.
- Je n'aurais jamais dû te sous-estimer, lui lança-t-elle. Tu m'as vue prendre ton sabre-laser ! C'est pour cela que tu m'a suivie.
- Non, répondit Bane, encore grisé par le meurtre de son ennemi. Je n'ai rien vu. J'ai simplement supposé que tu l'avais fait.
Son expression s'assombrit un instant, puis elle explosa de rire.
- Tu ne cesseras jamais de m'étonner, Seigneur Bane !
- Ne m'appelle pas ainsi, la somma-t-il.
- Et pourquoi pas ? s'enquit-elle. Qordis a donné à tous les apprentis le rang de Seigneur Noir des Sith.
En le voyant grimacer, elle s'avança et l'étreignit en levant les yeux vers lui.
- Bane, souffla-t-elle, nous allons nous battre contre les Jedi ! Et nous allons rejoindre la Confrérie des Ténèbres du Seigneur Kaan !
Bane saisit Githany par les avant-bras, et se libéra doucement de son étreinte. Perplexe, elle n'offrit aucune résistance lorsque Bane posa ses mains dans les siennes contre sa musculeuse poitrine.
Comme pouvait-il lui faire comprendre ? Il avait totalement étreint le Côté Obscur, l'exécution de Sirak avait été l'épreuve ultime. Il avait franchi un cap, et ne pourrait plus jamais revenir en arrière. Il n'hésiterait jamais plus, ne douterait jamais plus. La transformation initiée lors de son arrivée à l'Académie était maintenant achevée : il était un Sith.
Et il comprenait désormais les échecs de la Confrérie.
- Kaan est un imbécile, Githany, déclara-t-il en la fixant dans les yeux pour y lire son expression.
Elle eut un petit mouvement de recul et tenta de retirer ses mains, mais Bane les serrait avec force.
- Tu n'as jamais rencontré le Seigneur Kaan, affirma-t-elle, sur la défensive. Moi, oui. C'est un grand homme, Bane, un visionnaire.
- Il est aussi aveugle qu'une limace des cavernes orkellienne, insista Bane. La Confrérie des Ténèbres, cette Académie, tout ce que les Sith représentent aujourd'hui témoignent de son ignorance !
Il serra ses mains encore davantage.
- Viens avec moi. Plus rien ne nous retient sur Korriban, et seule la mort nous attend sur Ruusan, mais je sais où aller. C'est un endroit où le Côté Obscur est encore puissant.
Elle se débattit pour retirer ses mains, et recula.
- Le Seigneur Kaan a uni les Sith dans une même cause majestueuse. Nous pouvons les rejoindre sur Ruusan.
- Alors, fais-le ! cracha Bane. Rejoins les autres ! Et unis-toi à eux dans leur défaite.
Il se détourna et partit en trombe. Githany l'interpella :
- Attends, Bane ! Attends !
Si elle avait esquissé le moindre mouvement pour le rattraper, il l'aurait peut-être attendue.
