.


Chapitre n°60 :

Le retour du fils prodigue


Lorsque le Valcyn atteignit Ruusan, Bane fut surpris de voir des flottes Sith et Jedi dans le système. Les Sith avaient établi un blocus autour de la planète, afin d'empêcher les Jedi d'envoyer des renforts à leurs compagnons sur la planète.

Bane eut cependant l'impression que les Jedi ne faisaient aucun effort pour forcer ce blocus. Leurs vaisseaux semblaient se contenter d'attendre en orbite et de rôder à la limite de la portée de tir des appareils ennemis. Les Sith ne pouvaient pas les attaquer, ou ils risqueraient de briser leur formation et d'exposer leurs lignes. Le résultat était une impasse totale, aucun des deux camps ne désirant prendre l'initiative.

En dépit du blocus, Bane parvint à poser son vaisseau sur Ruusan sans attirer l'attention des deux flottes spatiales. Les Jedi ne se préoccupaient pas des vaisseaux qui se dirigeaient vers la planète, et les Sith effectuaient des patrouilles uniquement destinées à empêcher des incursions majeures, à savoir les transporteurs de troupes, les vaisseaux de ravitaillement et leurs escortes, mais n'étaient d'aucune utilité face à un vaisseau de reconnaissance ou à un chasseur.

Ses détecteurs localisèrent le campement Sith peu après son entrée dans l'atmosphère, et il guida le Valcyn vers le côté opposé de la planète. Les patrouilles en orbite ne l'avaient pas repéré, et il avait désactivé la balise du vaisseau avant de quitter Lehon. Personne ne savait qu'il se trouvait sur Ruusan. Il avait bien l'intention de conserver sa présence secrète encore longtemps.

Il se posa à l'abri d'une petite chaîne de montagnes, à plusieurs kilomètres du campement. Il attirerait moins l'attention en approchant à pied, et il voulait que la position du Valcyn demeure inconnue au cas où il devrait s'enfuir à la hâte. Il quitta le vaisseau et se mit en marche pour rejoindre Kaan et ses adeptes.

L'atmosphère que dégageait cette planète était très différente de celle qu'il avait ressentie sur tous les mondes qu'il avait visités. Cette planète était fatiguée, lasse et vidée à cause de la guerre interminable qui s'y livrait. L'air était empreint d'un malaise, à l'image d'une maladie infectieuse du corps et de l'esprit. La Force était puissante sur Ruusan, une chose inévitable au regard du grand nombre de Sith et de Jedi qui s'y trouvaient. Il sentait cependant qu'elle vivait dans la tourmente, un véritable maelström mêlant confusion et combat. Aucun des deux Côtés de la Force ne dominait, mais s'y mêlaient plutôt pour devenir une puissance grisâtre indécise et obscène.

La puanteur de mort ambiante fit comprendre à Bane qu'un affrontement avait dû avoir lieu récemment sur ce terrain. Ses soupçons se confirmèrent lorsqu'il franchit une crête et aperçut une véritable boucherie. Il était difficile de dire quel camp avait remporté le combat : des corps appartenant aux deux forces ennemies jonchaient le site tout entier, enchevêtrés les uns aux autres comme si leur haine persistait même après la mort. La plupart des cadavres devaient être des serviteurs des Jedi ou des Sith, et non de véritables Chevaliers Jedi ou membres de la Confrérie. Bane remarqua toutefois la présence de quelques robes noires Sith.

Des créatures originaires de Ruusan, appelées bondissants, traînaient sur le champ de bataille. Bane en dénombra une bonne demi-douzaine, de tailles différentes, d'un ou deux mètres de diamètre, aux corps sphériques recouverts d'une épaisse toison verte, d'où émergeaient des appendices ressemblant à de petites nageoires sur les côtés et une longue queue en ruban qui évoluait derrière eux. Exceptés leurs yeux noirs sans paupières, leur visage était dénué de tout trait.

Les récits les décrivaient comme une race intelligente, mais Bane ne les considérait ni plus ni moins que comme de simples charognards errant sur un champ de bataille. En se rapprochant d'eux, il réalisa qu'ils parvenaient à communiquer malgré leur absence de bouche. Ils projetaient des images mentales qui mêlaient réconfort et secours, comme s'ils cherchaient à soigner les blessures de la terre mutilée.

Ils se dispersèrent en voyant Bane venir à leur rencontre, et s'enfuirent rapidement. En s'avançant encore davantage, il réalisa qu'ils s'étaient rassemblés autour du corps d'un soldat. L'homme n'était pas encore tout à fait mort, mais l'entaille béante au milieu de son ventre indiquait qu'il ne lui restait plus beaucoup de temps à vivre.

Il portait une robe Sith, et la poignée brisée d'un sabre-laser gisait à côté de sa main tendue. Bane identifia l'un des élèves de l'Académie de Korriban, mais il n'avait jamais retenu son nom en raison de sa faiblesse dans le Côté Obscur. Ce dernier reconnut cependant Bane.

L'homme roula sur le côté en poussant un gémissement de douleur, puis il s'assit péniblement en appuyant sa tête et ses épaules contre une pierre voisine. Son regard – il avait les yeux vitreux, les pupilles dilatées – s'éclaircit un instant et se posa sur Bane.

- Seigneur Bane..., souffla-t-il. Kaan nous avait dit... que vous étiez mort...

Bane ne répondit rien.

- Vous avez manqué cette bataille..., marmonna le Sith d'une voix étouffé par le sang qui coagulait dans sa gorge.

Une quinte de toux interrompit sa phrase. Il était trop faible pour porter la main à ses lèvres, et cracha du sang sur les bottes noires de Bane.

- La bataille a été des plus glorieuses..., finit-il par dire d'une voix rauque. C'est un honneur de... de tomber pendant un tel affrontement.

Bane rit bruyamment, la seule réponse appropriée à ce genre de stupidité.

- La gloire ne signifie rien pour les morts, déclara Bane sans savoir si l'homme parvenait à l'entendre dans son triste état.

Il se détourna pour prendre congé, mais il s'arrêta en sentant une main agripper son talon.

- Aidez-moi, Seigneur Bane...

Bane libéra sa botte de la main du Sith, et lui répondit :

- Je m'appelle Darth Bane.

Il frappa alors violemment le crâne de l'homme avec le talon de sa botte et l'écrasa contre la pierre. Son corps s'agita frénétiquement, avant de se raidir à jamais.

La purification des Sith venait de débuter.