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Forcément, le retour de Bane va faire des mécontents, bien que son plan d'éradication soit tenu secret.


Chapitre n°61 :

Conseil de guerre


Les yeux fermés, le Seigneur Kaan était couché sur le dos, sur son lit de camp, dans sa tente, et se massait les tempes. La tension qu'avait nécessité l'effort pour maintenir la cohésion entre ses adeptes ébranlait ses forces, et son crâne ne cessait de l'élancer.

En dépit de leurs succès au cours des dernières batailles contre les Jedi, l'ambiance dans le campement Sith demeurait tendue. Cela faisait longtemps qu'ils se trouvaient sur Ruusan, trop longtemps, et de nombreux récits relataient les victoires de la République dans des systèmes éloignés. Malgré son talent à manipuler et à influencer les esprits des autres Seigneurs Noirs, il lui était de plus en plus difficile de maintenir l'attention de la Confrérie concentrée sur leur guerre contre l'Armée de la Lumière.

Kaan savait qu'il possédait le moyen de mettre fin à la guerre, et rapidement. La bombe psychique. Il avait passé de nombreuses nuits à se demander s'il oserait l'utiliser. S'ils parvenaient à attirer les Jedi et à faire exploser la bombe psychique, la détonation réduirait leurs ennemis à néant. Mais la volonté combinée des membres de la Confrérie serait-elle suffisamment puissante pour survivre à une telle débauche de puissance ? Ou périraient-ils, eux aussi, dans le souffle de l'explosion ?

Il avait maintes et maintes fois rejeté l'idée de l'employer, car c'était une arme si redoutable que même un Seigneur Noir des Sith tel que lui craignait de l'utiliser – mais à chaque fois qu'il y repensait, l'idée faisait un peu plus de chemin, avant de la rejeter de nouveau.

Il entendit un bruit à l'extérieur de sa tente, ouvrit les yeux et s'assit brusquement sur son lit. Un instant plus tard, Githany – que la plupart des Sith considéraient désormais comme son bras droit – passa sa tête à l'intérieur.

- Ils sont prêts à vous recevoir, Seigneur Kaan.

Il acquiesça, se leva et prit un instant pour se calmer. S'il leur montrait le moindre signe de faiblesse, ils pourraient se liguer contre lui. Il ne pouvait pas se le permettre, pas maintenant, alors qu'ils étaient si proches de la victoire. C'était pourquoi il avait convoqué les autres Seigneurs Noirs – un dernier rassemblement afin de renforcer leur détermination, et de s'assurer à nouveau de leur loyauté.

Il suivit Githany à travers le campement, jusqu'à la grande tente où l'attendaient les autres Seigneurs Sith. Il y entra avec une démarche assurée en projetant autour de lui une aura de confiance et d'autorité.

Comme de coutume lorsqu'il pénétrait dans une pièce, les personnes de l'assemblée se levèrent en signe de respect. L'un des Seigneurs demeura cependant assis, les bras croisés sur sa poitrine musclée.

- Êtes-vous trop lourd pour vous lever, Seigneur Kopecz ? demanda Githany d'un ton plein de sous-entendus.

- Je croyais que nous étions tous égaux dans la Confrérie, répondit le Twi'lek sur un ton animé en s'adressant davantage à Kaan qu'à Githany.

Kaan savait qu'il devait agir avec diplomatie. Ce n'était pas la première fois que Kopecz exprimait son désaccord, et ils étaient nombreux à le suivre. Malheureusement, il était également l'un des membres de leur organisation le plus difficile à influencer et à contrôler.

- Égaux. Bien évidemment, Seigneur Kopecz, répondit Kaan avec un sourire agacé. Je vous prie de demeurer tous assis. Nous n'avons pas besoin de ce cérémonial inutile.

Les autres lui obéirent et se rassirent, tout le monde sentant cependant la tension entre les deux Seigneurs. Kaan diffusa une onde d'assurance apaisante dans la tente en se dirigeant vers la table où ils concevaient leurs stratégies.

- Nous avons pratiquement gagné la guerre contre les Jedi, déclara-t-il. Ils sont au bord de l'anéantissement. Il se sont réfugiés dans les forêts, et commencent à manquer de recoins où se tapir.

Kopecz grogna d'un ton moqueur.

- Nous avons entendu ce refrain des dizaines de fois.

Kaan fit un énorme effort pour gagner son calme, et parvint à lui répondre sur un ton neutre.

- Quiconque doute de nos stratégies sur Ruusan est libre de s'exprimer, proposa-t-il. Comme il a été dit plus tôt, nous sommes tous égaux dans la Confrérie.

- Ce n'est pas seulement Ruusan qui m'inquiète, répliqua Kopecz en se levant. Nous avons cédé du terrain partout ailleurs dans la galaxie. Nous avions ébranlé la République, et cette dernière chancelait, mais au lieu de l'achever, nous avons laissé ses forces se regrouper !

-La plupart de nos premières victoires ont été remportées avant que les Jedi n'aient rejoint leur cause, lui rappela Kaan. Les attaques lancées contre la République étaient destinées à attirer les Jedi. Nous voulions les contraindre à nous combattre dans les conditions que nous entendions : ici, sur Ruusan. Et nous sommes maintenant sur le point de les anéantir. Avec la disparition des Jedi, nous pourrons facilement reconquérir les mondes qui ont échappé à notre contrôle et qui sont tombés dans le giron de la République, et nous en conquerrons bien d'autres encore.

Kopecz demeura silencieux, et de nombreux murmures entendus parcoururent l'assemblée. Kaan poursuivit :

- Lorsque nous aurons éliminé nos ennemis sur Ruusan, nos armées pourront parcourir la galaxie sans rencontrer beaucoup d'opposants. Avec la conquête de territoires dans chaque secteur, nous encerclerons Coruscant et les autres mondes du Noyau, tel un nœud coulant, et nous pourrons alors étrangler et étouffer complètement la République !

Les Seigneurs Sith poussèrent un cri d'approbation. Lorsque Kopecz reprit la parole, il parut même avoir perdu de son hostilité.

- Mais la victoire sur Ruusan n'est pas encore assurée. L'armée du Général Hoth est peut-être encerclée et paralysée, mais une flotte de Jedi composée de centaines de leurs membres rôde en orbite autour de la planète.

- Leurs renforts sont effectivement aux abords de ce système, reconnut Kaan en opinant du chef.

Il ne désirait pas nier ce que tout le monde savait.

- Comme ils l'étaient déjà la semaine passée, et c'est précisément là qu'ils vont rester : loin de la surface de Ruusan, où leurs camarades ont besoin d'eux. Le plus gros de notre flotte se trouve en orbite autour de Ruusan, et les Jedi ne possèdent pas les forces ou la puissance de feu suffisantes pour percer ce blocus. S'ils ne parviennent pas à s'unir aux Jedi de Ruusan, Hoth et ses adeptes tomberont, et lorsque nous les aurons tous achevés, nous pourrons éliminer à notre guise le reste des membres de leur Ordre.

Apaisé, Kopecz se rassit en ajoutant une dernière chose :

- Alors hâtons-nous de détruire rapidement Hoth pour quitter ce satané bloc de pierre !

- C'est précisément l'objectif de cette conférence militaire, fit Kaan avec un sourire, en sachant qu'il avait évité une fois encore un schisme dans la Confrérie. Nous avons peut-être perdu quelques batailles ici et là, mais nous sommes sur le point de gagner la guerre !

Githany s'avança et lui tendit une holocarte contenant les derniers renseignements de leurs drones de reconnaissance. Il la remercia d'un petit signe de tête, et déplia la carte sur la table, puis se pencha pour l'examiner de plus près.

- Nos espions rapportent que le campement principal de Hoth se trouve ici, déclara-t-il en pointant du doigt une zone très boisée de la carte. Si nous parvenons à les faire sortir de la forêt, nous pourrons...

Il s'arrêta net, une ombre tombant sur la carte.

- Qu'y a-t-il ? demanda-t-il en tapant du poing sur la table et en relevant la tête pour découvrir l'origine de cette nouvelle interruption.

Un homme aussi massif qu'une montagne se trouvait à l'entrée de la tente, et filtrait la lumière de l'extérieur. Il était grand, complètement chauve, avait un front haut et des traits sévères, impitoyables. Il portait l'armure et les robes noires des Sith, un sabre-laser à la poignée en forme de crochet pendait à sa ceinture. Bien qu'il ne l'ait encore jamais rencontré, Kaan avait suffisamment entendu parler de lui pour savoir qui il était.

- Darth Bane ! s'exclama-t-il.

Il lança un regard rapide en direction de Githany, en se demandant si elle l'avait trahi. Au vu de l'expression qui parait son visage, elle était manifestement aussi surprise que lui de voir leur visiteur en vie et bien portant.

- Nous... Nous pensions que vous étiez mort, lança Kaan d'une manière hésitante. Comment avez...

- Je suis fatigué, l'interrompit Bane. Puis-je m'asseoir ?

- Évidemment, répondit Kaan. Les Frères ont tous les droits.

Bane sourit d'un air méprisant en prenant place.

- Merci, Frère.

Le ton de sa voix avertit Kaan d'un danger imminent. Que faisait-il ici ? Savait-il que Githany avait tenté de l'empoisonner ? Savait-il que Kaan l'avait envoyée pour le faire ?

- Veuillez continuer d'exposer votre stratégie, le pressa Bane avec un petit signe informel de la main.

Son propos hérissa Kaan. Il avait l'impression d'avoir obtenu la permission de poursuivre, comme si Bane était aux commandes. Les dents serrées, il examina de nouveau la carte et reprit là où il s'était arrêté.

- Comme je le disais, les Jedi se cachent dans les forêts. Nous pouvons les chasser de là, si nous nous séparons. En déployant nos véhicules aériens, nous pouvons flanquer leurs lignes sud...

- Peuh ! cracha Bane en frappant la paume de sa main sur la table. Des véhicules aériens et des troupes pour les flanquer, dit-il d'un ton moqueur en se relevant et en pointant un doigt accusateur vers Kaan. Vous réfléchissez comme un petit général, pas comme un Seigneur Sith !

Un silence pesant envahit la salle, Kaan se sachant lui-même pas quoi répondre. Il sentit tous les regards posés sur lui, les Seigneurs Noirs attendant sa réaction. Bane s'avança, son visage à quelques centimètres du sien.

- Comment avez-vous pu oser vouloir m'empoisonner ? demanda-t-il dans un murmure.

- Je... Ce n'était pas moi ! répondit Kaan en bégayant, tandis que Bane tournait les talons.

- Ne vous excusez pas d'avoir usé de ruse et de fourberie, le réprimanda le Sith en retournant vers la table. J'admire votre tentative. Nous sommes des Sith, des serviteurs du Côté Obscur, poursuivit-il en se penchant pour examiner la position des troupes et les renseignements tactiques. Maintenant, regardez cette carte et pensez comme un Sith. Ne vous contentez pas de combattre la forêt... détruisez-la.

Githany brisa le nouveau silence pesant qui imprégnait la tente, et posa la question que tout le monde se posait.

- Et comment veux-tu que nous fassions une telle chose ?

Bane se tourna vers elle, un sourire cruel aux lèvres.

- Je vais vous montrer.