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Chapitre n°62 :
Trahison
La nuit était tombée, mais à la lueur des feux de camp, Bane vit les autres aller et venir précipitamment pour achever les préparatifs qu'il avait dirigés. Il se retourna lentement en sentant Githany s'approcher de lui. Elle tenait un bol de soupe fumante à la main, une expression prudente et hésitante sur le visage.
- Ils pourront commencer ton rituel dans une heure environ, lui annonça-t-elle en guise de préambule.
Bane resta silencieux.
- Tu sembles épuisé, poursuivit-elle. Je t'ai apporté un petit quelque chose pour reprendre des forces.
Il lui prit le bol des mains, mais ne le porta pas à ses lèvres. Il avait découvert le rituel dont elle parlait en étudiant l'Holocron de Revan : le moyen d'unir les esprits des Sith dans un seul et même récipient, afin de déchaîner leur puissance sur le monde physique. Ce processus ressemblait en fait au rituel qu'imposait l'invocation d'une bombe psychique, mais il était moins puissant que le cadeau de Bane à Kaan, et bien moins dangereux.
Il réalisa que Githany l'observait encore avec attention, et il désigna la soupe d'un petit signe de tête.
- Tu es venue pour m'empoisonner une fois encore ? lui demanda-t-il, une pointe de moquerie dans la voix.
- Tu le savais depuis le début, c'est ça ? répliqua-t-elle.
Il secoua la tête.
- Pas jusqu'à ce que je goûte le poison sur tes lèvres.
Elle fronça un sourcil, et lui adressa un sourire faussement timide.
- Mais tu as voulu un deuxième baiser, puis un troisième.
- Les poisons ne devraient avoir aucun effet sur un Seigneur Noir, répondit-il, mais il a tout de même failli me tuer, admit-il.
Il s'arrêta et Githany resta silencieuse.
- La Confrérie abrite un trop grand nombre de Seigneurs Sith, poursuivit-il. Un trop grand nombre de Seigneurs qui ne maîtrisent pas bien le Côté Obscur, et Kaan ne le comprend pas.
- Kaan a peur que tu ne sois revenu que pour t'emparer de la Confrérie, lui confessa-t-elle, et je pense qu'il a raison.
Pas m'en emparer, songea-t-il, mais l'anéantir.
Il ne se soucia pas de la corriger, car le moment n'était pas encore venu. Il avait besoin de nouvelles preuves pour savoir si elle pouvait être l'apprentie qu'il recherchait. Il ne doit en exister que deux, pas un de plus, pas un de moins. Le premier pour incarner le pouvoir, le second pour le convoiter. Il n'allait pas précipiter sa décision.
- Je peux te montrer le véritable pouvoir du Côté Obscur, Githany, un pouvoir dépassant les rêves les plus fous de tous ces Seigneurs, lui révéla-t-il.
- Apprends-moi, souffla-t-elle. Je veux apprendre. Tu pourras tout me montrer, lorsque tu auras pris la place de Kaan à la tête de la Confrérie.
Il ne put s'empêcher de se demander si elle essayait encore de le manipuler. Cherchait-elle à les monter l'un contre l'autre ? Ou désirait-elle le voir prendre la place de Kaan pour s'assurer de son nouveau pouvoir ?
Non, se convainquit-il. Elle ne comprend toujours pas que l'Ordre Sith tout entier doit être anéanti pour renaître, et elle ne le comprendra peut-être jamais.
- Dis-moi quelque chose, l'idée de m'empoisonner venait de toi, ou de Kaan ?
Elle rit légèrement, et se serra contre lui pour le regarder dans les yeux.
- C'était mon idée, confessa-t-elle, mais j'ai pris le soin de faire croire à Kaan que c'était la sienne.
Il y a alors encore peut-être de l'espoir la concernant, songea Bane.
- Je sais que j'ai commis plusieurs erreurs, poursuivit-elle en reculant. J'aurais dû partir avec toi lorsque tu as quitté Korriban. Je n'avais pas compris ce que tu recherchais, je n'étais pas consciente de l'importance des secrets que tu souhaitais découvrir. Je le suis, désormais. Tu es le vrai chef des Sith, Bane. Je te suis maintenant fidèle, ainsi que le reste de la Confrérie une fois que nous aurons eu recours à ton rituel pour détruire les Jedi.
- C'est cela, répliqua-t-il sur un ton neutre en buvant un peu de soupe. Lorsque nous aurons détruit les Jedi.
Bane savait qu'ils ne pourraient pas vraiment anéantir les Jedi. Pas ici, sur Ruusan. Pas de cette façon. Les Jedi parviendraient à survivre, d'une manière ou d'une autre. Aucune guerre ordinaire ne réussirait à éliminer tous les serviteurs de la Lumière. Seuls les instruments du Côté Obscur – la ruse, le secret, la fourberie, la trahison – pourraient y parvenir.
Les mêmes instruments qu'il allait utiliser pour terrasser la Confrérie toute entière, en commençant avec le rituel de cette nuit.
