.
Chapitre n°65 :
Un lourd revers
Sur la passerelle du Crépusculaire, le vaisseau amiral de la flotte Sith, l'Amirale Adrianna Nyras, la commandante suppléante, répondit à la fréquence du comlink qu'elle portait au poignet.
- Ici l'Amirale Nyras, dit-elle. J'attends vos ordres, Seigneur Kaan.
- Le Seigneur Kaan n'est pas là, répondit une voix inconnue. Ici le Seigneur Bane.
Elle hésita l'espace d'un bref instant avant de répondre. Kaan autorisait rarement qu'un autre individu que lui-même puisse utiliser son émetteur-récepteur personnel, mais cela arrivait à l'occasion. Avec les codes de sécurité protégeant le matériel, il était pratiquement impossible d'accéder à cette fréquence. Le message devait donc provenir du campement Sith, ce qui signifiait qu'elle parlait vraiment à l'un des Seigneurs Noirs.
- Excusez-moi, Seigneur Bane, se reprit-elle. Quels sont vos ordres ?
- Rapport de situation.
- Inchangé, répondit-elle d'une voix qui laissait transparaître une efficacité militaire. Le blocus est intact. La flotte Jedi est toujours en orbite, hors de portée de nos tirs.
- Engagez le combat.
- Excusez-moi ? demanda-t-elle, oubliant subitement à qui elle s'adressait.
- Vous m'avez bien entendu, Amirale, rétorqua Bane d'une voix brusque. Attaquez la flotte Jedi.
Cet ordre n'avait aucun sens. La dernière fois que Kaan lui avait parlé, il lui avait donné l'ordre de maintenir sa position à tout prix. Tant qu'ils demeuraient en orbite autour de Ruusan, leur blocus était pratiquement impénétrable. S'ils venaient à briser leur formation et à attaquer la flotte Jedi, ils ne pourraient plus empêcher les vaisseaux de se poser sur la planète pour débarquer des renforts.
Cependant, ce n'était pas la première fois qu'elle recevait un contrordre depuis le début de sa carrière chez les Sith. Certaines rumeurs prétendaient même que Kaan possédait des pouvoirs mystiques et qu'il pouvait influencer l'issue d'une bataille uniquement grâce à la Force. Et si un Seigneur Noir lui donnait un ordre direct en utilisant son matériel de communication personnel, elle ne pouvait se risquer à désobéir.
- À vos ordres, Seigneur Bane, répondit-elle. Nous lançons l'assaut contre les Jedi.
.
~oOo~
.
Les flammes firent sortir le Général Hoth et son armée de leur refuge. Abandonnant la plupart de leurs provisions et de leur matériel, les troupes coururent comme des déments dans le but de fuir cette chaleur accablante et les flammes dévorantes. Ceux qui eurent la malchance de tomber ou de trébucher finirent calcinés en quelques secondes. La plupart des soldats parvinrent toutefois à devancer les flammes meurtrières pour quitter la forêt et rejoindre les plaines rocheuses, théâtre de nombreuses batailles.
Les Sith les y attendaient.
La première vague de Jedi à sortir de la forêt fut abattue par des tirs de blasters lourds. La seconde vague put dégainer ses sabres-lasers et détourner la plupart des tirs, mais elle disparut sous la marée de soldats Sith qui se précipita pour l'écraser.
Malgré leur infériorité numérique, les Jedi parvinrent à résister. Ils repoussèrent les Sith, brisèrent leurs lignes et plongèrent leurs rangs dans le chaos et le désordre. Hoth savait pourtant que le véritable piège ne s'était pas encore refermé sur eux.
Abattant les imbéciles qui s'approchaient trop près de lui et de son sabre-laser, Hoth réalisa qu'il n'affrontait pas les véritables Sith. Les Seigneurs Noirs ne se trouvaient pas dans leurs rangs. Ils combattaient les simples soldats, leur chair à laser.
Où sont-ils ? Que fait Kaan ?
Il obtint sa réponse une seconde plus tard, lorsqu'un bataillon de swoops apparut à l'horizon et déclencha un tir de barrage mortel dans leur direction. Guidés par le pouvoir du Côté Obscur, les tirs de blasters lourds se firent très précis et décimèrent les rangs des soldats du Général Hoth, le cours de la bataille se renversant alors en faveur des Sith.
Hoth avait déjà eu affaire à des situations désespérées, et était parvenu à en triompher. Il comprenait cependant que cette bataille serait probablement sa dernière.
Mais je résisterai et les affronterai dans une bataille digne d'être consignée dans les livres, songea-t-il en adoptant une attitude de défi, et cela même s'il n'y a plus âme qui vive pour la rapporter.
Le monde plongea dans un brouillard meurtrier. Les cris mêlés au bruit assourdissant du combat produisirent un grondement indiscernable et sourd. La poussière et les jets de pierres occasionnés par les tirs de blasters retombèrent en pluie sur Hoth, et se mélangèrent à la sueur et au sang de ses amis et ennemis. Il frappait à chaque fois comme s'il s'agissait de son dernier coup, en sachant qu'un des véhicules allait tôt ou tard le prendre pour cible et l'abattre.
.
~oOo~
.
Le swoop du Seigneur Kaan allait et venait au-dessus des soldats, comme un rapace charognard survolant le chaos. Depuis son lieu d'observation, il distinguait très nettement l'avantage des Sith. Malgré leur équipement détérioré, leur infériorité numérique et leur puissance de feu insuffisante, les Jedi continuaient de se battre bravement. Ils refusaient de battre en retraite et restaient groupés. Kaan ne put s'empêcher d'admirer le courage et le dévouement de leur cause face à la mort. Si ses propres troupes avaient été si promptes à la loyauté et à la bravoure, il aurait gagné cette guerre depuis longtemps. Les armées Sith étaient disciplinées et aussi bien entraînées que les Jedi ou que les troupes de la République, mais elles manquaient simplement de conviction.
Leur moral avait trop souvent tenu grâce à la seule force de persuasion de Kaan, sa méditation guerrière renforçant leur détermination lorsque la situation semblait perdue ou désespérée, mais sa volonté ne faisait pas tout. Face à une armée entière de Jedi affrontant les pouvoirs de la Force des Sith, sa méditation inspirait tout au plus un sentiment de malaise. C'était un avantage mineur, qui pouvait facilement être vaincu. À la surface de ce monde désolé, la Confrérie et ses serviteurs avaient été contraints de se battre seuls, sans son intervention, et ils en avaient souvent réchappé de peu.
Il s'était d'ailleurs souvent interrogé sur la capacité de ses troupes à remporter seules des victoires. Elles s'étaient si souvent reposées sur lui qu'elles avaient oublié comment se battre efficacement sans sa méditation guerrière – mais aujourd'hui, la victoire finale allait enfin leur revenir. Les Jedi résistaient âprement et désespérément, une scène magnifique à regarder, mais l'issue de la bataille était inévitable. Il ne lui restait plus qu'une chose à faire avant la fin du combat.
Il continuait de survoler le champ de bataille en tirant au hasard sur l'ennemi, tout en recherchant sa véritable proie. Il l'aperçut finalement : le Général Hoth, se dressant au cœur même de la bataille, encerclé par un rempart de vaillants alliés et une mer déchaînée d'adversaires Sith qui déferlaient encore et encore en se brisant sur l'obstacle.
Il pointa le blaster lourd de son véhicule sur son rival, puis piqua dans sa direction avec l'intention de le tuer grâce à une salve spectaculaire. Une seconde avant d'ouvrir le feu, une énorme explosion secoua son swoop, et il vira brusquement sur la gauche. Ses tirs s'abattirent à côté du Général Hoth, qui s'en sortit miraculeusement indemne.
Hoth continua de se battre comme s'il n'avait rien remarqué. Kaan vira de bord pour voir ce qu'il s'était passé. Avant d'achever sa manœuvre, une autre explosion se produisit, et il vit un Sith perdre le contrôle de son swoop et s'écraser au sol.
Il leva la tête et comprit qu'ils étaient attaqués depuis les airs. Deux gros vaisseaux de combat se dirigeaient dans leur direction, éliminant les appareils ennemis les uns après les autres. Sous la coque de chaque vaisseau, les couleurs du Maître Jedi Valenthyne Farfalla apparurent clairement.
C'est impossible ! pensa Kaan. Ils n'ont pas pu percer le blocus, surtout avec des vaisseaux de la sorte !
Mais ils y étaient pourtant parvenus.
Une nouvelle série de tirs détruisit trois autres appareils Sith et Kaan réalisa que son armée était subitement en sous-nombre. Les swoops Sith étaient plus rapides et plus maniables que les vaisseaux de combat Jedi, mais leurs blasters n'étaient même pas en mesure de bosseler les coques blindées de leurs plus gros vaisseaux.
Il pensa un instant pouvoir rallier les autres Seigneurs Noirs. S'ils concentraient leurs attaques, ils pourraient peut-être abattre les vaisseaux Jedi, mais cela impliquait d'accepter de subir de lourdes pertes. Aussi rejeta-t-il cette idée aussi rapidement qu'elle lui était venue.
Il n'était pas le seul à avoir remarqué l'arrivée des renforts Jedi. Confrontés à une situation subitement désespérée, les Seigneurs Noirs placés sous ses ordres avaient réagi de la seule manière qu'ils le pouvaient : ils prenaient la fuite pour survivre. La plupart des véhicules aériens Sith avaient cessé le mitraillage au sol, et effectuaient maintenant des esquives aériennes pour quitter le champ de bataille. Leurs Seigneurs et Maîtres battant en retraite, les hordes de soldats Sith sur le champ de bataille allaient rapidement les imiter. Leur victoire imminente était en train de se transformer en une défaite désastreuse.
Lançant d'épouvantables jurons à l'encontre des Jedi et de ses propres troupes, Kaan comprit qu'il ne lui restait plus qu'une seule option pour remporter la victoire. Il fila dans le ciel en évitant les tirs de laser, et battit lui aussi en retraite.
