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Chapitre n°66 :

Une bataille de volontés


Kaan fulminant encore au moment où son appareil se posa dans le campement Sith. Comment les choses avaient-elles pu dégénérer de la sorte en si peu de temps ? Ils n'étaient qu'à quelques encablures de la victoire un peu plus tôt, et se retrouvaient maintenant au bord du désastre.

Il traversa précipitamment le camp en direction de la tente de communication, en ignorant les regards interrogateurs de Githany et des autres. Ils attendaient tous une explication, mais Kaan n'en avait aucune à leur fournir. Pas encore, pas avant de recevoir un rapport de situation de l'Amirale Nyras. Comment Farfalla avait-il réussi à percer le blocus ?

Sa colère était si grande qu'il ne vit même pas le swoop de Qordis stationné à proximité de la tente, ni les gouttelettes de sang disséminées sur le sol. Dans le cas contraire, il aurait fouillé la zone et découvert le corps du Seigneur Noir étendu dans les broussailles. Mais l'attention de Kaan était concentrée sur la tente et le matériel de communication qui se trouvait à l'intérieur.

Il y découvrit Bane qui l'attendait, aussi immobile qu'une statue.

- Déjà de retour, Kaan ? demanda-t-il. Et cette bataille des plus glorieuses ?

- Ils ont bénéficié de renforts inattendus, grogna Kaan. Farfalla a trouvé le moyen de pénétrer notre blocus.

- J'ai donné l'ordre à votre flotte d'attaquer les Jedi, déclara Bane sur un ton désinvolte, comme s'il parlait de la pluie et du beau temps.

Kaan en demeura bouche bée. Il avait soupçonné une traîtrise de la sorte, mais pas que le traître l'admette si ouvertement !

- Mais... pourquoi ?

- Je voulais que tous les Jedi se trouvent sur Ruusan en même temps, répondit Bane.

- Espèce de sombre imbécile ! cria Kaan en agitant brusquement les bras comme s'il était pris de folie. Nous étions sur le point de gagner et de battre Hoth !

- C'est votre objectif, pas le mien. Je cherche à obtenir bien autre chose que la simple mort du Général Hoth. Ce n'est qu'un homme.

Kaan laissa échapper un rire grinçant.

- Nous savons tous ce que tu recherches, Darth Bane. Tu es ici pour t'emparer de la Confrérie.

Bane haussa les épaules avec indifférence, comme s'il ne s'en souciait pas. Il semblait calme et sûr de lui. Kaan se retint de lui sauter à la gorge pour l'étrangler. Ne comprenait-il pas ce qu'il avait fait ? Ne voyait-il pas qu'il les avait tous condamnés ?

Kaan s'écroula avec lassitude sur un siège.

- Si tu les mènes à l'attaque contre les Jedi, tu les mènes droit au massacre.

Bane rit à son tour, un rire sinistre et rauque.

- Quelle rapidité à vous laisser aller au désespoir, Kaan. Vous étiez tellement convaincu de votre victoire, il y a encore quelques heures.

- C'était avant que Farfalla et ses renforts n'intervienne, rétorqua Kaan. Lorsque nous avions l'avantage du nombre et la maîtrise des airs. Or, nous avons tout perdu grâce à ton intervention. Nous ne pourrons plus les battre, maintenant.

- Je le peux, jura Bane.

Kaan se redressa sur son siège. Bane possédait cette confiance inébranlable. Il savait quelque chose qu'il était le seul à connaître – une ruse.

- Un nouveau rituel en ta possession ? lança Kaan en ressentant subitement une vague de terreur. La bombe psychique ?

- Votre temps à la tête de la Confrérie est révolu, déclara Bane. Vous avez échoué. Moi, je vais mener la Confrérie à la victoire.

- Et moi ? demanda Kaan, en connaissant déjà la réponse.

- Vous pouvez me jurer allégeance avec tous les autres, répondit Bane, ou mourir maintenant sous cette tente.

Kaan savait qu'il ne pouvait pas rivaliser avec Bane, que cela soit sur le plan physique ou dans la maîtrise de la Force. Il n'était cependant pas prêt à abandonner aussi vite, pas tant qu'il avait encore pour lui sa ruse, sa fourberie et ses talents uniques de persuasion.

- Crois-tu vraiment que les autres vont te suivre ? l'enjoignit Kaan en utilisant la Force pour planter les premiers germes de doute dans l'esprit de son rival. Ils se méfient encore de toi, après le rituel de tout à l'heure.

L'ombre d'un doute se dessina sur le visage de Bane. Kaan en rajouta une couche, et poursuivit :

- La Confrérie prône l'égalité, pas la servitude. Demander aux autres de s'incliner devant toi aura pour conséquence de les faire partir, ou même de les inciter à se retourner contre toi.

Kaan se leva de son siège. Bane caressait son menton avec nervosité, tandis qu'il examinait ses arguments.

- Comment crois-tu que les autres vont réagir lorsque je leur dirai comment tu as orchestré l'arrivée des renforts Jedi ?

Bane le foudroya du regard, et sa main se posa sur la poignée de son sabre-laser.

- Me tuer ne te permettra pas de garder ton secret, l'avertit Kaan. Les autres savent que tu n'étais pas présent sur le champ de bataille quand les vaisseaux de combat de Farfalla sont arrivés, et je suis sûr qu'un certain nombre d'entre eux soupçonne déjà ton intervention et ta trahison.

Kaan invoqua encore davantage la Force pour tenter d'influencer les pensées de Bane.

- Tu es peut-être le plus fort d'entre nous, mais tu ne peux pas nous vaincre tous. Pas seul, Bane.

Ce dernier chancela un instant et se saisit le crâne à deux mains. Il s'avança en titubant vers le siège et s'y effondra, le bois grinçant sous son poids. Il se voûta, les mains pressées sur ses tempes.

- Vous avez raison, finit-il par admettre en serrant les dents. Vous avez entièrement raison.

- Il reste cependant un espoir, reprit Kaan en s'avançant et en posant une main rassurante sur l'épaule de Bane. Suis-moi, et j'empêcherai les autres de se retourner contre toi. Rejoins-nous au sein de la Confrérie !

Bane acquiesça lentement, puis leva la tête pour fixer Kaan, son regard exprimant le désespoir.

- Et les Jedi ? Et leurs vaisseaux de combat ?

Kaan se redressa en relâchant peu à peu son emprise mentale sur Bane.

- Nous pouvons miner leur supériorité aérienne en nous réfugiant dans les cavernes, lui répondit-il. Je connais le Général Hoth, il nous y suivra pour nous déloger, et nous pourrons alors utiliser la bombe psychique contre eux.

Bane se leva d'un bond avec enthousiasme. Kaan se réjouit de constater que ses pouvoirs de persuasion étaient toujours aussi puissants. Même Bane n'était pas immunisé contre ses manipulations.

- Je ferai ce que vous voulez, Seigneur Kaan ! s'exclama Bane. Ensemble, nous détruirons les Jedi !

- Du calme, Bane, le pressa Kaan en libérant une aura de tranquillité apaisante.

Il avait mis à mal la menace que Bane représentait pour lui, mais il savait que ces effets ne seraient que temporaires. L'hostilité de Bane à son égard réapparaîtrait avec le temps, tout comme son rêve d'usurper sa place à la tête de la Confrérie. Kaan avait besoin de trouver une solution sur le long terme.

- Malheureusement, reprit Kaan, il y a encore des complications.

- Comment ça ?

- Je pourrai convaincre le reste de la Confrérie de te pardonner ta trahison, mais uniquement lorsque les Jedi auront été détruits. Jusque là, tu devras te cacher.

L'expression de confusion et de peine qui se lut sur le visage de Bane était lamentable, mais Kaan avait coutume de susciter de telles émotions chez les individus qu'il manipulait.

- Je vais conduire les membres de la Confrérie dans les cavernes, lui expliqua-t-il. Je suis suffisamment fort pour unir leurs esprits et déchaîner le pouvoir de la bombe psychique sans ton aide. Tu resteras ici, sous cette tente, jusqu'à la nuit tombée, puis tu sortiras furtivement du campement. Ne te montre pas tant que je n'aurais pas déclenché la bombe.

- Et vous reviendrez me chercher quand les Jedi seront tous morts ?

- Oui, lui promit Kaan d'un ton solennel. Après la disparition des Jedi, je reviendrai vers toi avec toute la Confrérie.

Cette dernière promesse était vraie. Kaan ne laisserait plus rien au hasard, et ne sous-estimerait plus jamais son adversaire. Bane avait déjà survécu à une tentative d'assassinat. Cette fois-ci, toute la Confrérie s'en prendrait à lui.

- Je vous obéirai, Seigneur Kaan, répondit Bane en mettant un genou à terre, la tête baissée.

Kaan se détourna de lui et rejoignit sa propre tente, où le processus d'invocation de la bombe psychique était dissimulé.

Bane demeura agenouillé jusqu'à ce que le Seigneur Noir sorte de son champ de vision, puis il se releva et épousseta ses genoux en faisant la grimace. Il avait senti l'effort de Kaan visant à dominer son esprit, mais pouvoir lui avait fait autant d'effet qu'un couteau rouillé effleurant la peau cuirassée d'un sanglier des glaces halurien. Il avait pourtant saisi cette belle opportunité, et avait joué un rôle digne des plus grands dramaturges d'Alderaan.

Kaan était convaincu que la bombe psychique allait lui apporter la victoire face aux Jedi, et il s'apprêtait à prendre au piège le reste de la Confrérie. La deuxième phase du plan de Bane était lancée. Tout serait terminé le lendemain soir.


La trahison est proche, mon cher Kaan...