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Bane ne pointera pas le bout de son nez durant ce chapitre, mais il était nécessaire de voir comment se concluaient les arcs narratifs des autres personnages impliqués depuis longtemps dans l'histoire.
Chapitre n°67 :
Les adeptes d'un fou
Les grottes fraîches et humides n'étaient pas du tout obscures. Les parois et le plafond rocheux étaient veinés de cristaux qui capturaient la faible lumière des bâtonnets lumineux, et la réfléchissaient dans toute la caverne. Cette lumière faisait miroiter de petites flaques au sol, et d'énormes stalagmites s'élevaient vers le plafond. Une véritable forêt de stalactites hérissait la voûte, de l'eau gouttait de leurs extrémités et éclaboussait les flaques en contrebas. À certains endroits, les stalagmites et les stalactites s'étaient même rejointes grâce aux dépôts sédimentaires nés des siècles d'humidité. Ces grands piliers étaient magnifiques, tout à la fois imposants et fragiles.
Kaan n'avait pas le temps de s'émerveiller de la beauté naturelle de son environnement. Il savait que les éclaireurs Jedi avaient suivi leur exode en direction de ce refuge souterrain, et il savait que le Général Hoth serait bientôt là.
La caverne, bien que vaste, était bondée des membres de la Confrérie. Chaque Seigneur Noir survivant, à l'exception notable de Darth Bane, se trouvait à ses côtés pour mettre au point leur dernière attaque. Le reste de son armée protégeait les entrées principales du réseau de tunnels souterrains, avec pour ordre de repousser aussi longtemps que possible l'inévitable attaque Jedi.
Les soldats postés à l'extérieur finiraient par être submergés, mais Kaan espérait que leur nombre suffirait à retarder Hoth suffisamment longtemps pour qu'ils puissent achever le rituel de la bombe psychique.
- Approchez-vous ! lança-t-il aux autres. Le moment est venu.
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Githany savait que quelque chose n'allait pas avec le Seigneur Kaan. Elle le suspectait depuis qu'ils avaient battu en retraite devant l'arrivée des renforts Jedi, lorsqu'ils étaient revenus au campement, Kaan avait disparu dans la tente de communication, puis qu'il en était ressorti quelques instants plus tard pour se diriger droit vers sa propre tente – et cela sans prononcer un mot. Lorsqu'il avait reparu, il était de nouveau entouré de sa belle aura charismatique. Il s'était approché d'eux comme un héros conquérant, rebelle et insoumis, et non comme un dirigeant vaincu cherchant à s'amender. Il s'était dressé fièrement, l'image même de la puissance et de la gloire.
Il leur avait parlé d'une voix forte, courageuse et autoritaire. Il leur avait parlé d'une nouvelle union de leurs esprits, un rituel qui surpassait de loin celui que Bane avait mené plusieurs heures plus tôt. Il leur avait parlé d'une arme redoutable qu'ils déchaîneraient contre leurs ennemis. Il leur avait redonné foi et courage en leur révélant l'existence de la bombe psychique.
Il leur avait promis la victoire comme il l'avait fait si souvent par le passé, et comme ces derniers l'avaient également toujours fait par le passé, ils l'avaient suivi. Ils l'avaient accompagné jusque dans cette caverne. Githany pensait maintenant qu'il était peut-être plus juste de dire qu'ils y avaient été conduits... ou attirés.
Elle l'avait suivi, en compagnie de tous les autres Seigneurs Noirs, envoûtée par la noblesse de son discours et la grandeur de son être, de sa présence. Toutes les pensées relatives à sa nature instable ou à son incapacité à les diriger avaient été oubliées au cours du pèlerinage grisant qui les avait conduits toute la nuit durant jusqu'à ce refuge souterrain. En atteignait leur destination, l'excitation avait toutefois laissé place à une réalité indéniable et difficile, et elle avait fini par discerner la vérité dans la lumière des bâtonnets lumineux qui se reflétait dans les cristaux de la caverne.
À l'exception de la poussière, de la saleté et du sang de la récente bataille, il n'y avait rien d'inhabituel dans l'apparence de Kaan. Githany aperçut cependant une lueur de folie dans son regard – ses yeux étaient écarquillés et brillaient avec une intensité féroce et aussi étincelante que les éclats de cristal qui les entouraient de toutes parts. Ce regard rappela à Githany la nuit où elle avait surpris Kaan dans sa tente, la nuit où elle avait pressenti que Bane allait revenir.
Kaan lui était alors apparu échevelé et agité, perdu et troublé. L'espace d'un instant, elle l'avait vu sous son véritable jour : un faux prophète, incapable de voir au-delà de ses propres illusions. Puis, cette image avait disparu, oubliée jusqu'à cet instant précis.
Ce souvenir lui revint maintenant en mémoire, et Githany comprit qu'elle suivait un fou. L'arrivée des renforts Jedi et leur défaite subite avaient brisé quelque chose en lui. Kaan les menait à la ruine, et personne d'autre ne le soupçonnait.
Elle n'osa pas le contredire. Pas dans cette caverne, entourée de ses loyaux adeptes. Elle voulait s'esquiver furtivement, se glisser hors de la portée de l'éclat des bâtonnets lumineux pour échapper à cette horrible destinée, mais elle se retrouva prise au piège des corps de ses frères Sith qui s'avancèrent précipitamment en obéissant à l'ordre de Kaan.
- Approchez. Plus près. Formez un cercle, un anneau de pouvoir.
Elle sentit la main de Kaan agripper fermement son poignet et l'attirer vers lui, son corps pressé contre le sien. Même dans la fraîcheur de la caverne, son contact était glacial.
- Viens à côté de moi, Githany, lui murmura-t-il. Nous allons partager ce moment d'exaltation suprême.
Puis, il cria aux autres :
- Donnez-vous la main afin que nous puissions unir nos esprits.
Les doigts de la main droite de Kaan s'enroulèrent autour de ceux de la main gauche de Githany, l'emprisonnant dans une étreinte aussi froide que la glace et aussi résistante que le duracier. L'un des autres Seigneurs Noirs lui saisit sa main libre, et elle comprit alors que tout espoir d'évasion était perdu.
Kaan commença l'incantation à côté d'elle.
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Githany n'était pas la seule à se rendre compte que quelque chose n'allait pas chez le Seigneur Kaan. Comme tous les autres, Kopecz avait été emporté par l'excitation qu'avait provoquée l'évocation de la bombe psychique. Comme tous les autres, il s'était réjoui lorsque Kaan leur avait décrit comment elle allait détruire les Jedi et emprisonner leurs esprits, et il s'était joint avec enthousiasme au cortège qui l'avait suivi jusque dans la caverne.
Son zèle avait maintenant disparu. Kopecz pensait de nouveau de façon rationnelle, et réalisa que son plan n'était que pure folie. Ils se trouveraient dans le lieu même où l'explosion de la bombe psychique allait avoir lieu. Toute arme suffisamment puissante pour détruire les Jedi, les détruirait également.
Kaan leur avait promis que la force combinée de leurs volontés leur permettrait de survivre à l'explosion, mais Kopecz commençait à en douter. Sa promesse n'était qu'un vœu pieux, né d'un esprit désespéré qui refusait d'admettre la défaite. Si Kaan possédait cette bombe psychique depuis le début, pourquoi ne l'avait-il pas utilisée plus tôt ?
La seule réponse logique était qu'il redoutait ses conséquences. Même si Kaan ne craignait plus rien en raison de sa folie, Kopecz était encore suffisamment sain d'esprit pour s'accrocher à ses peurs.
Les autres Sith répondirent à l'ordre de Kaan et se pressèrent près de lui, mais Kopecz résista à cette marée humaine grâce à sa carrure imposante, et se dirigea dans la direction opposée. Personne ne parut le remarquer.
Un mur de corps encapuchonnés entourait maintenant Kaan, et occultait une grande partie de la lumière émise par les bâtonnets lumineux. Le Twi'lek se déplaça furtivement dans l'ombre, en direction de la sorte principale. Il ne se retourna pas en pénétrant dans le tunnel menant à la surface, et accéléra son allure en entendant la Confrérie débuter une incantation lente et cadencée.
Fuir était évidemment impossible. Les Jedi avaient déjà dû encercler tout le réseau souterrain. Ils allaient bientôt attaquer les troupes Sith protégeant les accès, et percer leurs défenses pour atteindre Kaan et mettre un terme définitif à la dernière bataille de Ruusan. Kopecz ignorait s'ils s'y parviendraient à temps. Une partie de lui l'espérait, toutefois.
Il ne voulait pas prendre part au rituel dans la caverne. Il préférait rejoindre les défenseurs à la surface, pour combattre une dernière fois les Jedi. Sa mort était inévitable, et il acceptait sa destinée. Il optait cependant pour une mort au combat, et non dans le souffle de l'explosion de la bombe psychique.
