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Chapitre n°79 :
Les orbalisks et l'Holocron
Grâce à l'Holocron trouvé dans le tombeau, Bane savait désormais que les crustacés singuliers qui s'étaient attachés à lui s'appelaient des orbalisks. Des erreurs et des souffrances lui avaient également appris qu'il ne pouvait pas les enlever.
Dans les minutes qui avaient suivi sa fuite hors de la chambre de l'Holocron, il avait essayé d'ôter la créature collée à sa poitrine en se servant du couteau de chasse glissé dans sa botte. En vain. Il avait alors tenté de la faire tomber en taillant dans les chairs qui l'entouraient. Il avait tracé une longue ligne dans sa peau et ses muscles et il avait alors eu la stupéfaction de voir l'entaille se refermer presque instantanément. Par quelque phénomène incompréhensible, l'orbalisk avait régénéré ses tissus.
Bane avait ensuite puisé dans la Force pour sonder son corps et mieux comprendre ce qui lui arrivait. Il sentait les créatures se nourrir de son pouvoir, se gorger de l'énergie du Côté Obscur qui parcourait chaque fibre et chaque cellule de son être – et, bien que parasites, elles offraient quelque chose en échange : elles déversaient dans son organisme un flux constant de substances chimiques. Ces fluides brûlaient comme de l'acide lorsqu'ils étaient absorbés par son système sanguin. Il avait l'impression que chaque goutte de son sang entrait en ébullition... mais les bénéfices qu'il tirait de cette alchimie inédite étaient trop étonnants pour qu'il les ignore. En plus de son aptitude quasi-miraculeuse à guérir, il était plus puissant que jamais. Ses sens s'étaient encore aiguisés, ses réflexes étaient devenus plus rapides, et sur sa poitrine et son dos, là où les parasites s'étaient accrochés, leurs carapaces virtuellement impénétrables feraient office de blindage, capable de repousser même un coup direct porté avec un sabre-laser.
Il avait fini par comprendre qu'il s'agissait là d'une sorte de symbiose – du moins, aussi longtemps qu'il pourrait endurer la douleur constante que les fluides corrosifs déclenchaient en lui quand ils se mêlaient à son sang. Un prix bien faible à payer, avait-il finalement décidé, avant de reporter toute son attention sur l'Holocron. Assis en tailleur sur le sol froid de l'antichambre, il fit appel au Côté Obscur et effleura du bout des doigts la petite pyramide de cristal. En réponse à ce simple contact, celle-ci se mit à luire.
Les quatre jours et quatre nuits qui suivirent, il se perdit dans les secrets de l'antique artefact. Comme il s'en doutait, c'était une création de Freedon Nadd. Il explora les secrets de l'Holocron avec l'aide de son gardien, une projection holographique miniature du Seigneur Sith qui avait façonné l'objet. Le gardien le guida et dirigea ses études, tel un mentor virtuel dévoué à qui désirait connaître les secrets de Nadd enfermés dans cette pyramide sinistre.
Bien que Nadd ait été humain, son avatar affectait l'image d'un homme ayant cédé au délabrement physique qui frappait parfois ceux fréquentant trop assidûment le pouvoir du Côté Obscur. Il avait le teint blême, la peau fripée, et ses yeux n'étaient plus que des sphères jaunâtres et brillantes, dépourvues d'iris ou de pupilles. Malgré cela, il conservait l'apparence d'un guerrier formidable : les épaules larges, sanglé dans une lourde armure et coiffé d'un heaume qui était devenu sa couronne quand il s'était autoproclamé roi du monde voisin d'Onderon.
Par le gardien, Bane prit connaissance des expériences du Maîtres avec les orbalisks, et comment il n'avait réussi qu'en partie à contrôler leur pouvoir. Il avait découvert non seulement leur nom, mais aussi tous les détails en rapport avec leurs caractéristiques. Certaines de ces informations confirmaient simplement ce qu'il savait déjà : une fois attachés à un hôte, les orbalisks ne pouvaient en être ôtés. En revanche, ces créatures amélioraient les aptitudes physiques du sujet, et il était également possible de puiser dans la capacité qu'elles avaient à se nourrir du Côté Obscur, ce qui permettait d'accroître sa propre maîtrise de la Force.
À l'inverse, les recherches de Nadd mettaient en garde contre plusieurs effets secondaires dangereux de l'infestation, qui allaient bien au-delà de la seule douleur physique constante. Si l'un des organismes venait à être tué, il relâcherait jusqu'à le tuer en quelques jours. Avec le temps, les orbalisks se développeraient et s'étendraient peu à peu, pour finalement recouvrir son corps de la tête aux pieds. Heureusement, Bane découvrit les plans d'un casque et d'un masque spéciaux destinés à empêcher les parasites de se propager sur ses yeux, son nez et sa bouche pendant qu'il dormait.
Mais ces recherches ne constituaient qu'une première étape. Sans surprise, la majorité des informations contenues dans l'Holocron étaient cachées, dissimulées dans les profondeurs de la structure cristalline, où on ne pouvait les atteindre que par la patience, la méditation et des études prudentes. Il faudrait des mois, peut-être des années, avant que Bane puisse s'approprier ses plus grands secrets, et il avait présentement des préoccupations plus urgentes.
Il rangea donc soigneusement l'Holocron, puis s'aventura dans la crypte pour trouver le chemin qui le ramènerait à la surface de Dxun. Les spectres de Qordis et de Kaan l'attendaient à l'extérieur.
- Tu es pris au piège ici, fit Qordis en reprenant aussitôt sa litanie. À quoi te servira l'Holocron, si tu ne pourras jamais quitter cette lune ?
Bane entra en lui-même pour invoquer le Côté Obscur, et il mit à profit l'aide des deux orbalisks attachés à son corps. Il ressentit un flot d'une puissance inégalée, bien supérieure à tout ce qu'il avait connu à ce jour, et il lâcha une décharge d'énergie. Les hallucinations qui avaient tourmenté son esprit blessé, depuis la détonation de la bombe psychique, s'évanouirent dans l'air, totalement et immédiatement annihilées par son nouveau pouvoir. Il était plus fort que jamais, et il savait que les visions des Sith décédées ne viendraient plus jamais le hanter.
Mais s'il s'était libéré de ses persécuteurs, il lui fallait toujours trouver un moyen de quitter Dxun. Lorsqu'il leva les yeux, il vit Onderon suspendue dans le ciel, si proche de sa lune que leurs atmosphères s'étaient parfois mêlées, durant les siècles précédents. Durant une brève période, ce phénomène avait permis aux grandes bêtes volantes de Dxun d'émigrer dans cet autre monde, où certaines avaient été domestiquées et dressées pour devenir les montures redoutées des célèbres clans de Chevaucheurs d'Onderon.
En contemplant cette planète qui semblait assez proche pour être touchée des doigts, Bane sentit l'arrivée imminente de Zannah. Oui, bientôt, elle poserait le pied sur ce monde sauvage, et en l'absence de son Maître, il était douteux qu'elle parvienne à y survivre très longtemps.
Il aperçut alors une énorme créature ailée qui décrivant des cercles, très haut dans le ciel, sans doute à la recherche de nourriture. Au même moment, le prédateur le repéra. Il replia ses vastes ailes membraneuses contre son corps et piqua droit sur le Sith.
Celui-ci suivit le plongeon d'un regard froid et analytique. Par l'Holocron, il savait que ce monstre volant était un drexl, l'un des prédateurs reptiliens qui régnaient dans les airs de Dxun. Son aspect évoquait une sorte de lézard ailé. La peau, violette, était écailleuse, la queue longue et épaisse, le corps et les membres puissamment charpentés. Il avait de petits yeux d'oiseau, un groin aplati et des mâchoires barbelées de crocs jaunâtres. Bane estima que ce spécimen mesurait dix mètres pour une envergure de vingt. C'était un mâle adulte assez imposant pour correspondre à ses besoins.
Un instant avant que la bête ne redresse sa chute et rase le sol pour l'en arracher avec ses griffes pareilles à des sabres, le Sith employa la Force et toucha l'esprit du drexl. Il voulait plier la volonté du monstre à la sienne. Il l'avait déjà fait avec un rancor sur Lehon, mais l'esprit de ce géant des airs était plus résistant qu'il ne l'avait anticipé, et la bête se joua de ses efforts en même temps qu'elle poussait un cri à glacer le sang et le percutait.
L'une des pattes du monstre jaillit en avant, dans le but évident d'empaler l'homme sur l'une de ses griffes. Celle-ci fut déviée par la carapace impénétrable de l'orbalisk plaqué sur la poitrine du Sith. Au lieu d'être transpercé et emporté, Bane fut rejeté en arrière par l'impact. Il roula sur lui-même plusieurs fois avant de bondir à nouveau sur ses pieds, sans la moindre blessure grâce à ses nouvelles capacités physiques.
Du regard, il suivit le drexl qui reprenait de l'altitude et s'apprêtait à un second passage. Le Sith tenta de nouveau de prendre le contrôle de son esprit, en abattant sa volonté sur lui avec la même force destructrice qu'il avait utilisée pour manier les masses sur Apatros.
Le corps du monstre frémit sous l'assaut mental, et il émit un cri perçant qui déchira les nuées. Cette fois, Bane parvint à dompter les pensées de la bête et à les asservir aux siennes.
Le drexl décrivit deux autres cercles, avant de venir se poser à côté de l'homme. Sur un ordre silencieux de son nouveau maître, il s'accroupit pour le laisser s'installer à califourchon sur son encolure. Un instant plus tard, il s'élevait dans un grand battement d'ailes.
Bane fit grimper sa monture jusqu'aux dernières couches d'atmosphère respirable. Au-dessus d'eux, le monde tout proche d'Onderon grossit jusqu'à emplir tout le ciel. Quelques centaines de kilomètres seulement séparaient Dxun de sa voisine, une distance ridicule à l'échelle des mondes et des systèmes solaires.
Déjà, le Seigneur Sith ressentait la faible attraction gravitationnelle d'Onderon qui cherchait à se saisir d'eux. La planète était en lutte avec son satellite. Obéissant à la volonté sans faille de son maître, le drexl battait furieusement des ailes.
Bane se mit alors à invoquer la Force, et la laissa s'amasser jusqu'au dernier instant. Puis, déployant l'énergie du Côté Obscur autour de lui et de la bête volante comme s'il s'était agi d'une cape protectrice, il lança sa monture encore plus haut. Une seconde plus tard, ils s'arrachaient à l'atmosphère de Dxun. Ils plongèrent dans le vide glacé de l'espace qui séparait le Sith d'Onderon et de la liberté.
