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Faut pas contrarier un Sith.


Chapitre n°83 :

Fabrication d'Holocrons


Le crépuscule descendait sur le campement d'Ambria lorsque Darth Bane tendit la main vers la petite pyramide de cristal qu'il avait placée avec soin sur le court piédestal dressé au centre de la tente vide. Avec des gestes lents, il caressa du bout des doigts sa surface froide, puis il retira sa main lorsqu'il vit la pyramide trembler. Un instant plus tard, des spasmes agitèrent ses doigts, et des décharges d'une douleur aiguë s'entrelacèrent pour descendre de son coude à son poignet. Il réprima un juron, serra les dents et ferma les yeux pour mieux juguler la brûlure.

À cause des orbalisks encastrés dans son corps, il s'était habitué à vivre dans cette souffrance continuelle. Elle était toujours là, une pulsation lancinante à la limite de sa conscience. En temps normal, il la faisait taire et supportait les tourments de son infestation sans rien trahir de ce qu'il endurait. Toutefois, lorsqu'il manquait de prudence – si, par exemple, il exigeait trop de lui-même –, ses dépenses physiques pouvaient le mettre en danger. Ce frisson était un avertissement, le premier signe qu'il atteignait les limites de son endurance.

À trois reprises déjà, il avait essayé de créer son propre Holocron Sith, et chaque tentative s'était soldée par un échec – mais pas cette fois. Il avait conscience que tout impair, à ce stade de son travail, après des années entières de préparation, ruinerait l'ensemble – mais il savait aussi qu'il n'avait pas d'autre solution que de trouver un moyen de faire avec la douleur et de continuer son œuvre.

Sa première tentative remontait à cinq ans. En se servant de l'Holocron de Freedon Nadd comme modèle, il avait recréé l'enchevêtrement complexe des réseaux qui constituaient la clé pour emmagasiner une quantité pratiquement infinie de savoirs dans une base de données tenant dans le creux de la main. Il lui avait fallu des mois pour rassembler et disposer dans le cristal rare les filaments et les fibres du réseau, et des semaines encore de labeur pour réaliser tous les ajustements indispensables. La matrice devait correspondre à des spécifications extrêmement précises, et il avait consacré des centaines d'heure à effectuer certaines altérations subatomiques avec l'aide du pouvoir de la Force, afin que chaque filament cristallin soit très exactement à sa place.

Une fois la matrice cristalline de l'Holocron prête, il avait reporté avec le plus grand soin les anciens symboles du pouvoir Sith sur la surface de la pyramide. Ces marquages étaient indispensables pour maintenir la stabilité de la matrice, une fois qu'y aurait été insufflée l'énergie du Côté Obscur. Peu familiarisé avec la signification précise de ces glyphes ésotériques, il avait de nouveau recouru à l'Holocron de Nadd pour se guider. Il avait étudié chaque symbole gravé sur sa surface, avant de le recopier à l'identique sur sa propre création.

Mais lorsqu'il avait voulu activer l'Holocron en canalisant ses pouvoirs à travers lui, la matrice avait explosé, s'effondrant sur elle-même pour se réduire en un tas minuscule et scintillant, dans un éclair aveuglant.

Il avait fait un nouvel essai quelques mois plus tard, et avait obtenu exactement le même résultat. Bane avait alors commencé des recherches pour en découvrir le plus possible sur les talismans de puissance. Secondé par Zannah, il avait accumulé un vaste éventail de connaissances sur ce sujet.

Il dévorait toutes les données glanées, les récits historiques, les mémoires personnels qu'il pouvait trouver et qui élaboraient des théories sur les étapes à suivre pour créer l'une de ces pyramides à l'effrayante complexité. Il absorba ainsi des milliers de références voilées, et ces centaines de spéculations théoriques concernant la constitution d'un Holocron, mais il ne put trouver une source unique qui décrivait explicitement l'intégralité des démarches rituelles et autres préparations requises, et le secret de la fabrication lui échappait toujours.

Bane refusait d'abandonner. Il poursuivit ses recherches, traqua les ouvrages rares, les documents cachés et les travaux les plus abscons. Trois années entières lui furent nécessaires pour comprendre le sens et la portée des glyphes, et un jour, il vit où se situait son erreur : chaque Holocron portait des symboles qui étaient liés au seul Seigneur Sith responsable de sa confection. Les pyramides miniatures étaient bien plus qu'une simple source de données brutes, aussi immense soit-elle. La connaissance était transmise par le biais de la sagesse d'un gardien, une simulation avancée de personnalité, qui était comme un miroir de la propre identité du créateur. La combinaison adéquate de symboles, associée à diverses opérations secrètes des anciens Sith, permettrait à Bane de s'approprier son apparition, son savoir et ses processus cognitifs. À l'intérieur de la structure de l'Holocron, ces éléments se transformeraient en un hologramme tridimensionnel, qui servirait de guide à quiconque utilisait l'objet. Le réseau cognitif qui alimentait le gardien servait aussi à stabiliser les autres composants de matrice, et empêchait que celle-ci n'implose, comme elle l'avait fait lors des tentatives précédentes de Bane.

Fort de ces découvertes, il avait essayé pour la troisième fois de créer son Holocron personnel, trois ans plus tôt. Il avait procédé avec le soin le plus extrême. Les Rituels d'Invocation requis pour définir et inscrire les symboles appropriés sur la surface de la pyramide, étaient mentalement et physiquement épuisants. Parce qu'il craignait plus que tout de commettre un faux pas, il avait étalé le processus sur deux longues semaines. Ironie du sort, cette prudence avait causé sa perte. Alors qu'il commençait à manipuler les structures internes de la matrice cristalline, lors de la phase finale de son projet, il avait senti que le pouvoir des symboles s'était affadi. Le réseau cognitif du gardien s'était dégradé, au point de ne plus être en mesure de soutenir et de stabiliser la matrice.

De désespoir, il avait cherché un moyen de le restaurer, avec pour seul résultat le constat que ses efforts étaient désormais vains. La fureur l'avait enflammé devant ce nouvel échec, et de ses mains nues, il avait réduit en poussière la pyramide inutile.

Avant d'entamer sa quatrième et plus récente tentative, Bane s'était juré de réussir. Le temps était la clé du succès. Il devait finir d'aligner la matrice, et l'emplir de l'énergie du Côté Obscur, en quelques jours seulement, avant que les fonctions cognitives du gardien ne commencent à baisser. Désormais, après des mois passés à rassembler tous les éléments rares nécessaires, des semaines à méditer pour canaliser son pouvoir, et trois jours et trois nuits d'affilée consacrés à atteindre un état d'intense concentration, il approchait enfin du but. Il ne restait plus que quelques dizaines d'ajustements mineurs à effectuer.

Ces trois jours durant lesquels il avait constamment tiré sur la Force, sans se nourrir ni s'accorder de pause, l'avaient laissé épuisé de corps, d'esprit et d'âme. Dans cet état, il était particulièrement vulnérable aux orbalisks. En temps normal, ils puisaient dans l'énergie du Côté Obscur qui s'écoulait naturellement en lui, mais la création de l'Holocron exigeait qu'il focalise tout son pouvoir sur son travail. Les parasites dépérissaient peu à peu, et en retour, ils déversaient dans son sang des substances chimiques et des hormones destinées à le faire basculer dans une fureur folle, pour se gorger du Côté Obscur tandis qu'il déchaînait sa fureur.

Les spasmes musculaires de sa main et de ses doigts étaient une résultante directe de leurs efforts, et Bane ne pouvait rien faire, sinon attendre la fin du phénomène. Il ne disposait plus que quelques heures pour parachever sa tâche, mais il ne pouvait courir le risque d'une erreur qui aurait endommagé les fibres cristallines délicatement entrelacées de la structure interne de l'Holocron.

Il reprit graduellement le contrôle de ses doigts, non sans regretter chaque précieuse seconde qu'il gaspillait pour y parvenir. Lorsque enfin, sa main fut parfaitement immobile, il inspira lentement, à fond, se concentra de nouveau et se servit de la Force pour toucher la matrice une fois encore.

Un ruban de lames électriques s'enroula autour des muscles et des nerfs de sa colonne vertébrale. La douleur arqua brutalement son dos en arrière, et il poussa un cri torturé. La souffrance brisa momentanément sa concentration, et un jet incontrôlable d'énergie du Côté Obscur le traversa pour pénétrer l'Holocron. Un instant plus tard, celui-ci explosait et aspergeait Bane d'une pluie de fragments de cristal et de poussière.

Pendant de longues secondes, il resta là, à regarder fixement le piédestal vide, avec la sensation de l'avidité des orbalisks et de sa propre fureur qui grandissait en lui. Un voile rouge brouilla sa vision, et Darth Bane s'abandonna à la rage.