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Chapitre n°85 :

D'anciens alliés


Zannah avançait lentement dans les allées du marché de Carannia. Elle était là pour acheter divers articles, en remplacement de ceux détruits par Bane dans son accès de fureur. Une semaine s'était écoulée depuis son dernier passage sur cette place, et beaucoup de choses avaient changé.

Kel était mort, tout d'abord. L'HoloNet avait annoncé la tentative ratée d'enlèvement visant le Chancelier Valorum, et tous les récits mentionnaient la façon dont le Twi'lek rouge avait péri des mains d'un Chevalier Jedi nommé Johun Othone. Trois autres membres du petit groupe n'en avaient pas réchappé, mais tout indiquait que deux terroristes avaient réussi à fuir.

L'attentat avait entraîné une condamnation immédiate du Sénat et du reste de la République. De leur côté, les Comtes de Serenno avaient promis d'agir promptement, et de manière décisive, pour éradiquer les organisations séparatistes qui empoisonnaient leur monde. À en juger d'après les récompenses énormes offertes pour tout renseignement menant à la capture de toutes les personnes impliquées dans cette action terroriste, il semblait bien que les nobles avaient l'intention de tenir leur promesse.

Zannah s'en rendait compte maintenant, même si Kel et ses amis avaient réussi, la réaction des Comtes aurait été identique. Après le kidnapping manqué, les corps de plusieurs serviteurs du Comte Nalju avaient été découverts non loin de là. Envoyés pour accueillir le Chancelier à son arrivée, ils avaient été assassinés par les terroristes qui avaient pris leur place pour tendre leur embuscade.

Le décès de ces fidèles domestiques fut une tragédie pour la Maison Nalju, mais elle n'était rien en comparaison de l'horreur générée par l'agression elle-même. Le Comte avait personnellement arrangé la visite du Chancelier. S'en prendre à un invité aussi prestigieux constituait une insulte inqualifiable à l'honneur de la famille, et un crime presque aussi grave que si le Comte lui-même avait été visé. Toujours prêtes à faire front commun lorsqu'il s'agissait de protéger un membre de leur caste, les autres Grandes Maisons s'étaient jointes à l'indignation des Nalju et avaient fait serment de traquer et d'exterminer les responsables de cette atrocité.

Bien évidemment, Darth Bane avait prévu tout cela. Pendant plusieurs années, l'attention de la République se concentrerait sur Serenno et sa campagne d'élimination des éléments séparatistes qui avaient infiltré sa culture.

- Pas un geste, siffla une voix familière à son oreille.

Zannah sentit le canon d'un blaster s'enfoncer au creux de ses reins. Elle répondit dans un murmure, sans même se retourner vers la Chiss pour lui faire face :

- Je suis surprise que tu oses te montrer en public. On offre une jolie somme pour ta tête.

- Grâce à toi, répliqua Cyndra en appuyant un peu plus rudement avec son arme. Maintenant, avance. Lentement.

Zannah aurait pu renverser totalement la situation d'une dizaine de façons différentes, mais chacune impliquait l'usage du Côté Obscur, et elle ne souhaitait pas en faire étalage dans un endroit aussi fréquenté que la place du marché. Elle obéit donc, et longea les étals en guettant le moment propice pour agir. La Chiss la suivait de très près, restant collée à elle, pour dissimulée entre leurs deux corps le blaster dont elle la menaçait.

- Où m'emmènes-tu ? demanda la jeune femme.

- Nous allons voir Hetton, grinça Cyndra. Il a des questions à te poser.

Quelle heureuse coïncidence ! songea-t-elle. Moi aussi, j'ai quelques questions pour lui...

Cyndra la poussa dans une ruelle latérale, qui les éloignait du marché et débouchait dans une rue calme.

- Arrête-toi, maintenant, et ne bouge pas, ou je tire, l'avertit la Chiss en décrochant un boîtier de communication de sa ceinture. Je l'ai. Viens nous chercher.

Moins d'une minute plus tard, un airspeeder vint se poser de l'autre côté de la rue. Zannah reconnut Paak aux commandes, ce qui ne l'étonna pas le moins du monde. Il descendit du véhicule d'un bond lorsque la Chiss mena sa prisonnière vers lui.

- Je t'avais bien dit qu'elle reviendrait, dit-il à sa comparse.

- Fouille-la, au lieu de parler, répliqua Cyndra.

Une seconde, Paak couva Zannah d'un regard salace, puis il obéit, sans grande douceur.

- Eh ! s'exclama-t-il en découvrant le sabre-laser et en le levant devant ses yeux pour l'examiner. Qu'est-ce que nous avons là ?

La poignée de l'arme de Zannah était un peu plus longue que la normale, afin d'accueillir les deux cristaux nécessaires à l'alimentation des lames opposées. Néanmoins, alors que la majorité des doubles sabres-lasers avaient des lames d'un mètre cinquante chacune ou plus, celles de la jeune femme mesuraient moins d'un mètre. Cette différence, aussi légère soit-elle, était déterminante dans la façon dont elle maniait son arme...

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- Les lames plus courtes procurent une plus grande rapidité d'exécution et une meilleure utilisation, avait expliqué Bane.

Du haut de ses quatorze ans, Zannah faisait tournoyer son sabre-laser flambant neuf dans sa main gauche. Elle en était à s'habituer à son poids et son équilibre.

- Tiens la poignée souplement entre tes doigts. Contrôle l'arme avec ton poignet et ta main, plutôt qu'avec les muscles de ton bras. Tu perdras en allonge et en force, mais tu seras en mesure de créer un bouclier de défense impénétrable.

- En me défendant, je n'abattrai pas mon ennemi, remarqua son élève en faisant passer avec aisance les larmes écarlates d'une main à l'autre.

- Il te manque la force physique requise pour les coups d'attaque du Djem So, ou des autres Formes agressives, expliqua-t-il. Tu dois compter sur la vitesse, l'adresse et, plus que tout, la patience pour avoir le dessus sur tes adversaires.

Il alluma son propre sabre-laser et effectua une longue attaque circulaire dans sa direction. Zannah intercepta la lame sans difficulté avec l'une des siennes et la dévia.

- La Forme III te permet de parer les assauts avec un effort minime, commenta-t-il. Ton adversaire gaspille une énergie précieuse à chaque coup qu'il te porte, et il se fatigue lentement, tandis que tu gardes intactes ta fraîcheur et ta vivacité.

Bane prit à deux mains la poignée en crochet de son propre sabre-laser, qu'il brandit au-dessus de sa tête avant de l'abattre à la verticale avec force. Zannah appliqua l'une des techniques qu'il lui faisait pratiquer depuis un ans, deux heures par jour, et sa lame rencontra celle de son Maître. Si elle avait voulu bloquer le coup, la puissance de celui-ci aurait repoussé sa propre arme sur elle, ou bien, elle l'aurait lâchée sous la brutalité de l'impact – mais elle inclina son sabre-laser, de façon à ce que l'autre soit dérouté de sa trajectoire et glisse sur le côté, à quelques centimètres de son épaule.

- Bien, fit Bane. Ne pas bloquer. Rediriger. Attendre que l'adversaire se fatigue ou s'énerve. Le laisser commettre une erreur, saisir cette opportunité, et lui faire payer sa faute.

Pour illustrer son propos, il l'attaqua d'un coup ample qu'elle dévia aisément. La puissance qu'il avait mise dans son geste le fit se pencher un peu trop en avant, et il exposa son épaule et son dos à la riposte de son élève. D'une torsion du poignet, Zannah porta un coup direct, et l'une de ses lames traça une marque de dix centimètres de long en travers de son épaule. Tout autre que lui aurait eu le bras coupé à la racine, mais dans le cas de Bane, le sabre-laser entailla seulement le tissu de son vêtement, pour laisser une petite ligne calcinée sur la carapace de l'orbalisk en-dessous.

- Vous êtes mort ! s'exclama-t-elle triomphalement, sans cesser de faire tournoyer son arme.

Bane acquiesça d'un air approbateur, mais il était tôt, et la leçon du jour ne faisait que débuter.

- On recommence, déclara-t-il avec cette sévérité qu'il affichait toujours pendant leurs entraînements.

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- Qu'est-ce que c'est ? murmura Paak en tournant la poignée entre ses doigts. Un sabre-laser ? Où l'as-tu trouvé ? Tu l'as volé à un Jedi ou quoi ?

Zannah ne prit pas la peine de répondre. Personne d'autre en vue. Ils étaient seuls dans la rue, et elle aurait pu facilement leur ôter la vie tout de suite et s'échapper – mais ils avaient dit qu'ils l'emmenaient voir Hetton, et elle était très impatience de rencontrer le fondateur du Front de Libération Anti-République.

- Voilà qui va beaucoup intéresser Hetton, remarqua Paak. Oh oui...

- Allez, on bouge, lui dit Cyndra. Je ne veux pas faire attendre Hetton, il est déjà assez en rogne après nous comme ça.

Paak lança le sabre-laser sur le siège passager à l'avant, et s'installa dans le siège du pilote.

- Toi, à l'arrière, dit la Chiss à Zannah en agitant le blaster pour donner plus de poids à son ordre.

La jeune femme s'exécuta, et sa kidnappeuse s'assit à côté d'elle, sans cesser de la menacer avec son arme. L'airspeeder décolla et louvoya dans la cité, pour ensuite s'engager dans la campagne environnante.

- Combien de temps avant que nous arrivions ? voulut savoir Zannah.

- Ferme-la, répondit la Chiss. Tu auras tout le loisir de parler quand tu expliqueras à Hetton pourquoi tu nous as trahis.

- Kel n'a jamais pu résister à un joli minois, lâcha Paak en la regardant par-dessus son épaule. J'ai toujours su que ça causerait sa perte. S'il avait été un peu plus malin, il serait resté avec toi, Cyndra.

La colère étrécit les yeux de celle-ci.

- Boucle-là et conduis, Paak.

- Toi et Kel ? dit Zannah, légitimement étonnée par la révélation. Désolée. Je l'ignorais.

- Cyndra aussi, répondit l'homme tatoué avec un rire bref. Enfin, jusqu'à ce que tu arrives à notre réunion. Elle a voulu te tuer sur-le-champ, mais tu as de la chance, c'est une professionnelle.