.

Elle est dans la mouise, si on peut dire...


Chapitre n°86 :

Prise en otage


Le reste du trajet se déroula en silence. Ils s'éloignaient de plus en plus de la cité. Ils passèrent au-dessus des terres des familles nobles, ce qui confirma les soupçons de l'otage : Hetton appartenait à une puissante famille de Serenno. Elle se demanda ce qui lui arriverait, maintenant que le climat politique était si nettement défavorable aux séparatistes.

Le speeder continuait son chemin, survolant des roseraies magnifiques et très étendues, entretenues des armées de jardiniers. Une énorme demeure apparut au loin. À la vérité, c'était plus un château qu'une maison. Le drapeau qui flottait au sommet d'une des nombreuses tourelles était rouge vif, et frappé en son centre d'une unique étoile à huit pointes. Zannah supposa que c'était là une déclinaison de l'étoile à cinq branches de la Grande Maison Demici. La famille d'Hetton devait leur être apparentée, et elle avait obtenu le droit de créer sa propre variation des armoires de la lignée.

Lorsqu'ils se posèrent, six gardes en tenue rouge les attendaient, chacun équipé d'un casque intégral et d'une pique de force longue d'un mètre cinquante, terminée par un module capable de délivrer des décharges électriques qui immobilisaient ou assommaient l'ennemi – quand elles ne le tuaient pas, selon le réglage choisi. Elle identifia cette arme exotique grâce aux enseignements de Bane : c'était celle qu'affectionnaient les Assassins de l'Ombre d'Umbara, quoique ceux-ci soient entrés en clandestinité après la chute de la Confrérie de Kaan.

- Descends, ordonna Cyndra, blaster toujours braqué sur sa prisonnière.

Quelque part, Zannah avait pitié d'elle – Kel l'avait séduite, puis rejetée. D'un autre côté, elle en voulait à cette rivale amoureuse à la peau bleue, mais elle n'avait pas l'intention de laisser ses émotions affecter ses pensées ou ses actes.

Elle obéit donc, et quitta le véhicule pour se soumettre à une nouvelle fouille effectuée par les gardes, puis elle tendit les mains devant elle pour leur permettre de les menotter. Alors, et seulement alors, Cyndra abaissa son arme et la glissa dans son ceinturon. Elle saisit la captive par un bras, et l'entraîna derrière Paak et les gardes.

Le petit groupe franchit une haute arche, et entra dans un grand hall dallé de marbre. Peintures et sculptures rompaient la monotonie des murs. Des œuvres d'art holographiques planaient près du plafond. Cet étalage de richesses devait impressionner ou intimider bien des visiteurs, se dit Zannah. Pour sa part, elle ne voyait là qu'un gaspillage de fonds, qui auraient été investis plus judicieusement ailleurs.

La demeure était immense, et ils mirent cinq minutes à aller de l'airspeeder jusqu'à la salle de réception, où Hetton les attendait. La jeune femme savait qu'ils approchaient de leur destination lorsqu'ils firent halte devant des portes géantes closes. Deux des gardes s'avancèrent et ouvrirent chacun l'un des lourds battants.

La pièce au-delà faisait trente mètres sur vingt. Comme le hall et les larges couloirs, les murs y étaient ornés d'œuvres d'art, et un long tapis rouge menait à la volée de marches d'une estrade, à l'autre extrémité. Le seul meuble de toute la salle était le fauteuil massif placé au sommet de l'estrade. Zannah aurait plutôt parlé d'un trône.

Flanqué de deux gardes en tenue rouge, un homme y était assis, qui ne pouvait être qu'Hetton. Il était de taille très moyenne, et plus vieux qu'elle ne l'avait imaginé – il devait approcher le cap des soixante ans. Elle s'était attendue à ce qu'il porte les couleurs de sa Maison, et non ce pantalon, cette chemise, ces bottes et ces gants noirs. Un liseré écarlate bordait le haut de ses bottes et le poignet de ses gants. Une cape à capuche, elle aussi noire avec un filet écarlate, drapait des épaules.

Il avait les cheveux fins et gris, coupés très court, un nez long et pointu, et ses petits yeux bleus semblaient trop rapprochés. Il y avait, dans l'arc dessiné par ses lèvres, une cruauté qui lui donnait presque l'air de faire une moue de mépris. À leur entrée, il se pencha en avant sur son siège, dont il agrippa les bras. Il semblait voûté, sinistre.

Bien qu'il ne soit pas séduisant ou physiquement imposant, il se dégageait de sa personne une indéniable impression d'importance. Zannah y vit la marque d'une assurance naturelle, née de la richesse et d'un statut privilégié, mais lorsqu'elle s'avança vers lui sur le tapis rouge, elle se rendit compte que c'était en fait tout autre chose : Hetton irradiait le pouvoir du Côté Obscur !

Ils s'arrêtèrent à dix mètres des marches sur un signe de l'un des gardes postés près du trône. Leur escorte s'écarta, laissant Zannah, Paak et Cyndra seuls face à Hetton.

- Et qui êtes-vous, ma chère ? dit celui-ci.

Sa voix sèche se répercuta dans la grande pièce.

- Je m'appelle Rainah, répondit la jeune femme. Je suis, enfin j'étais, une amie de Kel.

Hetton eut un rictus entendu.

- Bien sûr... Kelad'den entretenait beaucoup d'amitiés féminines.

- C'est elle qui nous a vendus à la République ! intervint Cyndra avec colère, et elle secoua Zannah par l'épaule.

- Je n'ai vendu personne, protesta la prisonnière.

Elle voulait gagner du temps, pour jauger le pouvoir d'Hetton. Pendant la guerre entre la Confrérie des Ténèbres et l'Armée de la Lumière, les deux camps avaient activement cherché à recruter ceux qui avaient le pouvoir, mais une famille aussi riche et influente que celle d'Hetton n'avait pas dû avoir beaucoup de mal à cacher l'un de ses fils aux Jedi comme aux Sith.

- Tu connaissais tous les détails de notre plan, insista la Chiss. Qui d'autre aurait pu nous trahir, sinon toi ?

- Paak et toi me semblez avoir très bien réussi à survivre, remarqua Zannah.

Elle laissa l'insinuation faire son effet, pendant qu'elle continuait de sonder discrètement de le chef des séparatistes. Elle ne sentait pas dans son pouvoir l'aspect brut et brouillon de ceux qui n'avaient suivi aucune formation. Se pouvait-il qu'il ait eu une tuteur ou un mentor, par le passé ? Quelqu'un de familier avec la Force lui avait-il enseigné les voies du Côté Obscur, avant de le délaisser pour suivre Kaan ? Ou existait-il une explication toute autre ?

- Je ne suis pas une traîtresse ! s'écria la Chiss.

- Du calme, Cyndra, lui dit Hetton en paraissant s'amuser de ses airs outrés. Le Chancelier Valorum était accompagné d'un Chevalier Jedi. Votre mission était condamnée à l'échec depuis le début.

Il baissa la voix pour ajouter, dans un murmure proche du grondement :

- Et puis, même si votre entreprise avait été couronnée de succès, vous auriez quand même provoqué la vengeance des Grandes Maisons contre nous... Mais à quoi pensiez-vous ?! cria-t-il si soudainement que Paak et Cyndra sursautèrent.

Zannah détecta des craquements secs dans l'air, alors que ce petit homme invoquait la Force. Le pouvoir d'Hetton était évident, mais elle savait déjà qu'il n'était rien comparé au sien.

- Attendez ! lança Paak, conscient du péril qui les menaçait. Nous avons quelque chose pour vous.

Il brandit le sabre-laser de leur captive, pour être certain que son chef le voyait bien. L'effet fut immédiat. L'accumulation du pouvoir puisé dans le Côté Obscur cessa, et se résorba d'un coup. Hetton s'était figé, le regard fixé sur l'arme. Quelques secondes passèrent, puis il parut se reprendre et il se laissa aller contre le dossier de son siège surdimensionné. D'un geste, il ordonna à l'un de ses gardes de lui apporter l'objet.

Lorsqu'il l'eut en main, il l'examina avec beaucoup de soin pendant plus d'une minute, avant de le déposer doucement sur ses cuisses.

- Où as-tu trouvé cela ? demanda-t-il d'une voix à la douceur trompeuse.

- Sur elle, répondit Paak. Elle a refusé de nous dire d'où il vient.

Hetton considéra Zannah avec un intérêt renouvelé, tout en caressant distraitement la poignée de l'arme.

- Ah oui ? J'aimerais pourtant beaucoup savoir où elle a acquis cet exemplaire particulier.

- Laissez-moi seule cinq minutes avec elle, réclama Cyndra, et je la ferai parler.

Zannah décida que ce petit jeu avait duré assez longtemps. Grâce à la Force, elle aurait pu faire voler le sabre-laser jusque dans ses mains, mais elle disposait d'autres armes.