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Chapitre n°87 :
Otage... et sorcière
- La Force se manifeste de nombreuses façons, lui avait dit Bane. Chaque individu a des points forts et des points faibles, des domaines dans lesquels il excelle et d'autres qui sont pour lui plus ardus.
La fillette de douze ans avait acquiescé. Quelques mois plus tôt, le Seigneur Sith avait déverrouillé une nouvelle banque de données dans l'Holocron de Nadd. Il ne lui avait pas expliqué ce qu'il avait découvert, mais il avait ajouté un élément à sa formation peu après. Tous les deux ou trois jours, il la soumettait à une série de tests et de défis variés, dans le but d'évaluer sa maîtrise de la Force dans divers aspects de sa manifestation.
Jusqu'à aujourd'hui, il s'était refusé à partager avec elle le résultat de ses expériences, et elle commençait à redouter d'avoir déçu ses attentes.
- Certains possèdent un pouvoir élémentaire, à l'état brut. Ils peuvent jeter des éclairs du bout de leurs doigts, ou déplacer des montagnes par la seule puissance de leurs pensées. D'autres sont plus doués pour les subtilités de la Force, et ils ont la capacité d'affecter l'esprit des alliés et des ennemis, en pratiquant l'art de la persuasion ou la méditation de combat.
Il s'était tu et l'avait longuement regardée, comme s'il hésitait à en dévoiler plus.
- Quelques uns seulement possèdent une affinité naturelle avec le Côté Obscur lui-même. Ils peuvent fouiller dans les profondeurs de la Force, et invoquer des énergies secrètes pour tordre et déformer le monde qui les entoure. Ils peuvent utiliser les anciens rituels des Sith, des sortilèges terribles, de la magie noire, et s'approprier le pouvoir.
- Ai-je ce talent ? avait demandé Zannah, surexcitée. Suis-je une sorcière Sith ?
- Tu as le potentiel, avait répondu Bane en tirant des replis de sa tenue un fin manuscrit à la reliure de cuir. Cachée au fond de l'Holocron, j'ai découvert une liste de sorts très puissants. Je les ai transcrits dans ce recueil. Ils t'aideront à concentrer et à canaliser ton pouvoir afin d'obtenir l'effet maximum, mais seulement si tu les étudies avec le plus grand soin.
- Je le ferai, Maître, avait-elle promis, les yeux brillants, en tendant la main pour lui prendre le document.
Il l'avait alors mise en garde :
- Mes aptitudes à te guider et te former aux voies de la sorcellerie sont limitées. Mes talents concernent d'autres domaines. Pour révéler tout ton potentiel, tu devras effectuer beaucoup d'études et de recherches par toi-même, et ce sera... périlleux.
L'idée d'explorer les noirs secrets de la sorcellerie Sith emplissait la fillette de peur, mais l'opportunité d'atteindre un pouvoir dépassant les capacités de compréhension de son Maître était une tentation à laquelle Zannah ne pouvait résister.
- Je ne vous décevrai pas, Maître, avait-elle juré en serrant le manuscrit contre sa poitrine.
Bane s'était permis une dernière recommandation :
- Et si jamais tu tentes d'utiliser tes sortilèges contre moi, je t'anéantirai.
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~oOo~
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D'une saccade, Zannah dégagea son coude de l'étreinte de Cyndra et elle leva ses mains entravées devant son visage. Entrelaçant ses doigts de façon complexe, elle tendit son esprit vers la Force et plongea aux tréfonds de l'esprit de la Chiss. Elle y trouva ses peurs secrètes. Enterrées dans le subconscient de Cyndra gisaient des horreurs sans nom, des abominations et des créatures de cauchemars qui n'auraient jamais dû voir la lumière du jour. Puisant dans le pouvoir de la sorcellerie Sith, Zannah les fit venir à la vie une à une.
Le tout lui demanda moins d'une minute. Cyndra avait eu le temps de dégainer son arme, mais au lieu de la diriger sur sa prisonnière, elle se mit soudain à hurler et la pointa en l'air. Elle tira des rafales sur des démons qu'elle seule pouvait voir.
Les illusions devenaient de plus en plus réelles et atroces, à mesure que se développaient le sortilège, mais Zannah n'avait pas l'intention d'y mettre un terme trop vite. La Chiss lança le blaster au sol, tourna follement son visage d'un côté et de l'autre, puis le couvrit de ses deux mains en criant « Non ! », et s'effondra. En sanglotant et en geignant, elle se recroquevilla en position fœtale, sans cesser de murmurer :
- Non, non, non...
Dans la salle, tout le monde la contemplait avec une stupéfaction horrifiée. Plusieurs gardes avaient reculé d'un pas, de crainte d'être touchés d'une façon ou d'une autre par sa folie.
Zannah aurait pu s'arrêter là. Il lui aurait suffi de chasser l'illusion, et Cyndra serait simplement tombée dans l'inconscience, pour s'éveiller des heures plus tard avec un souvenir très confus de ce qui lui était arrivé, car son esprit aurait d'instinct oblitéré ces instants trop pénibles de sa mémoire. Mais Zannah pouvait aussi pousser l'illusion plus loin encore, jusqu'à faire basculer sa victime dans l'insanité totale, et même au-delà. L'image de la Chiss enlaçant amoureusement Kel lui vint soudain à l'esprit, et Zannah poussa l'illusion plus loin.
Les cris de Cyndra se transformèrent en hululements bestiaux lorsque sa raison fut mise en lambeaux par les visions démoniaques. Ses ongles griffèrent son visage et ses yeux, qu'ils finirent par arracher. Le sang cascada sur ses joues, mais rien ne pouvait la protéger des cauchemars qui hantaient ce qu'il restait de son esprit.
Ses hurlements cessèrent lorsque son corps fut pris de convulsions violentes. L'écume monta à sa bouche. Enfin, avec une dernière plainte à moitié noyée dans le sang, elle se détendit brusquement et ne bougea plus. Son esprit conscient était irrévocablement détruit, son corps catatonique rien de plus d'une enveloppe vide.
Cependant, un long frisson parcourut encore la Chiss, et Zannah sut qu'au plus profond de son subconscient, une parcelle d'elle-même continuait d'exister, qui hurlait muettement, prise au piège éternel de ses pires terreurs intimes.
Toutes les personnes présentes avaient été témoins de l'horrible fin de la Chiss, mais Zannah seule savait ce qui lui était réellement arrivé, même si elle n'avait jamais la certitude absolue de ce que ses victimes voyaient – et d'après leurs réactions, elle préférait ne pas le savoir. Elle considéra froidement le corps de Cyndra, qui tremblait encore de temps à autre, puis elle reporta son attention sur Hetton. Il la regardait fixement.
Elle se retourna lorsqu'elle entendit Paak s'écrier :
- C'est toi qui lui as fait ça ! Arrêtez-là, ou elle nous tuera tous !
Plusieurs gardes avancèrent d'un pas vers elle, pour s'immobiliser aussitôt sur un petit mouvement de tête négatif d'Hetton.
- Elle n'est pas morte, précisa Zannah, même si ce qu'il reste de sa conscience souhaiterait l'être.
Cette déclaration ne fit rien pour calmer l'hystérie croissante de Paak. Il tira de sa botte une courte vibrolame, et se rua sur elle en hurlant.
Le sortilège qu'elle avait lâché sur Cyndra était puissant, mais coûteux en énergie. Zannah doutait fort d'être capable d'obtenir une réaction aussi extrême chez l'homme tatoué, avant qu'il ne la transperce de son arme. Plutôt que la sorcellerie, elle recourut donc à des moyens plus conventionnels pour se débarrasser de lui.
Étendant ses mains menottées, elle sollicita la Force et fit s'envoler le sabre-laser du giron d'Hetton. L'arme fila à travers la salle et vint se caler dans la paume ouverte de la jeune femme. Alors que les larmes surgissaient, elle brisa ses entraves d'une simple pensée.
Paak s'était précipité vers elle en croyant massacrer une prisonnière sans défense. Il n'était pas préparé à affronter une adversaire armée. Elle aurait pu l'abattre immédiatement, mais elle remarqua la passivité d'Hetton sur son trône, qui observait le spectacle. Elle décida de satisfaire sa curiosité.
Plutôt que de simplement décapiter l'homme, elle joua avec lui. Elle fit tournoyer et virevolter le sabre-laser, suivant des motifs complexes et hypnotiques, tout en parant avec aisance ses coups trop appuyés. Paak était un bagarreur, tout en muscles mais sans finesse. Il l'assaillit à trois reprises encore, et à chaque assaut, elle dévia sa lame avec une grâce telle qu'on aurait pu la croire en train de suivre une chorégraphie étudiée – et c'était elle qui menait la danse.
Après ces attaques avortées, l'homme recula, jeta sa vibrolame au sol et ramassa le blaster de Cyndra. Il visa et pressa deux fois la détente, presque à bout portant, mais Zannah ne tressaillit même pas.
La Force lui permit de prévoir les tirs, qu'elle intercepta avec les lames écarlates de son sabre-laser. La première décharge ricocha sans dommage contre le plafond. La seconde, elle la renvoya au beau milieu du front de son agresseur. Un trou fumant apparut entre les deux yeux de Paak. Son corps se raidit, puis il bascula en arrière.
Sans cesser de faire tournoyer son arme, Zannah se retourna et fit de nouveau face à Hetton. Il n'avait pas bougé de son trône, ni adressé le moindre signe aux gardes. Lentement, il se leva et descendit les marches de l'estrade. Arrivé à deux mètres d'elle, il s'agenouilla et baissa la tête.
D'une voix tremblante, il murmura :
- Toute ma vie, j'ai attendu quelqu'un comme vous.
