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Cette troisième partie s'en va dans une direction particulièrement stressante...


Chapitre n°91 :

Diviser pour mieux gagner


Trois semaines s'étaient écoulées depuis que Zannah avait présenté à son Maître la carte de données qui avait failli coûter la vie à la jeune apprentie. Bane avait employé ce temps à étudier le contenu de la carte avec grand soin. Il avait analysé la moindre parcelle d'information qu'Hetton avait glanée concernant Belia Darzu. Il avait comparé la majorité de ces données avec ses propres sources, en vérifiant tout ce qu'il pouvait pour authentifier les recherches d'Hetton, et il avait désormais l'assurance que toutes les découvertes du vieil homme étaient véridiques.

Les expérimentations de Belia en Alchimie Sith lui avaient révélé les secrets lui permettant de s'entourer d'une armée de technobêtes. Plus impressionnant encore, du point de vue de Bane, Belia avait réussi à créer son propre Holocron, et des indices sérieux étayaient la théorie selon laquelle cet artefact dépositaire de tout son savoir se trouvait toujours caché quelque part dans sa forteresse, sur Tython.

Bane effectua les dernières vérifications sur son vaisseau – il ne pouvait se payer le luxe d'une panne quelconque pendant le voyage maintenant imminent. Le tracé hyperspatial menant dans le Noyau Profond était dangereux, et en cas d'avarie sérieuse, il ne pouvait escompter être secouru. Il mourrait dans le froid et la solitude – un cadavre gelé flottant dans un cercueil de métal près du trou noir situé au centre de la galaxie.

Les systèmes du Mystic étaient tous opérationnels. Appartenant à la nouvelle série d'Infiltrateurs conçus par Sienar, le Mystic était un chasseur à long rayon d'action et de taille moyenne, dont le Seigneur Sith avait fait l'acquisition par l'intermédiaire de son réseau de représentants et de fournisseurs clandestins. Conçu pour transporter jusqu'à six passagers, l'Infiltrateur était équipé d'un armement léger et d'un blindage minimal, car le modèle était fait pour la vitesse et la maniabilité. De plus, le Mystic avait été doté d'un hyperpropulseur de Classe 4, lui permettant de distancer pratiquement n'importe quel autre vaisseau.

Bien qu'il y ait largement la place à bord pour le Maître et son apprentie, Bane avait décidé que Zannah ne l'accompagnerait pas sur Tython – cependant, elle ne resterait pas les bras croisés en attendant son retour sur Ambria. En plus de son étude poussée de la carte de données, le Sith avait également consacré beaucoup de temps à réfléchir aux orbalisks collés à ses chairs. S'il était possible qu'il découvre sur Tython les informations manquantes qui dévoileraient les derniers secrets de la création d'un Holocron, il fallait aussi envisager l'hypothèse que Belia avait réussi en suivant exactement le même processus qu'il avait employé lors de ses tentatives ratées. Bane ne pouvait évacuer la théorie selon laquelle les orbalisks étaient responsables de son échec, parce qu'ils lui soutiraient trop d'énergie du Côté Obscur dont il avait besoin pour achever convenablement la procédure.

Et d'autres points méritaient d'être considérées. À deux reprises déjà, il s'était laissé emporter par un accès de fureur sanguinaire, et rien n'avait plus compté pour lui que détruire tout ce qui était à sa portée. La première fois, il avait laissé leur campement en ruine – une perte de ressources inutile, et même ridicule. La seconde fois avait failli être beaucoup plus coûteuse. S'il avait réussi à tuer Zannah, il aurait quand même trouvé la carte de données d'Hetton sur son cadavre, mais il aurait aussi été obligé de se trouver un nouveau disciple. Dix années de formation auraient été perdues à cause de cette folie passagère.

Zannah avait sauvé sa peau en expliquant les motivations qui avaient guidé ses actes. Elle s'était comportée en parfaite concordance avec les enseignements de son Maître, et c'était un fait que Bane aurait dû constater par lui-même – mais les orbalisks le rendaient aveugle aux machinations talentueuses de son élève, et il comprenait désormais que le pouvoir brut accordé par les créatures l'était au détriment de la subtilité et de la ruse.

Pour toutes ces raisons, pendant qu'il se rendait sur Tython pour affronter les dangers de la forteresse de Belia, Zannah allait entreprendre une mission de son côté.

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~oOo~

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Le vaisseau d'Hetton était magnifique. C'était un yacht customisé, long de quatre-vingt mètres et pouvant accueillir vingt passagers, qui pourtant n'avait besoin que d'une personne pour le pilotage. Tous les détails de sa construction et de son design avaient suivi à la lettre les spécifications établies par Hetton. Avec sa puissance de feu et son blindage renforcé, il pouvait se mesurer à un petit vaisseau de guerre, mais son aménagement intérieur convenait ainsi à un dîner officiel avec des dignitaires planétaires. Son propriétaire n'avait reculé devant aucune dépense pour faire de l'appareil le symbole itinérant de son immense fortune. Un seul détail déplaisait à Zannah : Hetton l'avait baptisé le Loranda, d'après le prénom de sa mère.

Elle mit en route les moteurs et saisit les commandes, s'émerveillant du décollage tout en douceur tandis qu'elle dirigeait le yacht hors de l'atmosphère d'Ambria. Dans deux jours standards, elle se poserait sur Coruscant. Il lui faudrait sans doute soudoyer un administrateur du spatioport pour que son arrivée ne soit notée nulle part. Le Loranda étant toujours enregistré sous le nom d'Hetton, la plus grande discrétion était de rigueur.

Par chance, c'était une pratique répandue parmi les nobles de Serenno, qui faisaient souvent des déplacements imprévue – et furtifs –, même vers Coruscant. Les riches n'étaient pas soumis aux lois valables pour les citoyens ordinaires de la République, et personne ne s'étonnerait si elle se présentait comme une servante envoyée pour acheter le silence d'un administrateur portuaire.

Cette phase serait la plus facile. Obtenir l'accès aux Archives du Temple Jedi serait probablement beaucoup plus ardu.

Bane prenait un risque énorme en lui confiant cette mission. Ils avaient passé les dix dernières années à se cacher des Jedi, et elle s'apprêtait désormais à pénétrer au cœur même de l'Ordre, mais elle ne pouvait pas non plus s'étonner de sa décision, puisqu'elle en était partiellement responsable. C'était elle qui avait fait germer le doute dans l'esprit de son Maître à propos des orbalisks, et aujourd'hui, son plan portait ses fruits. Pour le bien de son élève et pour le sien, Bane avait décidé qu'il devait se libérer de l'infestation.

Rien dans les expériences originelles de Freedon Nadd n'indiquait que les orbalisks pouvaient être séparés de leur hôte, et les propres recherches de Bane n'avaient rien découvert indiquant le contraire – mais les Archives Jedi constituaient la plus grande concentration de savoir dans toute la galaxie. Si une réponse existait, c'était là qu'ils la trouveraient.

Son Maître avait pris toutes les précautions nécessaires pour dissimuler sa véritable identité pendant qu'elle visiterait les Archives. Grâce à son réseau d'informateurs et de contacts, il avait dressé une liste des noms et établi un dossier détaillé pour quasiment chaque membre de l'Ordre Jedi. Puis, il avait choisi le nom le plus approprié à leur objectif : Nalia Adollu.

Nalia était une Padawan ayant approximativement l'âge de Zannah, et elle suivait les enseignements d'Anno WenChii, un Maître Jedi Pyn'gani connu pour son goût de la solitude qui résidait sur Polus, une planète de la Bordure Extérieure. Toute la semaine passée, Zannah avait mémorisé chaque détail du profil et du parcours de Nalia, puis elle avait fait de même pour Maître Anno.

Sa couverture était simple : elle affirmerait que son Maître étudiait une espèce rare d'organisme parasite vivant sous les glaces de Polus. Il désirait ardemment comparer cette forme de vie récemment découverte avec des espèces similaires d'autres planètes, mais il lui répugnait de quitter la sérénité de son monde de résidence, et c'était pourquoi il avait envoyé sa jeune Padawan rassembler les informations disponibles aux Archives Jedi.

Si elle ne voulait pas être démasquée, il lui faudrait néanmoins un peu plus qu'une histoire plausible lorsqu'elle se présenterait devant le bibliothécaire en chef et lui demanderait la permission de consulter les Archives. Zannah et Nalia avaient à peu près le même âge, à peu près la même taille et la même corpulence. Toutes deux avaient de longs cheveux, quoique Zannah avait dû teindre les siens en noir pour qu'ils s'accordent à ceux de l'autre jeune femme.

Cinq ans standards s'étaient écoulés depuis la dernière fois que Nalia avait laissé son Maître sur Polus, il était donc peu probable qu'elle rencontre quelqu'un la connaissant suffisamment pour détecter l'imposture – mais même si l'apparence de Zannah ne la trahissait pas, il restait un paramètre à ne pas négliger.

Pendant toute sa mission, Zannah serait entourée de serviteurs de la Lumière. S'ils sentaient le Côté Obscur qui l'habitait, elle serait instantanément démasquée. Le secret que Bane et elle s'étaient évertués à préserver serait levé. Tout ce pour quoi ils avaient œuvré depuis dix ans, tout ce qu'ils avaient accompli serait réduit à néant. Elle serait très certainement capturée, peut-être condamnée à mort. Quant à son Maître, il serait traqué jusqu'à ce qu'il périsse, lui aussi.

La seule solution, pour que leur plan fonctionne, était qu'elle parvienne à utiliser le pouvoir de la sorcellerie Sith pour dissimuler sa force, tout en projetant une aura d'énergie venue du Côté Lumineux. Le sortilège était dangereux, et elle ne l'avait encore jamais tenté. Il exigeait un équilibre entre force et délicatesse, et elle s'y était exercée sans relâche dans les semaines qui avaient précédé son départ. Pourtant, malgré tous ses efforts, il arrivait que sa concentration faiblisse et que sa véritable nature transparaisse.

Si cela se produisait sur Coruscant, il ne lui restait plus qu'à espérer qu'aucun Jedi ne serait assez proche d'elle pour le remarquer.