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Chapitre n°94 :

Les technobêtes


Alors que ses doigts se refermaient sur la pyramide miniature, il perçut un son qui le poussa à écarter immédiatement sa main. C'était comme le gémissement d'un dieu mort depuis une éternité, qui s'éveillait du tombeau. Une centaine de membres mécaniques entrèrent en mouvement lorsque les monstres avancèrent vers lui.

Bane frappa avec la Force, et une dizaine des créatures les plus proches explosèrent en une pluie de petits flocons de métal, mais les suivantes les remplacèrent comme une vague prend la place de la précédente, et elles le submergèrent par leur nombre. Elles le piétinèrent et le frappèrent. Leurs bras armés de lames s'abattirent sur lui, alors qu'il était prostré au sol, mais aucune de leurs attaques ne pouvait entamer les carapaces chitineuses de son armure d'orbalisks.

À l'aveuglette, Bane riposta avec son sabre-laser, et chacun de ses mouvements sectionnait des membres. Il n'y avait pas cris de douleur, pas de jets de sang – les corps de ses ennemis étaient exsangues, et leurs chairs parties en poussière depuis des siècles. Les seuls bruits de l'affrontement furent les grognements de fatigue du Seigneur Sith, le claquement du métal qui rebondissait sur la pierre du sol et, de temps à autre, le grésillement accompagnant une gerbe d'étincelles.

Même dans leur fureur, les créatures étaient lentes et malhabiles. Les moulinets vicieux de Bane eurent vite fait de lui dégager assez d'espace pour qu'il puisse se relever. Il se redressa, vit la muraille des créatures qui avançait sur lui, et déchaîna une vague d'éclairs dans leurs rangs. L'arc électrique de ces décharges transperça en priorité les corps les plus métalliques. La nanotechnologie qui animait leur structure et leur donnait l'apparence de la vie fondit et fuma, et une dizaine s'écroula définitivement.

Il reçut un coup violent entre les épaules, et le rancor métallique le projeta vers ses ennemis d'une seule bourrade de sa griffe énorme. Il percuta face la première ce qui avait peut-être été un être humain, dans un lointain passé, et la technobête ouvrit grandes ses mâchoires et lui cracha, en plein visage, un nuage de spores métalliques.

Bane les aspira en même temps qu'il abattait la créature d'un mouvement en diagonale de son sabre-laser, qui découpa nettement son adversaire d'une épaule à la hanche opposée. Il sentit les technovirus qui investissaient son corps, les spores de nanogènes qui s'infiltraient jusque dans son cerveau pour dévorer ses lobes frontaux et commencer à le transformer en une horreur qui ne serait ni mécanique ni organique.

Avant qu'il ne puisse invoquer la Force pour se préserver, une chaleur soudaine envahit son sang. Les orbalisks venaient d'y déverser un produit chimique destiné à détruire les intrus microscopiques. Il eut l'impression que son crâne était en feu quand son cœur diffusa la réplique de ses alliés par la carotide et jusqu'aux capillaires de son cerveau, mais il sentit aussitôt les nanogènes se flétrir et mourir dans ce brasier.

Utilisant cette douleur pour alimenter sa fureur, il fit volte-face et s'élança vers le rancor en visant de sa lame les deux pattes avant, qu'il trancha net. Les canons laser montés dans les épaules du monstre se braquèrent sur le Sith, mais plus de deux cents ans après leur assemblage, ses batteries étaient déchargées et il ne produisit qu'un clic ridicule, mais les griffes essayaient toujours de le saisir, et Bane dut faire un bond en arrière avant de repartir à l'assaut. Cette fois, il sectionna les bras au niveau des épaules.

Son ennemi le plus dangereux vaincu, il se servit de la Force pour désintégrer les deux technobêtes les plus proches de lui.

Il restait encore des dizaines et des dizaines de ces abominations, qui avançaient obstinément vers lui de tous les côtés. Bane se rendit alors compte qu'ils ne pouvaient pas réellement le blesser, mais il savait aussi que les technobêtes continueraient de le harceler tant qu'il n'aurait pas réduit en pièces le dernier d'entre eux.

Le carnage se prolongea pendant plus d'une heure. Avec son sabre-laser, il ne cessa pas de démembrer ses ennemis, et il économisa ses aptitudes à la Force pour compenser la fatigue de ses bras, ses jambes, ses épaules et son dos. À trois reprises, durant ce combat interminable, il perdit toute concentration. Son esprit se laissait endormir par le silence perturbant de ses adversaires alors qu'il les massacrait – et chaque fois que son attention faiblissait, il était jeté au sol par les coups d'une de ces créatures maladroites qui s'était approchée assez de lui pour l'atteindre. Alors, il devait lutter pour se remettre debout. Deux autres fois, il sentit son cerveau bouillir lorsque les orbalisks purgèrent son système d'une autre invasion de nanogènes qu'il avait inhalés sans s'en apercevoir.

Lorsque tout fut terminé, tout son corps était endolori d'avoir taillé encore et encore dans cette masse métallique, et la sensation lui rappela les épreuves endurées dans les mines d'Apatros, pendant sa jeunesse. La salle entière était jonchée des membres, des torses et des têtes des technobêtes. Ce spectacle apocalyptique n'était supportable que parce qu'il n'y avait pas une goutte de sang.

Repoussant d'un pied las ces restes macabres, Darth Bane se dégagea lentement un chemin jusqu'au centre de la chambre. Il éteignit son sabre-laser et l'accrocha à son ceinturon, puis il s'avança encore en titubant un peu, et saisit des deux mains les bords du piédestal pour ne pas s'écrouler lorsque les muscles de ses jambes furent assaillis de crampes.

Grinçant des dents, il s'inclina pesamment et fit appel à ce qui lui restait de ses aptitudes dans la Force pour retrouver un peu d'énergie. Après plusieurs minutes, il fut enfin capable de se redresser et de se tenir debout sans l'aide d'un appui.

Son corps et sa volonté étaient à bout. L'idéal aurait été de s'accorder un peu de repos pour récupérer, avant de tenter d'utiliser l'Holocron, mais il venait de trop loin et il avait trop souffert pour retarder encore cet instant.

Le Sith posa un regard intense sur le talisman, et concentra toute sa volonté pour le ramener à la vie. Peu à peu, la pyramide se mit à émettre une très légère pulsation d'un violet profond.

Bane sourit.

Bientôt, très bientôt, tous les secrets de Belia Darzu lui appartiendraient.