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C'est donc là que les Chroniques égarées sur Darovit et la trame principale se rejoignent...
Chapitre n°96 :
Des retrouvailles précipitées
Darovit déambulait dans la grande allée de la quatrième salle des Archives Jedi, et il était abasourdi par la quantité monstrueuse de connaissances stockées dans tous ces rayonnages.
Un temps, il avait voulu chercher des renseignements sur la flore et la faune de Ruusan, avec l'espoir d'élargir ses connaissances, et ainsi d'être mieux à même de soigner ceux qui venaient solliciter son aide, mais il avait l'habitude d'un environnement plus simple, et il était très intimidé par la technologie qui régnait en maître dans les Archives. Un droïde d'analyse lui avait expliqué succinctement comment utiliser les systèmes de recherche pour trouver ce qu'il désirait dans les rayonnages, puis l'avait planté là, encore plus dérouté qu'avant.
D'autres visiteurs occupaient les lieux, et il aurait pu s'adresser à l'un d'eux pour lui demander un coup de main. Cependant, il appréciait qu'on ne l'importune pas, et il se voyait mal déranger autrui. Finalement, il s'était mis à marcher sans but dans l'allée principale, en attendant le retour de Johun.
Il commençait à regretter sa décision de venir sur Coruscant. Il s'était laissé convaincre par l'éloquence du Chevalier Jedi et la perspective d'empêcher une autre guerre avec les Sith, mais il aurait peut-être dû y réfléchir à deux fois.
Les Jedi évoluaient dans un monde qui n'était pas le sien. Les soucis d'une galaxie entière pesaient sur les épaules, et leurs décisions affectaient des milliards de vies. Darovit ne souhaitait pas ce genre de responsabilités. Perdu dans le site grandiose des Archives, il ne voulait plus qu'une chose : retourner dans sa cabane, au cœur de la forêt.
Malheureusement pour lui, ce n'était plus possible. Il était venu ici, et Johun semblait déterminé à le faire témoigner devant le Conseil Jedi.
Pour ne plus penser à la situation désespérante qui était la sienne, il se mit à observer les autres visiteurs. Tous étaient des Jedi, Padawans et Maîtres, jeunes et vieux, humains et autres. Son regard s'arrêta sur une jeune femme séduisante, aux longs cheveux bruns, qui paraissait captivée par ce qu'elle lisait sur l'écran de son terminal.
Il y avait quelque chose de familier en elle, bien qu'il n'ait pu jurer l'avoir déjà rencontrée. Ces dix dernières années, il n'avait eu de contacts qu'avec les gens qui venaient le voir dans sa cabane, et cette jeune femme n'avait pas du tout l'air d'avoir un jour vécu dans les fermes ou les villages de Ruusan.
Il s'approcha discrètement d'elle, car il ne souhaitait pas interrompre son travail, seulement vérifier s'il la connaissait réellement. Pendant plusieurs minutes, il étudia son comportement. Elle était manifestement irritée, sans doute parce qu'elle ne parvenait pas à trouver ce qu'elle recherchait. Et, soudain, elle bondit de son siège, une expression de triomphe sur son visage.
Darovit sut alors qui elle était.
Durant les dix premières années de sa vie, elle avait été constamment à ses côtés. Enfants, ils avaient tissé des liens qui dépassaient ceux entre cousins. En fait, ils étaient comme frère et sœur – et bien que la personne devant lui soit brune, et non blonde, il n'avait aucun doute sur son identité.
- Rain ? dit-il doucement, pour ne pas l'effrayer. Qu'est-ce que tu fais ici ?
La jeune femme se retourna d'un bloc. Les yeux écarquillés, elle le regarda fixement sans reconnaître l'homme qu'elle avait connu enfant, dix ans plus tôt. Puis, elle vit le moignon à la place de sa main droite, et la stupéfaction remplaça l'étonnement sur son visage.
- Tomcat ?
- C'est bien moi, oui. Enfin, maintenant, c'est Darovit, mais il m'arrive de penser que je préfère Tomcat.
Elle était déconcertée par sa présence dans les Archives.
- Tu es devenu un Jedi ?
- Oh, non, s'empressa-t-il de répondre, car il ne souhaitait surtout pas passer pour ce qu'il n'était pas. Je suis resté sur Ruusan après... après ça.
Il leva son bras droit.
- Je suis devenu guérisseur.
- Que fais-tu ici ?
- Je suis venu pour...
Il s'interrompit subitement lorsqu'il se rendit compte du danger qu'elle courait. Un danger dont lui-même était l'instigateur.
- Rain, il faut que nous partions d'ici ! Les Jedi te recherchent !
- Qu'est-ce que tu racontes ?
- Un Jedi est venu sur Ruusan. Je lui ai parlé de toi et de Bane. C'est pour cette raison qu'ils m'ont amené ici !
Un éclair de haine pure et de fureur embrasa les yeux de la jeune femme et, l'espace d'une seconde, Darovit crut qu'elle allait le tuer sur-le-champ, en plein milieu des Archives Jedi.
- Que savent-ils ? siffla-t-elle. Répète-moi tout ce que tu leur as dit.
- Rain, nous n'avons pas le temps, protesta-t-il. J'attends justement ici qu'ils viennent me chercher. Ils risquent d'arriver d'un instant à l'autre. Il faut que tu sortes d'ici, ou bien ils te verront !
Elle fit demi-tour et appuya sur une touche du terminal. Une petite carte de données fut éjectée du lecteur. Elle la fit disparaître dans sa poche, puis elle saisit Darovit par un poignet et l'entraîna dans l'allée principale, en direction de la rotonde centrale. Elle marchait aussi vite qu'il lui était possible sans attirer l'attention.
Darovit la suivit sans résister, mais il demanda :
- Où allons-nous ?
- Sur Tython, murmura-t-elle. Je dois prévenir mon Maître.
Ils avaient atteint la rotonde, mais au lieu de s'engager dans la première salle qui donnait sur la sortie, elle l'obligea à entrer avec elle dans la troisième.
- Mais qu'est-ce que tu fais, Rain ? s'étonna Darovit, d'un ton un peu plus fort que la normale. Il faut que nous partions !
Une femme d'un certain âge aux cheveux cuivrés, assise devant le terminal voisin, tourna la tête pour les regarder. Rain lui adressa aussitôt un petit signe pour s'excuser.
- Du calme, Tomcat, susurra-t-elle à l'oreille du jeune homme. Tu déranges les gens.
La femme s'était remise à contempler son écran, sans plus s'occuper d'eux. Zannah étreignit un peu plus vigoureusement le poignet de Darovit.
- Je suis désolé, souffla-t-il, mais il faut absolument que tu partes. File sur Tython avant qu'ils ne te trouvent ici.
- Je ne sais pas où se trouve Tython, répliqua-t-elle, les dents serrées. J'ai besoin d'un tracé hyperspatial.
Elle fit halte devant le terminal suivant et pianota sur le clavier. En une seconde, l'écran s'emplit d'une liste de références chiffrées.
- Je l'ai, fit-elle.
D'une bourrade, elle obligea Darovit à s'asseoir sur le siège.
- Attends-moi ici.
Du même pas pressé, elle s'éloigna et bifurqua dans une allée latérale. Tout en patientant, Darovit songea que sa loyauté avait subitement changé de camp, sans qu'il le décide vraiment. On l'avait attiré sur Coruscant avec l'idée d'aider les Jedi à éradiquer définitivement les Sith – et ainsi empêcher une nouvelle guerre –, mais le concept de la souffrance à l'échelle galactique restait pour lui une abstraction et ne pesait pas lourd face à une amie d'enfance. À présent, une seule pensée l'obsédait : ce qu'il adviendrait de Rain si elle était capturée. Il se rendit compte qu'il était prêt à tout pour assurer sa sécurité.
Moins d'une minute s'écoula avant qu'elle ne réapparaisse et introduise une carte de données dans le lecteur du terminal. Elle se pencha en biais et tapa les commandes nécessaires. L'image d'un monde recouvert de nuages emplit l'écran.
- J'ai besoin d'une copie, dit-elle en sortant de sa poche la carte de données personnelle qu'elle utilisait lorsqu'il l'avait aperçue.
Elle la fit coulisser dans une autre fente de l'appareil.
- Pourquoi ne pas prendre l'originale, tout simplement ? demanda-t-il.
- Il y a des senseurs aux portes des Archives, expliqua-t-elle. Le passage d'un document original déclencherait l'alarme.
L'appareil émit un bip et la carte fut éjectée. La copie était achevée. Zannah l'empocha, puis prit le coude de Darovit et l'incita à se lever.
- Allons-y, avant que tes amis n'arrivent.
Sans prendre la peine de replacer l'originale sur son rayonnage, elle tira le jeune homme loin du terminal. Ils traversèrent la première salle et sortirent des Archives.
