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Chapitre n°97 :

Un cousin agaçant


Après que le Loranda eut échappé à l'orbite de Coruscant, le premier acte de Zannah fut de débarrasser sa chevelure de sa teinture noire.

Elle avait réglé et engagé le pilote automatique avant de se diriger vers les compartiments privés situés à l'arrière, laissant Tomcat libre d'errer à sa guise dans le yacht. Lorsqu'elle revint, il l'attendait, apparemment calme. Elle finit de sécher ses cheveux redevenus blonds avec une serviette.

Darovit s'était confortablement allongé sur l'une des banquettes moelleuses du salon. À en juger par le verre qu'il tenait entre ses doigts, il avait trouvé la collection de boissons qu'Hetton aimait à emporter. Il était toujours vêtu de ses haillons, et le contraste qu'il offrait avec ce cadre somptueux était presque comique.

- Même sans la teinture, tu ne ressembles pas du tout à la femme que je t'imaginais être aujourd'hui, lui dit-il.

Zannah n'avait pas changé que la couleur de sa crinière. Elle avait aussi troqué sa tenue fade de Jedi contre celle, noire et plus confortable, qu'elle portait habituellement. Étant gauchère, elle avait accroché son sabre-laser du côté droit de sa ceinture. Quant à la précieuse carte de données, elle était en sécurité dans une poche fermée sur sa cuisse gauche.

- C'est pourtant ainsi que je suis au naturel, affirma-t-elle.

Elle avait souvent endossé des rôles et des déguisements lors de ses missions pour Darth Bane, et en règle générale, elle était à l'aise dans ces tromperies. Pourtant, pour des raisons qui restaient floues, elle détestait la tenue et le personnage de Nalia, et elle avait été impatiente de ne plus jouer le rôle de la Padawan.

- Donc, je suis ton prisonnier ? lança-t-il lorsqu'elle s'assit dans le fauteuil en face de lui.

- Je ne pense pas qu'il soit permis aux prisonniers de boire du tarul, affalés sur un canapé, fit-elle remarquer en jetant la serviette sur les coussins à côté d'elle.

Tomcat se redressa, s'assit et se pencha en avant, l'air très sérieux.

- Alors, pourquoi m'as-tu emmené ?

- Je ne pouvais pas te laisser là-bas. Tu aurais révélé au Conseil Jedi tout ce que tu sais sur moi et mon Maître. Tu représentais une menace pour les Sith.

- Tu crois vraiment être une Sith, Rain ?

- Ne m'appelle plus ainsi, lâcha-t-elle avec colère. Rain est morte. Elle est morte sur Ruusan. À présent, mon nom est Zannah.

Il fit tourner lentement l'alcool au fond de son verre, et acquiesça d'un air sombre.

- Je suppose que Tomcat est mort sur Ruusan, lui aussi... Tu devrais m'appeler Darovit, à partir de maintenant, mais tu n'as pas répondu à ma question : crois-tu vraiment être une Sith ?

- Je suis Darth Zannah, apprentie de Darth Bane, Seigneur Noir des Sith, répondit-elle sans essayer de cacher la fierté que ces titres lui inspiraient, et un jour, j'anéantirai mon Maître et je choisirai un apprenti à mon tour, pour assurer l'héritage du Côté Obscur.

- Je n'en crois pas un mot, déclara Darovit, qui n'étais visiblement pas impressionné. Je te connais, Zannah. Tu n'es pas faite pour le Mal.

- Le Mal est une notion qui plaît aux ignorants et aux faibles, répliqua-t-elle. Le Côté Obscur est celui de la survie. Il aide à libérer ta puissance intérieure. Il glorifie la force de l'individu.

- Ce qui ne te ressemble pas non plus, objecta Darovit. Les adeptes du Côté Obscur doivent se montrer brutaux et impitoyables, Zannah.

- Tu ne me connais pas, fit-elle d'un ton méprisant. J'ai tué plus de gens que tu ne peux l'imaginer.

- Moi aussi, j'ai tué des gens. Bug est mort par ma faute, répliqua-t-il en faisant référence au cousin qui était venu avec eux sur Ruusan, mais tuer des gens ne fait pas de quelqu'un un Sith.

- Ne me donne pas de leçons sur les voies de mon Ordre, lâcha Zannah en se levant et en ramassant la serviette d'un mouvement vif. Que pourrais-tu donc savoir que j'ignore encore ?

- Je ne connais peut-être pas le Côté Obscur, reconnut Darovit, mais toi, je te connais, et je sais de quoi tu es capable.

D'un geste rageur, la jeune femme jeta la serviette au loin, puis elle s'avança et saisit le poignet droit de Darovit, qui renversa son verre tenu de l'autre côté. Elle l'obligea à lever le bras jusqu'à ce que le moignon soit à la hauteur de ses yeux.

- Peut-être oublies-tu que c'est moi qui t'ai fait ce cadeau, siffla-t-elle.

Darovit ne fit pas le moindre mouvement pour tenter de se dégager, alors qu'elle serrait son bras si fort qu'elle lui enfonçait les ongles dans la peau.

- Je ne suis pas idiot, Zannah, dit-il avec calme. Ton Maître m'aurait tué, dans cette caverne. Je sais que tu m'as amputé pour me sauver la vie.

Elle lâcha prise dans un mouvement méprisant qui rabaissa sèchement le bras de Darovit, puis elle lui tourna le dos et se dirigea vers le poste de pilotage. Le jeune homme jeta le verre vide sur le canapé et se leva pour la suivre.

- Tu as risqué ta vie pour sauver la mienne, Zannah, lança-t-il alors qu'elle approchait du cockpit. Tu l'as fait parce que tu te soucies de moi.

Elle fit volte-face, en appela à la Force et fit tomber Darovit au sol. Il s'écroula face contre terre avec un grognement.

- Les choses ont changé, depuis, dit-elle avant de faire demi-tour et d'aller s'installer dans le siège du pilote.

Il se redressa lentement et s'approcha jusqu'à se tenir derrière elle, sur sa droite.

- Si tu ne te soucies plus de moi, alors pourquoi m'avoir emmené ? demanda-t-il.

Elle répondit avec raideur, sans le regarder :

- Je te l'ai déjà dit. Tu nous aurais trahis. Je ne pouvais pas te laisser là-bas.

- Tu aurais pu me supprimer...

Elle laissa échapper un rire bref, tourna la tête et leva vers lui un regard dédaigneux.

- Et je t'aurais abattu avec le pouvoir du Côté Obscur, en plein milieu du Temple Jedi ? Tu prends les Sith pour des imbéciles ?

- Nous ne sommes plus dans le Temple Jedi. Pourquoi tu ne me supprimes pas ?

Zannah regarda de nouveau droit devant elle.

- Tu es un guérisseur. Tu peux nous être utile.

- Il y a quantité de guérisseurs dans la galaxie, et la plupart ne pourraient pas révéler votre existence aux Jedi.

- Je n'ai pas le temps de chercher quelqu'un d'autre. Tu t'es trouvé au bon endroit au bon moment. Tu as eu de la chance.

- Ce n'est pas vrai, Zannah. Comment crois-tu que j'aie pu te reconnaître, après toutes ces années ? Il y a un lien entre nous. Il a toujours existé, depuis notre enfance.

Elle ne répondit rien.

- Tu te souviens, quand nous étions enfants ? Tout le monde pensait que j'avais des affinités prononcées avec la Force, et personne ne croyait que tu avais le moindre pouvoir.

Elle continua de garder le silence, mais elle se souvenait, en effet. Enfant, c'était Darovit qui parvenait à faire léviter des objets et à détourner avec un bâton les fruits qu'on lui lançait, alors qu'il avait les yeux bandés. Ses dons à elle ne s'étaient manifestés que lorsqu'elle s'était retrouvée seule sur Ruusan.

- Je ne m'en suis pas rendu compte à l'époque, Zannah, mais le pouvoir que je montrais, tous ces tours que j'exécutais... ce n'était pas moi, mais toi ! Même quand nous n'étions que des enfants, tu avais compris à quel point je désirais devenir un Jedi, et tu as tout fait pour m'aider. Alors, tu as fait passer ton pouvoir en moi, pour me permettre de faire toutes ces choses.

- Ce n'est pas le souvenir que je garde de cette période, répliqua-t-elle froidement.

- Oh, tu ne l'as pas fait sciemment, expliqua Darovit. Le lien qui nous unissait était tellement puissant, et tu te souciais tant de moi, que tu as fait tout cela sans t'en rendre compte.

- C'est la théorie la plus stupide que j'aie jamais entendue, railla-t-elle, toujours sans le regarder.

- Vraiment ? Réfléchis, Zannah. Après t'avoir perdue sur Ruusan, mes aptitudes ont semblé disparaître. C'est pourquoi j'ai échoué à devenir un Jedi, et un Sith. Mon pouvoir est réduit. C'est la raison pour laquelle j'ai survécu à l'explosion de la bombe psychique, alors qu'autour de moi, tous les Jedi et tous les Sith périssaient. Elle n'a affecté que ceux qui possédait une affinité prononcée avec la Force. Et quant à toi... tu as un tel pouvoir. Pourquoi crois-tu qu'il ait pris aussi longtemps à se manifester ? Parce que tu le canalisais à travers moi... Tu ne deviendras pas une Dame Noire des Sith, Zannah, ce n'est tout simplement pas dans ta nature. Tôt ou tard, tu le comprendras.

- La ferme, lâcha-t-elle simplement, les yeux fixés sur les instruments devant elle. Si tu prononces un mot de plus, je te prive de ton autre main.

Il ne répondit pas, mais ses doigts vinrent instinctivement entourer son moignon.

- Je t'ai emmené pour une raison, et une seule, dit-elle d'une voix totalement dépourvue d'émotion. Mon Maître est infesté par des parasites appelés orbalisks, et tu vas le guérir.

- Mais... je ne sais pas comment faire, bredouilla-t-il, oubliant la menace de la jeune femme.

Zannah employa la Force et lui comprima la gorge. Lentement, elle serra. Darovit tomba à genoux.

- Il y a un terminal de données à l'arrière, dit-elle sans réagir à ses halètements de plus en plus étouffés. Sers-t'en pour étudier tout ce qu'il y a dans l'article que j'ai copié aux Archives.

Elle sortit de sa poche la carte de données, et la laissa tomber devant son cousin qui suffoquait. Il s'était écroulé au sol où il roulait mollement, sa main et son moignon collés à sa gorge. Son visage s'était violemment empourpré, et ses yeux commençaient à saillir des orbites.

- Si tu ne trouves pas un moyen d'aider mon Maître avant que nous arrivions sur Tython, il te tuera, menaça-t-elle.

Elle mit fin à l'étouffement et il inspira l'air par à-coups, en toussant. Elle tourna la tête vers lui et lui adressa un sourire cruel, pour bien lui faire comprendre qu'elle se régalait de sa souffrance. Après un long moment, il récupéra suffisamment pour ramasser la carte et se rendre à l'arrière du vaisseau.

Dès qu'il fut parti, Zannah quitta son siège et se mit à marcher de long en large dans le poste de pilotage. Darovit se trompait, elle le savait. Il ne pouvait en être autrement. Elle était convaincue de son engagement envers le Côté Obscur, en dépit de tout ce que son cousin avait dit, mais certains de ses arguments avaient porté suffisamment pour qu'elle s'interroge sur ce que Bane penserait de tout cela.

Si son Maître – tout comme Darovit – croyait que ses actes montraient un manque d'engagement envers les voies du Côté Obscur, les choses tourneraient très mal pour elle lorsqu'ils auraient atteint Tython.