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Il a pris cher... mais il est plus résistant qu'on ne le croit ;)
Chapitre n°101 :
Vivant, mais tout juste
Lorsqu'elle s'agenouilla auprès de Bane, Zannah eut la certitude qu'il n'était pas mort. Les éclairs avaient réduit en cendres ses vêtements, et ses bottes, comme ses gants, avaient fondu. Les chairs du visage et des mains étaient brûlées et couvertes de cloques, dont suintait un pus jaunâtre. Plusieurs des parasites accrochés à sa poitrine et à son ventre n'avaient pas survécu. Le déferlement électrique des éclairs avait rendu leurs carapaces noires et cassantes. De sous leurs coquilles montaient de minces fumerolles chargées d'une puanteur qui souleva le cœur de Zannah.
Puis, elle vit la poitrine de Bane se soulever et s'abaisser très légèrement, sous l'effet d'une respiration si faible qu'elle en était presque imperceptible. La douleur atroce avait dû le faire sombrer dans l'inconscience. Elle l'observa un moment. Elle s'attendait presque à voir sa peau et ses tissus commencer à se régénérer, mais ses blessures dépassaient même les aptitudes curatives des orbalisks, alors rien ne se produisit.
Le bruit d'une porte qui s'ouvrait lui fit tourner la tête. Darovit sortait de sa cachette. Il contempla la salle transformée en scène de carnage, puis il l'aperçut agenouillée près de son Maître.
- Est-ce qu'il est... ?
- Il est vivant, répliqua-t-elle d'un ton sec en se relevant.
Darovit la rejoignit d'un pas lent. Il serrait l'Holocron de Belia et la carte de données contre son torse, dans son unique main. Zannah les lui prit dès qu'il fut assez proche d'elle. Il ne parut pas remarquer la brutalité du geste, tant il était pétrifié par la vue de cette forme calcinée aux pieds de la jeune femme – ce corps qui, pourtant, abritait encore la vie.
- Ramasse les sabres-lasers, ordonna-t-elle. Nous partons.
Il eut assez de bon sens pour ne pas mettre en doute cette décision, et alla rassembler les armes des Jedi morts, trophées du triomphe des Sith sur Tython.
Zannah empocha la carte de données et l'Holocron, puis elle inspira à fond pour mieux se concentrer. Grâce à la Force, elle souleva du sol le corps de Bane et le fit léviter à hauteur de sa taille.
Ce fut de cette manière qu'elle transporta son Maître à travers la forteresse et au-dehors, Darovit derrière eux. Elle réfléchit rapidement à l'appareil qu'ils devraient prendre pour quitter cette planète, et opta pour le Loranda. En plus de sa taille, il était équipé d'une aire médicale complète.
- Ouvre la soute, fit-elle en désignant le yacht.
Darovit obéit, et Zannah fit monter son Maître dans l'appareil.
Une fois à bord, ils branchèrent Bane à une pompe à bacta. Ses blessures auraient probablement nécessité une immersion totale dans une cuve durant plusieurs jours, mais elle ne disposait pas de ce matériel. Une pompe était ce dont elle disposait de mieux : elle injectait une dose élevée du fluide curatif directement dans les veines, le faisait circuler à travers tout le corps, puis le filtrait avant de le récupérer, pour répéter le processus indéfiniment.
- Son état est stable, déclara Darovit, mais il ne le restera pas longtemps. Lorsqu'un orbalisk meurt, il empoisonne son hôte.
- Tu as lu ça sur la carte, dit-elle. Enlève-les-lui.
- Même si je le pouvais, ce ne serait d'aucun secours, expliqua-t-il d'après ce qu'il avait appris. Il est trop tard. Les orbalisks relâchent des toxines dans les tissus de leur hôte à l'instant où ils meurent, ce qui a pour effet de briser les cellules à une échelle microscopique. Il sera mort d'ici quelques jours.
- Tu es un guérisseur ! s'écria-t-elle. Aide-le !
- Je ne le peux pas, Zannah, dit-il doucement. Pas ici. Nous ne disposons pas de l'équipement indispensable, et même si c'était le cas, il n'y a rien que je puisse faire. Dès que les toxines des orbalisks ont pénétré dans l'hôte, il n'y a aucun moyen de stopper leur progression.
Vous ne pouvez pas mourir. Pas encore, songea amèrement Zannah en se mordant la lèvre inférieure. Vous avez encore tant à m'apprendre !
Le pouvoir de son Maître était beaucoup plus grand que le sien. Elle avait certes le potentiel pour le surpasser un jour – il le lui avait lui-même dit –, mais pour l'instant, il possédait toujours une puissance à laquelle elle ne pouvait encore qu'aspirer. Il y avait des secrets qu'il n'avait pas partagés avec elle, les clés pour déverrouiller un pouvoir bien plus grand que celui qu'elle détenait aujourd'hui. Si Bane mourrait, ce savoir serait perdu. Il était possible qu'un jour, elle réussisse à le découvrir seule – avec Bane comme Maître, sa réussite dans ce domaine était assurée –, mais ce qu'il avait encore à lui enseigner dépassait de loin son aptitude à dompter le Côté Obscur. Ces dix dernières années, elle s'était uniquement concentrée sur l'apprentissage de la maîtrise de son propre pouvoir. Durant la même période, son Maître avait commencé à assembler les pièces qui, un jour, permettraient aux Sith de ressusciter et de régner sur la galaxie.
Il avait créé un vaste réseau d'espions et d'informateurs, mais Zannah n'avait aucune idée de son étendue réelle, ni même de la façon de le contacter. Il avait mis en branle cent plans à long terme, qui devaient peu à peu accroître leur puissance, tout en affaiblissant la République. Pourtant, elle commençait à peine à comprendre l'envergure et la complexité de ses machinations politiques.
Bane était un visionnaire, capable de voir loin dans le futur. Il savait comment exploiter les aspects vulnérables de la République, et comment détourner du Côté Obscur l'attention des Jedi, tout en les orientant sur le long chemin qui les mènerait à un anéantissement complet. Il pouvait manipuler les gens, les organisations et les gouvernements en semant des germes qui resteraient inertes pendant des années, ou même des décennies, avant de s'épanouir.
S'il mourait maintenant, tout ce qu'il avait mis en place pendant dix ans disparaîtrait avec lui. Zannah devrait tout recommencer de zéro. Il lui faudrait, de plus, trouver et former un disciple, tout en travaillant à développer ses propres aptitudes. Elle avancerait en aveugle, et ses ennemis la harcèleraient de toutes parts. Il était impossible d'imaginer qu'elle ne commettrait pas une erreur qui entraînerait sa chute... et l'extinction des Sith.
Elle ne pouvait pas laisser cela se produire. Pour le salut de leur Ordre, il fallait qu'elle le maintienne en vie – et si Darovit n'avait pas les connaissances et le pouvoir nécessaires pour guérir son Maître, elle connaissait quelqu'un qui les avait, quelqu'un qui avait déjà sauvé la vie de Bane, autrefois.
- Fais en sorte qu'il continue de vivre, dit-elle à Darovit avec, dans la voix, une menace implicite.
Elle sortit de l'aire médicale, se rendit dans le cockpit et s'assit aux commandes. Elle détermina la route à suivre pour rejoindre Ambria, mais ils ne retournaient pas à leur campement.
Elle allait voir un homme nommé Caleb.
