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Vous croyez que son cher cousin va finir par faire les frais de la frustration qu'il crée chez Zannah ? Parce qu'il est bien bien casse-pieds, là.
Chapitre n°103 :
La main tendue de la rédemption
Ulcérée, Zannah parcourut à grandes enjambées nerveuses la distance sableuse entre la cabane de Caleb et la limite du campement, où son Maître gisait sur sa civière à répulsion.
Elle vérifia le moniteur fixé sur le côté de la civière et lut l'affichage de ses fonctions vitales. Il était encore en vie, mais il s'affaiblissait très vite. Bientôt, il ne serait plus, et il emporterait avec ses secrets et son savoir.
Plusieurs minutes plus tard, elle se tenait toujours penchée sur lui, lorsque Darovit émergea de la cabane. Il la rejoignit et contempla Bane.
- Lorsqu'il partira, dit-il pour consoler un peu sa cousine, au moins, ce sera en paix.
- La paix est un mensonge ! s'exclama-t-elle. Peu importe que tu meures dans ton lit ou sur le champ de bataille, un mort est un mort.
- Au moins, il ne ressent pas la douleur, répliqua Darovit, décidément en veine de platitudes.
- Quand on ressent de la douleur, c'est qu'on est encore en vie. Je préfère la douleur à la paix, n'importe quand !
- Je n'aurais jamais pensé t'entendre dire ça, Zannah, fit-il avec tristesse. Ne vois-tu pas ce qu'il a fait de toi ?
Une Sith, songea-t-elle.
- Il m'a rendue forte. Il m'a donné la puissance.
- C'est tout ce qui t'importe à présent, Zannah ? La puissance ?
- Par le pouvoir, je gagne la victoire. Par la victoire, mes chaînes sont brisées.
- Le pouvoir n'apporte pas toujours la victoire, riposta Darovit. Malgré toute ta puissance, tu n'as pas pu obliger Caleb à t'aider.
Bane aurait trouvé un moyen lui, pensa-t-elle avec amertume, mais elle ne répondit rien.
Son cousin posa une main sur son épaule, en un geste qui se voulait de réconfort.
- Je comprends ce qu'il t'est arrivé. Tu n'étais qu'une enfant. Effrayée. Seule. Bane t'a trouvé et il t'a recueillie. Je comprends ta loyauté envers lui. Je comprends pourquoi tu te soucies de son état.
D'une tape sèche, la jeune femme chassa la main de son épaule, puis elle posa sur son cousin un regard incrédule.
- Je suis une Sith. Je ne me soucie de personne, à part de moi-même.
- Tu te soucies de moi.
Zannah garda le silence. Elle refusait de reprendre la discussion qu'ils avaient eu durant le voyage vers Tython.
- Tu ne veux pas le reconnaître, ajouta-t-il, mais je sais que tu te soucies de moi. Et de ton Maître, aussi. Tes actes le prouvent, quoi que tu puisses affirmer. Mais Caleb a raison, tu sais. Bane est un monstre. Nous ne pouvons pas le libérer... mais il ne doit pas nécessairement mourir.
- Que veux-tu dire ? fit Zannah, soudain très méfiante.
- J'ai parlé avec Caleb. Il pense que tu es un monstre, toi aussi, mais il ne te connaît pas comme je te connais. Tu n'es pas un monstre, Zannah, mais tu en deviendras un si tu laisses la colère et la haine diriger ta vie.
- Voilà que tu parles comme un Jedi...
Il fallait qu'elle se montre prudente. Darovit avait manifestement une idée derrière la tête, mais elle ne pouvait pas imaginer laquelle.
- Je commence à me rendre compte qu'ils valent mieux que l'autre camp, admit-il. Je sais ce qui va arriver, Zannah. Si Bane meurt, tu vas tuer Caleb.
Après une seconde d'hésitation, elle acquiesça. Il était inutile de mentir.
- C'est probable.
- Tu es en équilibre au bord du précipice, l'avertit son cousin d'une voix soudaine pleine d'intensité. Tu peux encore tourner le dos à cette existence, Zannah. Si Bane meurt, je sais que ton désir de vengeance te poussera à assassiner Caleb, et j'ai peur que la mort de ton Maître ne te fasse tomber dans le précipice... qu'elle te transforme en ce qu'il aura été toute sa vie.
Il regarda la forme inerte du Seigneur Noir sur la civière.
- Et je ne veux pas que tu deviennes comme lui. Je dois te sauver de toi-même. Je devais trouver un moyen de t'empêcher de tuer Caleb, et c'est pourquoi je l'ai persuadé de soigner Bane. C'est la seule façon de te détourner des enseignements des Sith.
- C'est... tout cela n'a aucun sens, fit la jeune femme, l'esprit chaviré par cette logique qui lui échappait. Si Bane survit, il ne me laissera jamais abandonner mes études.
Et d'ailleurs, pourquoi en aurais-je seulement envie ? songea-t-elle.
- Avant que Caleb ne le soigne, expliqua son cousin, tu dois envoyer l'un des drones-messagers du Loranda. Tu dois dire aux Jedi où nous nous trouvons, pour qu'ils puissent venir ici et qu'ils arrêtent Bane.
Elle s'écarta d'un pas de lui.
- Quoi ? C'est de la folie !
Il lui saisit le bras de sa seule main qui lui restait, et la tira vers lui.
- Non, pas du tout. Je t'en prie, Zannah, écoute simplement que ce j'ai à te dire. Si tu envoies ce message aux Jedi et que tu leur livres Bane, cela prouvera que tu t'es détournée des voies des Sith. Le geste démontrera que tu veux te faire pardonner toutes les souffrances que tu as pu causer, et c'est la seule solution pour que Caleb accepte de le soigner.
Il la lâcha.
- Tu as vu de quoi Bane est capable, dit-elle. Qu'est-ce qui l'empêchera de massacrer les Jedi lorsqu'ils arriveront ici ?
- La toxine des orbalisks dissout son corps de l'intérieur. Même avec l'aide de Caleb, il lui faudra des semaines, peut-être des mois, avant qu'il puisse seulement quitter son lit.
- Et qu'est-ce qui m'empêchera de libérer Bane dès qu'il sera guéri ?
- Votre plus grande arme est le secret. Les Jedi croient votre Ordre éteint. Il ne perdront pas leur temps à chasser des ombres chaque fois que quelqu'un murmurera le mot « Sith ». C'est l'unique raison pour laquelle vous avez pu survivre jusqu'à maintenant, mais une fois le drone-messager expédié, tout changera. Ils apprendront que les Sith existent toujours. Ils auront la preuve dont il ont besoin pour agir. Chaque Chevalier et chaque Maître Jedi, sur un million de mondes, se mettra à vous traquer. Les Sith ne pourront plus se cacher.
Zannah savait qu'il disait vrai. C'était même la raison pour laquelle Bane avait travaillé si dur pour que leur existence ne soit rien de plus qu'une rumeur infondée, mais Darovit n'avait pas terminé :
- Et puis, Caleb ne fera rien tant que nous n'aurons pas mis le vaisseau complètement hors-service. Si tu tentes de fuir, il te faudra traîner Bane dans le désert à pied, et même s'il survit, tu ne seras pas allée très loin lorsque les Jedi débarqueront.
- On dirait que le guérisseur n'a pas confiance en moi, maugréa-t-elle.
- Tu as failli le tuer, fit remarquer son cousin.
- Et si je le livre aux Jedi, qu'adviendra-t-il de moi ? demanda-t-elle.
- Je n'en sais rien, avoua le jeune homme. Les Jedi pourraient t'arrêter, toi aussi, mais j'espère qu'ils reconnaîtront que tes derniers actes représentent un tournant décisif dans le cours de ta vie. Ils y verront peut-être une volonté de t'amender. Ils se peut même qu'ils t'incorporent dans leurs rangs. J'ai entendu raconter qu'ils croient au pouvoir de la rédemption. Et, comme je l'ai dit, c'est mieux que le camp adverse.
- Et toi ? Que feras-tu ?
- Je refuserai de m'interposer si tu choisis de tuer Caleb et de laisser mourir Bane, lui dit-il, mais je ne pense pas que tu le feras.
- Comment peux-tu en être aussi sûr ?
- Je te l'ai expliqué, Zannah : un lien nous unit. Je sais ce que tu penses et ce que tu ressens. Tu as peur de te retrouver seule... mais tu n'es pas seule. Plus maintenant. Tu feras le bon choix, et quand tu l'auras fait, je serai là pour toi.
Elle réfléchit très soigneusement à sa proposition, tout en se mordillant la lèvre au point de la faire saigner. Si elle refusait, Bane était condamné et elle assumerait seule la continuité de l'Ordre Sith. Tuer Caleb, trouver un disciple... tuer Darovit aussi, probablement. Si elle acceptait, il lui faudrait trahir son Maître et le livrer aux Jedi, ce qui marquerait la fin des Sith et son premier pas sur le long chemin de la rédemption et de l'expiation.
- Il ne reste plus beaucoup de temps à Bane, lui rappela son cousin. Tu dois prendre une décision.
Les deux chemins se présentaient à elle : seule dans les ténèbres, ou dans la lumière avec Darovit à ses côtés. Elle tourna et retourna le problème dans tous les sens, jusqu'à ce qu'enfin, la réponse lui vienne.
- Dis à Caleb que j'accepte toutes ses exigences.
