.
Ok. Donc, je me dois de vous annoncer une grosse exception au rythme de publication habituel, dont la cadence avait pourtant augmenté quelque peu pour permettre au tome 3 d'avancer.
Nous sommes le 1er novembre, alors en l'honneur de ce mois du NaNo, à défaut d'y participer en écrivant de façon marathon... eh bien, je vais PUBLIER de façon marathon. Ce qui signifie : gros déstockage de la fin du tome 3, jusqu'à la fin du mois, de façon quotidienne, sans aucune autre publication sur mon compte autre que les Chroniques égarées rattachées à certains chapitres.
C'est parti !
Chapitre n°111 :
Un précieux parchemin
À cette heure de la journée, la cantina était presque déserte. La foule ne commencerait à arriver que tard dans la soirée, et c'était précisément pourquoi Darth Bane avait fixé la rencontre en début d'après-midi.
Son contact, un homme d'une cinquantaine d'années bedonnant et gagné par la calvitie du nom d'Argel Tenn, était déjà là, assis dans l'un des box privés occupant l'arrière de l'établissement. Personne ne prêta vraiment attention au Seigneur Noir lorsqu'il traversa la salle. Ici, tout le monde – Argel compris – ne le connaissait que sous l'identité de Sepp Omek, un riche négociant parmi tant d'autres ayant fait fortune sur Ciutric IV.
Bane s'assit sur la banquette de l'autre côté de la table choisie par son contact, et appela une serveuse d'un geste discret. Elle vint prendre leur commande, et s'éclipsa aussitôt. Sur Ciutric, il était fréquent que les marchands concluent des affaires au fond d'un bar ou d'un club, et le personnel était habitué à respecter la discrétion de ces clients.
- Comment se fait-il que nous ne nous soyons jamais rencontrés sur votre propriété ? fit Argel en guise de salut. J'ai entendu dire que vous aviez l'une des caves les mieux fournies de la planète.
Argel eut un petit sourire complice, et ajouta :
- Mais je comprends parfaitement, bien sûr...
Il attendit que la serveuse ait déposé leurs consommations devant eux et soit repartie pour reprendre, à mi-voix :
- Nombre de mes clients rechignent à ce que leurs amis et leur famille soient au courant de leur intérêt pour le Côté Obscur.
Les tractations avec Argel laissaient toujours un goût amer à Bane, mais pour celle-ci, il n'avait personne d'autre vers qui se tourner. Le vendeur au ventre rebondi était le plus grand intermédiaire du secteur en matière de manuscrits Sith interdits. Il s'était constitué une petite fortune en les recherchant discrètement, en les achetant et en les revendant en personne à ses clients, ce qui permettait de garder le nom de ceux-ci en-dehors de l'affaire.
Bien entendu, la majorité de ses clients n'étaient que des collectionneurs et des fétichistes de l'Ordre Sith, qui désiraient seulement posséder un objet ou un document officiellement interdit par le Conseil Jedi. Ils n'avaient aucune compréhension exacte du Côté Obscur et de son pouvoir. Ils achetaient ou revendaient ces manuscrits dans une ignorance béate, inconscients de la nature réelle de ce qu'ils manipulaient.
Cet aspect des choses, plus que tout autre, était ce qui faisait monter la bile dans la gorge de Bane chaque fois qu'il rencontrait Argel. L'homme se présentait comme un expert du Côté Obscur. Il faisait commerce des secrets des anciens Sith, comme il l'aurait fait de tapis au rabais sur un marché à ciel ouvert. Bane s'irritait à l'idée des trésors passés entre ses mains, qui finiraient par échouer dans celles d'individus trop faibles et ignorants pour en faire bon usage.
À l'occasion, il avait envisagé de révéler sa véritable identité à Argel, histoire de savourer sa réaction terrifiée. Il avait envie de le voir ramper et implorer grâce aux pieds d'un vrai Sith, mais cette vengeance mesquine envers un humain aussi insignifiant n'était pas digne de lui. Argel avait son utilité, et Bane continuait donc de jouer son rôle de marchand obsédé par tout ce qui était Sith.
- J'espère que vous avez réussi à trouver ce que je recherche, murmura-t-il. Les détails que vous avez donnés étaient plutôt vagues.
- Je vous promets une chose, Sepp, répondit l'autre avec un sourire rusé, c'est que vous ne serez pas déçu. Mais vous n'avez pas idée des difficultés que j'ai rencontrées, ajouta-t-il avec un soupir exagéré. Ce que vous demandez est totalement illégal, interdit par le Conseil Jedi.
- Tout ce dont vous faites commerce est interdit par le Conseil Jedi.
- Là, c'est différent. Moi-même, je n'avais jamais entendu le nom de Darth Andeddu auparavant. Aucun de mes fournisseurs non plus, d'ailleurs. J'ai dû m'aventurer en-dehors des canaux normaux, mais j'ai réussi, comme toujours.
Bane grimaça.
- J'espère que vous vous êtes montré prudent. Je ne voudrais pas que les Jedi aient vent de tout ceci.
Argel eut un rire satisfait.
- Que se passe-t-il, Sepp ? Certaines de vos affaires ne seraient pas totalement honnêtes ? Vous craignez que le Conseil ne vienne vous tracasser parce que vous trichez sur votre déclaration de revenus ?
- Quelque chose d'approchant.
- N'ayez aucune inquiétude, personne ne saura jamais que vous êtes partie prenante dans cette affaire. Je n'ai soulevé la question que parce que nous allons devoir réévaluer le prix d'origine.
- Nous avions un accord.
- Allons, allons... Vous savez bien que mon prix de départ n'est qu'une estimation, lui rappela Argel. J'ai dû dépenser trois fois plus que d'habitude pour retrouver la trace de cet objet particulier, mais je suis prêt à vous faire une fleur et à ne vous demander que le double du prix initial.
Bane serra les dents, car il savait que ses espoirs d'une conversation brève étaient dorénavant illusoires. Il disposait des fonds nécessaires pour payer la somme, évidemment – mais, afin de ne pas éveiller les soupçons, il avait un rôle à jouer, celui du marchand retors. S'il ne négociait pas jusqu'au bout, son attitude paraîtrait étrange.
- Je vous donne un bonus de dix pourcents. Rien de plus.
Durant les vingt minutes suivantes, ils marchandèrent âprement, pour finalement convenir d'une rallonge de quarante pourcents par rapport au prix d'origine.
- C'est toujours un plaisir de faire affaire avec vous, conclut Argel lorsque la somme fut définitivement fixée.
Le marchand glissa une main dans sa veste, et en sortit un tube fin et long d'environ trente centimètres. L'une de ses extrémités était scellée, l'autre fermée par une capsule vissée.
- Si l'objet ne vous donnait pas satisfaction, je serais heureux de le reprendre et de vous rembourser... moins une commission raisonnable, bien sûr, précisa Argel en le tendant à son client.
- Je doute fort qu'on en arrive là, répondit Bane en refermant les doigts sur le cylindre.
La transaction effectuée, il n'y avait aucune raison de s'attarder dans la cantina. Le Seigneur Noir était impatient d'admirer son butin, mais il résista à la tentation et attendit d'être en sécurité, dans l'annexe lui servant de bibliothèque, sur sa propriété. Là, à la lumière fade de l'unique plafonnier, il dévissa en douceur la capsule. Il fit basculer le tube et laissa l'unique feuille roulée à l'intérieur glisser sur la table.
Les instructions transmis à Argel avaient été des plus simples : rechercher tout livre, ouvrage, document, manuscrit ou parchemin où était mentionné un Seigneur Sith appelé Darth Andeddu. Il ne pouvait en dire plus, au risque de provoquer des questions gênantes, mais il avait espéré que cela suffirait.
Pendant deux mois, son fournisseur n'avait rien trouvé – et puis, alors que Bane commençait à penser que les Jedi avaient réussi à enterrer toute trace d'Andeddu et de ses secrets, Argel lui avait annoncé cette livraison.
Le parchemin était jauni par le temps, et Bane le déplia avec mille précautions. Ce faisait, il s'émerveilla de la longue succession d'événements qui avaient abouti à sa possession. Il avait décidé de rechercher ce document, mais d'une certaine façon, il avait le sentiment que son choix n'était pas uniquement sien. Le parchemin faisait partie de l'héritage Sith, héritage qui revenait aujourd'hui de plein droit à Bane. C'était presque comme s'il avait été destiné à le trouver, aussi inévitablement que le triomphe final du Côté Obscur sur la Lumière.
La page avait été fabriquée avec la peau d'un animal qu'il ne pouvait identifier. D'un côté, elle était rugueuse et parsemée de taches sombres. De l'autre, décolorée et grattée jusqu'à être plane, avant d'être couverte d'un texte manuscrit dans une langue que Bane reconnut instantanément.
Les lettres étaient anguleuses, acérées, d'un tracé agressif. C'était l'alphabet des premiers Sith, éteints depuis fort longtemps, qui avaient régné sur Korriban près de cent mille ans plus tôt.
Cela ne signifiait pas que le document fût aussi ancien, bien sûr, seulement que le scripteur révérait et respectait suffisamment la culture Sith pour adopter son langage.
Bane commença à lire en bataillant avec le dialecte archaïque. Comme Argel l'avait promis, il ne fut pas déçu du contenu. Le parchemin était une proclamation religieuse déclarant Darth Andeddu le Roi Immortel et Éternel du monde de Prakith. Pour commémorer cet événement capital, précisait le texte, un grand temple serait construit en son honneur.
Satisfait, Bane roula le parchemin et le rangea dans son étui. Bien que long seulement de quelques paragraphes rédigés sur une unique page, le manuscrit lui avait donné ce dont il avait besoin.
Les disciples d'Andeddu avaient érigé un temple en son honneur sur Prakith, un monde du Noyau Profond. Bane n'avait plus aucun doute, c'était là qu'il trouverait l'Holocron du Seigneur Sith. Malheureusement, il fallait qu'il imagine un stratagème lui permettant de l'acquérir sans éveiller les soupçons de Zannah.
L'Holocron d'Andeddu offrait la promesse de l'immortalité, et grâce à lui, il pourrait vivre assez longtemps pour choisir et former un nouvel apprenti. Il était improbable que son élève actuelle ait la moindre idée quant à la signification de l'Holocron, mais il ne souhaitait courir aucun risque. Même si elle répugnait à le défier ouvertement, si elle découvrait qu'il prévoyait de prendre un autre apprenti, elle ferait tout pour l'en empêcher.
Il ne pouvait permettre que la peur d'être remplacée devienne le catalyseur qui pousserait enfin Zannah à le défier. Riposter parce qu'elle savait simplement qu'elle risquait d'être écartée n'était rien de plus que la manifestation d'un instinct de survie très ordinaire. Ses successeurs devraient faire plus que seulement survivre, si les Sith voulaient espérer gagner en puissance pour détruire les Jedi. Le défi de Zannah devait provenir de sa propre initiative, non en réaction à quelque chose qu'il faisait. Sinon, cela n'avait aucune valeur.
C'était ce paradoxe inhérent à la relation Maître-Apprenti qui avait mis Bane dans une position intenable.
Il ne pouvait envoyer Zannah à la recherche de l'Holocron, et si lui-même se lançait dans cette quête, la jeune femme se douterait très certainement de quelque chose. Il voyageait rarement en-dehors de cette planète, à présent. Toute destination plus lointaine la mettrait immédiatement sur ses gardes. Elle risquait de tenter de le pister, ou de lui tendre un piège en retour.
Quoiqu'elle ait déçu Bane en tardant autant à le défier, Zannah demeurait une adversaire formidablement dangereuse. Il était possible qu'elle ait le dessus, mais alors, les Sith auraient un chef qui manquait de l'ambition et de la volonté indispensables. Son autosatisfaction infecterait l'Ordre, qui finirait par s'étioler et mourir.
Il ne laisserait pas une telle chose se produire. En conséquence, il lui fallait trouver comment occuper l'attention de Zannah pendant qu'il entreprendrait le long et périlleux voyage pour le Noyau Profond.
Par chance, il avait déjà une petite idée.
