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Chapitre n°115 :
De précieuses informations
Ils marchèrent sur deux kilomètres, pour atteindre la première station de navettes, attendirent un quart d'heure l'arrivée d'un appareil, puis effectuèrent un vol de quarante minutes avant de se poser au spatioport. Il était minuit passé, et l'endroit – qui n'était jamais très fréquenté, même aux heures d'affluence – était maintenant désert, à l'exception de quelques individus assignés à l'équipe de nuit.
À la différence de ce qui était la règle sur les plateformes hautement surveillées de Ciutric, les autorités spatioportuaires de Doan ne prenaient pas la peine d'enregistrer les vaisseaux à leur arrivée. En fait, elles semblaient se limiter à percevoir la taxe d'atterrissage.
Ils franchirent les portes non gardées.
- Votre ami, que fait-il ici ?
- Équipe entretien, répondit le Rodien.
Zannah n'était pas certaine qu'un employé de maintenance soit en mesure de l'aider à pister un vaisseau parti deux jours plus tôt, mais elle tint sa langue tandis que son guide la menait dans la zone de départ et d'arrivée, puis au-dehors, sur l'aire d'atterrissage située à l'arrière.
Une douzaine de navettes de taille moyenne pouvaient y stationner, tout au plus, mais la grande majorité de la circulation interstellaire de Doan s'effectuait soit à partir des aires privées des riches nobles, sur leurs propriétés, soit c'étaient des cargos s'occupant des opérations minières, qui avaient d'autres sites dédiés. Les gens qui se posaient ici, au spatioport public, étaient peu nombreux, et les mouvements espacés.
L'aire était mal éclairée par une poignée de projecteurs fixés au sommet de hauts réverbères, mais même ainsi, Zannah constata qu'il n'y avait que trois appareils sur les lieux, dont sa propre navette. À demi-dissimulé dans la pénombre, à la limite de l'aire, un jeune homme était affalé sur une chaise. Il portait un uniforme de gardien froissé, avec un badge d'identité réglementaire, ses bras pendaient mollement le long de son corps et il ronflait sans retenue.
Quano s'approcha de lui et, d'un coup de pied dans la chaise, le réveilla en sursaut.
- Pommât, debout.
L'autre regarda autour de lui, avec l'expression un peu ahurie de quelqu'un qui dort encore à moitié, puis il se redressa sur son siège. Lorsque ses yeux s'arrêtèrent sur Zannah, il eut un haussement de sourcils suggestif.
- Eh, Quano. Qui est ta mignonne copine ?
- Mon nom n'a pas d'importance, répondit Zannah avant que le Rodien n'ait le temps de le faire. On m'a dit que vous pourriez m'aider à retrouver la piste d'un vaisseau qui est passé ici il y a deux jours.
L'homme se tourna vers Quano.
- Être pas problème. Elle gentille. Elle amie.
Le jeune homme reporta son attention sur Zannah, et croisa les bras d'un air mécontent.
- Ouais, c'est ça. Une amie qui ne veut même pas nous dire son nom...
Elle sentait qu'il avait une volonté plus affirmée que le tenancier de la cantina, mais malléable tout de même. Le fait que Pommât la trouve manifestement à son goût pourrait aider aussi, si toutefois elle acceptait de lui faire un peu de charme.
- Je suis une amie qui a des crédits, répondit-elle avec une timidité feinte. Si vous avez ce que je recherche.
L'homme remua la tête d'avant en arrière à plusieurs reprises, avant de décroiser les bras et de passer ses doigts en éventail dans sa tignasse. Zannah eut une moue malicieuse tout en le touchant avec la Force.
- Allons, Pommât. Je ne recherche pas le genre silencieux.
- Bon, d'accord, fit-il. Je peux aider, enfin, peut-être. Que voulez-vous savoir ?
- Il y a quelques jours, un homme aux cheveux longs et blancs est arrivé sur Doan. Est-il passé par ce spatioport ?
Elle connaissait déjà la réponse. À moins que l'homme n'ait des relations parmi les nobles, c'était la seule plateforme de débarquement dans un rayon de mille kilomètres – mais, dans des négociations, l'une des tactiques de base consistait à commencer par des question amenant des réponses positives. La personne interrogée était ensuite mieux disposée à s'accorder avec vous sur des sujets plus importants.
- Oh, ouais. Je me souviens de lui. Chouette tacot. Une navette classe. Intérieur customisé. Le top. Encore plus chouette que la tienne.
- Comment savez-vous à quoi ressemble l'intérieur de sa navette ? demanda Zannah, soudain soupçonneuse.
Il y eut un silence très bref, puis Pommât et Quano éclatèrent de rire.
- Pommât contrebandier, expliqua le Rodien lorsqu'il eut repris son souffle.
- Pas exactement, voulut corriger Pommât. C'est juste un petit business que j'ai mis au point pour aider à payer mes factures, vous comprenez ?
- Non, répondit Zannah sur un ton plus sec. Je ne comprends pas. Pourquoi ne pas m'expliquer ?
- Waouh, tu n'es pas commode, poupée, dit Pommât. Bon, je te fais le topo. La nuit, je suis seul à bosser ici. Je peux faire à peu près tout ce que je veux, y compris m'introduire dans la navette de quelqu'un.
- Vous n'avez pas de soucis avec les systèmes de sécurité ?
- Je n'en ai jamais trouvé que je ne pouvais pas débrancher, dit-il en gonflant la poitrine. C'est un de mes nombreux talents. Si tu as de la chance, peut-être que je te ferai une démonstration des autres, plus tard.
Elle ignora l'allusion un peu ridicule et insista, car elle voulait en apprendre le plus possible :
- Donc, vous vous introduisez dans les navettes en transit pour voler ce que vous y trouvez ?
- Non. Ce serait stupide. Les gens le remarqueraient si, au départ, il leur manquait quelque chose. Ils le feraient savoir à mon patron, et il ne mettrait pas longtemps à deviner qui est derrière ces vols.
- Alors, que faites-vous, exactement ?
- Tu vas adorer, se vanta Pommât avec un clin d'œil. Une fois à l'intérieur, je pirate l'ordinateur de bord et je charge toutes les infos sur un datapd. J'ai tout : propriétaire, planète où l'appareil a été enregistré, routes hyperspatiales couramment empruntées. Je sais qui possède le tacot, où il est allé et sur quelle planète se trouve son spatioport d'attache.
- Malin, reconnut Zannah. Mais que faites-vous de ces infos ?
- C'est là que ça devient du grand art, répondit-il, visiblement très satisfait de lui. J'ai un accord avec un type sur Kessel. Chaque mois, il m'envoie un chargement de glitterstim.
Le glitterstim était une épice interdite sur la plupart des mondes, car provoquant une addiction très puissante. Doan n'avait cependant pas de lois en interdisant l'importation. Et il n'y aurait, de toute façon, personne aux spatioports pour faire appliquer les lois si elles existaient, songea Zannah.
- Je ne revends pas l'épice ici, poursuivit Pommât. Personne n'aurait assez pour se l'offrir, à part les nobles, mais ils refusent tout contact avec les classes inférieures. Mais j'ai des contacts dans les spatioports d'un paquet d'autres planètes de la Bordure Extérieure. Donc, disons que je pirate l'ordi de bord d'une navette et que je découvre qu'elle vient d'Aralia. J'appelle mon contact sur cette planète, et je vois s'il a envie que je lui envoie une livraison. Après avoir convenu du prix, je me glisse dans l'appareil pendant l'absence de son proprio et j'y planque un peu d'épice. Ensuite, je dis à mon contact où récupérer son colis, je lui donne l'immatriculation de la navette, et il prévient l'un de ses potes au spatioport de lui faire savoir quand l'appareil revient sur Aralia. Il lui suffit ensuite d'attendre que le proprio ne soit pas là pour monter à bord et récupérer l'envoi, et il vire les crédits sur mon compte, ici, sur Doan. Le proprio du tacot ignore tout de notre petit échange !
- La contrebande d'épice est une infraction majeure sur Aralia, remarqua Zannah.
- C'est là que c'est top. Si les douanes décident de fouiller un de ces tacots, c'est le proprio qui écope, pas nous. Avec ce système, impossible de nous tracer !
Pour la jeune femme, toute l'opération paraissait plutôt minable et mal conçue. Elle ne se souciat guère que Pommât laisse volontiers des innocents subir des peines horribles pour qu'il puisse grappiller quelques centaines de crédits de temps à autres, mais les détails techniques lui semblaient plus critiquables. Ce système de contrebande avait manifestement été mis en place pour profiter d'une simple opportunité, mais elle le jugeait inefficace et peu fiable. Néanmoins, elle n'allait pas ruiner les bons rapports qu'elle commençait à établir avec ce petit trafiquant.
- Je ne m'étais pas rendue compte que j'avais affaire à un génie du crime, dit-elle d'un ton à moitié ironique, qui amena un sourire en biais sur le visage de Pommât. Et donc, quand l'homme aux cheveux blancs a quitté sa navette, vous y êtes entré et vous avez piraté les données de son ordinateur de bord ?
- Et j'ai tout ici, sur mon datapad, se rengorgea le jeune homme en tapotant la poche de sa tenue.
- Vous connaissez donc son nom ? Vous savez d'où il vient ?
- Exact... mais ça va te coûter un paquet.
Zannah sourit et eut un petit mouvement de tête en guise d'acceptation.
- Bien sûr. Fixez votre prix.
- Viser haut, intervint le Rodien à l'adresse de son compère. Quano droit moitié.
Pommât lui lança un regard désapprobateur, avant de balbutier son offre de départ :
- Euh... Quatre cent crédits ?
Elle n'était pas d'humeur à négocier.
- Marché conclu.
À son expression dépitée, elle sut que Pommât regrettait subitement de ne pas avoir demandé beaucoup plus.
Elle sortit de sous sa cape la somme indiquée, et la tendit au jeune homme.
- J'écoute.
- Le tacot est enregistré au nom d'un certain Zun Haako, dit Pommât après avoir donné à regret deux cents crédits à Quano et empoché le reste.
- Haako est un nom de Neimoidien, souligna Zannah. L'homme que je recherche est un humain.
- Bah, peut-être que la navette a été volée.
- Je commence à penser que cette information ne vaut pas la somme que je viens de débourser...
- Eh, le nom enregistré est peut-être un faux, mais les données de l'ordi de bord sont justes, lui affirma le contrebandier. La navette venait de Nal Hutta.
- Vous en êtes certain ?
- Aucun doute possible.
- Simple curiosité : il transporte l'un de vos petits colis à son insu ?
- Non, répondit-il avec une moue de regret. Je n'ai pas de client sur cette planète. Les Hutts n'aiment pas trop qu'on empiète sur leur domaine, tu sais ?
- Vous avez probablement pris la bonne décision en vous abstenant.
Quano éclata d'un rire qui tenait presque de l'aboiement hystérique.
- Et pour ma navette, demanda-t-elle en conservant un ton léger. Pas de petite surprise glissée à bord ?
- Non. Tu es le premier appareil venant de Ciutric à te poser ici, et je n'ai aucun contact sur ton monde. À moins que tu ne sois intéressée par l'établissement d'une relation à long terme ? ajouta-t-il avec une œillade salace.
Zannah répondit en sortant son sabre-laser, dont elle alluma la double-lame rouge à chaque extrémité de la poignée. Elle agit avec la vitesse fulgurante de la Force, et son premier coup vicieux trancha net le bras tendu de Pommât au niveau du coude, et grava un sillon mortel en travers de sa poitrine, tandis que le second décapitait proprement Quano. Tous deux étaient morts, avant même d'avoir seulement eu le temps d'afficher une expression de surprise.
Cela fait, elle éteignit son arme, et les deux lames disparurent dans un bourdonnement bas. Elle ne tuait pas sans motif, mais Pommât avait révélé qu'il la savait en provenance de Ciutric, et elle n'avait donc d'autre choix que de l'éliminer, ainsi que le Rodien. Les Jedi viendraient peut-être enquêter encore sur la mort de Medd, et elle ne pouvait prendre le risque qu'ils remontent la piste de sa navette jusqu'à la propriété où elle vivait avec Bane. Elle n'aimait pas laisser d'indices derrière elle.
Elle s'accroupit et prit le datapad dans la proche de Pommât, ainsi que les crédits qu'elle lui avait donnés, avant de faire de même pour Quano. Puis, elle chargea les cadavres et les morceaux de corps sur un chariot à répulsion servant à transporter les bagages encombrants dans le spatioport. Si un Jedi venait fouiner dans les parages, elle ne voulait pas qu'on découvre que quelqu'un armé d'un sabre-laser avait tué deux personnes.
Après avoir chargé les deux corps dans sa navette, elle jeta un dernier coup d'œil pour vérifier qu'elle ne laissait pas d'indice derrière elle. Satisfaite, elle se rendit dans le cockpit et se prépara au décollage.
Elle pourrait se débarrasser des cadavres en les larguant près du soleil de Doan, juste avant le saut dans l'hyperespace, et ainsi, elle ne laisserait aucune preuve physique qui pourrait la relier à cette planète. Ensuite, direction Nal Hutta, bien qu'elle ne pût pas dire si elle allait y éliminer un rival ou recruter un apprenti.
