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Encore une attaque que Bane n'a pas vue venir... décidément...
Chapitre n°122 :
Piégé dans son propre manoir
À son retour sur Ciutric, Bane eut la surprise de constater que le vaisseau de Zannah n'était pas là, mais il fut heureux qu'elle ne l'attende pas à la propriété. Il n'était pas en état de batailler avec elle maintenant. Il se sentait même trop las pour inventer un mensonge expliquant son absence sans éveiller les soupçons de l'apprentie. Pourtant, alors que l'airspeeder arrivait en vue de la maison, il savait que même si Zannah l'avait attendu, son voyage aurait été fructueux. Le savoir d'Andeddu était sien, à présent. Ces derniers jours, son cerveau avait incorporé les informations brutes volées. Il comprenait pleinement le rituel du transfert d'essence. Il avait appris les techniques qui lui permettraient de faire passer sa conscience de son propre corps défaillant à un autre. Il lui suffisait de sélectionner une victime appropriée.
Trouver une nouvelle enveloppe physique à investir était, sans nul doute, la partie la plus ardue du rituel. Il avait besoin de quelqu'un qui soit physiquement assez solide pour supporter les quantités massives d'énergie tirées du Côté Obscur qu'il utiliserait dans les années à venir, et en même temps, il lui fallait un individu mentalement suffisamment vulnérable pour le plier à sa volonté. Le meilleur candidat aurait été un clone, une enveloppe charnelle vide, sans pensée ni identité propres, mais la création de ce clone aurait demandé plusieurs années, et Bane n'était pas certain de disposer d'un tel délai.
Il lui faudrait donc posséder le corps d'une victime vivante, et c'était une entreprise très dangereuse. Il n'aurait droit qu'à un essai – quelque soit le résultat, son propre corps serait détruit. Et si sa cible possédait une volonté assez forte pour lui résister, la tentative échouerait et son esprit serait précipité dans le néant, où il resterait banni pour l'éternité.
Il posa son appareil et en descendit avec le sac marin contenant l'Holocron. D'un pas lourd et lent, il s'approcha de l'entrée de la demeure.
Il faut que ce soit quelqu'un de jeune. Moins de trente ans.
Il ouvrit la porte et pénétra dans l'entrée. La porte se referma d'elle-même derrière lui.
Quelqu'un d'assez naïf et inexpérimenté. Peut-être...
Il se figea. Il n'était pas seul. Il sentait la présence d'intrus partout : postés au coin des couloirs, accroupis sur les marches, cachés derrière les meubles, perchés sur le balcon.
Il sut tout cela en moins d'un dixième de seconde – le temps que les détonateurs soniques, placés à sa droite et à sa gauche, se déclenchent.
Leur hurlement assourdissant fit tituber Bane, qui ne put que s'écarter de la porte, sa seule issue pour fuir. Instinctivement, il lâcha le sac et plaqua les mains sur ses oreilles. L'ennemi fut sur lui en un éclair.
Ils jaillirent comme une nuée d'insectes. Quatre soldats armés de fusils incapacitants tirèrent une salve de décharges depuis le balcon. Toujours affecté par les détonateurs soniques, Bane eut à peine le temps de dresser un bouclier invisible.
Dans le même temps, il sentit quelque chose qui le combattait. Une force indéfinie essayait de bloquer sa capacité à puiser dans la Force pour se protéger. Le phénomène n'était pas assez puissant pour l'en empêcher, mais il suffit à gêner suffisamment ses efforts pour qu'un éclair d'énergie franchisse son bouclier.
Ses muscles se tétanisèrent sous le choc. Son dos s'arqua, et ses bras et sa tête furent rejetés en arrière. Chaque nerf de son corps s'embrasa. La douleur ne dura qu'un instant, mais il perdit l'équilibre et s'écroula au sol.
Il bondit aussitôt sur ses pieds, et en même temps qu'il saisissait son sabre-laser de la main droite, il envoya un éclair avec les doigts de la gauche. Les décharges violettes auraient dû calciner les quatre cibles visées sur le balcon, mais une fois encore, l'étrange pouvoir qui interférait avec son usage de la Force amoindrit sa riposte.
Trois des victimes furent électrocutées, et moururent avant d'avoir le temps de crier. La quatrième, cependant, réussit à se jeter en arrière et évita l'attaque.
Bane n'eut pas le loisir de la neutraliser. Deux mercenaires surgirent d'un couloir sur sa gauche, tandis que trois autres apparaissaient sur sa droite. Ils ouvrirent le feu avec des lance-filets, qui crachèrent de longs jets de maillage synthétique gluant.
Ses assaillants étaient rusés, ils coordonnaient leurs efforts. Deux visèrent ses pieds pour le coller au sol, tandis que les autres se concentraient sur son torse dans le but d'immobiliser ses bras avec la matière visqueuse – mais Bane n'avait pas l'intention de se laisser faire.
D'un bond, il saisit le lustre au plafond avec sa main gauche. Projetant ses jambes pour prendre de l'élan, il s'élança dans l'air pour atterrir sur le balcon, où il avait l'avantage d'une position haute.
Il se reçut lourdement, toujours à cause de cet étrange pouvoir qui amoindrissait ses capacités. Les cadavres des trois soldats étaient éparpillés autour de lui. À sa droite, se trouvait l'escalier menant à l'entrée, et droit devant lui, le couloir qui rejoignait une autre aile du manoir.
Une Iktotchi se tenait au bout du couloir, un long couteau acéré dans chaque main. Elle lui adressa un rictus de défi, et à cet instant, Bane sut qui interférait avec son aptitude à utiliser la Force.
Elle se rua sur lui. Bane ploya légèrement les jambes en position de combat, sachant que ces poignards ne pourraient rien contre son sabre-laser. Ce fut seulement alors qu'il remarqua les grenades aveuglantes sur le sol, à ses pieds, à côté des cadavres.
Leur explosion créa une lumière intense, accompagnée d'une fumée chimique qui l'aveugla. Désorienté, il partit en arrière et son dos heurta la balustrade du balcon. Un instant plus tard, il sentit les semelles des bottes de l'Iktotchi le percuter en pleine poitrine. Le choc le renversa par-dessus la balustrade, et il chuta de quatre mètres.
Il entra en contact avec le sol de marbre si violemment qu'il en eut le souffle coupé. L'impact lui arracha le sabre-laser des doigts, et l'arme effectua une longue glissade sur le dallage. Aussitôt, il fut enveloppé par les décharges gluantes des lance-filets, et il se retrouva cloué au sol.
Darth Bane était à moitié aveugle et immobilisé, et ce fut sa fureur qui le sauva. Grâce à ses années d'entraînement, il concentra instantanément toute sa douleur et sa rage pour déchaîner la puissance du Côté Obscur. Une fois encore, il sentit la barrière de l'Iktotchi qui s'opposait à lui, mais il la balaya aussi aisément que si elle n'avait jamais existé.
Pendant un instant, ce fut comme si le monde autour de lui se figeait. Sa vision souffrait toujours des effets des grenades aveuglantes, mais la Force qui courait dans tout son corps lui donnait une conscience surnaturelle de son environnement, et la scène lui apparut en esprit dans ses moindres détails.
Les soldats étaient disséminés partout dans l'entrée, et se déplaçaient pour prendre de nouvelles positions en vue de la phase suivante de leur assaut. Ils étaient aguerris, mais il pouvait sentir leur peur. Ils savaient que le combat était encore loin de son terme. L'Iktotchi avait sauté par-dessus la balustrade à sa poursuite. Elle était suspendue dans l'air, ses deux lames écartées comme si elle s'apprêtait à se recevoir au sol. Bane se voyait lui-même recouvert d'un épais manteau d'adhésif chimique qui séchait rapidement.
Bien que la durée de ce tableau figé n'excédât pas une fraction de seconde, il apprit au Seigneur Noir tout ce qu'il voulait savoir. L'instant passa, et le ballet des mouvements reprit.
L'Iktotchi toucha le sol au moment où Bane lâchait une vague d'électricité, qui grésilla en calcinant la toile d'araignée des lance-filets. Elle mit un genou à terre et se fendit pour le frapper alors qu'il était encore à terre, mais il la vit venir à travers la Force. Il réussit à rouler de côté, et s'en tira avec une simple estafilade à un avant-bras avant de se relever vivement.
Répondant à sa volonté, le sabre-laser bondit du sol et vola jusqu'à sa main ouverte, mais l'Iktotchi battait déjà en retraite. Maintenant qu'il n'était plus sans défense, elle préférait laisser les autres passer à l'action.
Plusieurs grenades aveuglantes explosèrent encore autour de lui, mais il ne se fiait plus à sa vision physique pour se guider. Des jets de filets gluants décrivirent de longs arcs dans l'air vers lui, et il les brûla avant qu'ils ne l'atteignent. Une demi-douzaine de grenades à concussion, lancées de tous les côtés à la fois, rebondirent sur le sol près de lui. Lorsqu'elles explosèrent, Bane s'enveloppa simplement dans la Force, créant un cocon protecteur qui absorba les impacts et le laissa parfaitement indemne.
Deux hommes se redressèrent derrière un canapé proche, et tirèrent avec leurs fusils incapacitants. Bane para les décharges avec son sabre-laser, puis il tendit sa main libre et projeta le canapé contre le mur, écrasant les ennemis qui s'en étaient servis pour se cacher.
Il se tourna aussitôt vers deux autres adversaires, armés de lance-filets. D'un seul mouvement de son sabre-laser, il les coupa en deux à l'horizontale, juste au-dessus de la ceinture. Une autre salve de décharges incapacitantes arriva trop tard pour les sauver. Bane n'était déjà plus là.
Un simple saut périlleux, et il se retrouva sur le balcon, face à l'Iktotchi.
- Vous ne pouvez pas vous sauver, lui dit-il.
- Je n'essayais pas de le faire, siffla-t-elle en se ruant sur lui, lames pointées.
Elle était plus rapide qu'il ne l'avait d'abord cru. Elle attaqua vivement, assez bas. Il n'eut pas le temps de simplement l'abattre, et dut esquiver d'une rotation.
Il tenta de lui trancher le bras avec son sabre-laser au passage, mais elle avait anticipé sa riposte et elle réussit à se contorsionner suffisamment pour que la lame du Sith ne fende que l'air.
Ils se trouvaient désormais dans des positions inverses de celles de leur premier affrontement, avec l'Iktotchi dos contre la balustrade. Bane frappa avec la Force, et le choc la fit basculer en arrière, exactement comme lui une minute plus tôt.
Elle tordit son corps dans l'air et accomplit l'exploit de se recevoir sur ses pieds, ce qui lui permit de s'écarter d'un bond lorsque Bane lança un éclair sur elle. Au lieu de son corps calciné, la décharge ne laissa qu'un cercle fumant sur le marbre du sol.
Dans l'escalier, les soldats tirèrent sur lui avec leurs fusils incapacitants. Bane ne prit même pas la peine de riposter. Il se contenta d'esquiver leur attaque en bondissant par-dessus la balustrade. Les autres mercenaires n'étaient rien pour lui. Seule l'Iktotchi l'intéressait à présent, car elle était l'unique adversaire à représenter une menace réelle. Dès qu'il l'aurait éliminée, il pourrait s'occuper des soldats.
Il atterrit en ployant les jambes pour absorber l'impact – et soudain, tout versa dans les ténèbres.
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~oOo~
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La Chasseuse n'aurait pu dire combien de temps s'était écoulé depuis qu'elle avait entaillé l'avant-bras du Seigneur Sith avec sa lame enduite de senflax, mais il y avait tout intérêt à ce que la neurotoxine agisse très vite.
Jedder était mort, écrasé contre le mur par un meuble, et au moins cinq autre mercenaires avaient succombé. Le Sith concentrait maintenant tous ses efforts sur elle.
L'Iktotchi savait qu'elle ne pourrait pas avoir le dessus. Son adversaire était trop fort. Les stratagèmes qu'elle avait utilisés contre le Sith l'avaient d'abord ralenti, mais ils n'avaient plus aucun effet désormais. Le senflax était sa seule chance de survivre.
Elle vit le Sith sauter du balcon à sa suite. Il atterrit en pliant les jambes, se tourna vers elle... et s'écroula d'un bloc. Il gisait désormais sur le flanc, et ses yeux ouverts semblaient braqués sur elle. Les pupilles étaient injectées de sang, en réaction aux produits chimiques dégagés par les grenades aveuglantes.
La Chasseuse guetta un clignement de paupières. Après un temps, et sans avoir détecté le moindre mouvement chez son adversaire, elle leva une main et lança :
- Cessez le feu ! Cessez le feu !
L'idée lui traversa l'esprit que cette paralysie apparente n'était peut-être qu'une ruse, mais elle repoussa aussitôt cette éventualité. Le Sith n'avait pas besoin de stratagèmes pour remporter la victoire. Il était manifestement plus fort qu'eux. La seule explication était que la drogue avait enfin accompli son miracle. D'après les instructions qu'elle avait reçues, ils disposaient de quatre heures avant de devoir lui administrer une autre dose de neurotoxine.
Jedder étant mort, les mercenaires se tournèrent vers elle. La Chasseuse ferma les yeux et tendit son esprit à la recherche d'un conseil. Quelqu'un d'autre approchait – la femme blonde qu'elle avait vue au campement sur Ambria.
- Vous trois, amenez les airspeeders devant l'entrée, aboya-t-elle. Les autres, ramassez les corps. Ne laissez rien derrière vous qui pourrait relier ce qu'il s'est passé ici à la princesse.
Les survivants se hâtèrent d'exécuter ses ordres. Il était inutile de les houspiller pour qu'ils se dépêchent, car ils agissaient déjà aussi vite qu'ils le pouvaient. Tous étaient impatients de quitter cet endroit, où trop de leurs compagnons d'armes avaient péri.
Sur une impulsion, elle se baissa et ramassa le sabre-laser à présent éteint. Elle fit tourner la poignée incurvée entre ses doigts, et l'examina avec intérêt. Elle alluma l'arme et fut surprise de sa légèreté.
- Et pour ça ? demanda l'un des soldats en brandissant le sac marin que le Sith avait lâché dès le début de l'assaut.
- On l'emporte aussi, dit-elle sans prendre la peine de savoir ce qu'il contenait. Vous le donnerez à la princesse.
Séduite par son nouveau jouet, elle fit quelques mouvements lents avec cette arme singulière, puis elle l'éteignit et l'empocha, tout comme elle l'avait fait avec la petite pyramide en cristal découverte dans la bibliothèque.
Cinq minutes plus tard, leur prisonnier et les cadavres des mercenaires étaient chargés dans le compartiment arrière des speeders, et ils faisaient route vers la navette qui les ramènerait sur Doan.
