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Chapitre n°123 :
Prête pour le défi
Lorsque Zannah gara le Victory dans le hangar qu'on lui avait assigné au spatioport de Ciutric IV, elle éprouva un soudain sentiment de malaise.
- Un problème ? demanda Set qui, depuis le siège du copilote, avait perçu son trouble.
Je vais défier mon Maître dans un combat à mort, et je ne suis toujours pas certaine de ne pas avoir commis une erreur en te choisissant comme apprenti.
- Ce n'est rien.
Set eut un haussement d'épaules nonchalant. Il avait incliné le dossier contre son siège, étendu les jambes et posé les pieds sur le tableau de bord. Si lui-même était anxieux, il le cachait bien.
Zannah coupa les moteurs. Elle ne pouvait pas se départir de l'impression que quelque chose n'allait pas du tout, mais elle était allée trop loin pour reculer maintenant.
Est-ce une prémonition de ma propre mort ? Bane va-t-il mettre fin à ma vie cette nuit ?
- Et maintenant ? demanda Set en reposant les pieds sur le plancher et en se redressant.
Lorsqu'il avait accepté son offre, Zannah avait très nettement décelé sa réticence. Toutefois, pendant le trajet vers Ciutric, il lui avait paru se faire à cette idée. Et désormais, il semblait presque impatient – mais, bien sûr, la jeune Sith était consciente qu'il pouvait s'agir là d'une simple simulation de sa part.
- Quand nous arriverons à la propriété, tu devras attendre à l'extérieur, lui dit-elle. Mon Maître n'aime pas recevoir chez lui les gens qu'il n'a pas lui-même invités.
- Je me cacherai dans les buissons comme un chiot kath apeuré, promit-il.
- Ce n'est pas un jeu, fit-elle.
- Tout est un jeu, répliqua-t-il. C'est simplement l'un de ceux où l'on ne peut pas se permettre de perdre.
- Si je perds, tu pourrais finir raide mort, toi aussi.
- À moins que je ne finisse nouvel apprenti de votre Maître, fit-il avec un sourire narquois.
- Tu ne le trouverais pas aussi tolérant que moi pour ton impertinence.
- Alors j'espère sincèrement que vous l'emporterez. Ce sera tout, Maîtresse ?
Zannah acquiesça, et Set se leva de son siège pour effectuer une courbette exagérée. Il inclina la tête si bas que ses cheveux retombèrent devant lui comme un rideau argenté.
- Montrez le chemin, et je le suivrai, dit-il, presque moqueur.
Elle ne put s'empêcher de se demander comment Bane aurait réagi face à ce comportement irrévérencieux. Les conséquences auraient sans nul doute été rudes, mais Zannah avait décidé de laisser le Jedi Noir se détendre peu à peu. Elle l'avait blessé dans son amour-propre en l'humiliant par une victoire facile lors de leur affrontement, et il était important qu'il retrouve un peu d'assurance. Et si ses railleries l'aidaient à accepter son rôle d'apprenti, elle voulait bien les tolérer... jusqu'à un certain point.
Set comprenait tout cela, bien sûr. Elle savait qu'il testait les limites de leur relation. D'un autre côté, elle aussi l'avait mis à l'épreuve, et jusqu'ici, il avait été suffisamment intelligent pour savoir quand s'arrêter.
Laissant leurs bagages dans le vaisseau, ils quittèrent le hangar et se rendirent au bureau des douanes, situé à l'avant du spatioport. Chet, le jeune officier qui lui avait parlé la dernière fois qu'elle avait quitté Ciutric, était de service.
- Bonsoir, Dame Omek, dit-il avec un petit signe de tête. Je vais faire amener votre speeder.
- Merci, Chet.
- Désirez-vous que j'envoie quelqu'un prendre vos bagages ?
- Je les récupérai demain matin.
Si je suis toujours en vie.
- Vous ne me présentez pas à votre ami ? intervint Set.
Zannah lui intima le silence d'un regard.
Chet remarqua l'échange, mais la jeune femme n'aurait pu dire ce qu'il en déduisait. Quelques secondes de silence passèrent, avant que l'officier des douanes déclare :
- Puis-je vous parler en privé un moment, Dame Omek ?
Intriguée, elle adressa un signe à Set, qui s'éloigna, l'air quelque peu vexé.
- Un vaisseau non-enregistré est entré dans l'atmosphère, il y a quelques heures, murmura Chet lorsque le Jedi Noir fut hors de portée. Il s'est posé dans la jungle à une centaine de kilomètres à l'est du spatioport.
Curieux, songea Zannah.
Ciutric était situé au carrefour de plusieurs routes commerciales importantes, mais les taxes prélevées par les douanes étaient minimes. Aucun commerçant régulier n'aurait pris le risque de se poser dans une jungle aussi sauvage, simplement pour éviter de remplir quelques formulaires et d'économiser une poignée de crédits, et il n'y avait pas de contrebande dans la région. Si tel avait été le cas, Bane et elle auraient été au courant.
- Une idée de qui il pourrait s'agir ?
- Non. Ils se sont posés hors de notre juridiction, et comme ils n'ont pas émis de signal de détresse, personne n'a pris la peine d'envoyer une patrouille pour se renseigner.
Elle n'était pas surprise de ce manque d'intérêt officiel pour un vaisseau non-enregistré. Ciutric était une planète où l'on respectait les lois, et de ce fait, la sécurité planétaire n'était pas très poussée. C'était d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles Bane avait choisi de s'installer là.
Il n'en restait pas moins que la chose était curieuse. Ce vaisseau avait-il un rapport avec le trouble qu'elle avait ressenti en arrivant ?
- Vous avez dit qu'il s'est posé à l'est ?
Notre propriété se trouve à l'est de la ville...
- Oui. Les senseurs l'ont détecté environ deux heures avant que votre frère revienne.
- Mon frère ?
- Oh, fit Chet d'un air un peu étonné. Je pensais que vous étiez au courant. Il est parti le lendemain de votre départ, et il est revenu cette nuit.
- Une idée de sa destination ?
L'officier des douanes secoua la tête.
- Non, désolé.
Un millier d'hypothèses tourbillonnaient dans l'esprit de Zannah lorsque le préposé du spatioport arriva avec son speeder. Bane ne quittait quasiment jamais Ciutric. Pour ses affaires, les gens venaient le voir, ou bien il envoyait son apprentie. Quelque chose avait dû survenir, quelque chose de trop important et urgent pour qu'il attende son retour – à moins qu'il n'ait eu une affaire qu'il voulait régler en personne.
Mais alors, était-il possible qu'il l'ait envoyée sur Doan pour se débarrasser d'elle temporairement ?
Elle n'imaginait qu'une raison pour une telle attitude de la part de son Maître : il cherchait quelqu'un pour la remplacer !
- Un problème ? demanda de nouveau Set, qui était revenu tranquillement.
- Tout va bien.
Elle ne tenait pas à trahir son appréhension à l'un ou l'autre des deux hommes. Elle grimpa dans le speeder, et d'un geste, ordonna à Set de l'imiter.
- Merci pour l'information, Chet.
Tandis que le speeder rugissant s'élançait dans les airs, elle réfléchit aux options qui s'offraient à elle. Si Bane était seul, elle le défierait, comme prévu – mais s'il avait trouvé quelqu'un d'autre pour devenir son héritier, la situation s'en trouverait notablement compliquée.
Si Bane l'avait rejetée, la Règle des Deux s'appliquait-elle toujours à elle ? Ou bien Bane et son nouvel apprenti conjugueraient-ils leurs forces pour la vaincre, en tant qu'ennemie des Sith ? Si cela se produisait, elle ne s'en sortirait pas seule.
Et en supposant que les choses tournent mal, elle n'avait aucune assurance que le Jedi Noir assis à côté d'elle viendrait à son aide – mais elle n'avait pas vraiment le choix. Elle avait décidé de défier Bane ce soir, et elle n'allait pas reculer maintenant. Elle avait attendu ce moment trop longtemps, et elle l'avait reporté trop souvent.
- Sois sur tes gardes quand nous nous poserons, dit-elle à Set.
- Je suis toujours sur mes gardes, affirma-t-il.
L'appréhension de Zannah continua de croître, à mesure qu'ils approchaient de la propriété, mais elle se rendit bientôt compte qu'elle ne percevait pas la présence de son Maître. Perplexe, elle posa le speeder et vit que la porte d'entrée était grande ouverte.
- Attends ici.
