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Un Sith de nouveau en liberté ?
Chapitre n°128 :
Une force de la nature
Bane sentait la morsure froide du fer à ses poignets, et un sourire dur glissa sur ses lèvres. La douleur signifiait que les effets du sédatif s'estompaient. La grisaille du brouillard qui avait obscurci ses pensées se dissipaient, et son esprit retrouvait peu à peu son acuité.
Il pouvait de nouveau sentir le pouvoir du Côté Obscur, et ce pouvoir était très marqué, ici. Le résultat de siècles de souffrances et de misère planait dans l'air. Entre ces murs, Bane pouvait presque entendre se répercuter les innombrables cris de victimes.
Les souvenirs relatifs à la dernière heure écoulée étaient encore brumeux et confus, mais il en savait assez. Sa capture avait été orchestrée par la fille de Caleb et cette mystérieuse Iktotchi qui s'était tenue à côté d'elle pendant son interrogatoire – et il devait sa libération à l'autre jeune femme présente.
Il ignorait pourquoi la femme à la peau sombre lui avait fait cette injection libératrice, après le départ des deux autres. Il était encore sous l'emprise de la neurotoxine à ce moment-là, mais il avait la certitude qu'il ne s'agissait pas d'un accident ou d'une erreur. Elle avait été très consciente de ce qu'elle faisait. Qui elle était et pourquoi elle avait agi de la sorte, cependant, demeuraient pour lui des énigmes.
Toutefois, son identité ou ses raisons n'avaient pas d'importance pour ce qui concernait le futur immédiat de Bane. Elle lui avait fourni l'aide dont il avait besoin, et bientôt, il serait prêt à l'action.
La douleur s'était diffusée bien au-delà de ses poignets. Ses épaules lui donnaient l'impression de s'être déboîtées, à force de supporter tout le poids de son corps. Les profondes entailles sur sa joue l'élançaient, et il sentait les filets de sang qui coulaient jusqu'au bas de sa mâchoire, avant de goutter sur le sol.
Il est temps.
Il releva la tête et vérifia que la porte de sa cellule était bien close. Il tenait à prendre l'ennemi par surprise. Il commença à concentrer le pouvoir de la Force. Un instant plus tard, les anneaux métalliques qui enserraient ses poignets et ses chevilles se brisèrent, explosant en mille fragments sous l'effet d'une simple pensée.
Il s'écroula au sol – ses muscles épuisés n'étaient pas préparés à soutenir le poids de son corps. Il mit un peu de temps à se ressaisir, mais une poussée d'adrénaline l'envahit, et il se redressa lentement.
Sans son sabre-laser, il se sentait un peu nu, mais il n'était tout de même pas désemparé sans cette arme. Il possédait maints autres moyens pour se débarrasser de ses ennemis.
En trois enjambées, il fut devant l'épaisse porte en duracier de la cellule. Il posa sa paume gauche contre le panneau, et fit appel à la Force pour le projeter au-dehors. Le lourd battant vola à travers la salle de garde, tuant sur le coup l'un des mercenaires qui jouaient aux cartes.
Ses cinq camarades se levèrent précipitamment et saisirent leurs armes. Bane frappa avec la Force. La furie de son attaque fut amoindrie par les derniers effets de la drogue, mais elle suffit à renverser ses adversaires et envoyer la table percuter le mur, contre lequel elle se fendit en deux.
Bane fondit sur les gardes tel un fauve enragé, et ses mouvements étaient si rapides que l'œil ne pouvait les suivre. De sa botte, il broya la trachée de l'ennemi le plus proche. L'étau de son bras musclé se referma par-derrière sur le cou d'un autre. Il appliqua sa paume libre sous le menton du mercenaire, et d'une simple poussée, lui tourna la tête sur le côté jusqu'à ce que la nuque cède.
Ses trois derniers adversaires s'étaient remis debout et avaient dégainé leurs blasters. Bane arracha une courte vibrolame à la ceinture de sa dernière victime, et l'enfonça dans le ventre d'une femme avant qu'elle ne puisse ajuster son tir. Elle se plia en deux sous le coup, et lâcha son arme.
Bane plongea et saisit le pistolet avant qu'il ne touche le sol. Les décharges de ses adversaires miaulèrent au-dessus de lui, tandis qu'il roulait sur le dos et plaçait deux tirs parfaitement ciblés. Les gardes s'effondrèrent ensemble, le visage pulvérisé.
Une autre porte en duracier bloquait la sortie. Bane l'arracha de ses gonds, après avoir jeté le blaster dans la pièce. Il fonça dans l'escalier et percuta de l'épaule la porte à son sommet. Le panneau fut arraché de son logement. À un étage supérieur, quelqu'un déclencha l'alarme et une sirène assourdissante se mit à hurler.
Au-delà de la porte, un autre escalier menait à son sommet au même obstacle. Bane enfonça cette porte d'un coup d'épaule aussi irrésistible que le précédent. L'énorme panneau de duracier fut projeté dans la pièce, et le Sith jaillit en titubant sous la puissance de son élan.
Les quatre gardes présents avaient été alertés par la sirène et le vacarme de la fusillade. Au contraire des premiers adversaires, ils s'attendaient à son arrivée. L'arme braquée, ils firent feu aussitôt.
Cependant, la violence viscérale de son assaut au niveau inférieur avait enclenché en Bane le cycle croissant de ses émotions, et l'accumulation du pouvoir du Côté Obscur. Il riposta par une explosion d'énergie, qui déferla de son corps en une vague violette accompagnée de crépitements.
Les décharges de l'ennemi furent absorbées et neutralisées dans la tempête ionique, et les blasters fondirent entre les mains des tireurs. La puanteur de la chair brûlée se mêla aux hurlements d'agonie et au vacarme continu de la sirène, ce qui eut pour effet d'augmenter davantage le pouvoir de Bane.
Un genou à terre, il crispa les deux poings et tendit les bras de chaque côté, puis il ouvrit les mains, doigts écartés au maximum. La vague de Force renversa les gardes et les envoya percuter les murs, si violemment que leurs os se brisèrent.
Bane se releva au centre de ce carnage. Une demi-douzaine de corps jonchaient le sol autour de lui, telles des marionnettes désarticulées, les organes internes réduits à l'état de pulpe. L'une de ces victimes eut un ultime hoquet, qui expulsa une mousse sanglante. Tous les autres mercenaires s'étaient immobilisés à jamais.
Il fut très désagréablement surpris de ne voir ni la fille de Caleb ni l'Iktotchi parmi ses victimes. Il avait certes senti que quelques gardes fuyaient cette pièce alors qu'il gravissait en trombe l'escalier, mais aucune de ces deux-là n'était dans le groupe. Et parmi les cadavres, il n'identifiait pas non plus la femme à la peau sombre qui l'avait sauvé, même s'il s'intéressait moins à elle – pour le moment, du moins.
Il avait débusqué Serra une fois déjà, par le passé. Il pouvait y parvenir de nouveau, car comme son père, elle était détentrice d'un pouvoir qu'on pouvait repérer à travers la Force.
Tu ne peux pas t'échapper. Je te trouverai.
Il fit appel à ses souvenirs anciens, puis il sonda les lieux avec son esprit, en se concentrant pour isoler cette présence inimitable.
Elle est toujours ici, dans la prison, et elle n'est pas seule.
Sa conscience balaya les couloirs, et passa sur les esprits de tous ceux qui les parcouraient. Il avait senti la présence de Serra, ainsi que celle de plusieurs autres individus puissants, mais celle d'une personne en particulier retint son attention.
Zannah. Que fait-elle ici ?
Son apprentie avait-elle pris part à sa capture, d'une façon ou d'une autre ? Était-elle venue pour le secourir ? Ou pour l'empêcher de s'évader ?
Quelle que soit l'explication, Bane était certain d'une chose : il ne voulait pas l'affronter maintenant – pas alors qu'il en était encore à se remettre des toxines que Serra avait employées pour le désarmer, et certainement pas sans son sabre-laser.
Elle était à sa recherche. Il sentait qu'elle tendait son esprit vers lui, et elle se rapprochait. Néanmoins, il existait toujours des moyens de la contrer. De subtiles manipulations de la Force pouvaient semer la confusion à elle, et l'égarer.
En théorie, il était possible de leurrer Zannah tout en traquant la fille de Caleb, quoique peu de personnes aient la maîtrise suffisante pour accomplir simultanément deux tâches mentales aussi exigeantes – mais la volonté de Bane était aussi puissante que sa musculature, et il en avait toujours été ainsi.
S'il se montrait rapide, rusé et prudent, il conserverait de bonnes chances de trouver sa proie et de sortir vivant de la prison.
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~oOo~
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Des larmes de colère, de honte et de frustration coulaient sur le visage de la princesse. Elle les avait contenues en passant devant les gardes, mais dès qu'il n'y avait plus eu personne pour la voir, elle s'était lâchée.
Son plan pour venger la mort de son père, et se libérer des souvenirs traumatisants de son enfance, avait lamentablement échoué. Elle avait voulu que le Seigneur Sith reconnaisse son erreur, qu'il s'excuse et demande le pardon pour ce qu'il avait fait subir à Caleb. Elle avait voulu qu'il implore sa pitié.
Elle s'était convaincue que cela l'aiderait à accepter la disparition injuste non seulement de son père, mais aussi de son mari. Elle avait pensé que cela aiderait à redonner un peu de sens à un univers cruel et aléatoire. Elle avait espéré que cela lui amènerait la paix.
Mais rien ne s'était produit comme elle l'avait prévu. Le prisonnier n'avait montré absolument aucun regret. Il avait déformé tous les actes de Serra, pour y trouver une justification perverse de ce en quoi il croyait. Il avait également donné l'apparence de la logique à la mort de Caleb.
Et il a retourné ta meilleure amie contre toi.
Les paroles du Sith l'avaient déstabilisée, mais bien moins que l'attitude de Lucia. C'était la garde du corps qui avait engagé la Chasseuse pour venger la mort de Gerran, et à présent, elle semblait déterminée à empêcher Serra de venger Caleb.
Pour la princesse, cela n'avait aucun sens. Elle s'était attendue à ce que Lucia l'épaule pendant la confrontation, qu'elle la soutienne alors qu'elle affrontait ce démon venu du passé, afin qu'elle triomphe de ses peurs. Or, son amie avait fait tout le contraire, en prenant la défense du prisonnier.
Comment as-tu pu me tourner le dos de la sorte ? Alors que j'avais le plus besoin de toi ?
Serra avait fui la cellule pour échapper à la folie, sans même se soucier d'où elle allait. D'un pas nerveux, elle s'était précipitée au hasard dans le dédale de couloirs.
Elle ne savait pas où elle allait, ni ce qu'elle faisait. Elle avait seulement besoin de réfléchir – pour trouver un sens à tout cela, pour être seule.
Mais elle n'était pas seule.
La fatigue physique finit par l'aider à contrôler le tumulte émotionnel qui l'habitait, et après plusieurs minutes, elle retrouva un semblant de maîtrise d'elle-même. Les larmes cessèrent, et elle ralentit. Ce fut alors qu'elle entendit les pas de quelqu'un qui la suivait à quelques mètres de distance.
Elle fit aussitôt halte, essuya ses yeux d'un revers de main et se retourna. Elle espérait découvrir Lucia. Elle se retrouva face à face avec la tueuse Iktotchi.
- Pourquoi m'espionnez-vous ?
- Si je vous espionnais, vous ne m'auriez pas entendue, répondit la Chasseuse sans se départir de son calme implacable. Je vous ai suivie, mais je n'ai fait aucun effort pour dissimuler ma présence.
- Alors, pourquoi m'avez-vous suivie ?
- Je voulais voir ce que vous alliez faire. Je suis curieuse d'apprendre de quelle façon vous réagirez à votre échec.
Les lèvres de Serra se crispèrent, mais elle réussit à garder le reste de son visage inexpressif, comme un reflet de celui de l'autre femme. Il était vain de nier ce qu'il s'était passé, puisque l'Iktotchi en avait été témoin, mais la princesse n'était pas prête à reconnaître sa défaite.
- Je me remettrai de cet échec, et je recommencerai, déclara-t-elle. Et la prochaine fois que je lui parlerai, je serai préparée à déjouer ses pièges.
- Il n'y aura pas de prochaine fois, répliqua la Chasseuse. Vous aviez sa vie entre vos mains. Il était à votre merci, mais vous avez choisi de l'épargner, et maintenant, il est trop tard. Son destin et son avenir vous ont échappé. Vous êtes impuissante, de nouveau.
Elle avait parlé sans malice ni méchanceté, et ses paroles n'en étaient que plus cinglantes. Serra se rendit alors compte qu'il y avait quelque chose de malfaisant chez cette femme. Elle n'était pas simplement une tueuse à gages. Elle se servait de son aptitude à sentir le futur pour diffuser la souffrance et la mort.
- Je ne veux plus de vous, fit la princesse avec fermeté. Vous avez rempli votre contrat, et vous avez déjà été payée. Alors, partez.
- Le futur est brumeux pour l'instant, admit l'Iktotchi. Les événements oscillent sur le fil du rasoir, et je ne peux pas prévoir de quel côté ils vont verser. Je veux rester pour voir ce qu'il se passera lorsque le prisonnier se libérera.
- Il ne se libérera jamais ! s'écria Serra. Je ne permettrai pas que cela arrive !
- Vous ne pouvez pas l'empêcher. Il est déjà trop tard. Lucia vous a trahie. Je l'ai lu dans ses yeux lorsque vous êtes partie. Elle veut sauver l'homme que vous voulez détruire.
Serra secoua la tête, mais malgré son désir de nier la chose, elle ne put l'exprimer.
Elle l'a défendu pendant l'interrogatoire. Elle a essayé de le protéger.
- Pourquoi n'avoir rien dit plus tôt ? demanda-t-elle, perplexe. Pourquoi ne pas m'avoir mise en garde ?
- Vous l'avez dit, j'ai déjà été payée. Mon contrat consistait à vous le livrer, rien de plus.
- Alors, pourquoi me dites-vous cela maintenant ?!
L'Iktotchi ne répondit pas, mais un soupçon d'émotion apparut sur son visage lorsque les coins de sa bouche se relevèrent en un sourire cruel.
Elle se délecte du malheur des autres.
Serra faillit déclara que jamais Lucia ne la trahirait, mais la sirène de la Prison de Pierre la prit de vitesse. À cet instant, elle sut que tout ce que la Chasseuse venait de dire était vrai. Le prisonnier s'était libéré, avec l'aide de Lucia.
- Non ! cria-t-elle en se prenant la tête entre les mains, alors que le monde s'écroulait autour d'elle pour la seconde fois ce même jour. Non !
L'Iktotchi souriait largement à présent, ce qui transformait les tatouages sous sa lèvre inférieure en crocs.
- Non ! lança encore la princesse.
Il ne peut pas s'échapper. Pas maintenant. Pas après tout ce qu'il s'est passé.
- Non !
Elle tourna les talons, et s'engouffra dans l'un des couloirs les plus proches. Un plan désespéré venait de germer dans son esprit.
